Un cantique nouveau

Jean Kœchlin

Psaume 40

Le psaume 40 fait partie de ceux qu'on appelle «messianiques». Il se présente comme un cantique dans lequel Christ lui-même raconte prophétiquement l'histoire de son humanité, avec les conséquences qu'elle a pour la gloire de Dieu, pour sa propre joie et aussi pour la nôtre. La structure remarquable de ce psaume se lie à quatre déclarations qui prennent leur origine en dehors de l'espace et du temps, et entraînent le croyant jusque dans l'avenir le plus lointain. Alors les pensées et les «œuvres merveilleuses» de Dieu seront éternellement célébrées dans le cantique nouveau. Celui-ci, toujours recommencé, a été entonné par le Sauveur ressuscité, désormais entouré de la multitude de ses rachetés. Apprenons-le encore une fois ensemble sous sa direction, avant de le chanter autour de lui et avec lui pendant l'éternité.

«J'ai dit: Voici, je viens…» (versets 6-8)

C'est dans ces versets que nous entendons ce qu'on appellerait volontiers la première strophe de ce cantique. Elle est citée et commentée en Hébreux 10. Son thème est un entretien qui a lieu dans le ciel pour faire face à la ruine entraînée par le péché. On y découvre, avant même leur institution, l'inefficacité des sacrifices de l'ancienne économie. Ceux-ci constataient le péché mais, loin d'y apporter remède, le remettaient en mémoire autant de fois qu'ils étaient offerts.

Alors, devançant le besoin, le Fils se présente spontanément: «Voici, je viens, pour faire, ô Dieu, ta volonté». Cette volonté parfaite du Père exigeait, il le savait, un sacrifice parfait. Et puisque, pour l'homme, la perfection réside dans l'obéissance à Dieu, la nécessité de prendre la forme d'un homme pour obéir est ici sous-entendue: «Tu m'as creusé des oreilles», rendu en Hébreux 10 par: «Tu m'as formé un corps». Christ se présente et, pleinement conscient du prix que lui coûtera cette obéissance, il en parle pourtant comme étant ses «délices». Il fera son entrée dans le monde à la manière de l'homme, par la naissance. Il y marchera comme tout homme est responsable d'y marcher, dans l'obéissance à Dieu. Seulement lui, sans péché, le fera de façon parfaite. La mort n'aura sur lui aucun pouvoir, mais il soumettra son âme à la mort parce qu'il portera nos péchés (Ésaïe 53:12). Et sa mort sera suivie d'une résurrection triomphante à laquelle il associera les siens.

La déclaration du verset 8 nous apprend que le grand secret de l'obéissance du Fils au Père est l'amour: «C'est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir». D'une manière générale, pour un être humain, la soumission constitue une pénible obligation, une entrave à sa propre volonté. Et les exigences de la loi ne font que mettre cette difficulté en évidence. Mais pour le Fils, cette loi est «au-dedans de ses entrailles», elle est entièrement conforme à ses affections, elle inspire ses pensées, dicte ses paroles, guide sa marche, soutient son service. Cela nous rappelle en même temps le principe, valable pour chacun de nous, que l'obéissance à Dieu par plaisir caractérise le nouvel homme. L'heureux privilège de ceux qui ont, par grâce, reçu l'Esprit d'adoption, c'est, à l'image du Premier-né, la soumission par amour.

 «J'ai annoncé la justice… je n'ai point caché ta justice…» (versets 9, 10)

Cette seconde strophe nous transporte dans le temps. Christ y est vu maintenant au milieu des hommes qu'il est venu visiter, et ce qui le caractérise, c'est la justice pratique; il l'annonce et il la vit. Elle ne demeure pas cachée au-dedans de son cœur dans cette communion d'amour avec son Père qui inspire toute sa conduite. Si ses motifs profonds échappaient à ceux qui le voyaient vivre, la justice de ses actes leur était évidente. «Il nous est convenable d'accomplir toute justice», pouvait-il dire à Jean dès l'entrée dans son ministère. À quoi Dieu répondit aussitôt du ciel: «En lui j'ai trouvé mon plaisir» (Matthieu 3:15-17). C'était comme un témoignage rendu à toutes les années d'enfance et de jeunesse de Jésus, années cachées, mais dont s'était satisfait le regard de Dieu et sur lesquelles il met son approbation.

Mais la justice est aussi annoncée. Cette expression résume ce que nous appelons le Sermon sur la montagne, dans les chapitres 5 à 7 de l'évangile de Matthieu, et, en fait, tout l'enseignement du Seigneur Jésus. Il rend témoignage à la fidélité de Dieu en même temps qu'à son salut gratuit, à sa bonté en même temps qu'à sa vérité. Il était, dans sa vie et dans ses paroles, la parfaite manifestation de Dieu et était en droit de déclarer: «Celui qui m'a vu, a vu le Père» (Jean 14:9).

«Mes iniquités m'ont atteint…» (versets 11-17)

Troisième tableau, troisième évocation des œuvres merveilleuses de Dieu, et c'est la croix de Jésus qui est devant nous. Comme dans bien d'autres psaumes, ce sont les sentiments du Sauveur qui s'expriment, tandis qu'il prend la mesure des iniquités qu'il s'approprie. «Mes iniquités», s'écrie-t-il, alors que c'étaient les miennes et les vôtres! Elles sont innombrables, (au psaume 38, verset 4 elles étaient «trop pesantes»), au point qu'il ajoute: «Mon cœur m'a abandonné». Alors il fait appel à celui qui précisément pour la première fois l'abandonne; il lui adresse ce cri déchirant: «Qu'il te plaise, ô Éternel! de me délivrer. Éternel! hâte-toi de me secourir». Mais le ciel reste sourd, la prière ne passe pas. Quelle détresse!

Certes on ne peut placer les versets 14 et 15 dans la bouche du Sauveur, puisque on l'entend dans l'évangile implorer le pardon de Dieu sur ceux qui le crucifient. Mais le fait qu'ils soient désignés comme «ceux qui cherchent mon âme pour la détruire… ceux qui prennent plaisir à mon malheur», traduit la douleur poignante de son cœur devant leur ingratitude et leur haine. En même temps, sa pensée peut se porter sur ceux qui cherchent Dieu, qui se réjouissent en lui et le magnifient. Lui-même est l'Affligé, le Pauvre, et sa consolation est que le Seigneur pense à lui, même si la délivrance se fait attendre. Les appels au secours sont de plus en plus pressants, et le psaume s'achève sur le cri: «Mon Dieu! ne tarde pas».

«Il a entendu mon cri» (versets 1-5)

La réponse était préparée et c'est pour nous le faire comprendre que le psaume est introduit par ce qui en est la conclusion. Pour la même raison, le psaume 21 contient déjà les glorieuses réponses de Dieu à la honte et à l'abandon du psaume 22. La patience de l'Affligé a eu son œuvre parfaite. Il a «attendu patiemment…» Non d'abord la délivrance, mais l'Éternel lui-même. La joie de la communion est retrouvée. À la fin des trois heures de ténèbres, Jésus dira de nouveau «Père» (Luc 23:46). Oui, Dieu s'est penché vers lui et a entendu son cri de détresse. Celui qui pouvait sauver son Bien-aimé de la mort va maintenant l'exaucer à cause de sa piété (Hébreux 5:7). Le verset 2 évoque le puits de la destruction qu'est la mort, et le bourbier fangeux qui représente le péché dans son caractère de souillure (cf. Psaumes 69:2, 14, 15.) A l'image d'un homme sorti d'un marécage qui a failli l'engloutir, Christ vainqueur de la mort est dorénavant établi par son Dieu sur le roc inébranlable de la résurrection.

La louange de notre Dieu

Quelle sera la toute première pensée, la toute première activité de celui qui vient d'être délivré? Chanter un cantique à la louange de celui qui l'a sauvé de la mort, et même attribuer à celui-ci l'origine de son chant. «Il a mis dans ma bouche un cantique nouveau». On pense à Israël qui vient de traverser la mer Rouge, et qui aussitôt chante pour célébrer celui qui est à la fois sa force et son cantique après avoir été son salut (Exode 15:2). Ésaïe évoque le jour encore à venir où Israël reprendra les mêmes expressions: «Voici, Dieu est mon salut… ma force et mon cantique, et il a été mon salut… Chantez l'Éternel, car il a fait des choses magnifiques» (Ésaïe 12:2, 5).

À partir du verset 3 de notre psaume, apparaît un changement remarquable dans les paroles du Ressuscité. Dans la souffrance, il s'écriait «mon  Dieu» (versets 8, 17). Dans la louange, il célèbre «notre  Dieu». L'œuvre de la croix, il était seul à pouvoir l'accomplir. Mais les conséquences sont pour les «plusieurs» qui voient, qui craignent et qui se confient en ce Dieu puissant et Sauveur. Ils peuvent donc s'associer au cantique. Ce qu'ils ont vu, des yeux de leur cœur, c'est «l'opération de la puissance de sa force, qu'il a opérée dans le Christ, en le ressuscitant d'entre les morts» (Éphésiens 1:19, 20). Cette puissance est la démonstration et les prémices de celle qui bientôt honorera leur confiance et les arrachera eux aussi à leur condition terrestre. Ils font aujourd'hui partie des bienheureux du verset 4.

Et leur bonheur, ils l'expriment au verset 5 dans le cantique nouveau chanté comme d'une seule voix par le Sauveur et les rachetés auxquels il s'identifie: «Tes pensées envers nous…». Il reste éternellement «le Premier-né», celui qui a la prééminence (1 Chroniques 5:1, 2; Colossiens 1:18), mais il est inséparable des «plusieurs frères» qui sont au bénéfice du merveilleux plan de Dieu. Lui qui a dû dire sur la croix: mes iniquités sont trop nombreuses même pour les regarder, peut célébrer avec les siens les pensées et les œuvres merveilleuses de Dieu qui sont trop nombreuses pour les raconter.

Dès lors le verset 6 enchaîne…

Et le chant nouveau,

Toujours recommence,

Autour de l'Agneau.