Porter du fruit

P. Seignobos

D'après une méditation sur Jean 15:1-9; Galates 2:20; 3:22-26

Nous donnons parfois beaucoup plus d'importance au sujet du service qu'à celui du fruit. Nous pensons que le Seigneur nous laisse sur la terre pour faire quelque chose pour lui, et certes c'est vrai. Mais nous sommes appelés surtout, et avant tout, et tout au long de notre vie, à porter du fruit.

Souvent, nous pensons que si nous étions placés dans d'autres circonstances, dans un autre milieu professionnel, avec d'autres personnes, dans une autre famille, ou une autre assemblée, nous servirions mieux le Seigneur. Nous nous disons que si nous étions dans une autre époque que dans un temps de ruine et de déclin, nous porterions plus de fruit. Mais l'Écriture met tous ces raisonnements de côté. Le Seigneur nous montre que le fruit ne dépend que de la communion avec lui: «Séparés de moi — dit-il — vous ne pouvez rien faire» (Jean 15:5).

Chaque racheté, là où il est, et tel qu'il est, peut être en communion avec le Seigneur Jésus et recevoir de lui des communications vitales qui formeront le fruit en lui. Combien cela est encourageant, et en particulier pour les plus jeunes! Souvent ils pensent qu'ils porteront du fruit quand ils seront plus âgés, quand ils auront acquis une certaine connaissance. Mais le Seigneur Jésus en a porté déjà quand il était enfant. Nous le voyons quand il avait douze ans (Luc 2:41-52). Quel fruit a-t-il porté entre douze ans et le baptême de Jean?

L'Écriture passe sous silence cette période, mais lorsqu'elle s'est terminée, le ciel s'est ouvert et la voix du Père s'est fait entendre: «Tu es mon Fils bien-aimé; en toi j'ai trouvé mon plaisir» (Luc 3:22). Pendant toutes ces années de silence, le Père avait trouvé son plaisir dans son Fils bien-aimé. Ainsi, que nous soyons enfant ou adolescent, nous pouvons nous dire: Jésus, à mon âge, portait du fruit.

J'ai à cœur d'attirer l'attention sur l'importance qu'a, pour le chrétien, le fait de porter du fruit. Voyez l'apôtre Paul, alors qu'il était en prison. Son ministère se continuait, et il se prolonge, par ses épîtres, jusqu'à nous. Paul a porté du fruit, là en prison, et quel fruit, le fruit de l'Esprit! Les fruits spirituels sont autrement importants que les fruits matériels. Les choses visibles sur la terre passent. Les fruits qui sont invisibles, recueillis par le Père, demeurent. Tout le reste sera brûlé. Il ne restera que ce fruit, le fruit de l'Esprit, porté dans le secret le plus souvent, un fruit caché qui n'a pas d'attrait pour l'homme naturel, mais que le Père recherche et apprécie.

Dans l'image bien connue du cep et des sarments, notre attention est attirée sur la valeur du fruit pour le cultivateur. Le vigneron ne cherche pas à obtenir des sarments de grande apparence; ce qui l'intéresse, c'est le sarment qui porte du fruit. Il reconnaît l'utilité du sarment au fruit qu'il porte. Dieu n'est pas comme l'homme, qui est susceptible de se tromper — même quand il est prophète et qu'il s'appelle Samuel! Quand Samuel a dû oindre le roi choisi par Dieu, il a fallu que Dieu le reprenne, et lui dise: «l'Éternel ne regarde pas ce à quoi l'homme regarde, car l'homme regarde à l'apparence extérieure, et l'Éternel regarde au cœur» (1 Samuel 16:7). C'est là d'abord qu'il y a le fruit!

Dieu veut la réalité, «la vérité dans l'homme intérieur» (Psaumes 51:6). Nous ne pouvons pas tromper Dieu. Il est lumière. «Toutes choses sont nues et découvertes aux yeux de celui à qui nous avons affaire» (Hébreux 4:13). Dans le sanctuaire de Dieu, les mouvements de nos cœurs sont mesurés avec une précision divine. Nous avons aussi dans nos cœurs des appareils de mesure; nous sommes prévenus lorsque le trouble entre dans nos cœurs. Voilà l'alerte qui est donnée! Que se passe-t-il? Nous avons perdu la communion, sans avoir encore commis de péché, d'écart grossier. Lorsque l'alarme est donnée dans nos cœurs, attention de ne pas passer outre! L'œil de Dieu, dans le sanctuaire, l'a décelé bien avant nous. La Parole nous le dit: «La parole n'est pas encore sur ma langue, que voilà, ô Éternel! tu la connais tout entière» (Psaumes 139:4). C'est par Dieu lui-même, si nous restons dans sa communion, que nous serons prévenus des tempêtes. Dans la conscience de notre incapacité, reprenons pour nous-mêmes cette prière de David: «Sonde-moi, ô Dieu! et connais mon cœur; éprouve-moi, et connais mes pensées. Et regarde s'il y a en moi quelque voie de chagrin, et conduis-moi dans la voie éternelle» (Psaumes 139:23, 24).

Oui, Dieu veut la réalité. Il ne veut pas que nous soyons satisfaits de nous-mêmes. Voyez Job: il est soutenu par la grâce de Dieu quand il lui faut traverser l'épreuve, — et quelle épreuve! Même Satan est obligé de reconnaître que Job reste ferme. Alors surgit le danger: Job va-t-il être content de lui-même? Oui, hélas! Mais la fin du livre nous apprend comment Dieu s'est révélé à lui, de sorte qu'il a été amené à dire: «J'ai horreur de moi» (42:6).

«Je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi» (Galates 2:20). Nettoyage, dépouillement… pour que Jésus vive! «Portant toujours partout dans le corps la mort de Jésus,… afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle» (2 Corinthiens 4:10, 11). Comme la parole de Dieu est claire! Notre affaire, ce n'est pas de faire des efforts. Que le Seigneur nous garde de ces efforts de l'homme pour produire du fruit pour Dieu. Il y a des personnes toujours occupées d'elles-mêmes, et de leurs expériences. Peut-être disent-elles occasionnellement du mal à leur propre sujet, mais elles ont besoin d'être délivrées d'elles-mêmes.

Car la grande délivrance, c'est d'être délivré de soi-même. En effet, nous ne pouvons pas porter de fruit pour Dieu si nous n'avons pas été vidés de nous-mêmes. Lorsque l'Esprit agit dans nos cœurs, nous devenons pour nous-mêmes un fardeau de plus en plus pesant, jusqu'à ce que nous demandions à Dieu de nous délivrer de nous-mêmes. Cette délivrance, ce travail de l'Esprit, est un affranchissement renouvelé.

Il y a en effet un affranchissement initial. Nous acceptons par la foi qu'il n'y a aucun bien en nous, et que c'est l'Esprit seul qui peut produire quelque chose pour Dieu. Mais il faut en faire l'expérience chaque jour. C'est une chose d'avoir compris que «nous sommes morts avec Christ» — c'est notre position. Mais c'en est une autre de «mortifier nos membres qui sont sur la terre» (Colossiens 3:5). C'est une chose de dire: «la loi de l'Esprit de vie… m'a affranchi de la loi du péché et de la mort» (Romains 8:2), et une autre de «faire mourir les actions du corps», par l'Esprit (verset 13).

La première chose qui nous est demandée, c'est de reconnaître notre incapacité totale à faire le bien, et de nous abandonner sans réserve à Dieu, à sa bonté, à sa puissance, à l'action de son Esprit. Quand tout va bien, nous nous confions volontiers dans le Seigneur. Mais quand surgit une difficulté, un danger, au lieu de nous confier davantage dans le Seigneur, nous saisissons les rênes, comme pour lui dire: «Laisse-moi faire». C'est de la folie! L'intelligence selon Dieu consiste, précisément quand les choses vont mal, à laisser encore davantage au Seigneur les rênes de notre vie.

Le fruit, chers amis, voilà ce que le Père recherche! Pourquoi nous fait-il passer par toutes sortes de circonstances qui nous éprouvent? C'est parce qu'il veut produire un fruit dans notre vie, un fruit qui n'est pas pour nous-mêmes — un fruit porté pour Dieu, que Dieu seul peut apprécier.

Dieu permet la détresse

Afin de nous bénir;

Jamais sa main ne blesse

Pour nous faire souffrir.

Le sarment qu'il émonde

C'est celui qu'il chérit,

Afin que dans ce monde

Il porte plus de fruit.