Les immenses richesses de la grâce (Éphésiens 2:11-16)

D'après les études de Mulhouse (France, 1997)

Christ et les siens

Nous remarquons d'emblée la symétrie entre la fin du premier chapitre de cette épître et le début du second, entre ce que Dieu a fait pour Christ et ce qu'il a fait pour les rachetés. Le point de départ, c'est la mort, le point d'arrivée, ce sont les lieux célestes. Christ a passé par la mort, une mort volontaire, une mort qui était nécessaire entre autres pour y chercher l'homme perdu. Mais Dieu l'a ressuscité, l'a élevé, placé à sa droite comme Chef (ou tête) d'un corps qui va venir le compléter et dont il va maintenant s'occuper (1:20-23).

Alors le chapitre 2 enchaîne avec ce qui a été fait pour ceux qui constituent le corps, c'est-à-dire l'assemblée. Ils ont été trouvés dans la mort morale, conséquence de leurs fautes et de leurs péchés. Et, au verset 5, à cause de la richesse en miséricorde de notre Dieu, ces morts ont été vivifiés, ont été ressuscités ensemble, et introduits ensemble dans les lieux célestes. Ils sont là en Christ, par le fait de leur union avec lui. Les membres de son corps appartiennent en effet à la même sphère céleste que lui, après avoir suivi le même chemin.

Or ce corps de Christ, issu de la mort, est vu tout au long comme comprenant les Juifs et les nations ensemble. Jusque-là il y avait toujours eu entre eux, non seulement une différence, mais, nous allons le voir, une inimitié. Et maintenant les croyants de ces deux origines viennent s'unir, se confondre, pour constituer le corps de Christ, un corps vivant, uni à la Tête, et qui occupe de droit la même place que Celui dont il tient sa vie.

Afin de montrer les immenses richesses de sa grâce

Le verset 7 fait mention des immenses richesses de la grâce de Dieu. Celle-ci trouve sa mesure d'abord dans la distance parcourue par le Fils de Dieu s'anéantissant de la gloire divine à la crèche de Bethléem, puis s'abaissant toujours plus jusqu'à la mort de la croix. Mais elle se mesure aussi dans le contraste entre la condition dans laquelle il nous a trouvés et celle dans laquelle il nous place. Il ne pouvait pas nous prendre plus bas que la mort, ni nous élever plus haut que les lieux célestes. Ainsi sont déployées, dans toute leur immensité, ces richesses de la grâce de Dieu auxquelles déjà nous fait penser le cantique d'Anne. Cette femme de foi, dont le nom signifie «grâce», proclame la grandeur de celui qui, «de la poussière… fait lever le misérable» pour lui donner «en héritage un trône de gloire» (1 Samuel 2:8).

Or ces immenses richesses de la grâce, Dieu voulait les montrer. Ce verbe sous-entend des spectateurs, des témoins. Il fallait en effet qu'il y ait des êtres — ceux dont il est question au chapitre 3 (verset 10) — qui soient en mesure de découvrir une gloire nouvelle de leur Créateur, celle de sa grâce. En leur présentant l'Assemblée, objet de cette grâce, Dieu a voulu révéler à ces créatures célestes ce qui leur était jusque-là complètement inconnu. Et le contraste entre notre condition initiale de mort et la gloire à laquelle nous sommes amenés, proclame cet aspect totalement nouveau de la grandeur de Dieu, qu'est la grâce.

L'Église a place dans cette gloire avec Christ, et même si elle devait y rester silencieuse — nous savons que ce ne sera pas le cas — sa seule présence y rendra témoignage, aux yeux de toutes les créatures, à la grandeur de la gloire de la grâce de Dieu.

Une telle origine et une telle destination nous confondent. Voilà des gens qui ont marché dans les conditions décrites au verset 2, qui désormais sont vus assis  dans une position de repos glorieux, et qui, dans la conscience de cette position, sont appelés à marcher  d'une nouvelle manière: dans les bonnes œuvres préparées pour eux sur la terre où ils sont encore.

«Nous sommes son ouvrage», le mot suggère son chef d'œuvre, un objet d'art dont Dieu gardait le secret, et qu'il se réjouissait de présenter, le moment venu, à l'univers émerveillé. «Cela ne vient pas de vous», insiste le verset 8. Les croyants n'y sont pour rien. Ils ont été pris dans leur état d'impuissance et de misère totale, état amplement démontré et absolument désespéré, pour être alors placés sous les regards admiratifs de toutes les créatures de Dieu, y compris les habitants de la terre du millénium. En vérité, tout le plan d'amour de Dieu est là, et se déploie à propos de ces êtres choisis par la miséricorde souveraine de Dieu le Père pour être donnés à Dieu le Fils.

Israël et les nations

La répétition du mot «ensemble», à chaque étape du déroulement de ce merveilleux plan divin (vivifiés ensemble, ressuscités ensemble, nous a fait asseoir ensemble) met l'accent sur un autre aspect de la grâce de Dieu: celui de réunir enfin des personnes ayant des origines et des vocations fondamentalement différentes. Pour constituer le corps de Christ, Dieu se plaît à prendre et à réunir sous une autorité commune deux catégories d'êtres humains que tout séparait et opposait, Israël et les nations.

C'est à ces dernières que s'adresse spécialement cette épître, les interpellant au verset 11 et suivants, pour les rendre bien conscientes de leurs privilèges: «Vous, autrefois les nations dans la chair…»! Oui, rappelez-vous d'où vous venez, rappelez-vous que par rapport à Israël, vous n'aviez ni droit ni supériorité, au contraire. Vous étiez «incirconcision», méprisés par les Juifs qui eux étaient circoncis, portant le signe d'une séparation extérieure pour Dieu.

Le verset 12 nous rappelle cette condition des nations en contraste avec celle d'Israël, en énumérant tout ce que nous n'avions pas. Pas de Christ attendu, pas de Messie, personne pour régner sur nous! Nous en étions réduits à un état soit d'anarchie soit d'oppression par des hommes eux-mêmes violents et corrompus, abusant de leur pouvoir. Pas de droit de cité, à la différence d'Abraham qui, lui, attendait la cité qui a les fondements, dont Dieu est l'architecte et le Créateur (Hébreux 11:10). Étrangers aux alliances de la promesse; celles-ci, d'ailleurs sous condition, étaient réservées au peuple d'Israël. Il s'ensuit que les nations étaient sans espérance. Enfin, et c'était l'absence la plus tragique, sans Dieu dans le monde. Pas de Dieu! Beaucoup de faux dieux, beaucoup d'idoles, mais pas le Dieu vivant et vrai vers lequel se tourner. Quelles déficiences! Eh bien, tout ce que nous n'avions pas, maintenant nous l'avons, et combien richement! En Christ nous avons plus qu'un roi, nous avons un Époux. Non seulement nous avons un droit de cité, mais nous sommes la sainte Cité. Les très grandes et précieuses promesses dont nous bénéficions ne sont pas conditionnées par une alliance bilatérale; elles sont garanties par la seule parole de Dieu. Nous n'avions pas d'espérance, à la différence des douze tribus qui, «en servant Dieu sans relâche nuit et jour», pouvaient «espérer parvenir» à la promesse (Actes des Apôtres 26:7); l'Église, elle, possède une espérance qualifiée de bienheureuse et qui n'est pas conditionnée par son travail. Enfin, nous n'avons pas seulement comme Israël un Dieu unique, certes favorable à son peuple, mais justement redoutable. Non, nous sommes en relation avec le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, notre Père et notre Dieu.

Quelles bénédictions incomparables! Elles deviennent aussi la part de ceux d'Israël qui sont désormais unis aux nations pour être mis au bénéfice de la merveilleuse grâce divine. Oui, quelle force prend le «maintenant» du verset 13, en contraste avec le «autrefois» du verset 11 et celui du verset 2.

Plus de différence donc, entre les croyants des deux origines; désormais ils sont vus ensemble. Le mur mitoyen de clôture, notion que les Juifs pouvaient bien comprendre, était désormais détruit. Il avait été durant des siècles comme matérialisé par le mur entourant le parvis du temple, que ceux des nations ne pouvaient franchir sous peine de mort. Dès lors, nous aimons à nous reporter à cette parole de Jacob au sujet de son fils préféré: «Joseph est une branche qui porte du fruit… ses rameaux poussent par-dessus la muraille» (Genèse 49:22). On se souvient que Joseph avait deux fils aux noms prophétiques: Éphraïm, qui signifie «double fertilité», comme pour annoncer déjà ce fruit que Dieu trouverait aussi parmi les nations. Et Manassé: «qui fait oublier», nous fait penser à l'invitation «Écoute, fille!… et oublie ton peuple et la maison de ton père» (Psaumes 45:10).

Et ce résultat de l'œuvre de Christ se trouve souligné non seulement par le mot ensemble, état actuel, mais par celui d'inimitié, rappel de l'état antérieur. Il existait en effet une inimitié foncière, tant des nations contre les Juifs, que des Juifs contre les nations. De la part de ces dernières contre Israël, elle se manifeste depuis l'Égypte et tout au long de son histoire. Le livre d'Esther l'illustre particulièrement. Et jusqu'à aujourd'hui subsiste cette haine tenace, inassouvie, derrière laquelle on discerne l'effort permanent de Satan cherchant à anéantir ce peuple, objet des promesses de Dieu.

Quant à l'animosité des Juifs vis-à-vis des nations, elle s'exprime tout au long du livre des Actes par la violence dont ils font preuve envers les apôtres lorsqu'ils constatent que l'évangile qu'ils ont refusé est désormais apporté aussi à ces païens méprisés.

C'est une des merveilles de la grâce qu'elle abolisse enfin cette inimitié ancestrale (verset 14). Plus que cela, elle la tue (verset 16). «Ayant tué par elle l'inimitié». Ce verbe est particulièrement fort et évocateur. Jadis c'était les gens des nations qui voulaient tuer les Juifs et les Juifs qui voulaient tuer les gens des nations. Eh bien maintenant, c'est l'inimitié qui est tuée! Et comment cela? Par la croix de Christ, c'est-à-dire par sa mort à lui. Rappelons encore une fois les conséquences incalculables de la croix du Seigneur Jésus.

Enfin les versets 15 et 16 nous parlent d'un seul homme nouveau, d'un seul corps, composé de ceux qui étaient loin (les nations) et de ceux qui étaient près (les Juifs). Ils sont les uns et les autres approchés par le même sang de Christ, et ils ont, les uns et les autres, accès auprès du même Père par un seul et même Esprit.