La parole de Dieu et le discernement spirituel (suite)

Jacques-André Monard

Le discernement spirituel

Aux instructions orales données à Moïse concernant le tabernacle, et au modèle montré sur la montagne, l'Éternel avait jugé bon d'ajouter le don d'une sagesse spéciale. Il l'avait accordée à Betsaleël et à d'autres, par l'action de son Esprit. De la même manière, Dieu nous donne aujourd'hui les ressources de son Esprit et du discernement qu'il produit dans les cœurs des siens par son moyen. C'est un grand sujet. Nous voulons essayer d'en considérer quelques aspects.

L'insuffisance de l'intelligence naturelle

Notre intelligence naturelle, si grande qu'elle puisse être, ne nous est d'aucun secours pour comprendre les pensées et la volonté de Dieu. Elle peut même nous fourvoyer. Le Seigneur a dit: «Je te loue, ô Père, … parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux petits enfants» (Matthieu 11:25). L'apôtre Paul développe ce sujet dans 1 Corinthiens 1 et 2, dont nous retenons en particulier ceci: «Qui des hommes connaît les choses de l'homme, si ce n'est l'esprit de l'homme qui est en lui? Ainsi personne ne connaît les choses de Dieu non plus, si ce n'est l'Esprit de Dieu. Mais nous, nous avons reçu, non l'esprit du monde, mais l'Esprit qui est de Dieu, afin que nous connaissions les choses qui nous ont été librement données par Dieu» (1 Corinthiens 2:11, 12). Le Saint Esprit nous est nécessaire pour comprendre les choses de Dieu. «L'Esprit sonde toutes choses, même les choses profondes de Dieu» (verset 10). L'apôtre Jean dit aussi: «L'onction que vous avez reçue de lui… vous enseigne à l'égard de toutes choses» (1 Jean 2:27).

Cependant, l'action du Saint Esprit dans le croyant n'est pas un automatisme, si l'on ose dire ainsi. Elle est liée à l'état pratique de nos cœurs. Selon que nous nous laissons conduire par la chair ou par l'Esprit, des fruits caractéristiques sont produits (Galates 5:19-22). Si nous sommes habituellement conduits par la chair, nous sommes des hommes charnels; et si nous sommes habituellement conduits par l'Esprit, nous devenons des hommes spirituels (cf. 1 Corinthiens 3:1-3).

Croissance spirituelle

Dans ce passage de 1 Corinthiens 3, les chrétiens charnels sont assimilés à «de petits enfants» en Christ, qui doivent encore être nourris au «lait», et ne peuvent supporter «la viande» (verset 2). De la même manière, le chapitre 5 de l'épître aux Hébreux présente l'enseignement chrétien sous les deux images contrastées du lait et de la nourriture solide — le lait pour les petits enfants et la nourriture solide pour les hommes faits (versets 12-14). C'est la même parole de Dieu, mais présentée à des niveaux différents, selon l'état des auditeurs. Aux uns, on ne peut communiquer que «les premiers rudiments des oracles de Dieu»; aux autres, on peut annoncer «tout le conseil de Dieu» (Actes des Apôtres 20:27), même «les choses difficiles à expliquer». Il est bien normal qu'au début de sa carrière, un chrétien soit encore un petit enfant en Christ, et ait besoin d'une nourriture simple, adaptée à son développement. C'est ce qui lui permet de croître jusqu'à l'état d'homme fait. La croissance des Corinthiens avait été entravée par leur état charnel, et celle des Hébreux par leur paresse à écouter. Qu'en est-il de la nôtre?

Discernement du bien et du mal

«La nourriture solide est pour les hommes faits, qui, par le fait de l'habitude, ont les sens exercés à discerner le bien et le mal» (Hébreux 5:14). L'homme possède par naissance une certaine faculté de discerner le bien et le mal, c'est sa conscience. Mais le verset ci-dessus nous montre que cette aptitude se développe, s'exerce par la pratique.

«Le fait de l'habitude…» Quelle habitude? Sans vouloir être limitatif, donnons deux éléments de réponse à la question.

1. On peut penser tout d'abord à un contact constant et profond avec la parole de Dieu dans toutes ses parties. Dieu exerce par là notre faculté de jugement, d'appréciation. Il nous enseigne, dans des situations complexes, à démêler ce qui est bien et ce qui est mal. Car en fait, le bien et le mal, le juste et le faux, se superposent souvent dans la même action. Par exemple, lorsque Jacob se fait passer pour Ésaü afin de voler la bénédiction qu'Isaac veut donner à son premier-né, en Genèse 27, nous sommes conduits à faire deux évaluations de son action. D'une part il est mû par le désir excellent d'obtenir la bénédiction divine — comme en d'autres circonstances de sa vie (25:29-34; 32:24-33) — et d'autre part, il utilise dans ce but une tromperie hautement répréhensible.

2. On peut penser ensuite à l'habitude de mettre la parole de Dieu en relation avec toutes les situations que nous vivons. Si cette Parole «habite en nous richement», nous laisserons sa lumière éclairer nos actions. A la même lumière, nous évaluerons celles des personnes que nous côtoyons. Quant à nous-mêmes, nous pourrons être amenés à voir plus clairement quels sont les motifs qui nous conduisent; et quant aux autres, nous laisserons Dieu juger de leurs motifs, nous limitant à apprécier les actions selon les normes que la Parole nous fournit.

Voilà, entre autres, comment nous pouvons acquérir «des sens exercés».

L'intelligence spirituelle

L'expression «intelligence spirituelle» se trouve une seule fois dans l'Écriture, dans un passage remarquable de l'épître aux Colossiens. «Nous ne cessons pas de prier et de demander pour vous que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d'une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous égards, portant du fruit en toute bonne œuvre, et croissant par la connaissance de Dieu» (1:9, 10). Ce passage a une portée éminemment pratique. L'apôtre prie pour les croyants, afin qu'ils marchent d'une manière digne du Seigneur, qu'ils aient une conduite qui lui plaise à tous égards. Et quelle est la source d'une telle marche? — Essentiellement, l'état intérieur. Paul ne mentionne pas des commandements ou des directives formelles, il parle de cœurs remplis de la connaissance de la volonté de Dieu. Quelle expression! Ce ne sont pas des hommes qui tâtonnent à la recherche de cette volonté, ils en sont remplis. La vie de Christ en eux, le lien vital des sarments avec leur Cep, produit en eux cette intelligence spirituelle qui leur donne d'entrer dans les pensées de Dieu et de comprendre sa volonté. Voilà l'état d'homme fait!

La fin du verset 10 nous montre le secret de la croissance qui conduit à cet état: «croissant par la connaissance de Dieu». Aux Corinthiens qui s'étaient laissés ébranler par de fausses doctrines, l'apôtre dit: «quelques-uns sont dans l'ignorance de Dieu» (1 Corinthiens 15:34). Et c'étaient des chrétiens! Une connaissance vraie et profonde de Dieu, voilà la sauvegarde contre tous les égarements, voilà ce qui amène le croyant dans le chemin de Dieu. La connaissance de Dieu conduit à la connaissance de la volonté de Dieu. C'est ainsi que «du fruit» sera porté, «en toute bonne œuvre».

L'acquisition de la sagesse

En fait, même avant la venue du Saint Esprit sur la terre pour habiter dans les croyants, la compréhension de la pensée de Dieu et la connaissance de sa volonté étaient déjà indissolublement liées à l'état pratique de l'âme.

Le livre des Proverbes, de façon très particulière, indique le chemin vers la sagesse, l'intelligence, la connaissance, l'instruction, le discernement. Le début du chapitre 2 nous montre deux aspects complémentaires de l'acquisition de la sagesse et de l'intelligence. D'une part, ce qui appartient à notre responsabilité: «Mon fils, si tu reçois mes paroles et que tu caches par devers toi mes commandements pour rendre ton oreille attentive à la sagesse, si tu inclines ton cœur à l'intelligence, si tu appelles le discernement, si tu adresses ta voix à l'intelligence, si tu la cherches comme de l'argent et que tu la recherches comme des trésors cachés, alors tu comprendras la crainte de l'Éternel et tu trouveras la connaissance de Dieu» (versets 1-5). Et d'autre part, ce qui est l'œuvre de Dieu dans nos cœurs, un don de Dieu: «Car l'Éternel donne la sagesse; de sa bouche procèdent la connaissance et l'intelligence» (verset 6). Le fait que Dieu donne ne nous dispense pas de déployer de l'énergie pour acquérir. Et la nécessité d'y apporter du zèle ne doit pas nous faire oublier qu'il n'y aura rien si Dieu n'a pas donné.

État intérieur et discernement spirituel

Par trois passages des Psaumes, soulignons encore le lien étroit qu'il y a entre l'état pratique de l'âme et la croissance spirituelle.

«Le secret de l'Éternel est pour ceux qui le craignent» (Psaumes 25:14). La crainte de Dieu — c'est-à-dire le fait de donner à Dieu sa juste place, de lui reconnaître ses droits — prépare nos cœurs à recevoir ses communications intimes.

Dans le psaume 51, le psaume de l'humiliation, David dit, dans le sentiment profond de la gravité de ses fautes: «Voici, tu veux la vérité dans l'homme intérieur, et tu me feras comprendre la sagesse dans le secret de mon cœur» (verset 6). C'est à «un cœur brisé et humilié» que Dieu fera connaître sa pensée.

Dans le psaume 111, nous lisons: «La crainte de l'Éternel est le commencement de la sagesse; tous ceux qui pratiquent ses préceptes auront une bonne intelligence» (verset 10). Ici, ce n'est pas l'intelligence qui conduit à la mise en pratique — ce qui est sans doute vrai aussi —, mais c'est la mise en pratique des préceptes divins qui conduit à l'intelligence des pensées de Dieu. À celui qui met en pratique les leçons reçues, Dieu peut communiquer davantage.

L'exemple de Moïse

Pendant que Moïse est sur la montagne de Sinaï, recevant la loi et les instructions de Dieu concernant le tabernacle, le peuple d'Israël érige le veau d'or (Exode 32). Dans sa colère contre son peuple, l'Éternel est prêt à le consumer. La conduite de Moïse dans cette circonstance est bien remarquable. Il dresse une tente hors du camp, et l'appelle la tente d'assignation (33:7), du nom même que Dieu avait donné au tabernacle à construire (29:4). C'est vers cette tente que sortent «tous ceux qui cherchaient l'Éternel». Ce que Moïse fait là ne nous est pas présenté comme l'exécution de commandements formels de Dieu, mais comme résultant du discernement spirituel d'un homme qui vit près de Dieu et qui a sa pensée. La colonne de nuée, symbole de la présence divine, se tient à l'entrée de la tente; elle manifeste l'approbation de Dieu à l'égard de l'action de Moïse.

Un exemple plus récent

Les écrits du Nouveau Testament, pour autant que nous puissions le savoir, datent d'une époque à laquelle tous les rassemblements de croyants portaient encore le caractère d'assemblées de Dieu. Le mal s'y introduisait, de faux enseignements se développaient, le Seigneur donnait de solennels avertissements, mais rien ne montre que les choses en soient déjà arrivées à un point où la communion des fidèles ne puisse plus être possible avec tout ce qui portait encore le nom d'Église.

Lors du réveil du siècle passé, l'état de la chrétienté était évidemment beaucoup plus grave. Et les fidèles n'avaient pas à leur disposition des textes bibliques formels qui auraient été écrits à propos d'une situation identique à la leur. Ils avaient par contre les principes généraux que la sagesse de Dieu avait inscrits dans la Parole. Ils pouvaient aussi profiter des exemples qu'elle contient, tel celui de Moïse. Des croyants eurent le discernement spirituel nécessaire pour appliquer ces principes et suivre ces exemples d'une manière conforme à la pensée de Dieu. Nous ne pouvons douter que Dieu ait mis le sceau de son approbation sur la position de séparation qu'ils prirent, eux aussi, «hors du camp», suivant l'exhortation qui était donnée aux croyants hébreux du premier siècle du christianisme: «Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre» (Hébreux 13:13).

L'opprobre de Christ…! Sommes-nous disposés à le porter aujourd'hui encore, et même, comme Moïse au début de sa carrière, à l'estimer «un plus grand trésor que les richesses de l'Égypte» (Hébreux 11:26)?