À la table d'un pharisien (Luc 14:1-24)

Jean Muller

Répondant pour la troisième fois à l'invitation d'un pharisien, Jésus commence par guérir un homme hydropique en un jour de sabbat. Il montre ensuite comment il faut s'abaisser devant le monde, devant ses frères et devant Dieu, puis adresse le touchant appel à venir au souper de la grâce.

La guérison de l'homme hydropique (versets 1-6)

Le Seigneur est là, chez un pharisien, avec d'autres pharisiens et des docteurs de la loi. À la différence de la guérison de l'homme qui avait la main sèche (6:6-11), celle de l'homme hydropique a lieu dans la maison du pharisien et non dans la synagogue. Avant de guérir le malade, le Seigneur pose la même question: «Est-il permis de guérir, un jour de sabbat?» (verset 3).

Il prend à part ici les chefs du peuple, pour leur faire comprendre que la misère de l'homme avait interrompu le repos de Dieu, institué au septième jour de la création: «Mon Père travaille jusqu'à maintenant, et moi je travaille» (Jean 5:17).

Un homme, par intérêt ou par compassion, délivre bien sa bête tombée dans un puits un jour de sabbat. Comment peut-on alors refuser la grâce du Seigneur pour une de ses créatures en danger de mort, alors qu'il veut la retirer du puits de la destruction éternelle?

Les pharisiens et les docteurs de la loi sont réduits au silence devant les paroles de celui qui est la parfaite expression de la grâce de Dieu adaptée aux besoins de l'homme.

La dernière place (versets 7-11)

La scène se complète par un conseil donné aux conviés pour le choix de leurs places à table. Ils choisissaient les premières places, à l'image du premier homme et de ses descendants, qui ont toujours cherché à s'élever dans ce monde, en tombant dans l'orgueil, la faute du diable. Le croyant, au contraire, est appelé à imiter le second homme, qui s'est abaissé lui-même et a pris volontairement la dernière place. Ne disputons donc pas maintenant le monde aux gens du monde.

Dieu nous a conviés au banquet de sa grâce; selon sa sagesse, il assigne sa place à chacun. Conscients d'être des objets de grâce, nous ne nous comparerons pas les uns aux autres et nous serons gardés de nous élever les uns par rapport aux autres. Avec Paul, chacun peut se considérer comme le premier des pécheurs (1 Timothée 1:15), un objet de la miséricorde divine, de sorte que la dernière place convient à chacun.

La seule manière de prendre cette place d'humilité et de la garder est de penser à Christ; les contrariétés et les vexations de la vie dans ce monde n'auront alors plus d'effet sur nos cœurs. La crainte de Dieu coopère aussi à ce but, car: «La crainte de l'Éternel est la discipline de la sagesse, et l'abaissement va devant la gloire» (Proverbes 15:33), et aussi: «Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu'il vous élève quand le temps sera venu» (1 Pierre 5:6). Voilà précisément la suite de l'enseignement de la parabole; le convié qui avait choisi la dernière place reçoit l'invitation: «Ami, monte plus haut» (verset 10). Le principe moral demeure: «Quiconque s'élève, sera abaissé; et celui qui s'abaisse sera élevé» (verset 11).

La même conclusion découle de la mise en garde par le Seigneur contre l'attitude des pharisiens, qui s'étaient assis dans la chaire de Moïse (Matthieu 23:1-12), comme aussi de la parabole du pharisien et du publicain (Luc 18:9-14). La mesure parfaite de cet abaissement qui va devant la gloire a été vue en Jésus. Il s'est abaissé lui-même et Dieu l'a haut élevé.

Le conseil au maître de maison (versets 12-14)

Aussitôt après les conseils donnés aux invités, le Seigneur s'adresse au pharisien qui l'avait convié, hôte de ce repas. Qui fallait-il inviter? Les parents, les amis ou les riches voisins, dans l'espoir que l'invitation nous serait rendue, ou au contraire, les pauvres, les estropiés, les boiteux et les aveugles? (verset 13). Autrement dit, ceux qui n'ont pas de force, qui n'ont pas d'attrait ou qui sont incapables de trouver leur chemin; précisément les invités au souper de la grâce dans la parabole suivante (verset 21). Ils seraient bien incapables de nous rendre la pareille.

Avant de répondre à cette question qui sonde le cœur, il faut se reconnaître soi-même comme appartenant aux yeux de Dieu à la seconde catégorie; puis se souvenir que Christ lui-même visitait ceux-là dans sa grâce (15:2); les foules mêmes reconnaissaient Christ comme un de leurs amis (7:34). Nous pouvons alors facilement comprendre que l'exercice de la charité chrétienne ne peut se faire que dans un esprit d'abnégation et de désintéressement, ainsi que le Seigneur l'a déjà enseigné précédemment (6:32-38). C'est un principe moral simple qui peut nous guider pour les invitations dans les familles chrétiennes.

En travaillant ainsi pour la gloire de Christ, nous avons l'assurance de son approbation et de sa bénédiction: «Tu seras bienheureux» (verset 14). Le moment de la rétribution est désigné ici comme celui de la «résurrection des justes», c'est-à-dire la première résurrection. C'est déjà un bonheur d'y avoir part (Apocalypse 20:6). Il s'y ajoute la joie d'avoir reflété ici-bas, même faiblement, quelque chose de la sainte humanité de notre Maître.

Le grand souper (versets 15-24)

La troisième instruction donnée par le Seigneur pendant sa visite au pharisien est introduite par une exclamation d'un invité: «Bienheureux celui qui mangera du pain dans le royaume de Dieu!» (verset 15). Il ne suffisait pas d'assister avec le Seigneur à un repas chez un pharisien pour être assuré d'avoir part avec lui au royaume de Dieu dans le monde invisible. Le moyen d'entrer dans ce royaume est présenté à tous les hommes par une parabole aussi touchante que solennelle.

Le souper est le repas du soir lorsque le repos succède aux fatigues de la journée. Ainsi, à la fin du temps de la grâce, le Dieu d'amour invite encore tous les hommes à venir pour partager avec lui le repas d'amour dans son royaume.

La parabole du grand souper commence ici par l'invitation: «Venez, car déjà tout est prêt» (verset 17). Le récit correspondant de l'évangile selon Matthieu comporte une invitation préalable aux noces du Fils du Roi (Matthieu 22:1-14): c'est l'appel particulier adressé par Dieu aux Juifs, les premiers conviés, pendant le ministère du Seigneur au milieu d'eux, pour les associer à la joie des noces de son Fils. Cet appel est relaté dans l'évangile selon Luc dans le ministère des douze (9:1-6), puis des soixante-dix (10:1-11). Dans l'une et l'autre des paraboles, l'appel divin se heurte à un refus.

Au second appel mentionné par la parabole de Matthieu, il est dit que tout était prêt; c'est par là que commence la parabole de Luc. Il s'agit de l'évangile adressé aux Juifs après l'œuvre de la croix par l'esclave (le Saint Esprit) envoyé par le Maître de la maison (Dieu): les apôtres ont été envoyés auprès des brebis d'Israël, pour les inviter au grand souper. Tous s'excusent unanimement, en invoquant les mêmes raisons qui autrefois disqualifiaient un homme en Israël pour aller en guerre contre les ennemis (Deutéronome 20:5-7).

  • Le premier avait acheté un champ et devait absolument le voir. On ne voit guère pourquoi le fait d'assister au souper aurait changé quoi que ce soit pour lui. C'est ainsi que la convoitise des yeux aveugle le cœur.
  • Le second avait acquis cinq paires de bœufs qu'il devait immédiatement essayer; là encore, assister au souper n'aurait guère interféré avec ses projets; mais l'orgueil de la vie étouffe tout mouvement de cœur vers Dieu, de même que les soucis de la vie, qui sont comme des épines.
  • Enfin, le troisième avait épousé une femme, et son cœur était ailleurs. Lorsque les relations de famille prennent le pas sur les choses de Dieu, elles peuvent devenir convoitises de la chair.

Les trois raisons invoquées n'étaient pas mauvaises en elles-mêmes: ce n'était que des excuses humaines pour refuser la grâce divine.

L'esclave revient alors à son maître, qui l'envoie dans les rues et les ruelles de la ville pour inviter les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. Le temps presse maintenant: «Va-t'en promptement», et l'appel s'adresse à tout homme dans la ville (figure du monde). Par nature, l'homme est 1° pauvre: il n'a rien pour acheter son souper, 2° estropié: il n'attire pas, 3° aveugle: il ne peut pas se conduire seul, et 4° boiteux: il est sans force pour venir vers Dieu par lui-même. En Israël, si les chefs ont rejeté la grâce, elle a été proposée aux «pauvres du troupeau», ceux qui, selon le prophète Zacharie, «prenaient garde à moi», c'est-à-dire à Christ (11:11). Et lui-même dit: «Je tournerai ma main sur les petits» (13:7).

Il y avait encore de la place au souper de la grâce (verset 22), et un troisième appel est maintenant adressé aux nations. L'esclave sort de la ville et va dans les chemins et le long des haies, pour contraindre les gens d'entrer. C'est là que la grâce nous a trouvés alors que nous nous étions tournés chacun vers son propre chemin, errants comme des brebis, avant de retourner au Berger de nos âmes. Dans la parabole de Matthieu 22, le roi envoie plusieurs esclaves (figure des évangélistes) qui prêchent à tous ceux qu'ils trouvent, tant mauvais que bons; malheureusement, ils laissent se glisser furtivement dans la salle du festin un homme qui n'avait pas de robe de noces.

Dans Luc, au contraire, l'esclave est une figure du Saint Esprit, qui peut convaincre les hommes d'entrer par la porte étroite jusqu'à ce que la maison soit remplie. Seuls ceux qui ont la vie de Dieu ont une place au souper, et le jugement des professants sans la vie n'est pas mentionné ici.

Mais, en conclusion, aucun de ceux qui auront refusé l'invitation, soit d'entre les Juifs, soit d'entre les nations, n'aura de place au souper de la grâce (verset 24), pour y jouir de la bénédiction divine.

Tiré de «Sondez les Écritures»