Crucifié avec Christ (suite)

Jacques-André Monard

Chapitre 8 - Je suis crucifié avec Christ

L'enseignement de l'épître aux Galates est très proche de celui de l'épître aux Romains. À la fin du chapitre 2, l'apôtre Paul présente la vérité de la mort avec Christ selon la puissance qu'elle avait dans sa propre âme. Il parle de lui-même, de ce qu'il réalisait, bien que ce qu'il dit s'applique, ou puisse s'appliquer, à tous les chrétiens.

À la suite du verset 19, qui traite de sa relation avec la loi, et que nous avons déjà considéré, il dit: «Je suis crucifié avec Christ; et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi; — et ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi» (2:20).

«Je suis crucifié avec Christ.» En substance, c'est ce que nous avons lu en Romains 6: «notre vieil homme a été crucifié avec Christ» (verset 6). Mais en outre, l'apôtre met absolument en pratique l'exhortation qui suivait: «Tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus» (verset 11).

«Je ne vis plus, moi.» Quelle place le moi tient-il dans nos vies? Nous avons tellement tendance à lui donner de l'importance, et à en faire le centre de nos pensées, de nos préoccupations, de nos efforts. Paul s'oubliait lui-même. Christ était l'objet de son cœur. Comme tout croyant, il possédait la vie de Christ, mais cette vie le remplissait à tel point qu'il pouvait dire: «Christ vit en moi». C'était vrai aussi dans un sens pratique. La vie de Jésus était manifestée dans son corps, parce qu'il portait «toujours partout dans le corps la mort de Jésus» (2 Corinthiens 4:10). Si notre moi est proéminent, la vie de Jésus ne peut être vue en nous. Si nos pensées sont orientées vers nous-mêmes, comment oserions-nous dire: Christ vit en moi?

Soyons en garde contre les enseignements de la psychologie moderne qui accordent une grande importance au moi: on parle de l'amour de soi-même, de l'estime de soi, de l'acceptation de soi-même, etc. Le travail de Dieu dans le cœur de Paul l'avait amené à estimer ses avantages naturels comme des ordures (Philippiens 3:8), et à accepter ses infirmités et ses handicaps (2 Corinthiens 12:7-10). Il les acceptait comme un moyen dont Dieu se servait pour faire de lui un instrument de la puissance de Christ. Mais cette acceptation, contrairement aux enseignements auxquels nous faisons allusion, ne tendait aucunement à valoriser le moi.

La vie de Paul était une vie de foi, l'objet de sa foi étant le Fils de Dieu qui l'avait aimé et s'était livré lui-même pour lui. Quel tableau d'un cœur entièrement attaché à son Sauveur, un cœur non partagé! Quelle chaleur communicative dans les paroles de l'apôtre! Le souvenir de ce qu'il avait été avant sa conversion était constamment en lui. Ce souvenir humiliant entretenait un sentiment profond de l'immense grâce de Christ envers lui et une absence totale de confiance en lui-même. Il disait: «Pour moi, vivre, c'est Christ» (Philippiens 1:21). Christ était sa seule raison de vivre.

Où en sommes-nous nous-mêmes? La recherche de nos intérêts terrestres, de notre bien-être, de notre propre gloire, de notre propre satisfaction — et de tant d'autres choses qui ne sont pas Christ — nous animent souvent. Même dans le service pour le Seigneur, notre moi tend à occuper une place de premier plan. Oh! que, dans sa grâce, le Seigneur nous accorde d'être les imitateurs de ce serviteur qui avait «reçu miséricorde… pour être fidèle» (1 Corinthiens 7:25)!

Chapitre 9 - Ils ont crucifié la chair (Survol de Galates 5)

Dans le dernier passage considéré, «ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi» (Galates 2:20), le mot chair désigne simplement le corps humain, sans aucune connotation péjorative. Il en est souvent ainsi, comme par exemple lorsqu'il est écrit: «Dieu a été manifesté en chair» (1 Timothée 3:16).

Cependant, dans la plupart des passages du Nouveau Testament où ce mot est employé, la chair est le terme spécifique qui évoque l'homme dans son caractère naturel de faiblesse et de péché. Nous allons considérer à ce sujet quelques passages importants de Galates 5.

«Car vous, frères, vous avez été appelés à la liberté; seulement n'usez pas de la liberté comme d'une occasion pour la chair» (verset 13). Ainsi que nous l'avons vu, l'homme irrégénéré est esclave du péché. Le Juif, en outre, était dans la servitude de la loi, que d'ailleurs il était incapable d'accomplir. Des chrétiens, hélas! se placent sous ce même joug. C'est précisément ce que faisaient les Galates, sous l'influence de docteurs judaïsants. En le faisant ils se séparaient «de tout le bénéfice qu'il y a dans le Christ», ils étaient «déchus de la grâce» (verset 4).

Christ, donc, «nous a placés dans la liberté en nous affranchissant», en nous libérant de toute servitude (verset 1). Mais notre chair serait bien disposée à en prendre occasion pour faire ce qui lui plaît. Prenons garde! Si nous la laissons agir, elle suivra ses désirs et se manifestera, à notre honte.

«Marchez par l'Esprit, et vous n'accomplirez point la convoitise de la chair» (verset 16). L'Écriture nous présente la chair comme quelque chose d'actif, même dans le croyant. Elle convoite (Galates 5:17), elle a des pensées (Romains 8:6, 7; Colossiens 2:18), elle a une volonté (Éphésiens 2:3).

Mais il y a dans le croyant une autre source, une source de bien; c'est le Saint Esprit dont il a été scellé et qui habite en lui. «Soyez remplis de l'Esprit», nous dit Éphésiens 5:18. Posséder le Saint Esprit comme un hôte qui habite en nous est une chose, en être remplis en est une autre. La première est la part de tous les vrais chrétiens; la seconde est l'heureux état de ceux qui le laissent agir et manifester sa puissance. Car, par l'état de son cœur, on peut attrister cet hôte divin et l'empêcher d'agir. C'est pourquoi nous avons l'exhortation: «N'attristez pas le Saint Esprit de Dieu, par lequel vous avez été scellés pour le jour de la rédemption» (Éphésiens 4:30). Etienne est un bel exemple d'un homme plein de l'Esprit Saint (Actes des Apôtres 6:5, 10; 7:55).

Sans aucun doute, le Saint Esprit a toute la puissance divine et peut agir souverainement, quand il le veut et comme il le veut. Mais son action est liée à notre responsabilité de croyants: «Marchez par l'Esprit, et vous n'accomplirez point la convoitise de la chair» (verset 16), «si (ou: puisque) nous vivons par l'Esprit, marchons aussi par l'Esprit» (verset 25). Lorsque nous le laissons agir, les convoitises de la chair sont tenues en échec.

«Si vous êtes conduits par l'Esprit, vous n'êtes pas sous la loi» (verset 18). C'est un très grand privilège de pouvoir être conduits par l'Esprit. Les désirs du cœur sont en accord avec la volonté de Dieu et c'est une joie d'accomplir le bien. «C'est une joie pour le juste de pratiquer ce qui est droit» (Proverbes 21:15). La motivation est tout autre que d'accomplir la loi.

«La chair convoite contre l'Esprit, et l'Esprit contre la chair; et ces choses sont opposées l'une à l'autre, afin que vous ne pratiquiez pas les choses que vous voudriez» (verset 17). Ce passage, avec les versets qui suivent, nous présente très distinctement deux sources de pensées, d'actions ou de sentiments dans le croyant: la chair et l'Esprit. Ces deux sources «convoitent» l'une contre l'autre, ce qui amène nécessairement un combat intérieur. L'issue de ce combat, qui caractérise le croyant aussi longtemps qu'il est sur la terre, n'a pourtant rien d'incertain. Si nous nous tenons dans la présence de Dieu, dans le jugement de nous-mêmes et dans la défiance de ce que peut produire notre cœur, nous profitons des ressources pleinement suffisantes que Dieu nous a données, et nous sommes vainqueurs. Si nous ne vivons pas près de Dieu, si nous faisons taire notre conscience, si nous comptons sur nos propres forces, nous allons à grands pas vers la chute. Remarquons bien que, selon ce verset 17, le but de l'action de l'Esprit en nous est que nous ne pratiquions pas les choses que nous voudrions, c'est-à-dire que notre chair voudrait. La puissance du Saint Esprit en nous est plus que suffisante pour tenir la chair en bride. Laissons-le donc agir!

Les versets suivants décrivent ce que produisent ces deux sources qui sont en nous: ils nous montrent les œuvres de la chair et le fruit de l'Esprit.

«Or les œuvres de la chair sont manifestes, lesquelles sont la fornication, l'impureté, l'impudicité, l'idolâtrie, la magie, les inimitiés, les querelles, les jalousies, les colères, les intrigues, les divisions, les sectes, les envies, les meurtres, les ivrogneries, les orgies, et les choses semblables à celles-là» (versets 19-21).

Voilà ce dont la chair est capable, même chez le croyant!

Certains enseignent que le vieil homme, parce que crucifié, n'existe plus, et que les péchés qui peuvent survenir dans la vie du croyant proviennent de la chair — celle-ci n'étant que les anciennes habitudes, les faux-plis, qui datent d'avant la conversion. Dans ce qui précède, nous avons abondamment montré que mort ou crucifixion n'implique pas du tout cessation d'existence. Quant à savoir si le vieil homme et la chair sont ou non une même chose, nous nous en occuperons un peu plus loin. Les œuvres mentionnées dans le verset ci-dessus (fornication, meurtres, idolâtrie, etc.), montrent à l'évidence que la chair n'est pas simplement de vieilles habitudes, mais qu'elle est une véritable source de mal (Romains 7:18), — on peut même dire de tout mal. Comment parler d'anciennes habitudes ou de faux- plis, alors qu'il est manifeste qu'un croyant peut tomber dans des péchés qu'il n'avait jamais commis avant d'être converti!

En merveilleux contraste avec ces mauvaises œuvres nous est décrit ce que l'Esprit produit dans le croyant lorsqu'il est libre d'agir. «Mais le fruit de l'Esprit est l'amour, la joie, la paix, la longanimité, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance: contre de telles choses, il n'y a pas de loi» (verset 22). C'est-à-dire, devant une telle vie, la loi n'a plus aucune objection à formuler. La loi n'a exercé aucune contrainte, mais elle est entièrement satisfaite. Comme en Romains 8:4, «la juste exigence de la loi» est «accomplie en nous, qui ne marchons pas selon la chair mais selon l'Esprit».

En termes d'une simplicité admirable, le Seigneur avait déjà parlé de ce fruit, et de la condition indispensable pour qu'il soit porté. «Moi, je suis le cep, vous les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit; car, séparés de moi, vous ne pouvez rien faire» (Jean 15:5).

«Or ceux qui sont du Christ ont crucifié la chair avec les passions et les convoitises» (verset 24). Voilà l'état normal de ceux qui sont «du Christ», c'est-à-dire des vrais chrétiens. Ils ont reçu par la foi ce grand fait qu'ils ont été crucifiés avec Christ. Ils ont mis leur sceau sur le témoignage que Dieu a rendu à leur sujet, «ils ont crucifié la chair». Elle existe toujours, mais ils la tiennent pour morte. Ils lui donnent la place que Dieu lui a donnée: dans la mort. Ils ne la ménagent pas, ils ne prennent pas soin d'elle (Romains 13:14).

Arrivés à ce point, récapitulons les quatre passages du Nouveau Testament dans lesquels le croyant est considéré comme crucifié avec Christ. Dans l'ordre où nous les avons rencontrés, ce sont:

  • «Qu'il ne m'arrive pas à moi de me glorifier, sinon en la croix de notre Seigneur Jésus Christ, par laquelle le monde m'est crucifié, et moi au monde» (Galates 6:14).
  • «Notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit annulé, pour que nous ne servions plus le péché» (Romains 6:6).
  • «Car moi, par la loi, je suis mort à la loi, afin que je vive à Dieu. Je suis crucifié avec Christ; et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi; — et ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi» (Galates 2:19, 20).
  • «Or ceux qui sont du Christ ont crucifié la chair avec les passions et les convoitises» (Galates 5:24).

Chapitre 10 - Ayant dépouillé le vieil homme et revêtu le nouvel homme

La parole de Dieu met l'accent sur le fait que le salut n'est pas une amélioration du vieil homme, mais la création d'un nouvel homme: «Si quelqu'un est en Christ, c'est une nouvelle création» (2 Corinthiens 5:17). Le nouvel homme, dans les deux seuls passages où l'expression est utilisée, est créé. Il est «créé selon Dieu» (Éphésiens 4:24), et il est «selon l'image de celui qui l'a créé» (Colossiens 3:10). Le christianisme introduit donc «une nouvelle création», dont Christ et les siens font partie. C'est la raison pour laquelle ils sont des étrangers dans l'ancienne, c'est-à-dire dans le monde.

Les épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens nous présentent le chrétien comme quelqu'un qui a dépouillé le vieil homme et revêtu le nouvel homme. Les termes employés sont ceux qu'on utiliserait pour un vêtement, et l'action est considérée comme faite: «…en ce qui concerne votre première manière de vivre, d'avoir dépouillé le vieil homme qui se corrompt selon les convoitises trompeuses, et d'être renouvelés dans l'esprit de votre entendement, et d'avoir revêtu le nouvel homme, créé selon Dieu, en justice et sainteté de la vérité» (Éphésiens 4:22-24).

Le vêtement est le symbole de ce qui se voit, du témoignage pratique. Les croyants auxquels l'apôtre s'adresse avaient eu une première manière de vivre qui manifestait le vieil homme. Convertis, ils avaient revêtu le nouvel homme, et devaient marcher d'une manière qui le montre. Ils avaient à mettre les détails de leur vie en accord avec le changement qui s'était opéré en eux: «ayant dépouillé le mensonge, parlez la vérité chacun à son prochain,… que celui qui dérobait ne dérobe plus», etc. (versets 25, 28).

À propos de «revêtir», citons encore deux passages qui, en d'autres termes, expriment la même vérité: «Car vous tous qui avez été baptisés pour Christ, vous avez revêtu Christ» (Galates 3:27). «Mais revêtez le Seigneur Jésus Christ» (Romains 13:14). Il y a les deux aspects. Premièrement le fait de principe, qui caractérise la position chrétienne: «vous avez revêtu Christ». C'est ainsi que nous sommes devant Dieu. Secondement la manifestation pratique de cette position, dans la vie de tous les jours: «revêtez le Seigneur Jésus Christ». Ces passages font ressortir le lien étroit qu'il y a entre notre vie nouvelle et Christ. Revêtir le nouvel homme, ce n'est rien d'autre, en fait, que de revêtir Christ.

Le passage d'Éphésiens 4 que nous avons sous les yeux montre une fois de plus que le vieil homme existe encore, quoique crucifié, puisqu'il «se corrompt selon les convoitises trompeuses» (verset 22). Il est donc toujours là.

Y a-t-il une différence entre le vieil homme et la chair? Il semble qu'il vaudrait mieux parler d'une nuance que d'une différence. Tout d'abord, les choses qui nous sont dites de l'un et de l'autre sont très proches:

  • Le vieil homme, aussi bien que la chair, sont caractérisés essentiellement par les convoitises (Éphésiens 4:22; Galates 5:16; Éphésiens 2:3; 1 Pierre 2:11; 1 Jean 2:16).
  • «Notre vieil homme a été crucifié avec Christ» (Romains 6:6) et «ceux qui sont du Christ ont crucifié la chair» (Galates 5:24) et dans les deux cas c'est une chose faite.
  • Le chrétien a dépouillé «le corps de la chair» (Colossiens 2:11) tout comme «le vieil homme» (3:9).

Cela étant, les expressions «le vieil homme» et le «nouvel homme» paraissent évoquer — et mettre en contraste — l'homme que j'étais, fils d'Adam, sans Christ, et l'homme que je suis devenu maintenant en Christ, né de nouveau, né de l'Esprit. «La chair» est le terme habituel désignant la source active des convoitises, l'irréductible rebelle à la volonté de Dieu et l'ennemi de Dieu qui se trouve en moi (Romains 8:7). Ce terme est utilisé aussi bien pour caractériser notre conduite d'autrefois sans Christ (Éphésiens 2:3), que pour nous mettre en garde contre une conduite de chrétien qui ne différerait pas de celle de l'inconverti. Cependant, la chair comme le vieil homme évoquent la nature humaine marquée par le péché, de sorte qu'on ne peut faire de différence substantielle entre ces termes.

À suivre