Crucifié avec Christ (suite)

Jacques-André Monard

Chapitre 5 - Christ a été fait péché pour nous

Revenons sur la différence, déjà signalée, entre «le péché» et «les péchés». Dans plusieurs passages, le mot au singulier désigne la source qui produit les péchés, la nature irrémédiablement mauvaise de l'homme. Le figuier produit des figues, l'olivier des olives, et «le péché» «des péchés». «Le péché» — qui est attaché par naissance à tous les enfants d'Adam — a été manifesté par la loi comme «excessivement pécheur» (Romains 7:13).

L'Écriture nous apprend que l'œuvre de Christ à la croix n'a pas réglé seulement la question des péchés, mais aussi celle du péché.

Lors de notre nouvelle naissance, nous saisissons par la foi que Christ est mort pour nos péchés. Nous nous réjouissons de savoir que notre Sauveur «a porté nos péchés en son corps sur le bois» (1 Pierre 2:24), que «Christ a souffert une fois pour les péchés, le juste pour les injustes, afin qu'il nous amenât à Dieu» (3:18). C'est ainsi que nous sommes délivrés de notre culpabilité devant Dieu, que nous sommes «justifiés», que nous avons «la paix avec Dieu» et que nous sommes amenés dans sa «faveur» (Romains 5:1, 2). C'est un premier aspect, essentiel, de l'œuvre de Christ. La connaissance de cela, par la foi, fait le bonheur de ceux qui ont reçu Jésus comme leur Sauveur.

Mais il y a davantage. En prêchant le Christ, Paul proclamait aussi:

«Celui qui n'a pas connu le péché, [Dieu] l'a fait péché pour nous, afin que nous devinssions justice de Dieu en lui» (2 Corinthiens 5:21).

Mystère profond! Cette chose abjecte qu'est le péché… Christ l'a aussi prise sur lui à la croix. Plus que cela, il a été «fait péché», traité par Dieu comme le péché. Et qu'est-ce que le Dieu saint devait faire de ce péché? Le juger sans miséricorde! Il a «condamné le péché dans la chair» (Romains 8:3). D'un côté, la crucifixion de Christ était l'acte par lequel l'homme «comblait sa mesure» (Matthieu 23:32), manifestant son état irrémédiable de révolte contre Dieu. Et d'un autre côté, c'est alors que Dieu a jugé le péché comme il devait l'être, dans la personne de notre Substitut. Dieu a dû abandonner, durant les trois heures de ténèbres, Celui qui portait nos péchés, et qui était fait péché pour nous. En raison de la position qu'il prenait alors, toute la colère de Dieu a été sur lui, bien qu'il fût le Saint et le Juste.

Oui, ton divin amour, dans ses plans adorables,

Pour nous soustraire à notre sort

Abandonna ton Fils aux coups inexorables

Du jugement et de la mort.

 

Jamais œil ne verra chose plus merveilleuse

Que la croix, où fut attaché

Le Prince de la vie, à l'heure ténébreuse

Où Dieu condamna le péché.

Chapitre 6 - Notre vieil homme a été crucifié avec Christ (Survol de Romains 6)

Le point de départ de l'enseignement de l'apôtre, dans ce chapitre, c'est une objection que l'on élevait contre l'évangile qu'il prêchait (Romains 3:8), comme aussi un mauvais usage que l'on pouvait faire de la grâce qu'il annonçait. En écrivant, comme il venait de le faire: «là où le péché abondait, la grâce a surabondé» (5:20), encourageait-il le péché? Il pose donc la question: «Demeurerions-nous dans le péché afin que la grâce abonde?» (6:1), et la répète sous une autre forme au verset 15. Voici sa réponse: «Nous qui sommes morts au péché, comment vivrons-nous encore dans le péché?» (verset 2). La croix de Christ nous a placés dans une position où nous sommes pour ainsi dire coupés du péché. Quelle contradiction si nous marchions encore dans le péché!

«Nous avons été identifiés avec lui dans la ressemblance de sa mort» (verset 5). Cette identification constitue ici la base de l'enseignement de l'apôtre. Les croyants auxquels il s'adresse devaient bien savoir quelque chose à ce sujet puisque leur baptême était le signe de cette mort: «Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés pour le Christ Jésus, nous avons été baptisés pour sa mort?» (verset 3).

Le fait que Christ soit mort, non seulement pour nos péchés, mais aussi en étant «fait péché» pour nous, a une portée immense. Si d'une part nos péchés ont été effacés, d'autre part, ce que nous étions par naissance, notre vieil homme, a été crucifié avec Christ. Dieu le considère comme mort, cloué à la croix, jugé entièrement et définitivement:

«Notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit annulé, pour que nous ne servions plus le péché» (verset 6).

L'expression «le vieil homme» ne se trouve que trois fois dans l'Écriture (ici, en Éphésiens 4:22 et en Colossiens 3:9), mais d'autres termes très voisins s'y rencontrent très fréquemment. Nous aurons l'occasion d'y revenir. La grande vérité présentée ici, c'est que les croyants ne sont plus devant Dieu dans la condition où ils étaient avant leur conversion. L'homme pécheur qu'ils étaient alors a été condamné à la croix, crucifié avec Christ.

L'Ancien Testament nous montre l'homme mis à l'épreuve de différentes façons, sans loi, sous la loi, objet des soins et de la bonté de Dieu, ou sous sa discipline. Le résultat invariable de cette épreuve, plus que confirmé dans le rejet de Christ, c'est que l'homme est irrémédiablement mauvais. Alors Dieu l'a condamné et mis de côté. «Finissez-en avec l'homme, dont le souffle est dans ses narines, car quel cas doit-on faire de lui?» (Ésaïe 2:22).

La nouvelle naissance est un changement dont nous ne saisissons pas toujours d'emblée tous les aspects. Devant Dieu, notre vie de fils d'Adam a pris fin. Nous avons reçu une nouvelle vie. Un nouvel homme a été créé, engendré par Dieu lui-même. C'est dans cette nouvelle condition que nous nous trouvons devant lui.

Le «corps du péché» (verset 6) est le corps moral dont les membres sont mentionnés en Colossiens 3:5: par exemple «l'impureté, les affections déréglées, la mauvaise convoitise». Le but de cette mise à mort est ici essentiellement pratique: «afin que le corps du péché soit annulé, pour que nous ne servions plus le péché».

«Le péché» — la source qui produit les péchés — est présenté dans ce chapitre comme un tyran auquel nous étions asservis: «Vous étiez esclaves du péché» (versets 17, 20). Le Seigneur déjà avait dit: «Quiconque pratique le péché est esclave du péché» (Jean 8:34). Mais par la mort de Christ, cet esclavage, cette obligation de servir le péché, ont été rompus. Nous avons vu précédemment que, par cette mort, l'assujettissement à la loi a été brisé. Par le même moyen, l'esclavage du péché a pris fin. Les deux choses sont d'ailleurs liées: «Le péché ne dominera pas sur vous, parce que vous n'êtes pas sous la loi, mais sous la grâce» (verset 14). Puisque vous êtes déliés de la loi, vous n'êtes plus sous la domination du péché.

En d'autres termes, la mort de Christ, qui entraîne avec elle la crucifixion du vieil homme, nous introduit dans la liberté. Nous avons «été affranchis du péché» (versets 18, 22). L'affranchissement, c'est le terme même qui décrit la libération de la condition d'esclave. «Christ nous a placés dans la liberté en nous affranchissant» (Galates 5:1).

Dans les onze premiers versets du chapitre 6, on trouve six ou sept fois, sous différentes formes, le même grand fait: «nous sommes morts avec Christ». La question suivante pourrait venir à l'esprit: le vieil homme ayant été crucifié avec Christ, peut-être n'existe-t-il plus? S'il en était ainsi, on devrait aussi conclure, d'après ces versets, que nous n'existons plus, et d'après Galates 6:14, que le monde n'existe plus pour le croyant et que lui-même n'existe plus pour le monde!

Alors quelle est la portée de cette mort, de cette crucifixion? Il est difficile de donner une réponse complète, parce que toute explication de la parole de Dieu est forcément toujours en dessous de la Parole elle-même. On peut toutefois indiquer au moins deux aspects de cette mort, ou deux points de vue auxquels il peut être dit que nous sommes morts. Premièrement, il en est ainsi judiciairement. C'est-à-dire qu'à la croix, Dieu a prononcé un jugement sans appel, une condamnation définitive, sur l'homme naturel. «Dieu… a condamné le péché dans la chair» (Romains 8:3). Deuxièmement, il en est ainsi en ce qui concerne l'esclavage du péché dans lequel nous étions. Nous avons «été affranchis du péché» (versets 18, 22).

Concrètement, cela signifie que le chrétien n'est jamais obligé de pécher. Si le vieil homme prétend réclamer des droits, souvenons-nous qu'il n'en a aucun. Il pourrait nous arriver de considérer avec indulgence, comme quelque chose d'inévitable, certaines manifestations du péché qui habite en nous: ce serait nier dans la pratique l'enseignement qui nous est donné ici. L'Écriture reconnaît bien que nous pouvons nous «laisser surprendre par quelque faute», que «nous faillissons tous à plusieurs égards», et elle nous indique le chemin à suivre lorsqu'il en a été ainsi: confesser à Dieu nos manquements (Galates 6:1; Jacques 3:2; 1 Jean 1:9). Mais jamais nous ne sommes dans l'obligation de pécher.

Chapitre 7 - Tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché (Survol de Romains 6 — suite)

Notre mort avec Christ est un fait accompli. Cela a eu lieu entièrement en dehors de nous, à la croix de Christ, et nous avons à le recevoir par la foi, de la même manière que nous avons cru le témoignage de Dieu concernant le pardon de nos péchés. Dieu nous dit ce qu'il a fait de nous et nous avons à l'accepter. C'est pourquoi l'apôtre dit ici:

«Tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus» (verset 11).

C'est le grand privilège de la foi de voir les choses comme Dieu les voit. J'ai donc à me tenir pour mort, sans me demander si je le sens ou si je le vois.

Le verset 11, que nous venons de citer, introduit aussi une autre pensée, une pensée qui tient une place importante dans ce chapitre. C'est celle de la vie. Christ est mort, mais il a été «ressuscité d'entre les morts par la gloire du Père» (verset 4). Et s'il y a une identification «avec lui dans la ressemblance de sa mort», il y en a aussi une «dans la ressemblance de sa résurrection» (verset 5). Et cela, afin que «nous marchions en nouveauté de vie». Participant à la vie de Christ ressuscité, délivrés de la servitude du péché, nous pouvons vivre pour Dieu, nos vies entières étant pour ainsi dire orientées vers lui. Nous pouvons suivre en cela les traces de notre Sauveur: «Car en ce qu'il est mort, il est mort une fois pour toutes au péché; mais en ce qu'il vit, il vit à Dieu (verset 10).1

1 La participation à la vie de Christ ressuscité est plus développée dans l'épître aux Colossiens. Dans l'épître aux Romains, la chose est considérée surtout dans ses résultats pratiques.

On remarque ici l'expression «mort au péché», utilisée déjà au verset 2, et qui peut être rapprochée des expressions «mort à la loi» ou «mort au monde». Elle semble assez équivalente à «mort relativement au péché». Christ est venu «pour le péché» (8:3). Il avait une œuvre à accomplir à l'égard du péché, une œuvre qui nécessitait sa mort, et il l'a accomplie «une fois pour toutes». Maintenant qu'il est ressuscité, il n'a plus rien affaire avec le péché, et «il vit à Dieu» c'est-à-dire pour Dieu. Qu'il en soit ainsi de nous aussi!

L'exhortation «Tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché» n'aurait pas sa raison d'être si ce que nous avons à tenir pour mort ne tendait pas à montrer des signes d'activité. Cette exhortation met donc en évidence le double aspect du vieil homme: d'une part crucifié et d'autre part toujours prêt à se manifester.

Il est essentiel de bien voir que ce qui tend à produire le mal chez le croyant n'est rien d'autre que ce que Dieu a condamné et crucifié. Notre foi en cette «crucifixion», en ce jugement définitif prononcé par Dieu sur le vieil homme, est ce qui nous permet de porter un jugement moral juste sur le mal qui peut germer en nous-mêmes, un jugement impitoyable, à l'unisson de celui que Dieu a prononcé. De plus, notre foi en ce grand fait ouvre la voie à une vie pratique dans laquelle le vieil homme est tenu dans la mort.

«Ne livrez pas vos membres au péché comme instruments d'iniquité, mais livrez-vous vous-mêmes à Dieu, comme d'entre les morts étant faits vivants, — et vos membres à Dieu, comme instruments de justice» (verset 13).

Après l'exhortation «Tenez-vous vous-mêmes…», voici l'exhortation «Livrez-vous vous-mêmes…». La possibilité de se livrer soi-même suppose que nous sommes dans une position de liberté, et il en est bien ainsi puisque nous avons été affranchis. C'est la liberté de la grâce dans laquelle nous sommes, car «nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce» (verset 15; cf. verset 14). «Cette grâce dans laquelle vous êtes est la vraie grâce de Dieu» (1 Pierre 5:12).

L'homme sous la loi était contraint d'accomplir la volonté de Dieu, de se plier à une volonté contre laquelle les tendances de sa nature s'élevaient toujours. Le chrétien, étant placé sous la grâce, dans la liberté, est encouragé à se livrer à Dieu, à se mettre à la disposition de Dieu, pour le servir. C'est l'exhortation de base que nous retrouvons au début de la partie pratique de l'épître, au chapitre 12: «Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à présenter vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui est votre service intelligent» (verset 1). Ne songeons pas à servir Dieu en travaillant beaucoup pour lui selon nos propres idées et selon notre propre volonté. Mais mettons à sa disposition nos membres, nos facultés, nos corps, nous-mêmes, dans un esprit d'obéissance (verset 16). Dans la mesure où nous nous tiendrons pour morts au péché et vivants à Dieu, il pourra employer utilement ce que nous lui avons livré.

Ce chapitre 6 de l'épître aux Romains nous présente donc les grands faits sur la base desquels le croyant peut marcher en nouveauté de vie. Mais il ne mentionne pas la puissance sans laquelle nous ne pourrions jamais fournir une telle marche: celle du Saint Esprit. Ceci sera présenté au chapitre 8.

À suivre