Au-dedans du voile – Vers Lui hors du camp

Traduit de l'allemand

La croix s'interpose entre le pécheur et ses péchés. En même temps elle réconcilie le pécheur avec Dieu. Mais elle sépare aussi le chrétien du monde dont il ne peut plus attendre que rejet et haine (Galates 6:14). Parce que crucifié avec Christ, le croyant n'a plus rien de commun avec le monde; parce que ressuscité avec Christ, il est uni à lui (Éphésiens 2:6; 2 Corinthiens 1:21). Ce lien indestructible le fait participer à la fois à l'acceptation de son Seigneur par Dieu et au rejet de celui-ci par le monde. C'est ainsi que le chrétien devient adorateur de Dieu et citoyen du ciel, et en même temps, ici-bas, un résident étranger. Introduit «au-dedans du voile», dans la présence de Dieu en haut, il est appelé sur la terre à sortir vers Christ, «hors du camp», portant son opprobre (Hébreux 6:19; 13:13).

Sous l'ancienne alliance, l'adorateur n'entrait jamais dans la présence de Dieu; seul le souverain sacrificateur y avait accès, et, même lui, ne pouvait s'approcher qu'une seule fois l'an, avec le sang d'un sacrifice. Le voile, derrière lequel les rayons de la gloire de Dieu restaient cachés, barrait l'accès à l'adorateur. La rencontre avec Dieu se faisait seulement dehors, sur le parvis, là où était placé l'autel d'airain, dans la puissance et sous l'effet du sang.

Après que Christ se fut offert lui-même par l'Esprit éternel, sans tache, à Dieu, les exigences qu'exprimait l'autel d'airain ont été parfaitement satisfaites (Hébreux 9:14). Et Dieu manifesta sa satisfaction en déchirant le voile dans le sanctuaire terrestre. Jésus est entré dans le sanctuaire céleste avec son propre sang, salué par Dieu «souverain sacrificateur selon l'ordre de Melchisédec». «Auteur du salut éternel», pour tous ceux qui lui obéissent, il est entré dans ce sanctuaire comme précurseur (Hébreux 5:9, 10; 6:20), et siège maintenant en haut dans le vrai tabernacle que «le Seigneur a dressé, non pas l'homme» (Hébreux 8:2).

C'est là, dans la pleine lumière de la face de Dieu, que nous adorons; nous y entrons, en tout temps, en vertu du précieux sang constamment sous le regard de Dieu et éternellement efficace pour cela (Hébreux 10:19-22). Nous y entrons en vertu d'un sacrifice ayant ôté le péché et accompli la purification de nos péchés. Là, «au-dedans du voile», nous sommes, dans la puissance du Saint Esprit devant Dieu, occupés de Christ et nous apportons à Dieu l'adoration qu'il attend de la part de ceux qui le connaissent par Christ. Délivrés des péchés et des souillures, nous pouvons toujours, comme sacrificateurs, nous approcher du sanctuaire, adorer, et nous réjouir de la complète révélation de la beauté et de la perfection du Christ Jésus. Nous restons là à contempler Celui qui nous aime si parfaitement, à le considérer dans toute la valeur de son intercession, à nous occuper de Celui qui n'a pas seulement satisfait dans le passé aux exigences de la justice divine, mais qui répond aussi aujourd'hui à tous nos besoins (Hébreux 7:25; 9:24).

Les résultats de l'œuvre de Christ sont grands et glorieux. Dieu est glorifié en ce qui concerne le péché, un accès direct vers lui nous est donné, notre conscience est parfaitement purifiée, la rédemption éternelle obtenue, la vie et la gloire éternelles sont notre part (Hébreux 9:12, 14). C'est seulement après avoir pénétré «au-dedans du voile» que nous sommes exhortés à sortir «hors du camp» pour annoncer les vertus de «celui qui nous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière» (Hébreux 10:19; 13:13; 1 Pierre 2:4, 9). Ce n'est qu'après avoir compris nos droits à nous tenir dans la présence de Dieu dans le ciel que nous pouvons sortir et faire connaître au monde notre caractère d'étranger. La conscience de jouir de la pleine paix de Dieu doit nous accompagner lors du combat avec le monde; car le combat ne manquera pas. Mais parce que nous sommes occupés du Seigneur «au-dedans du voile», nourris de lui, nous sommes capables d'occuper sur la terre la position qui était la sienne ici-bas, en sortant «vers lui hors du camp», en dehors des associations religieuses de ce monde. Notre association avec Christ ne nous sépare pas seulement de tout mal moral, mais également de toute religion mondaine, de toute forme religieuse se substituant aux ordonnances divines.

Déjà dans les temps apostoliques, les chrétiens furent séduits par les belles apparences d'une religion terrestre et humaine qui s'était introduite au milieu d'eux et les entraînait à une association avec le monde qui a crucifié Jésus. Il n'a fallu que peu de temps pour que Satan établisse son trône au milieu de l'Église, de sorte que le Seigneur devait dire à Pergame: «… parmi vous, là où Satan habite» (Apocalypse 2:13).

Nous devons donc sortir vers Christ, portant son opprobre, sortir également de toute cette confusion régnant dans la chrétienté, de tout ce qu'à l'image de celui d'Israël, on peut appeler «camp». Le Seigneur est en dehors de cette organisation.

Il nous reste, même si la confusion devait empirer, une consolation exprimée par les paroles: «Le Seigneur connaît ceux qui sont siens» (2 Timothée 2:19). Nous ne sommes pas appelés à travailler pour améliorer le monde, pas non plus pour essayer d'exterminer le mal. Pour nous, il s'agit de nous purifier des vases à déshonneur, de nous séparer pour Jésus et cela «avec tous ceux qui invoquent le Seigneur d'un cœur pur» (verset 22). Nous sommes appelés à nous tenir «hors du camp» pour être dans ce monde des témoins du Seigneur Jésus.

Le septième chapitre du livre des Juges, qui décrit la victoire des trois cents hommes sur les Madianites, nous enseigne en quoi consiste un témoignage vrai et efficace. Gédéon remet à ses combattants trois ustensiles: Des trompettes, des cruches vides et des torches dans les cruches (verset 16). En considérant ces trois objets comme des éléments du témoignage de Dieu dans le combat avec Satan et le monde, nous apercevons 1° dans les «trompettes», la Parole de Dieu dans le témoignage, 2° dans les «cruches vides», nous-mêmes, 3° dans les «torches», la lumière de Christ en nous. Les deux premiers objets servent uniquement à manifester le troisième, à savoir cette lumière au milieu des ténèbres.

Ces trois éléments du témoignage de Dieu devraient se trouver réunis en nous. La trompette appelait les Israélites aux fêtes solennelles, fixait et réglait le départ du camp et rappelait le peuple à la mémoire de Dieu. En se réunissant vers Christ hors du camp, dans l'obéissance à la Parole de Dieu, sur le terrain de l'unité du corps de Christ, au Nom du Seigneur (comme le prescrit la Parole), les enfants de Dieu accomplissent cette partie du témoignage. Ils ont en quelque sorte sonné de la trompette et, en tant qu'expression du peuple de Dieu, ils rendent témoignage devant le monde à la toute suffisance de la Parole de Dieu, l'ayant, elle seule, comme règle de conduite.

Mais s'ils ne s'approprient pas aussi le deuxième élément, ces croyants ne répondent pas entièrement à leur appel. Dieu ne se glorifie que par des cruches brisées et, en tant que témoins pour lui dans ce monde, il nous faut nous tenir dans sa présence comme des cruches vides, uniquement bonnes à être brisées. Lorsque Paul parle de son témoignage à rendre dans le monde, de «la manifestation de la vérité» — il s'agissait de faire luire devant les hommes «la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Christ» —, il ajoute: «Mais nous avons ce trésor dans des vases de terre, afin que l'excellence de la puissance soit de Dieu et non pas de nous» (2 Corinthiens 4:2, 6, 7).

Dieu ne peut pas mettre cette lumière dans nos vases s'ils sont en partie remplis avec ce que nous avons puisé aux sources naturelles. Ce dont nous avons besoin, c'est de renoncer entièrement à nous-mêmes afin que le Saint Esprit puisse nous remplir et agir par nous. Seules des cruches vides pouvaient recevoir les torches de Gédéon, et seuls des cœurs vidés d'eux-mêmes peuvent contenir et faire rayonner la lumière de Christ.

Ne nous contentons donc pas de sonner de la trompette, c'est-à-dire de faire des proclamations dans le monde! Restons dans l'humilité comme des vases vides, suffisamment brisés pour faire luire tout autour de nous la lumière brillante que Dieu a placée en nous, et pour présenter Christ d'une manière vivante: «afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre corps» (2 Corinthiens 4:10).

Insistons sur le fait que nous ne sommes qualifiés pour être des témoins de la vérité «hors du camp» qu'à partir du moment où nous sommes de vrais adorateurs «au-dedans du voile», et où la conscience de notre appartenance au ciel nous dispose à marcher sur la terre comme étrangers et pèlerins.

Nous ne pouvons user d'influence sur les hommes de ce monde que dans la mesure où nous nous en montrons séparés. Vouloir convaincre le monde de péché tout en restant en relation avec lui par goût du profit ou par complaisance, c'est contradictoire. Nous risquons alors de faire l'expérience de Lot dont les gendres se moquaient.

Plus nous considérons Christ «au-dedans du voile», plus les choses de ce monde perdront leur charme pour nous, et nous manifesterons d'autant mieux le caractère d'étrangers célestes. Le rejet de notre Seigneur de la part du monde doit constamment influencer notre position et caractériser notre marche.

Cependant ne devons-nous pas confesser, à notre confusion, que des intérêts terrestres nous tiennent trop souvent à cœur, et que nous avons tendance à nous installer dans ce monde? N'éprouvons-nous pas parfois un certain sentiment d'isolement, suscité précisément par la séparation du monde? Alors souvenons-nous d'Abraham. Ce n'était pas parce qu'il avait quitté la Mésopotamie, le pays de sa parenté, qu'il éprouvait les sentiments d'un pèlerin, mais bien parce qu'il recherchait une autre patrie.

Puissions-nous beaucoup séjourner «au-dedans du voile», et, dans l'adoration, contempler les riches bénédictions de l'amour de notre Dieu et Père; puissions-nous marcher fidèlement ici-bas par la foi, «hors du camp», tenant ferme la glorieuse espérance que le Saint Esprit nous présente sans cesse «comme une ancre de l'âme, sûre et ferme, et qui entre jusqu'au-dedans du voile» (Hébreux 6:19). Alors nous serons à la fois de vrais citoyens des cieux — de vrais adorateurs dans le ciel, — et de vrais témoins — de vrais étrangers sur la terre.