La conscience (Suite et fin)

J.A. Monard

Ma conscience et celle de mon frère

Les différences de culture, d'éducation ou de développement spirituel entraînent nécessairement des différences dans l'estimation que peut faire la conscience des croyants. Si nous connaissions mieux les Ecritures, nous y découvririons davantage les normes divines; elles nous formeraient et nous aurions une appréciation plus juste du bien et du mal dans les multiples situations qui se présentent à nous. Néanmoins, la vie nous place fréquemment dans des situations où nous n'avons pas à disposition un verset clair et précis pour nous diriger, et où notre discernement spirituel doit être exercé. Dans de telles situations, le rôle de notre conscience est déterminant.

L'apôtre Paul parle en détail de ce sujet aux Romains et aux Corinthiens. Dans chaque cas se dégage la conclusion: il faut avoir égard à sa propre conscience et à celle de son frère.

1 Corinthiens 8 et 10 — La question soulevée est: un chrétien peut-il manger de la viande qui a été sacrifiée aux idoles? C'était un problème lancinant pour des croyants vivant dans un pays païen, où les viandes provenant des sacrifices idolâtres pouvaient être mangées dans un temple d'idole ou vendues à la boucherie.

Convaincus «qu'une idole n'est rien» (8: 4) et que «la terre est au Seigneur et tout ce qu'elle contient» (10: 26), des croyants pouvaient se dire qu'il n'y avait en fait aucune différence entre une viande sacrifiée aux idoles et une autre, et avoir pleine liberté d'en manger. L'apôtre leur dit: «Mangez de tout ce qui se vend à la boucherie, sans vous enquérir de rien à cause de la conscience» (10: 25). D'autres croyants, moins instruits, plus «faibles» (8: 7, 10, 12), avaient «jusqu'à maintenant conscience de l'idole» (verset 7). En voyant la viande, ils voyaient l'idole. S'ils avaient mangé de cette viande, leur conscience aurait été souillée. Il est bien clair que ceux-ci devaient s'abstenir. On ne doit jamais violer sa conscience.

Mais il y a un autre aspect des choses. Si mon comportement — tout en laissant ma conscience à l'aise — incite mon frère dont la conscience est «faible» à faire comme moi, je le conduis à «souiller» sa conscience. Je pèche contre lui. L'apôtre donne l'exemple extrême: «Car si quelqu'un te voit, toi qui as de la connaissance, assis à table dans un temple d'idoles, sa conscience à lui qui est faible, ne sera-t-elle pas enhardie à manger les choses sacrifiées à l'idole?» (8: 10). Et il ajoute: «Or en péchant ainsi contre les frères, et en blessant leur conscience qui est faible, vous péchez contre Christ» (verset 12). L'amour chrétien nous conduit à éviter certaines choses que nous pourrions avoir la liberté de faire, si notre conduite est en piège à nos frères. Il s'agit d'avoir soin aussi de leur conscience.

Romains 14 — Dans ce chapitre, sans utiliser le mot «conscience», l'apôtre donne un enseignement similaire, mais à l'occasion d'une autre chose. L'assemblée de Rome était composée de croyants issus du judaïsme et du paganisme. Les premiers avaient eu l'habitude de célébrer certains jours de fête, de s'abstenir des viandes «impures», et de respecter d'autres prescriptions de la loi de Moïse. Tout cela avait été clairement mis de côté par l'enseignement chrétien, mais le changement était difficile, surtout pour ceux qui s'étaient soumis à ces obligations par conscience envers Dieu. Les croyants qui étaient sortis du paganisme avaient abandonné sans peine leurs pratiques idolâtres, et pouvaient être tentés de «mépriser» leurs frères sortis du judaïsme. Ces derniers, par contre, pouvaient être portés à «juger» ceux qui n'observaient pas les prescriptions de la loi.

«L'un estime un jour plus qu'un autre jour, et l'autre estime tous les jours égaux; que chacun soit pleinement persuadé dans son propre esprit!» (verset 5). Que chacun fasse «à cause du Seigneur» et «ayant égard au Seigneur» ce que sa conscience lui dit de faire! Mais que personne ne juge ni ne méprise son frère, qui est «le domestique d'autrui»! «Chacun de nous rendra compte pour lui-même à Dieu» (verset 12).

Concernant les viandes que la loi déclarait impures, l'apôtre dit: «Je sais, et je suis persuadé dans le Seigneur Jésus, que rien n'est souillé par soi-même, sauf qu'à celui qui croit qu'une chose est souillée, elle lui est souillée» (verset 14). Un peu plus loin il confirme: «Celui qui hésite, s'il mange, est condamné, parce qu'il n'agit pas sur un principe de foi. Or tout ce qui n'est pas sur le principe de la foi est péché» (verset 23). («Condamné» signifie ici: condamné dans sa conscience.) Si je suis mal à l'aise avec telle ou telle action envisagée, je dois m'en abstenir, et ne pas faire violence à ma conscience.

Mais il y a aussi la conscience de mon frère que je dois ménager. «Jugez plutôt ceci, de ne pas mettre une pierre d'achoppement ou une occasion de chute devant votre frère» (verset 13). «Il est bon de ne pas manger de chair, de ne pas boire de vin, et de ne faire aucune chose en laquelle ton frère bronche, ou est scandalisé, ou est faible» (verset 21). «Que chacun de nous cherche à plaire à son prochain, en vue du bien, pour l'édification!» (15: 2).

Observons les mots utilisés dans ce chapitre. «L'un croit pouvoir manger de toutes choses» (verset 2); «l'un estime un jour plus qu'un autre» (verset 5); il s'agit d'être «pleinement persuadé dans son propre esprit» (verset 5); l'un «croit qu'une chose est souillée» (verset 14); un croyant «approuve» une chose (verset 22) ou «hésite» à son sujet (verset 23). Si le mot «conscience» n'apparaît pas ici, d'autres expressions en fournissent la pensée.

Pour conclure, remarquons que «la foi» encadre ce chapitre. Dans le premier verset, il est question de «celui qui est faible en foi». Et dans le dernier, nous apprenons que c'est «sur un principe de foi» que tout, dans notre marche chrétienne, doit être fait. Notre relation pratique avec Dieu a pour pilier autant la foi que la conscience. Une chose faite «sur un principe de foi», c'est une chose faite avec Dieu, dans la conscience qu'elle est approuvée de lui.