La conscience (suite)
Une conscience purifiée
Avant la venue de Christ, la question des péchés ne pouvait être réglée que d'une façon partielle et provisoire. D'une part il y avait la confession des péchés commis — l'exemple de David nous l'a montré. D'autre part, il y avait des sacrifices d'animaux à offrir. Ceux-ci étaient l'image du seul sacrifice qui peut réellement ôter les péchés, celui de Christ, et c'est pour cette raison qu'ils avaient quelque valeur devant Dieu. Mais l'épître aux Hébreux met en évidence la faiblesse, et même l'inutilité, de ces moyens provisoires. Dans le tabernacle étaient «offerts des dons et des sacrifices qui ne peuvent pas rendre parfait quant à la conscience celui qui rend le culte» (9: 9). En contraste avec les aspersions et les ablutions juives qui ne pouvaient que donner une pureté cérémonielle, cette épître nous déclare avec force la valeur du «sang du Christ» qui purifie la conscience «des oeuvres mortes» — c'est-à-dire de toutes les oeuvres produites par une nature pécheresse, moralement morte devant Dieu (versets 13, 14). C'est la part bienheureuse de tout pécheur qui se repent.
Si les sacrifices prescrits à Israël avaient eu une réelle efficacité — s'ils avaient pu «rendre parfaits ceux qui s'approchent» — ils auraient «cessé d'être offerts», puisque ceux qui les offraient «n'auraient plus eu aucune conscience de péchés» (10: 2). Mais le sang de Christ purifie entièrement le pécheur de ses péchés, il le rend propre pour la présence de Dieu — parfait à ses yeux. «Par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés» (10: 14). Et ce précieux sang donne à ceux qui ont été purifiés une bonne conscience devant Dieu. Ils peuvent s'approcher de lui dans une pleine liberté pour l'adorer. «Approchons-nous avec un coeur vrai, en pleine assurance de foi, ayant les coeurs par aspersion purifiés d'une mauvaise conscience et le corps lavé d'eau pure» (10, 22)1.
1 L'eau pure est ici une image de la parole de Dieu qui a opéré le lavage fondamental dont le Seigneur parle en Jean 13: 10, lorsqu'il dit: «tout le corps lavé».
Ces passages de l'épître aux Hébreux nous parlent donc de la purification initiale de la conscience. C'est de cela aussi que nous parle Pierre, dans sa première épître, quand il nous indique que le fondement de notre «bonne conscience» devant Dieu est «la résurrection de Jésus Christ, qui est à la droite de Dieu» (3: 21). Jésus a porté nos péchés, il les a expiés. Sa résurrection témoigne de son oeuvre parfaitement achevée et nous place dans un état où nous avons bonne conscience devant Dieu.
D'un autre côté, il est vrai aussi que lorsqu'un croyant pèche, sa conscience se charge, et sa communion avec Dieu est troublée. La confession de sa faute est indispensable pour rétablir la communion avec Dieu et ramener la sérénité dans son coeur.
La conscience et la parole de Dieu
Le chapitre 2 de l'épître aux Romains, dans les versets 12 et suivants, nous donne un enseignement de base au sujet de la conscience. L'apôtre parle du jugement de Dieu et des différences de responsabilité des hommes, selon qu'ils auront «péché sans loi» ou «sous la loi». Dans ce contexte, il envisage le cas de personnes «qui n'ont point de loi» et qui «font naturellement les choses de la loi». S'il en est ainsi, «elles montrent l'oeuvre de la loi, écrite dans leurs coeurs, leur conscience rendant en même temps témoignage, et leurs pensées s'accusant entre elles, ou aussi s'excusant» (verset 15). L'apôtre ne dit pas si une telle chose est rare ou fréquente — et il exposera la culpabilité de tous au chapitre 3 — mais il parle du principe. Nous voyons ici que tout homme a une certaine notion naturelle du bien et du mal. C'est ce dont Dieu a parlé en Genèse 3: 22. L'homme possède une conscience qui peut l'accuser ou chercher à l'excuser. La responsabilité de ceux qui n'ont que leur conscience pour les éclairer est évidemment moindre que la responsabilité de ceux qui ont été instruits par la parole de Dieu; et il en sera tenu compte au jour du jugement, «au jour où Dieu jugera par Jésus Christ les secrets des hommes» (verset 16).
Les notions de bien et de mal que la conscience naturelle de l'homme peut lui fournir sont assez rudimentaires, et on peut observer qu'elles varient selon les cultures. Dans les contrées où dominent des religions païennes (ou des religions qui ne sont qu'une déformation de la révélation de Dieu), le bien et le mal sont souvent confondus.
Au chapitre 7 de l'épître aux Romains, l'apôtre montre le rôle de la parole de Dieu pour éclairer la conscience et lui fournir des normes. Il dit, en donnant l'exemple de la convoitise: «Je n'aurais pas eu conscience de la convoitise, si la loi n'avait dit: Tu ne convoiteras point» (verset 7). Il dit ailleurs, d'une façon plus générale: «Par la loi est la connaissance du péché» (3: 20). Toute la parole de Dieu, qu'il s'agisse des commandements de la loi, des récits historiques, des livres poétiques, des prophéties, ou des écrits du Nouveau Testament, contribue à nous inculquer la pensée de Dieu quant au bien et au mal, donc à éclairer et à former notre conscience.
Quelques exemples du travail de la conscience, dans le Nouveau Testament
Simon Pierre — Tout au début de son ministère, depuis la barque de Simon, Jésus prêche à la foule qui se tient sur le rivage (Luc 5). Puis le Seigneur donne l'ordre de lancer les filets pour la pêche. En face de la prise miraculeuse qui vient d'être réalisée, celui qui va devenir le disciple Pierre s'écrie, en se jetant aux genoux de Jésus: «Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur» (Luc 5: 8). Sa réaction rappelle celle de Jacob à Peniel et celle d'Esaïe dans le temple.
La Samaritaine — Avec une sagesse merveilleuse, Jésus avait parlé à son coeur et à sa conscience (Jean 4). Elle avait laissé la lumière divine éclairer son âme et commençait à discerner la gloire de Celui qui s'était révélé à elle. «Venez», dit-elle aux hommes de la ville, «voyez un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait; celui-ci n'est-il point le Christ?» (verset 29). Sa conscience a été mise à découvert et son coeur a été attiré.
Un fils d'abord désobéissant — Dans une petite parabole, le Seigneur parle de deux fils auxquels leur père demande d'aller travailler dans la vigne (Matthieu 21: 28-31). L'un d'eux, d'abord récalcitrant, écoute les reproches que lui fait sa conscience et, en fin de compte, fait la volonté de son père. Le Seigneur montre par là que les pécheurs notoires peuvent se repentir et devancer ceux qui soignent leur apparence de justice mais n'écoutent pas leur conscience.
Le fils prodigue — Dans cette parabole de Luc 15, ce qui ramène le fils égaré, c'est à la fois le poids de la misère dans laquelle il s'est mis et la voix de sa conscience. Il ouvre les yeux sur son péché, sur son indignité, et trouve le chemin de la repentance.
Trois mille âmes — Au jour de la Pentecôte, les paroles incisives prononcées par Pierre, sous la conduite de l'Esprit Saint, pénètrent profondément dans les consciences des Juifs (Actes des Apôtres 2: 22-36). Beaucoup ont «le coeur saisi de componction», c'est-à-dire d'un profond repentir. «Et en ce jour-là furent ajoutées environ trois mille âmes» à l'assemblée chrétienne (verset 41).
Pilate — En contraste avec les exemples précédents, dans lesquels nous voyons des hommes et des femmes qui écoutent leur conscience, citons le terrible exemple de Pilate. Il sait que Jésus, objet de la haine farouche des Juifs, ne mérite nullement la mort. Torturé par sa conscience, il cherche toutes sortes d'échappatoires pour éviter de prononcer une condamnation. Mais finalement, sous la pression des circonstances, il agit contre sa conscience et condamne le Juste.
L'exemple particulier de Paul
En fait, toute la vie de l'apôtre, même celle qui a précédé sa conversion, a été marquée par une «conscience pure». C'est ce qu'il dit à Timothée au début de la seconde épître (1: 3), et qu'il affirme hautement lorsqu'il comparaît devant le sanhédrin, après son arrestation: «Je me suis conduit en toute bonne conscience devant Dieu jusqu'à ce jour» (Actes des Apôtres 23: 1). Il expliquera devant Agrippa: «J'ai pensé en moi-même qu'il fallait faire beaucoup contre le nom de Jésus le Nazaréen» (26: 9). Pharisien zélé et convaincu, il avait persécuté de toutes ses forces les disciples de Jésus, l'assemblée, et par conséquent Jésus lui-même! (cf. Galates 1: 13; Actes des Apôtres 9: 4). Son exemple nous montre de la façon la plus éloquente que la conscience n'est pas un guide fiable, et qu'il ne suffit pas d'avoir bonne conscience pour se trouver dans un bon chemin.
Le Seigneur avait arrêté le persécuteur et le blasphémateur sur le chemin de Damas, et s'était révélé à lui. Brisé, Paul avait découvert son égarement et avait appris à connaître la merveilleuse grâce de Jésus. Le souvenir de ce qu'il avait été l'a accompagné tout au long de sa vie de service, et l'a tenu dans l'humilité. Dans le sentiment de la miséricorde dont il a été l'objet, il rappellera volontiers qu'il est le premier des pécheurs (1 Timothée 1: 15) et qu'il n'est pas digne d'être appelé apôtre (1 Corinthiens 15: 9). Eclairée par la révélation divine, sa conscience sera un instrument précieux, dans les mains de Dieu, pour le conduire et le maintenir dans un bon chemin.
Devant le gouverneur Félix, il fait une déclaration qui doit retenir particulièrement notre attention. Après avoir rappelé «qu'il y aura une résurrection, tant des justes que des injustes», il ajoute: «A cause de cela, moi aussi je m'exerce à avoir toujours une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes» (Actes des Apôtres 24: 16). La pensée de la résurrection et du tribunal de Christ, devant lequel nous rendrons compte de toutes nos actions, devrait être pour nous un stimulant à marcher soigneusement, notre conscience pesant toutes choses selon les principes divins qui nous ont été révélés. Pour Paul, c'était un exercice constant, et le maintien de sa conscience dans un état où elle n'avait pas de reproches à lui faire était la base de sa relation pratique avec Dieu. Une bonne conscience «devant Dieu et devant les hommes», c'est une conscience qui ne craint ni le regard de Dieu ni celui des hommes. Cela implique une justice pratique devant Dieu et devant les hommes, et un jugement régulier de ses propres défaillances.
C'est en raison d'une bonne conscience que l'apôtre peut se recommander aux prières de ses frères dans la foi. Il peut dire: «Priez pour nous, car nous croyons que nous avons une bonne conscience, désirant de nous bien conduire en toutes choses» (Hébreux 13: 18). Il n'affirme pas qu'il se conduit bien, mais peut dire que sa conscience est à l'aise.
Paul dit aux Corinthiens: «Je n'ai rien sur ma conscience; mais par là je ne suis pas justifié» (1 Corinthiens 4: 4). Avoir une conscience qui ne nous reproche rien, c'est essentiel. Mais ce n'est pas une garantie que nous marchions dans le bon chemin.
Il y avait à Corinthe des personnes qui cherchaient à dénigrer l'apôtre en vue de détacher les croyants de lui. Cela l'affligeait et l'inquiétait parce qu'il aimait ceux dont il était le père spirituel. Mais cela ne le troublait pas. Quels que soient les propos malveillants qui étaient répandus à son sujet, il se remettait au Seigneur, «qui aussi mettra en lumière les choses cachées des ténèbres, et qui manifestera les conseils des coeurs; et alors chacun recevra sa louange de la part de Dieu» (verset 5).
L'entretien d'une bonne conscience
La manière dont l'apôtre Paul veillait à l'état de sa propre conscience donne un poids moral particulier à ses paroles. Dans l'enseignement qu'il donne à Timothée, dans la première épître, Paul revient à quatre reprises sur le sujet de la conscience. Tout d'abord, il indique quel était le but de la mission confiée à celui qui devait agir de sa part: «La fin de l'ordonnance, c'est l'amour qui procède d'un coeur pur et d'une bonne conscience et d'une foi sincère» (1: 5). L'amour doit imprégner tout le service qui s'exerce dans la maison de Dieu. Mais un amour selon Dieu est inséparable des trois vertus qu'il mentionne ici, et en particulier d'une bonne conscience.
Un peu plus loin, il exhorte «son enfant Timothée» à combattre le bon combat, «gardant la foi et une bonne conscience» (1: 19) — en contraste avec quelques-uns qui ont «rejeté» une telle conscience et, à cause de cela, ont «fait naufrage quant à la foi». Une foi vivante et active, qui garde fidèlement ce que Dieu a révélé, doit aller de pair avec une bonne conscience. Il ne suffit pas de connaître ou de garder la vérité intellectuellement; il faut qu'elle ait toute sa puissance sur l'âme.
Parmi les choses requises des serviteurs, l'apôtre mentionne: «gardant le mystère de la foi dans une conscience pure» (3: 9).
«Aux derniers temps, quelques-uns apostasieront de la foi» (4: 1). Après avoir pour un temps donné l'impression d'être des ouvriers du Seigneur, ils donneront un enseignement corrompu. Et ce qui les caractérisera moralement, c'est une «conscience cautérisée» (verset 2). Il s'agit là d'une conscience qui ne parle plus du tout. C'est ce qui arrive lorsqu'on prend l'habitude de la faire taire.
Une bonne conscience est le fondement de la relation pratique de l'âme avec Dieu. Elle donne au croyant de l'assurance lorsqu'il s'adresse à lui par la prière, parce qu'elle est inséparable d'une vraie communion avec lui. C'est ce que Jean écrit dans sa première épître, sans d'ailleurs utiliser le mot «conscience»: «Bien-aimés, si notre coeur ne nous condamne pas, nous avons de l'assurance envers Dieu; et quoi que nous demandions, nous le recevons de lui…» (1 Jean 3: 21, 22). Et «si notre coeur nous condamne» — si notre conscience nous fait sentir nos faiblesses et nos manquements — nous pouvons nous souvenir que «Dieu est plus grand que notre coeur et il sait toutes choses» (verset 20). Dans sa connaissance parfaite, Dieu voit en nous incomparablement plus de déficits que notre conscience ne saurait nous en montrer. Mais nous pouvons tout lui confesser et nous confier en sa grâce surabondante.
Remarquons enfin que la soumission du croyant à l'autorité terrestre n'a pas seulement pour but d'éviter la colère de celui qui peut punir, mais de ne pas entacher sa propre conscience. «Il est nécessaire d'être soumis, non seulement à cause de la colère, mais aussi à cause de la conscience» (Romains 13: 5).
A suivre