Epître aux Galates
Introduction
Dans son épître aux Galates, l'apôtre Paul n'a pas tant pour but d'exposer que de défendre l'évangile. Les fauteurs de trouble qui avaient sévi en Galatie étaient manifestement des Juifs qui, tout en professant leur conversion au christianisme, étaient plus zélés pour la loi que pour Christ. C'étaient des hommes de la même trempe que ceux qui sont mentionnés en Actes 15: 1 et 5.
Nous trouvons aussi dans d'autres épîtres des allusions à leur activité malfaisante. Par exemple, ils avaient obtenu un certain succès parmi les Corinthiens. Il y a quelques allusions discrètes à eux dans la première épître; et dans la seconde, au chapitre 11, l'apôtre les condamne ouvertement. C'étaient bien des Juifs (cf. verset 22), mais l'apôtre ne les considère pas comme de vrais chrétiens (cf. versets 13 et 14). Les chrétiens de Colosses, dans l'épître qui leur est adressée, sont mis en garde contre les séductions de ces gens (2: 14-23), et l'apôtre en touche même un mot aux fidèles Philippiens, lorsqu'il écrit: «Prenez garde aux mauvais ouvriers, prenez garde à la concision» (3: 2).
Pourtant, leur plus grand succès a certainement été auprès des Galates, un peuple au tempérament changeant. Les «assemblées de la Galatie» avaient largement accepté les idées que ces hommes répandaient, ne réalisant guère qu'elles sapaient les bases de l'évangile qui leur était parvenu par la bouche de Paul lui-même. C'est ce que l'apôtre leur montre dans cette épître. En conséquence, il met l'accent sur les caractères de l'évangile qui mettent à découvert les erreurs de ces idées nouvelles. Il leur montre qu'ils avaient été entraînés à abandonner le terrain de la grâce, en ce qui concerne leurs pensées et leur état spirituel. La gravité de cet égarement explique le langage réservé et le ton sévère de cette épître.
Chapitre 1er
En commençant sa lettre, Paul présente son apostolat, et souligne qu'il l'a reçu directement de Dieu. Il ne lui avait pas été transmis par un homme, pas même par les douze qui avaient été choisis avant lui. Les hommes n'en étaient pas la source, ni le canal par lequel il l'avait reçu. Dieu en était la source, et il lui avait été transmis par Jésus Christ. Ainsi, l'apôtre avait une pleine autorité que n'avaient pas les docteurs judaïsants; ceux-ci, qui avaient amené le trouble, pouvaient tout au plus prétendre être les émissaires des frères de Jérusalem. En outre, ainsi qu'il le relève, tous les frères qui étaient avec lui au moment où il écrivait la lettre s'associaient avec ce qui y était écrit. Il y avait tout le poids possible derrière ses déclarations.
On remarque que Paul n'écrit pas ici à une assemblée de chrétiens seulement, mais aux assemblées de la province de Galatie, qui avaient manifestement toutes été affectées de la même manière. L'évangile leur était parvenu par l'oeuvre de Paul, ainsi que les versets 11 à 15 du chapitre 4 le laissent entendre. Ils l'avaient accueilli à bras ouverts et avaient paru lui être très attachés. Des miracles avaient été opérés parmi eux (3: 5); cela avait été une période merveilleuse. Aucune opposition ne paraît avoir eu lieu; personne n'avait malmené Paul. Pourtant, dans les Actes, tout cela est passé sous silence. Il est seulement dit qu'ils «traversèrent… le pays de Galatie» (16: 6) et que plus tard, Paul «traversa… le pays de Galatie… fortifiant tous les disciples» (18: 23).
Tout cela est significatif. C'est manifestement une période où le travail s'est fait en surface — où le sol était rocailleux. Gardons-nous bien de déprécier le travail de l'apôtre pour autant, puisque le Seigneur a envisagé une telle situation dans son propre travail de semeur. Tout semblait magnifique; pourtant le Saint Esprit connaissait dès le début ce qui se trouvait sous la surface; et lorsque Luc a été inspiré pour écrire son second traité, cette période apparemment merveilleuse en Galatie est rapportée de façon extrêmement succincte.
Dans les salutations qui ouvrent l'épître (versets 3-5), le Seigneur Jésus est présenté d'une manière très remarquable. Il s'est donné lui-même pour nos péchés, mais c'était dans le but de nous délivrer du «présent siècle mauvais». En parcourant cette épître, nous verrons comment la loi, la chair et le monde vont toujours ensemble. La loi a été donnée pour mettre un frein à la chair, et ainsi pour faire du monde ce qu'il devrait être. En réalité, elle n'a rien fait de cela, mais elle a révélé la chair et le monde dans leurs vrais caractères. D'un autre côté, nous allons voir que la grâce de l'évangile introduit la foi et l'Esprit, et qu'elle délivre du monde, qui est considéré comme déjà condamné.
Le «présent siècle» ici, c'est le «monde» ou le «train de ce monde». C'est le système du monde plutôt que les gens qui le composent. C'est un système très présent aujourd'hui, mais il est jugé et condamné; c'est pourquoi Dieu veut que nous en soyons délivrés et c'est dans ce but que le Seigneur Jésus est mort pour nous.
Au verset 6, Paul aborde directement le sujet principal de sa lettre. L'évangile qu'il avait prêché aux Galates les avait placés dans la grâce de Christ, et maintenant ils s'étaient tournés vers un enseignement différent, qui n'était pas un évangile du tout. L'apôtre exprime son étonnement en face de cette folie. Nous pouvons ressentir, en lisant ces paroles solennelles, la brûlante indignation qui le remplissait. Ces croyants s'attachaient à «un évangile différent» qui n'en était «pas un autre». Ils imaginaient peut-être qu'ils avaient reçu une version revue et améliorée de l'ancien enseignement. Mais ce n'était pas le cas. C'était un enseignement radicalement différent et faux.
Au verset 8, Paul envisage l'hypothèse dans laquelle lui-même pervertirait de cette façon l'évangile de Dieu, ou même qu'un ange venu du ciel le fasse — non un ange déchu, mais un ange venant de la présence de Dieu. Sur lui-même comme sur l'ange, il prononce alors solennellement la malédiction de Dieu. Puis, comme s'il prévoyait que certains vont le trouver extrême dans sa condamnation et l'en reprendre, il répète sa malédiction en l'accentuant encore. Il est clair que ni lui ni un ange venu du ciel n'allaient pervertir l'évangile, mais certains hommes l'avaient fait parmi les Galates. C'est pourquoi il dit: «si quelqu'un…» (verset 9).
Si certaines personnes pensent qu'on a simplement ici un accès de mauvaise humeur contre des prédicateurs concurrents, qu'elles considèrent ce qui est impliqué dans cette affaire! Elles verront bien vite que la malédiction prononcée est une malédiction de Dieu appuyée de tout le poids de son autorité.
Qu'est-ce donc qui était impliqué ici? Pour répondre, donnons une illustration. Pensez-vous qu'une personne qui, en cachette, verse du poison dans le verre de quelqu'un mérite d'être condamnée? Très certainement! Alors, d'après vous, que mérite quelqu'un qui verse, au plus profond de la nuit, un tonneau entier de poison dans la réserve d'eau potable d'une ville? Vous n'avez pas de mots assez forts pour exprimer l'horreur que vous inspire une telle action. Or ici, nous trouvons des hommes qui pervertissaient le message qui est la seule source de salut et de vie spirituelle pour un monde perdu. Quel est le langage que peut employer l'Esprit de Dieu pour exprimer son horreur d'une telle action? Il ne peut que prononcer la solennelle malédiction de Dieu.
Vous remarquerez que ces hommes ne contredisaient pas l'évangile mais le pervertissaient. Pour une seule personne qui contredit ouvertement l'évangile, vous en trouverez beaucoup qui le pervertissent. Adroitement, ils y font le changement subtil qui falsifie entièrement son vrai caractère. Soyons sur nos gardes.
Le motif réel qui se cachait derrière les enseignements de ces gens était le désir de plaire à l'homme. C'est ce que nous découvre le verset 10. Plus loin dans l'épître, nous verrons qu'ils voulaient se glorifier dans la chair et s'attacher les Galates comme disciples. Ils désiraient plaire aux hommes, afin que ceux-ci, satisfaits, les suivent et deviennent leurs disciples. Ainsi, à l'arrière-plan de tout cela, il y avait le but de s'exalter soi-même.
En contraste avec eux, l'apôtre Paul était le vrai serviteur de Christ. Il cherchait à plaire à Christ et non aux hommes. Ceux-ci pouvaient le blâmer ou le louer, ce n'était pas très important pour lui. Peu lui importait en effet l'avis des autres, et c'était également vrai quant au jugement des autres apôtres, ainsi que nous le verrons dans le chapitre suivant. Paul avait reçu directement du Seigneur l'évangile qu'il prêchait, et cela l'élevait bien au-dessus des opinions humaines.
Mais à cet égard, aucun prédicateur aujourd'hui ne peut se prévaloir de la position de Paul. Il serait entièrement déplacé d'adopter le même ton d'autorité que lui. L'évangile nous a été prêché par des hommes. La parole de Dieu n'est pas venue de nous; elle est venue à nous (cf. 1 Corinthiens 14: 36). Pour cette raison, nous faisons bien d'écouter avec soumission ce que nos frères ont à dire, même lorsqu'ils jugent nécessaire de nous reprendre. Mais de toute manière, la cour d'appel finale est la parole de Dieu.
Soyons aussi attentifs à ne pas avoir comme but de plaire aux hommes. L'évangile même que nous avons reçu, et que peut-être nous prêchons, devrait nous préserver de cela, car il «n'est pas selon l'homme», comme le dit le verset 11. Il est vrai que s'il nous est parvenu sous une forme défectueuse ou mutilée, nous pouvons bien ne pas avoir réalisé son vrai caractère. Mais c'était le caractère de l'évangile que Paul prêchait: l'homme n'en était pas la source. L'homme n'était pas non plus le moyen de communication par lequel Paul l'avait reçu. Il l'avait reçu par une révélation directe du Seigneur Jésus. Il le tenait directement de Dieu, tout comme son apostolat, ainsi que nous l'avons vu au verset 1. En conséquence, cet évangile avait le sceau de Dieu, et non celui des hommes.
L'évangile a donc pour trait caractéristique d'être «selon Dieu» et non «selon l'homme». Ce qui est selon l'homme honore l'homme, le flatte, le glorifie. L'évangile déclare à l'homme la triste vérité à son sujet, mais il glorifie Dieu et accomplit ses plans.
Ceci met entre nos mains un test efficace pour discerner si ce que nous entendons comme évangile est réellement l'évangile. On entend dire, par exemple: «Oh! j'aime écouter tel et tel; il parle bien; il a du bon sens. Il a confiance en l'humanité; cela nous redonne de l'espoir et de la satisfaction, dans ce monde plein de mécontentement». Un message qui a ce caractère est complètement «selon l'homme», et par conséquent agréable à l'homme naturel. Mais ce n'est pas l'évangile de Dieu.
A première vue, il pourrait sembler que ce que Paul dit ici est en contradiction avec ce qu'il dit dans le dernier verset de 1 Corinthiens 10. Mais si on lit ce chapitre entier, ainsi que celui qui le précède, on voit que là, son but est d'encourager les chrétiens à avoir le plus possible d'égards et de soins pour leurs frères plus faibles, et pour tous les hommes. Ainsi, ils doivent éviter tout ce qui pourrait blesser et chercher le profit de tous. Ici, par contre, il est question de la vérité de l'évangile. Il faut résister énergiquement à tout ce qui tendrait à l'altérer, ou à lui enlever quoi que ce soit pour plaire aux hommes. A cet égard, aucun compromis ne peut être accepté.
Depuis le verset 13 jusqu'à la fin du chapitre, l'apôtre raconte une partie de son histoire. Il le fait manifestement dans le but de confirmer ce qu'il vient d'affirmer au verset 12.
Premièrement, il rappelle ce qui le caractérisait lorsqu'il n'était pas converti. Sa vie avait uni un grand zèle pour les traditions juives, un avancement dans le judaïsme dépassant celui de ses contemporains, et une détermination farouche à persécuter l'assemblée de Dieu. A deux reprises dans les versets 13 et 14, il parle du «judaïsme». C'est très significatif, car les Galates étaient tombés dans le piège qui consistait à essayer d'amener l'esprit de cette religion dans l'évangile. Paul désirait qu'ils réalisent que bien loin d'être un complément à l'évangile, le judaïsme lui était hostile. Lui-même en avait été absolument retiré par sa conversion.
Trois étapes de l'histoire de Paul sont clairement mises ici en évidence pour nous. Premièrement, Dieu l'a mis à part avant sa naissance. Deuxièmement, il a été appelé par la grâce de l'évangile. Troisièmement, Dieu a révélé son Fils en lui, afin que celui-ci puisse être le thème de son témoignage parmi les nations. Bien que Paul ait été Hébreu de naissance, il avait autant besoin d'être mis à part que s'il avait été un païen; il a été mis à part, séparé, de son judaïsme — un point très important pour les Galates. De plus, il a été mis à part pour le service de Dieu, service dont le caractère a été déterminé, pour lui, par la nature de la révélation qu'il a reçue.
C'était la révélation du Fils de Dieu et pas seulement celle du Messie d'Israël. Le Seigneur Jésus était les deux, bien sûr, mais c'est sous le premier de ces caractères qu'il est apparu à Paul. C'est ainsi qu'il lui est apparu depuis la gloire. Depuis ce grand événement sur le chemin de Damas, Paul a su que ce Jésus de Nazareth qu'il avait méprisé était le Fils de Dieu. Et ceci n'est pas seulement une chose qui lui fut révélée, mais qui fut révélée en lui.
L'utilisation de la préposition «en» indique que la révélation faite a été profonde et efficace en Paul. Si vous allez dans un observatoire, on vous permettra peut-être de regarder la lune à travers un grand télescope. Vous percevrez les merveilles de sa surface, de ses montagnes, de ses cratères. Pourtant, bien que révélées à votre oeil, ces choses ne seront pas dans votre oeil, car au moment où vous le retirerez du télescope, tout disparaîtra. Mais si l'astronome fixe un appareil photographique à l'extrémité du télescope, y met une plaque sensible pendant le temps convenable et fait subir à celle-ci les traitements chimiques nécessaires, une image apparaît sur la plaque. Ce qui était seulement révélé à l'oeil est maintenant révélé dans la plaque et cela, de manière définitive. Il en était ainsi pour Paul. Le Fils de Dieu dans la gloire avait produit une impression permanente en Paul, et ainsi il était capable de le prêcher comme quelqu'un qu'il connaissait, et non seulement comme quelqu'un dont il connaissait quelque chose.
C'était cela qui caractérisait le service et le ministère uniques de l'apôtre Paul; c'était aussi ce qui, dès le début, l'avait élevé au-dessus de la dépendance des autres hommes, même des plus distingués d'entre eux. C'est pour cela qu'il n'avait pas eu besoin d'aller à Jérusalem immédiatement après sa conversion. Trois ans s'étaient écoulés avant qu'il ne voie l'un de ceux qui étaient apôtres avant lui. Même alors, il n'avait vu que Pierre et Jacques, et pour une courte période.
En Actes 9, il n'est pas fait mention de sa visite en Arabie; de sorte que l'on ne peut faire que des suppositions quant au moment où elle a eu lieu. Elle se situe très probablement entre les versets 22 et 23 de ce chapitre. Ainsi, l'épisode de sa fuite de Damas, dévalé dans une corbeille par-dessus la muraille, aurait eu lieu après son retour d'Arabie. S'il en est ainsi, sa visite à Pierre a eu lieu juste après cet événement. Quoi qu'il en soit, l'apôtre insiste sur l'exactitude de ce qu'il écrit aux Galates. Il souligne le fait que les assemblées de Judée n'avaient appris sa conversion que par ouï-dire, et qu'elles glorifiaient Dieu pour la grâce et la puissance qui avaient transformé en un serviteur de Dieu le violent persécuteur qui les avait fait souffrir.
Soulignons que tous ces détails historiques sont donnés pour nous faire réaliser que l'évangile dont Paul était le héraut lui était parvenu directement du Seigneur.
Chapitre 2
Ce chapitre se divise très simplement en deux parties:
- les versets 1 à 10, dans lesquels l'apôtre rappelle ce qui s'est passé lors de sa deuxième visite à Jérusalem après sa conversion,
- les versets 11 à 21, dans lesquels il raconte un incident qui s'était passé à Antioche, peu de temps après sa deuxième visite à Jérusalem. Cet incident avait une portée directe sur le point qui était en cause avec les Galates.
Versets 1-10
La première visite à Jérusalem avait eu lieu trois ans après sa conversion (1: 18), et la seconde quatorze ans plus tard (2: 1). Cette dernière est manifestement l'événement au sujet duquel Actes 15 nous fournit d'abondantes informations. Il sera utile de lire attentivement ce passage avant d'aller plus loin. Il contient plusieurs détails intéressants.
Actes 15 commence en nous disant que «quelques-uns, étant descendus de Judée» jusqu'à Antioche, enseignaient que la circoncision était nécessaire pour être sauvé. Remarquons qu'ils ne sont pas appelés des «frères». En Galates 2, Paul les nomme sans hésitation «des faux frères, furtivement introduits» (verset 4). Ainsi, très tôt, des inconvertis se sont glissés parmi les croyants, malgré la vigilance et le soin des apôtres. C'est une chose triste que de telles personnes puissent s'introduire furtivement en dépit des soins donnés. Et c'en est une encore plus triste lorsque des principes
laissant la porte ouverte à de telles personnes sont enseignés et pratiqués.
Dans les Actes, nous lisons qu'ils «résolurent» que Paul, Barnabas et d'autres feraient une visite à Jérusalem. Mais ici, Paul nous dévoile l'arrière-plan de la scène et nous apprend qu'il y est monté «selon une révélation». La tentation pouvait être grande pour lui de rencontrer et de vaincre ces faux frères à Antioche, mais le Seigneur lui avait révélé qu'il devait interrompre les controverses et amener la discussion à Jérusalem, où les vues de ses opposants étaient plus fortement défendues. C'était un déplacement hardi, mais c'était une démarche qui, dans la sagesse de Dieu, préservait l'unité dans l'Eglise. Le résultat de son obéissance à cette révélation, c'est que le problème fut réglé contre les affirmations de ces faux frères, à l'endroit même où ils avaient le plus de sympathisants. Si ce problème avait été réglé à Antioche, parmi les Gentils, le danger d'une division aurait été grand.
En Actes 15, il est simplement dit que «quelques autres d'entre eux» monteraient avec Paul et Barnabas à Jérusalem. Galates 2 nous apprend que parmi ces «quelques autres» se trouvait Tite, un Grec. Cela soulevait le problème sous sa forme la plus aiguë. Mais l'apôtre n'avait voulu faire aucune concession à ses opposants. Il ne voulait absolument pas se soumettre à eux. C'est pourquoi Tite ne fut pas contraint à être circoncis.
En contraste, la manière d'agir de Paul avec Timothée est d'autant plus remarquable (Actes des Apôtres 16: 1-3). Cela nous enseigne que des choses auxquelles il faut vigoureusement résister dans certaines circonstances doivent être acceptées dans d'autres. Dans le cas de Tite, la circoncision aurait eu pour but d'établir un principe qui sapait les bases mêmes de l'évangile.
Dans le cas de Timothée, aucun principe de ce genre n'était en jeu. La question avait été entièrement réglée. Paul a circoncis Timothée, dont la mère était Juive et le père Grec, pour que son service puisse s'exercer aussi bien parmi les Juifs que parmi les nations, afin qu'il puisse «gagner les Juifs» (1 Corinthiens 9: 20). Pour Paul lui-même, pour les Corinthiens et pour nous aussi, la circoncision et l'incirconcision ne sont «rien» (1 Corinthiens 7: 19).
Il est possible que nous voyions un serviteur de Christ agir de la même manière aujourd'hui. Ne soyons pas pressés de l'accuser d'inconséquence. Il agit peut-être avec un discernement divin dans des cas où nous n'avons pas vu de différence. L'apôtre parle de «la liberté que nous avons dans le Christ Jésus». C'était cette liberté qui le conduisait à refuser la circoncision là où elle impliquait un asservissement à la loi, mais à la pratiquer, un ou deux ans après, lorsqu'elle n'impliquait aucune question de principe.
Paul a profité de sa visite à Jérusalem pour exposer aux autres apôtres l'évangile qu'il prêchait parmi les nations. Bien qu'il l'ait reçu directement du Seigneur, il éprouvait le besoin de leur présenter ce qu'il avait compris de la révélation. Les apôtres les plus instruits, ainsi que les anciens de Jérusalem, n'eurent rien à objecter. Au contraire, ils reconnurent que Paul avait été clairement appelé de Dieu pour apporter l'évangile parmi les nations, alors que Pierre avait reçu une mission semblable parmi les Juifs. Ainsi Jacques, Céphas et Jean — considérés les trois comme des colonnes — ayant reconnu la grâce qui avait été donnée à Paul, exprimèrent une pleine communion et une entière solidarité avec lui dans son oeuvre.
Ce fait avait une incidence directe sur le problème qui concernait les Galates. Si les hommes qui avaient fait du mauvais travail en Galatie attaquaient Paul comme étant un parvenu ne possédant aucune autorité, ce dernier pouvait faire valoir qu'il avait reçu son message du Seigneur par une révélation de première main. Cela établissait son autorité. D'autre part, s'ils l'attaquaient comme un homme agissant de sa propre autorité et se mettant en opposition avec ceux qui étaient apôtres avant lui, il pouvait rétablir la vérité en rappelant que Jacques, Pierre et Jean lui avaient témoigné une pleine confiance et avaient exprimé leur communion avec lui après un entretien minutieux.
Versets 11-21
Il restait à montrer qu'il y avait eu un moment où Pierre lui-même avait quelque peu cédé à l'influence d'hommes semblables à ceux qui s'opposaient maintenant à Paul. Il raconte alors comment il avait résisté à Pierre et pour quelles raisons il l'avait fait.
Le livre des Actes ne mentionne pas la visite de Pierre à Antioche, mais il est évident qu'elle a eu lieu après la décision du concile de Jérusalem rapporté au chapitre 15. Lors de cette rencontre, Pierre avait présenté des arguments en faveur de la réception des Gentils convertis, précisant que la loi de Moïse ne devait pas leur être imposée. Il avait alors parlé de la loi comme étant «un joug que ni nos pères ni nous n'avons pu porter». Mais à Antioche, lorsque quelques-uns étaient venus d'auprès de Jacques, avec des vues strictes quant à la valeur de la circoncision, Pierre n'avait plus voulu manger avec les croyants des nations et s'était retiré d'eux. Son exemple avait eu un grand poids et d'autres l'avaient suivi — y compris Barnabas, qui auparavant s'était tenu aux côtés de Paul, comme nous le voyons en Actes 15: 2, 12.
Pour certains, sans doute, cela pouvait sembler être une affaire insignifiante, une simple erreur sur laquelle on pouvait fermer les yeux, un caprice duquel on pouvait sourire. Pour Paul, c'était bien différent. Il discernait que, sous la question apparemment anodine de la manière dont Pierre prenait sa nourriture, des principes très importants étaient en question, et que l'attitude de Pierre n'était pas droite «selon la vérité de l'évangile».
Que Dieu nous donne à tous de saisir ce qui nous est enseigné ici de façon si sérieuse! L'éloignement de la vérité, même le plus grave, nous est souvent présenté sous le couvert de circonstances insignifiantes et innocentes. Plusieurs d'entre nous auraient peut-être été tentés de s'exclamer: «Oh! Paul, tu es trop exigeant! Comme il est difficile de te plaire! Pourquoi faire toute une histoire avec un petit détail? Si cela fait plaisir à Pierre de ne manger qu'avec des Juifs, pourquoi ne pas le laisser faire? Pourquoi provoquer des chicanes et troubler la paix à Antioche?» Nous ignorons souvent les plans de Satan. Il essaie de nous détourner de la vérité par des choses en apparence inoffensives. C'est sur un très petit tronçon que le train dévie de la voie principale pour s'engager sur une voie de traverse.
L'idée que l'Eglise était en paix et libre de toute controverse durant la période apostolique n'a pas de fondement dans l'Ecriture. Depuis le commencement, la vérité a dû être conquise et maintenue à travers des conflits — la plupart internes, non avec le monde. Il serait illusoire d'espérer aujourd'hui une absence de conflits et de problèmes. Les occasions ne manquent pas dans lesquelles le seul moyen d'obtenir la paix est de faire des compromis. Celui qui a du discernement et qui réalise la nécessité d'élever la voix pour protester doit s'attendre à être accusé de manquer de charité.
Cependant, s'il nous arrive d'être dans une situation où nous nous sentons moralement obligés de protester, demandons instamment à Dieu de nous donner de le faire de la même manière que Paul. «Quand je vis… je dis à Céphas…». Notre tendance naturelle est d'exprimer nos reproches aux oreilles de tout le monde sauf à celles du coupable lui-même. En Marc 2, lorsque les pharisiens trouvent à redire à la façon de faire de Jésus, ils se plaignent auprès des disciples (verset 16), et lorsqu'il s'agit du comportement des disciples, ils se plaignent au Seigneur (versets 23, 24). Nous ferions bien d'avoir pour règle, lorsqu'une répréhension est nécessaire, de la faire directement à la personne concernée, plutôt que derrière son dos.
Pourtant Paul la fit «devant tous». La raison en est que le manquement de Pierre avait déjà affecté plusieurs personnes; l'affaire était devenue publique. Dans la plupart des cas, il serait faux de faire une répréhension publique. Il y a beaucoup de manquements et de difficultés qui ne sont pas connus de tous; s'ils sont traités fidèlement, dans un esprit de grâce, en privé avec la personne concernée, ils pourront bien ne jamais devenir publics. Ainsi beaucoup de trouble et de sujets de scandale seront évités. Mais un manquement public doit être traité publiquement.
Paul a commencé sa répréhension en posant à Pierre une question concernant sa façon de faire précédente, et le changement soudain qui s'était produit. Pierre avait abandonné les coutumes juives pour vivre plus librement, comme les nations (cf. Actes des Apôtres 10: 28). Comment pouvait-il maintenant abandonner cette position d'une manière qui équivalait à dire que, finalement, les nations devaient vivre comme les Juifs? C'est la question que nous trouvons au verset 14.
Aux versets 15 et 16, une affirmation de l'apôtre fait suite à cette question. Dans ce qu'il dit ici, Paul peut lier Pierre à lui-même sans que celui-ci puisse objecter quoi que ce soit. «Nous qui, de nature, sommes Juifs», nous avons reconnu que la justification n'est pas obtenue par «des oeuvres de loi, ni autrement que par la foi en Jésus Christ». Ainsi, nous nous sommes tournés de la loi vers Christ et avons été justifiés par lui.
Une deuxième question vient ensuite, au verset 17. S'il est vrai, comme l'attitude de Pierre semble le suggérer, que même lorsque nous nous tenons devant Dieu dans toute la valeur de l'oeuvre de Christ, nous avons encore besoin de quelque chose pour compléter notre justification — comme d'observer la loi ou les coutumes juives — cela ne jette-t-il pas du discrédit sur Christ? Paul présente cette question dans un langage extrêmement vigoureux: Christ n'est-il pas alors un «ministre de péché», plutôt que le ministre de justification? Poser une telle question, c'est y répondre. C'est pourquoi l'apôtre ajoute aussitôt: «Qu'ainsi n'advienne!»
Au verset 18, nous trouvons une seconde affirmation, une affirmation qui a dû avoir l'effet d'un coup de massue sur la conscience de Pierre. Non seulement son action pouvait conduire à la conclusion que Christ était ministre de péché, mais elle était aussi visiblement de nature à reconstruire le mur mitoyen de clôture entre les Juifs et les Gentils croyants (cf. Ephésiens 2: 14). Or l'évangile avait détruit ce mur et Pierre lui-même l'avait détruit par son action dans la maison de Corneille. Où que soit ce qui était juste, Pierre se trompait dans l'une ou l'autre de ces deux actions. S'il avait raison maintenant, il s'était trompé auparavant. S'il avait eu raison auparavant, il se trompait maintenant. Il était convaincu comme transgresseur.
En fait, il avait tort maintenant. Auparavant, il avait agi étant instruit par Dieu dans une vision. Maintenant, il agissait de façon impulsive, étant gouverné par la crainte des hommes.
Dans ces quelques mots sortis des lèvres de Paul, l'Esprit de Dieu nous révèle la vraie portée de l'action de Pierre, même si elle pouvait paraître innocente à beaucoup. Seulement deux questions et deux affirmations; mais quels effets elles eurent! Elles détruisirent la fausse position dans laquelle Pierre s'était placé.
Mais l'Esprit de Dieu ne se contente pas de cela et conduit Paul à proclamer immédiatement ensuite la vraie position chrétienne. Il avait discerné d'emblée que Pierre et ceux qui le suivaient «ne marchaient pas droit, selon la vérité de l'évangile». Il présente alors très clairement, mais en très peu de mots, la vérité de l'évangile. Il ne la présente pas sous forme de doctrine, mais comme une expérience — sa propre expérience. Maintenant il ne dit plus «nous» mais «je», mot qui apparaît constamment dans les versets 19 et 20.
Dans les Actes, nous trouvons des exemples frappants de la prédication de l'évangile par la bouche de Paul. En Romains 1 à 8, nous avons l'exposition de l'évangile par sa plume. En Galates 1, nous avons la défense de l'évangile — par la présentation de ses traits caractéristiques. Ici nous allons considérer la vérité de l'évangile.
Dans ces derniers versets du chapitre 2, Paul parle pour lui seul. Précédemment (versets 15-17), il avait dit «nous», puisqu'il parlait de la vérité généralement acceptée par les chrétiens, y compris Pierre. Mais maintenant, il en vient à une vérité que l'action de Pierre avait mise en cause; il ne peut donc plus supposer que Pierre la reconnaisse sans réserve. Pourtant c'était la vérité et Paul, qui en jouit et réalise sa puissance, peut la présenter de manière personnelle et expérimentale.
A ce moment, Pierre avait la loi devant lui: il vivait «à la loi». Mais moi, dit Paul en substance, j'ai Dieu et non pas la loi devant moi, et je vis «à Dieu». Combien Dieu, qui a donné la loi — et qui s'est révélé en Christ — est plus grand que la loi qu'il a donnée! Mais qu'est-ce qui a libéré Paul de la loi à laquelle il était auparavant lié — aussi bien que Pierre? C'est la mort. Il est mort à la loi et ceci par l'action de la loi! C'est ce qu'il dit dans le verset 19.
Pourtant, il est bel et bien en vie, puisqu'il peut s'opposer à Pierre. Comment donc est-il mort à la loi? Et que signifie qu'il est mort par la loi? La réponse à ces deux questions se trouve dans la merveilleuse affirmation: «Je suis crucifié avec Christ».
Ici, nous voyons Paul se saisir de la vérité de l'évangile et lui donner une application éminemment personnelle. Le Seigneur Jésus, dans sa mort, non seulement a été notre substitut en portant nos péchés, mais il s'est aussi entièrement identifié avec nous dans notre état de péché, ayant été fait péché pour nous, bien que n'ayant pas lui-même connu le péché (2 Corinthiens 5: 21). Ceci a eu lieu d'une façon si vraie et si réelle que l'une des choses que nous devons connaître — comme étant un élément de base de la doctrine chrétienne — est que «notre vieil homme a été crucifié avec lui» (Romains 6: 6). La crucifixion de Christ est par conséquent la crucifixion de tout ce que nous étions comme enfants d'Adam déchus. Ici nous trouvons l'appropriation personnelle de cela par Paul. Et puisqu'il est crucifié avec Christ, il est mort à la loi.
La crucifixion de Christ n'est pas seulement l'action commise par des hommes méchants. D'un point de vue divin, elle est — dans son essence même — l'action de Dieu par laquelle Christ a été fait péché pour nous et dans laquelle il a porté pour nous la malédiction de la loi (cf. 3: 3). En mourant sous la malédiction de la loi, Christ est mort «par la loi» et, comme étant crucifié avec Christ, Paul pouvait dire qu'il était mort à la loi «par la loi» afin de vivre à Dieu.
La force de ce passage sublime peut nous devenir plus claire si nous considérons les cinq prépositions employées.
- «à» indique le but en vue. Vivre à Dieu, c'est vivre avec Dieu comme but de l'existence.
- «avec» indique l'identification ou l'association. Nous sommes crucifiés avec Christ en raison de l'identification complète réalisée dans sa mort pour nous. En conséquence, sa mort est notre mort. Nous sommes morts avec lui.
- «en» — de l'expression: Christ vit en moi — indique le caractère de notre vie. Bien que crucifiés, nous vivons. Nous sommes toujours des personnes vivantes sur la terre, mais nous ne vivons plus selon l'ancien caractère de vie. Nous vivons une vie d'un nouvel ordre; une vie dont le caractère, résumé en un mot, est CHRIST. Saul de Tarse avait été crucifié avec Christ. Pourtant l'homme connu comme Saul de Tarse était toujours en vie. Toujours en vie, mais dans un caractère complètement différent. En le considérant, on ne voyait pas s'exprimer le caractère de «Saul de Tarse» mais celui de «Christ». En accord avec cela, il n'a pas gardé son ancien nom, mais, peu après sa conversion, il a été connu sous le nom de Paul, ce qui signifie «petit». Il fallait qu'il soit petit pour que Christ vive en lui.
- «dans» — de l'expression: dans la foi — place devant nous l'objet qui dirigeait l'âme de Paul et rendait possible le nouveau caractère de sa vie. Bientôt, quand la vie que nous vivons dans la chair — c'est à dire dans nos corps mortels — sera terminée, nous vivrons dans la vue du Fils de Dieu. En attendant, nous vivons dans la foi en lui. Si la foi est active en nous, il deviendra une brillante et vivante réalité pour nos âmes. Plus il est devant nous objectivement, comme l'objet merveilleux qui remplit et satisfait nos coeurs, plus il sera vu en nous subjectivement.
Le «grand sceau» du Ministre de la Justice est certainement un objet remarquable. Mais si vous désirez le voir, il vous sera sans doute impossible d'avoir accès à cet objet. On vous dira peut-être: Nous ne pouvons pas vous laisser voir le sceau lui-même, mais regardez la cire apposée sur ce document officiel. Là vous voyez virtuellement le sceau, il y a mis son empreinte. La cire à cacheter a été marquée par la pression du sceau. Vous voyez le sceau subjectivement, bien que vous ne puissiez pas le voir objectivement. Ceci illustre le passage que nous considérons, et nous montre comment d'autres peuvent voir Christ vivre en nous, s'il est l'objet qui remplit nos âmes.
- «pour» — de l'expression: qui s'est livré lui-même pour moi — exprime la substitution. Ce mot nous révèle ce qui était la puissance contraignante et motivante de la vie merveilleuse de Paul. L'amour du Fils de Dieu l'étreignait; cet amour qui s'était manifesté en ce que Christ avait donné sa vie en sacrifice pour lui, comme substitut.
Nous pouvons résumer ce sujet comme suit. Le coeur de Paul était rempli de l'amour du Fils de Dieu qui était mort pour lui. Non seulement il avait compris son identification avec Christ dans sa mort, mais il l'avait acceptée de coeur dans tout ce qu'elle impliquait. Dans le Fils de Dieu élevé dans la gloire, il avait trouvé l'objet qui satisfaisait son coeur. Par conséquent, la sentence de mort s'appliquait à tout ce qu'il était par nature, et Christ vivait en lui et caractérisait sa vie. Ainsi, Dieu lui-même, tel qu'il s'est révélé en Christ, était devenu le but suprême de son existence.
Voilà ce qu'il en était de Paul. En est-il de même pour nous? Le fait que notre vieil homme a été crucifié est tout aussi vrai pour nous que pour lui. Nous sommes morts avec Christ exactement comme lui, si nous sommes réellement des croyants. Mais avons-nous saisi cela dans notre expérience, comme Paul l'avait fait? Est-ce pour nous seulement une affaire de doctrine chrétienne (aussi important que cela puisse être à sa place), ou est-ce aussi une affaire d'expérience spirituelle qui transforme et ennoblit nos vies? Il est à craindre que la plupart d'entre nous, nous ne réalisions cela que d'une manière bien petite. Pour quelle raison? Peut-être parce que nous avons été peu captivés par la réalité de l'immense amour de Christ et avons peu apprécié la merveille de son sacrifice pour nous. Notre conviction quant à l'horreur de notre culpabilité pourrait ne pas avoir été très profonde, et ainsi notre conversion avoir été assez superficielle. Si nous examinons les choses à leur source, l'explication se trouve peut-être simplement là.
Si la flamme de notre amour est ravivée dans nos coeurs, il y aura des progrès dans la bonne direction.
Les derniers mots de l'apôtre, dans le dernier verset du chapitre, signifient que la position que Pierre avait prise était de nature à annuler la grâce de Dieu. Son attitude tendait à conclure qu'après tout la justice
pourrait être par la loi. Alors Christ serait mort «pour rien». Quelle conclusion aberrante! Pourtant c'était la conclusion logique.
A suivre