La parabole des mines (Luc 19: 11-26)
La parabole des mines ressemble à celle des talents, en Matthieu 25. C'est néanmoins une autre parabole. Le Seigneur les a prononcées à des moments et en des lieux différents. Celle qui est maintenant devant nous a été dite dans le but de rectifier quelque chose dans l'attente des disciples. Le fait que Jésus était près de Jérusalem les confortait dans la pensée que le royaume de Dieu allait bientôt paraître (verset 11). Cependant, si le Seigneur était près de Jérusalem, il était en fait près de la croix, et non du règne millénaire.
L'absence du Seigneur
«Un homme noble s'en alla dans un pays éloigné, pour recevoir un royaume et revenir» (verset 12).
Le Seigneur Jésus présente une image de lui-même, ainsi qu'il l'a fait dans plus d'une parabole. Il se décrit ici comme un «homme noble». Il était le Fils de David, de la lignée royale par Joseph — sans parler du fait qu'il est le Fils de Dieu. La dignité de sa personne donne à la parabole le caractère qui lui est propre.
L'homme noble s'en est allé dans un pays éloigné pour y recevoir un royaume et revenir. Il y a là, sans aucun doute, une allusion à la résurrection de Christ et à son élévation dans la gloire. Bien que ces grands événements ne soient jamais nommés directement dans les paraboles, ils sont cependant contenus de façon essentielle dans plusieurs d'entre elles, qui évoquent son départ, son absence et son retour.
De même que plusieurs autres, cette parabole se réfère donc à l'état de choses pendant l'absence du Seigneur — ce qui a lieu avant l'établissement de son règne sur la terre. Cet intervalle entre le rejet du roi et l'établissement définitif du règne de paix est d'une grande importance pour nous, puisque nous vivons dans cette période.
Le fait que le Seigneur aura un royaume est parfaitement certain, mais le moment de son apparition est entièrement inconnu. Jésus est allé au ciel pour y recevoir de Dieu ce royaume. Il ne le reçoit pas de la main des hommes, et ce n'est pas dans ce monde qu'il le reçoit. Puisque, dans celui-ci, il a trouvé la croix, Dieu veut qu'il soit glorifié dans le ciel avant d'avoir sur la terre la gloire qui lui est due. «Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père» (Luc 1: 32). C'est en accord avec la prophétie de Daniel 7, où nous voyons «quelqu'un comme un fils d'homme» avancer jusqu'à l'Ancien des jours, et recevoir «la domination, et l'honneur, et la royauté» (versets 13, 14).
Le Seigneur Jésus aura donc un royaume visible, mais maintenant ce royaume «n'est pas d'ici» (Jean 18: 36). Il le recevra dans le ciel, de la main de Dieu.
Et il reviendra en puissance et en gloire, comme celui qui a reçu le royaume, c'est-à-dire comme «le prince des rois de la terre» (Apocalypse 1: 5).
L'ordre du maître à ses esclaves
«Et ayant appelé dix de ses propres esclaves, il leur donna dix mines, et leur dit: Trafiquez jusqu'à ce que je vienne» (verset 13).
«Dix esclaves» — «dix mines». Non seulement le contexte mais aussi le nombre dix évoquent la responsabilité (dix vierges, dix commandements). C'est ici la pensée principale: la responsabilité des esclaves vis-à-vis de leur maître. A chacun des esclaves, le maître donne une mine et ordonne: «Trafiquez jusqu'à ce que je vienne». Dans la parabole des talents, c'est la pensée de la souveraineté de Dieu qui est prédominante. Le maître confie différemment à chacun de ses esclaves et donne la même récompense à chacun d'eux. Dans la parabole des mines, le maître confie la même chose à tous et la récompense varie selon la manière dont chacun a fait face à sa responsabilité.
Les talents représentent les dons spirituels que le Seigneur donne à ses serviteurs, «à chacun selon sa propre capacité». On a vu dans la mine donnée à chaque esclave une figure de la parole de Dieu. Dans ce sens, chaque croyant a reçu le même trésor, et il doit faire valoir cette Parole comme témoignage de la grâce de Dieu. Mais, de façon plus précise, on peut voir dans la mine la révélation ou la connaissance de Dieu en Christ — qui, bien sûr, nous sont communiquées par la parole de Dieu. Cette révélation de Dieu en Christ est un capital inestimable qui est confié de la même façon à chaque disciple. Sommes-nous bien conscients de la valeur de ce trésor? Quoi qu'il en soit, le Seigneur a mis entre nos mains quelque chose qui ne se trouvait pas dans le monde durant les époques précédentes. N'est-ce pas un puissant motif pour nous engager à obéir avec dévouement à l'ordre qu'il nous a donné?
«Trafiquez jusqu'à ce que je vienne.» Ce n'est pas une question de dons de grâce spirituels. Dieu s'est pleinement révélé dans le Christ Jésus, son Fils, et il veut que cette révélation de sa grâce s'étende toujours plus dans le monde. Quand le Sauveur était ici-bas, il a fait connaître Dieu — lui, le Fils unique (Jean 1: 18). C'était là une chose absolument nouvelle. Le Fils étant maintenant dans le ciel, Dieu veut employer ses esclaves à une tâche analogue. Il s'est fait connaître à eux, et ils connaissent ses pensées. Ils ont à faire valoir la mine qu'ils ont reçue afin qu'elle se multiplie.
C'est donc là le véritable but, la grande mission de notre vie. Nous n'avons pas à garder pour nous-mêmes la révélation qui nous a été confiée. Il ne suffit pas de la garder fermement dans son intégrité pour nous-mêmes, si nécessaire que cela soit. Dieu veut que ce qui est de lui se multiplie — en nous-mêmes et en d'autres. C'est une merveilleuse mission, que nous pouvons tous accomplir, et de toutes sortes de manières. Par exemple, une mère qui parle du Seigneur Jésus à son enfant fait précisément ce dont il est question dans cette parabole: elle fait fructifier la mine. Ce n'est pas à l'école que l'enfant pourra apprendre quelque chose d'aussi précieux. Chacun de nous a ce trésor; trafiquons-nous avec ce qui nous a été confié? Quel privilège de pouvoir aider quelqu'un à comprendre davantage au sujet de Christ!
«Jusqu'à ce que je vienne». Nous accomplissons notre travail dans le sentiment bienheureux que l'absence de «l'homme noble» peut prendre fin aujourd'hui même, et à chaque instant.
Ses concitoyens
«Or ses concitoyens le haïssaient; et ils envoyèrent après lui une ambassade, disant: Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous» (verset 14).
Ses concitoyens, ce sont les Juifs. A quel point ils haïssaient le Seigneur Jésus, cela s'est montré dans le rejet et la crucifixion de leur Messie. La parabole ne mentionne aucun motif pour cette haine, et en fait il n'y en avait aucun. «Ils m'ont haï sans cause», dit le Seigneur (Jean 15: 25). Ils ont haï celui qui, comme homme, était de leur propre peuple et de la lignée royale. Et ils ont haï celui qui, comme Dieu, était la personne la plus noble et la plus élevée qui ait jamais séjourné parmi eux.
Mais ils sont allés encore plus loin. Ils ont envoyé après lui une ambassade disant: «Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous». C'est ce qui a eu lieu lorsqu'ils ont rejeté le témoignage qu'Etienne rendait au Seigneur glorifié, et qu'ils ont lapidé ce fidèle témoin de Dieu (Actes des Apôtres 7). Le message de rejet ne pouvait pas être plus clair.
Pourtant le Seigneur aurait été prêt à venir encore une fois vers eux. Peu auparavant, Pierre avait appelé les Juifs à la repentance. S'ils avaient donné suite à son appel et s'étaient convertis, les temps de rafraîchissement annoncés par les prophètes seraient venus et Dieu leur aurait envoyé Jésus Christ (cf. Actes des Apôtres 3: 19-21).
Toutefois les Juifs ont rejeté le témoignage de Pierre aussi bien que celui d'Etienne. Ce peuple ne voulait pas que Jésus règne sur lui — et il en est ainsi aujourd'hui encore. Il continue à le haïr. Que fera-t-il à ces hommes? «Mais ceux-là, mes ennemis, qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et tuez-les devant moi» (verset 27). Le Seigneur les désigne ici comme «ses ennemis». Ils subiront leur jugement quand il reviendra en gloire et en puissance.
A son retour
«Et il arriva, à son retour, après qu'il eut reçu le royaume, qu'il commanda d'appeler auprès de lui ces esclaves auxquels il avait donné l'argent, afin qu'il sût combien chacun aurait gagné par son trafic. Et le premier se présenta, disant: Maître, ta mine a produit dix mines. Et il lui dit: Bien, bon esclave, parce que tu as été fidèle en ce qui est très peu de chose, aie autorité sur dix villes. Et le second vint, disant: Maître, ta mine a produit cinq mines. Et il dit aussi à celui-ci: Et toi, sois établi sur cinq villes» (versets 15-19).
«L'homme noble» recevra le royaume et reviendra. Alors il jugera ses ennemis et récompensera ses esclaves. Nous nous arrêterons ici surtout sur ce qui est caractéristique de la parabole des mines, en contraste avec celle des talents. «Maître, ta mine a produit dix mines». Cette manière de s'exprimer correspond bien à la nature du trésor confié, à la révélation de Dieu en Christ, et non pas aux dons de grâce que Dieu a accordés. La mine a pour ainsi dire produit d'elle-même. L'esclave le reconnaît humblement. Il ne dit pas: «J'ai gagné…».
Pour désigner ce en quoi le serviteur a été fidèle, le maître utilise les mots «très peu de chose». Notre responsabilité, c'est l'aspect le moins important des choses. Cela ne signifie nullement que c'est sans importance; la parabole enseigne précisément le contraire. Mais en comparaison avec les conseils de Dieu, et avec la position merveilleuse dans laquelle nous avons été placés conformément à ces conseils, ce que nous pouvons faire si nous sommes fidèles est «très peu de chose». Ce qui est grand, c'est ce qui est dans le cœur de Dieu, c'est ce qu'il a fait et ce qu'il fait par son Fils. Toutefois si la grâce insondable de Dieu remplit notre cœur, nous serons aussi encouragés à être fidèles, dans notre petite mesure.
Dans cette parabole, les deux premiers esclaves, dont la fidélité différente est mise en évidence par le gain des dix mines et des cinq mines, n'entendent pas la même parole d'approbation du maître. Les mots: «Bien, bon esclave» ne sont adressés qu'à celui qui a les dix mines. Le maître l'établit sur dix villes, et l'autre seulement sur cinq. Tous deux peuvent conserver ce qu'ils ont gagné et en jouir. Mais la position des esclaves dans le royaume correspondra à la fidélité avec laquelle le travail a été effectué. Comme déjà dit, ce n'est toutefois pas l'aspect le plus élevé des choses. On ne trouve pas ici l'invitation: «Entre dans la joie de ton maître». Et le fait de partager sa joie avec lui dans le ciel est un privilège plus grand que de régner avec lui sur la terre.
«Et un autre vint, disant: Maître, voici ta mine, que j'ai gardée déposée dans un linge; car je t'ai craint, parce que tu es un homme sévère: tu prends ce que tu n'as pas mis, et tu moissonnes ce que tu n'as pas semé» (versets 20, 21).
Combien il est humiliant que, chez un maître si bon et si noble, il y ait aussi cet autre esclave! Lui aussi emploie le titre de «Maître», et lui aussi parle de «ta mine». Et pourtant quel ton différent dans ses paroles! Qu'avait-il fait de l'argent que le maître lui avait confié? Rien. «Voici ta mine». Il l'avait déposée dans un linge; il s'était conduit comme s'il n'avait jamais reçu cette richesse. Quel mépris pour son maître!
Le Seigneur Jésus ne parle pas ici d'un esclave qui abuse de la confiance qui lui est faite ou qui vole; il ne parle pas de quelqu'un qui rejette ouvertement la révélation de Dieu. Il s'agit de quelqu'un qui confesse apparemment Jésus comme Seigneur, qui sans doute accepte extérieurement la connaissance de Dieu qui lui est donnée, mais qui n'en fait rien ni pour lui-même ni pour les autres. Il n'y attache aucune valeur.
L'esclave affirme qu'il vivait dans la crainte de son maître. S'il l'avait craint en vérité, il lui aurait été obéissant. Mais il a méprisé entièrement l'ordre qu'il avait reçu.
De plus il se plaint d'avoir un maître sévère, qui prend ce qu'il n'a pas mis et qui moissonne ce qu'il n'a pas semé. Ce sont des paroles hypocrites et mensongères. Le maître lui avait mis une mine dans la main; comment peut-il prétendre qu'il n'a rien «mis»? La vérité est que cet esclave ne connaissait ni n'aimait son maître. Pas un instant, il n'a eu le sentiment que son maître voulait faire de lui un administrateur de ses biens, et qu'il aurait pu en user comme s'il en avait été lui-même le maître.
Ce méchant esclave est une figure de tous ceux qui, dans la chrétienté, professent reconnaître Christ et prétendent le servir, mais en réalité ne le connaissent et ne l'aiment pas. La manière dont nous répondons à notre responsabilité montre si nous aimons le Seigneur ou non. C'est ainsi qu'est manifestée l'authenticité de notre profession chrétienne. «Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui-là qui m'aime» (Jean 14: 21). Avoir reçu la grâce de Dieu en Christ et n'y trouver aucune incitation à faire valoir ce trésor comme il le demande, c'est avoir «reçu la grâce de Dieu en vain» (cf. 2 Corinthiens 6: 1). Les «chrétiens» qui appartiennent à ce groupe d'esclaves peuvent s'engager avec force dans des questions telles que les droits de l'homme, la justice sociale ou ce qu'ils appellent l'éthique chrétienne. Mais la mine reçue n'a pour eux aucune signification — pas plus que le Seigneur lui-même.
«Il lui dit: Je te jugerai par ta propre parole, méchant esclave: tu savais que moi je suis un homme sévère, prenant ce que je n'ai pas mis et moissonnant ce que je n'ai pas semé; et pourquoi n'as-tu pas mis mon argent à la banque, et quand je serais venu je l'eusse retiré avec l'intérêt?» (versets 22, 23).
Ce que cet esclave dit ne fait que révéler qu'il est un méchant esclave. Il se condamne lui-même. Lorsque les hommes tentent de se justifier devant Dieu, ils fournissent souvent par là les motifs de leur condamnation. Leur soi-disant logique n'est qu'une grossière illusion.
Le maître se place sur le terrain de l'argumentation du méchant esclave. Si ce qu'il prétend avait été vrai, il aurait dû agir tout autrement; il aurait dû au moins mettre l'argent de son maître à la banque. A son retour, celui-ci aurait pu retirer l'argent avec l'intérêt.
«Et il dit à ceux qui étaient présents: Otez-lui la mine et donnez-la à celui qui a les dix mines. — Et ils lui dirent: Seigneur, il a dix mines. — Car je vous dis qu'à quiconque a, il sera donné; et à celui qui n'a pas, cela même qu'il a lui sera ôté» (versets 24-26).
Le maître donne l'ordre d'ôter la mine au méchant esclave. Il n'en est pas dit davantage ici. C'est en accord avec le caractère de l'évangile de Luc, qui place la grâce de Dieu au premier plan. C'est pourquoi le sort et le jugement de cet esclave n'est pas décrit plus complètement. Il en est de même chez le fils aîné dans la parabole du fils prodigue. La parabole mentionne le jugement des ennemis publics (verset 27), mais ne s'arrête pas sur celui de cet esclave.
Conclusion
On pourrait être surpris que la mine ôtée au méchant esclave soit donnée à l'esclave qui a déjà les dix mines. Les auditeurs s'étonnent et disent: «Seigneur, il a dix mines!» Cependant nous avons là un principe divin: «A quiconque a, il sera donné; et à celui qui n'a pas, cela même qu'il a lui sera ôté».
Si la grâce et la révélation de Dieu suscitent en nous une réponse d'amour, ce que nous avons déjà maintenant sera agrandi. C'est vrai aujourd'hui et ce sera vrai lorsque nous entrerons dans la gloire du royaume. Ce que nous avons gagné ici-bas, nous le conserverons.
D'un autre côté, si une vérité divine placée devant notre cœur ne suscite pas en nous la réponse de la foi, si elle demeure une connaissance sans effet sur notre conscience, si nous n'avons pas vraiment Christ devant nous, le Seigneur ôtera tôt ou tard une telle connaissance. Alors nous perdrons ce que nous pensions avoir.