Seconde épître aux Corinthiens (fin)

F.B. Hole

Chapitre 13

L'apostolat de Paul lui conférait une autorité particulière en ce qui concerne le jugement. Depuis que les apôtres ont disparu de la scène, c'est à l'Eglise, aux saints collectivement, qu'il appartient d'exercer la discipline. Bien souvent, aujourd'hui, cette discipline apparaît réalisée avec beaucoup de faiblesse, et cela pour plusieurs raisons. Parfois, son application, détournée de son vrai but pour servir des fins personnelles ou un esprit de parti, a jeté du discrédit sur elle. Ou alors, même si elle était exercée à bon escient, elle l'a été avec un esprit de dureté judiciaire plutôt que dans l'esprit d'humiliation et de tristesse qui caractérise l'apôtre ici. Elle est alors devenue la discipline froide et sans coeur de la justice humaine, plutôt que la discipline chaleureuse et affectueuse du cercle familial.

Et pourtant, la discipline est nécessaire: celle qui s'exerce dans la maison de Dieu, sans préjugés, non excessive mais fondée sur des faits clairement établis. Ainsi, quand Paul viendrait à Corinthe, il faudrait que toute parole soit établie par la bouche de deux ou de trois témoins. Tout devrait passer au crible de l'impartialité, afin que si certains bruits n'étaient pas basés sur des faits, leur fausseté soit mise en lumière, et que la charge en retombe sur les accusateurs. Certaines personnes pouvaient être coupables d'immoralité, comme Paul le craignait; mais d'autres pouvaient être coupables de médisance et d'avoir répandu de fausses accusations, en raison de l'envie qui remplissait leurs coeurs. Tout serait établi et jugé, comme l'indiquent les premiers versets du chapitre. Il est permis de penser que s'il y avait aujourd'hui autant de zèle à discipliner ceux qui critiquent et qui répandent de faux bruits que ceux qui tombent dans l'immoralité, ce serait pour la santé et le bien-être spirituel de l'Eglise de Dieu.

L'autorité apostolique de Paul avait pourtant été mise en doute, et les Corinthiens avaient malheureusement prêté l'oreille à de telles insinuations. Ils auraient dû être les derniers à penser ainsi ou à avoir un doute quant au fait que Christ avait parlé par lui. Mais puisqu'ils avaient entretenu de telles pensées, une réponse était nécessaire, sous une forme ou une autre. Paul pouvait en formuler une particulièrement incisive: «Examinez-vous vous-mêmes, et voyez si vous êtes dans la foi» (verset 5). Comme ils avaient été convertis par le moyen de Paul, qu'ils étaient le fruit de son labeur, ils étaient eux-mêmes la preuve de l'authenticité de son ministère — à moins qu'ils ne soient des réprouvés, de vils imposteurs. S'ils n'étaient que cela, alors il se pouvait que Christ n'ait pas parlé en Paul. Mais s'ils étaient de vrais chrétiens, il était évident que Christ avait parlé en Paul.

Le verset 5 a parfois été sorti de son contexte et compris comme une invitation à une inspection continuelle de soi-même, allant jusqu'à mettre en question son propre salut. On peut commettre cette erreur si l'on omet de considérer la parenthèse commençant au milieu du verset 3 et se terminant à la fin du verset 4. Par contre, si l'on relie le début du verset 3 au verset 5, le sens du passage est parfaitement clair. Il y a de nouveau une pointe d'ironie dans les propos de Paul, car les doutes que les Corinthiens avaient follement émis concernant la source de son ministère rebondissaient sur leurs propres têtes. Si en effet Christ n'avait pas parlé en Paul, puisqu'ils avaient professé leur conversion à la suite de sa prédication, Christ ne serait pas en eux. Mais si Christ était vraiment en eux, c'était bien la preuve que Christ avait parlé en lui.

Il est bien possible qu'en parlant ainsi, l'apôtre voulait leur faire comprendre qu'il n'était pas trop sûr de la sincérité de certaines personnes parmi eux, et que par ce moyen, il désirait les secouer et exercer leurs consciences. Par ailleurs, il était tout à fait confiant quant à la plupart des croyants de Corinthe.

Ceci est évident si l'on considère le début de la parenthèse. Il nous est dit là que Christ n'avait pas été «faible» envers eux, mais «puissant» au milieu d'eux. En repensant à l'oeuvre qui avait été opérée quand il s'était trouvé pour la première fois au milieu d'eux, Paul était pleinement convaincu que la puissance de Christ s'y était déployée. Tout le chemin de Christ sur la terre avait été caractérisé par «l'infirmité»; et celle-ci avait culminé à sa crucifixion. Néanmoins, Christ vit en résurrection par la puissance de Dieu. Or ce qui avait marqué le chemin du grand Maître marquait aussi le chemin du serviteur, qui le suivait dans sa vie et dans sa manière d'être. L'infirmité caractérisait ainsi la vie extérieure et le service de l'apôtre, mais sous cette apparence, la puissance de Dieu était en activité en lui.

Les mots qui terminent le verset 4 sont remarquables: «par la puissance de Dieu envers vous». Ce qui occupe ici l'esprit de l'apôtre n'est pas la perspective prochaine de vivre en résurrection, mais le désir qu'étant associé à un Christ vivant, il montre, dans le temps présent, la puissance de cette vie envers les Corinthiens. Le christianisme est marqué par la puissance d'une vie nouvelle qui opère en bénédiction. Ni credo, ni cérémonie, ni oeuvres ne peuvent atteindre ce résultat.

Tout ce passage montre une fois encore que Dieu désire la réalité et la puissance. Il souligne aussi que, pour ce qui concerne l'apparence extérieure, l'infirmité a marqué les vrais croyants et les serviteurs de Dieu dès le début, même quand l'évangile remportait ses premiers grands triomphes. Par conséquent, nous n'avons pas à être surpris si l'infirmité nous caractérise aujourd'hui. Ce qui doit nous préoccuper, par contre, c'est de juger et de refuser tout ce qui pourrait compromettre cette puissance.

L'abnégation de l'apôtre est de nouveau mise en lumière de manière frappante au verset 7. Il priait que les Corinthiens ne fassent aucun mal, et qu'ainsi, ils soient manifestement approuvés — et non réprouvés. Et cela, non afin que son travail au milieu d'eux soit approuvé et qu'il en résulte de la gloire pour lui, mais afin qu'ils puissent faire ce qui est bon et qu'ils prouvent ainsi de façon irréfutable qu'ils n'étaient pas des réprouvés. Si ce résultat était atteint, l'apôtre serait satisfait, même s'il devait lui-même apparaître comme un réprouvé. Il savait très bien qu'il n'était pas un réprouvé, et il espérait qu'eux le sauraient aussi (verset 6).

Nous voyons encore son abnégation au verset 9. Il n'était pas seulement satisfait mais heureux d'être faible, si cela pouvait conduire à un affermissement spirituel de ceux qu'il servait, car le grand but qui était devant lui était le perfectionnement des saints. Il languissait de les voir arriver à cet état d'êtres accomplis,  parvenus à une pleine maturité en Christ. Quant à lui, il savait que toute la puissance dans laquelle il servait était d'origine divine et qu'elle n'était à sa disposition que s'il travaillait pour et dans la vérité. S'il avait travaillé contre la vérité, il aurait immédiatement été privé de cette puissance. Il y a des puissances qui s'opposent à la vérité, mais à la longue elles ne peuvent pas prévaloir. C'est pourquoi il ne pouvait rien contre la vérité, tandis que pour elle il était rempli de puissance.

Dans tout ce qu'il a dit jusqu'ici, l'apôtre a utilisé des propos assez tranchants et sévères. La raison nous en est donnée au verset 10. Entrevoyant le moment où il se trouverait parmi les Corinthiens pour la troisième fois, il désirait détruire le mal et le faire disparaître par le moyen de cette lettre, afin de pouvoir se concentrer sur le travail réjouissant de l'édification lors de sa visite. L'autorité que le Seigneur lui avait conférée était d'abord pour l'édification. Il peut être nécessaire de détruire, comme nous l'avons vu au début du chapitre 10, mais seulement dans le but final d'édifier. C'est là le désir du Seigneur pour son peuple.

Le verset 11 nous présente les voeux finaux. «Réjouissez-vous; perfectionnez-vous; soyez consolés; ayez un même sentiment; vivez en paix.» Il est facile de voir que ces choses étaient grandement nécessaires aux Corinthiens. Mais elles nous le sont tout autant. Toute l'Eglise de Dieu aujourd'hui est dans une condition très semblable à celle de Corinthe. Manque de maturité, découragement, désunion, querelles, abondent partout. Et de telles choses semblent bien découler les unes des autres. Ce qui peut y faire face et les vaincre, c'est un ministère comme celui de Paul, un ministère qui contribue à la maturité, à l'encouragement, à l'unité et à la paix. Qu'il en soit ainsi pour nous, et nous goûterons alors la présence du Dieu d'amour et de paix!

Les versets 12 et 13 nous présentent les salutations finales. Le verset 11 étant réalisé, il n'y aurait plus de difficultés entre les croyants de Corinthe. Plus de jalousies, de querelles ou de médisances qui les retiendraient de se saluer les uns les autres en sainteté. L'esprit de parti, la tendance à se glorifier d'être de Paul, de Pierre ou d'Apollos auraient disparu. Par ailleurs, «tous les saints» les saluaient, leurs affections pour eux n'ayant pas été entamées par leur état répréhensible et leur manque de spiritualité. Les croyants des autres localités n'avaient pas formé de parti contre eux, ni, ce qui aurait été encore pire, ne s'étaient divisés en partis après avoir entendu parler des schismes de Corinthe. Tous les saints les saluaient malgré leurs manquements.

La fin du verset 13 nous présente la bénédiction finale. Nous avons ici les trois grandes choses qui sont propres à produire les effets mentionnés au verset 11: la grâce, l'amour et la communion, découlant respectivement des trois personnes de la déité. Remarquons en passant que le Seigneur Jésus, que nous appelons souvent la deuxième personne de la déité, est mentionné à la première place ici — de même que le Saint Esprit est mentionné en premier en 1 Corinthiens 12. Ceci nous montre que les qualificatifs de première, deuxième ou troisième personne de la déité devraient être utilisés avec retenue.

La grâce du Seigneur Jésus était connue des Corinthiens, comme l'apôtre l'avait dit au chapitre 8 (verset 9). C'est une chose plus profonde qu'elle soit avec nous tous. Car alors nous serons tous pénétrés par son influence bénie. Il en est ainsi de l'amour de Dieu, comme aussi de la communion du Saint Esprit. Dans cette bénédiction, la grâce est mentionnée en premier, car si elle manque en nous, tout se gâtera.

Le ciel sera rempli de l'amour de Dieu et de la communion du Saint Esprit, mais nous n'aurons pas besoin de grâce, du moins pas comme nous en avons besoin ici. C'est pendant que l'Eglise est sur la terre que toutes sortes de difficultés et d'épreuves apparaissent. C'est ici-bas que nous sommes confrontés à des hommes pervers et à des frères qui nous éprouvent, et qu'en même temps nous avons affaire à nos propres coeurs rebelles. Il n'y a rien d'autre que la grâce du Seigneur Jésus Christ qui puisse nous maintenir dans une attitude qui plaise à Dieu. Mais la grâce du Seigneur peut le faire.

Et si la grâce du Seigneur nous garde effectivement, alors l'amour de Dieu et la communion du Saint Esprit peuvent avoir libre cours et être avec nous tous. L'Esprit est saint et la communion qui en découle doit être sainte. Nous serons maintenus dans une communion et un partage heureux de toutes les choses qu'il nous révèle, même les choses profondes de Dieu.

L'amour de Dieu brille sur nous parce que nous sommes ses enfants, même quand notre condition pratique n'est pas ce qu'elle devrait être. Mais quand cet amour est avec nous tous, sa bénédiction est ressentie dans l'ensemble de tous les saints. Et même elle déborde de ce grand cercle et affecte le monde qui se trouve au-delà. Nous avons donc ici une magnifique image de ce que l'Eglise est selon la pensée de Dieu: un ensemble gouverné par la grâce, débordant d'amour, et rempli d'une sainte communion concernant les choses de Dieu.

Nous ne pouvons pas dire que l'Eglise soit cela d'une façon pratique, mais elle pourrait et devrait l'être. Et si nous approchons de cela, même dans une faible mesure, alors nous serons grandement bénis, et en bénédiction à d'autres.

Qu'il en soit donc ainsi de nous tous!