Seconde épître aux Corinthiens (suite)
Chapitre 12
La remarque par laquelle l'apôtre commence le chapitre 12 montre de nouveau qu'il lui répugne de parler de lui-même, même s'il se voit contraint de le faire. «Il est vrai qu'il est sans profit pour moi de me glorifier», dit-il. Ce qu'il avait à dire de lui-même ne lui procurerait aucun profit, aucun crédit. Coups, périls, faim, soif, nudité, infirmités — toutes ces choses qu'il venait de mentionner — ne sont pas des expériences considérées comme profitables selon les valeurs du monde. Et dans les choses dont il va parler maintenant, dans ce qu'il a reçu du Seigneur en fait de visions et de révélations, il n'y a non plus aucun crédit pour lui. Car ce n'est pas en tant qu'apôtre qu'il les a reçues, et encore moins en tant qu'homme dans la chair, mais comme étant «un homme en Christ».
Nous n'allons pas trop loin en faisant cette distinction. C'est Paul lui-même qui la fait et il y accorde beaucoup d'importance. Remarquez comment les versets 2 à 5 développent la pensée: «un homme en Christ», «un tel homme», «un tel homme»… Des révélations célestes avaient été confiées à un homme tel que celui-là. Qui est donc, et quel est cet homme en Christ?
Paul fait ici allusion à une expérience merveilleuse de sa propre histoire. Cependant il prend soin d'en éliminer l'élément personnel afin de nous montrer que cette expérience n'était possible que parce qu'il était «un tel homme», «un homme en Christ». En parlant ainsi de façon impersonnelle, il pouvait garder dans sa pensée, de façon abstraite, ce que Dieu avait fait de lui en tant que «nouvelle création». Il écrit ailleurs: «Nous sommes son ouvrage, ayant été créés dans le Christ Jésus pour les bonnes œuvres…» (Éphésiens 2: 10), et: «Si quelqu'un est en Christ, c'est une nouvelle création» (2 Corinthiens 5: 17). Toute personne qui croit véritablement au Seigneur Jésus est «un homme en Christ». Chacun d'entre nous devrait désirer ardemment comprendre le sens profond de ce fait.
Par notre naissance naturelle, nous sommes des hommes en Adam, c'est-à-dire que nous recevons sa vie, nous sommes de sa race et de son ordre, héritant ainsi de son caractère de pécheur — bien que ces traits apparaissent dans les individus de façon et à des degrés divers. Par la grâce de Dieu, dans la nouvelle création, le croyant reçoit la vie du Christ ressuscité; ainsi il est de sa race et de son ordre. La nouvelle vie qu'il a reçue a ses propres caractéristiques; ce sont celles qui ont été vues en Christ lui-même dans toute leur beauté. Il est vrai que, dans les croyants individuellement, ces qualités ne sont vues que de façon et à des degrés divers, et, dans le meilleur des cas, de façon partielle.
Il en est ainsi parce que chaque croyant a encore la chair en lui tant qu'il demeure dans ce monde, et qu'elle obscurcit et contredit les traits de la vie de Christ chaque fois qu'il lui est permis d'opérer. Cependant, nos nombreux manquements ne doivent pas nous cacher le fait que chacun de nous est «un homme en Christ»; c'est le résultat de l'œuvre de Dieu.
Quand le Seigneur viendra et que nous aurons «revêtu notre domicile qui est du ciel», le dernier lien que nous avons avec le premier Adam aura disparu. Nos corps mêmes appartiendront à une création d'un nouvel ordre. Il n'y aura rien en nous qui ne soit pas de la nouvelle création, et ainsi la difficulté que nous avons actuellement de comprendre ce que nous sommes aura disparu. Nous n'aurons plus besoin de faire des distinctions difficiles et de parler d'un «tel homme», car il ne sera plus question d'aucun autre. Quelle perspective glorieuse!
Pour ce qui est du présent, nous devrions toujours parler comme Paul le fait ici. Et quelle merveille de découvrir qu'un homme en Christ puisse être ravi dans le paradis, dans le troisième ciel, qu'il puisse s'y sentir à la maison et y recevoir de la part de Dieu des communications dont le caractère dépasse tout ce qui peut être connu dans ce monde! Quel contraste pour l'apôtre entre une telle expérience et toutes celles qu'il a connues dans sa vie de service, et dont il a parlé plus haut! Dans les unes, il a été abaissé de la façon la plus humiliante; dans l'autre, il a été élevé jusque dans le paradis. Cette expérience a certainement été pour lui une immense récompense de ses souffrances, et ce n'était qu'un avant-goût des choses plus grandes et éternelles qui sont à venir. Il n'est pas étonnant qu'il nous parle au chapitre 4 de la «mesure surabondante» et du «poids éternel» de la gloire qui nous attend.
Cette gloire nous attend jusqu'au moment où nous aussi nous serons enlevés à la rencontre du Seigneur (cf. 1 Thessaloniciens 4: 17). Quand tous les saints seront ainsi enlevés — l'apôtre Paul étant du nombre — ils seront revêtus de corps de gloire. Il n'y a pas l'ombre d'un doute à ce sujet. Toutefois il y avait quelque incertitude quant à l'expérience que Paul rapporte ici, et il le mentionne à deux reprises. S'agissait-il d'une expérience surnaturelle, du genre d'une vision, qu'il aurait eue alors qu'il était encore dans le corps, c'est-à-dire dans la condition d'un homme vivant sur la terre? Ou était-il hors du corps, son esprit était-il entré dans la présence du Seigneur, comme quelqu'un qui passe par la mort et est ensuite ramené à la vie? La précision qu'il donne quant à la date de cet événement rend plausible l'hypothèse qu'il ait pu connaître cette expérience lors de la lapidation rapportée en Actes 14, où, alors que tous le tenaient pour mort, son corps apparemment sans vie avait été traîné hors de la ville.
C'est bien lui-même qui avait vécu cette expérience merveilleuse, bien qu'il soit incertain quant à la condition exacte dans laquelle il se trouvait alors. D'ailleurs, ceci montre que lorsqu'un croyant «s'endort», cela ne signifie pas que son âme s'endorme. Si le décès d'un croyant impliquait une inconscience totale jusqu'au retour du Seigneur, alors l'apôtre n'aurait pas été dans cet état d'incertitude. Il aurait dit: Je dois avoir été dans le corps, car j'étais conscient: si j'avais été hors du corps, je n'aurais pas été conscient du tout.
Cet homme en Christ avait été ravi jusqu'au troisième ciel, c'est-à-dire dans la présence immédiate de Dieu, dont le lieu très saint du tabernacle est le type. Nous avons une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus; et Paul a expérimenté que, comme homme en Christ, il avait libre accès au troisième ciel, qu'il identifie au «paradis» dans lequel le brigand est entré pour être avec Christ. Durant le moment qu'il a passé là, il a été mis en contact avec des choses d'un ordre entièrement en dehors de tout ce qui est connu dans ce monde. Il a entendu «des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à l'homme d'exprimer» (verset 4).
Ceci ne signifie pas qu'il ait entendu des propos mystérieux et incompréhensibles pour lui, mais que les choses qu'il a entendues, et sans aucun doute comprises jusqu'à un certain point, étaient si élevées qu'elles sont au-delà de notre entendement dans notre condition présente. Les paroles dites dans le troisième ciel ne peuvent pas nous être communiquées. Il n'existe pas de langage pour les exprimer. Et s'il était possible de nous faire part d'un petit peu de ce «poids éternel de gloire», cela ne ferait que nous écraser dans notre actuelle condition de faiblesse. Donc il n'était pas permis à Paul de transmettre les choses qu'il avait entendues, même s'il avait pu trouver les mots appropriés pour exprimer ce qui lui avait été révélé. Cette vision et cette révélation du Seigneur étaient un privilège particulier qui lui avait été accordé pour l'éclairer et le fortifier.
Dans tout ceci, il n'y avait rien dont Paul puisse se glorifier, comme il le dit au verset 5. Les circonstances que Dieu avait permises l'avaient placé dans une position où il était contraint de parler de cette expérience merveilleuse, sur laquelle il avait gardé le silence durant quatorze ans. Et ainsi, bien qu'il ait pu mentionner beaucoup d'autres choses tout en s'en tenant à la stricte vérité (ce que ses opposants ne faisaient pas toujours), il se bornait à parler de ses infirmités.
Ceci l'amène à nous révéler que lorsqu'il a repris son service actif dans le monde, Dieu l'a fait passer par une discipline particulière, de manière à le préserver des dangers qui le menaçaient. La chair de Paul n'avait pas été changée, quant à ses mauvais penchants, par une telle expérience. Facilement il aurait pu s'élever avec fierté et orgueil, et s'exposer à une chute malheureuse. Alors, une écharde dans la chair lui avait été donnée comme une sorte de contrepoids. D'un côté il y avait eu le paradis et les paroles inexprimables, d'un autre il y avait l'écharde et les soufflets.
En quoi consistait cette écharde, nous ne le savons pas. C'est probablement laissé dans le flou afin que notre attention se porte sur le fait que toute affliction, même la plus pénible qui soit, peut devenir pour nous une occasion de bénédiction, et une protection.
Quelle qu'en soit la nature, cette écharde affectait le corps de Paul pour le bien de son âme. Elle venait de la part de Satan, puisqu'il la présente comme un ange de Satan pour le souffleter. C'est sa stratégie d'attaque quand il s'agit d'un croyant fidèle et dévoué. Le diable aveugle les esprits des incrédules (chapitre 4). Il s'efforce de corrompre les simples et les mal affermis (chapitre 11). Mais pour Paul, pour celui qui avait été ravi dans le troisième ciel, il fallait autre chose. Et Satan faisait tomber ses coups les plus lourds sur le corps de Paul.
Il faudrait plutôt dire que le diable avait la permission de lui donner de tels coups; car tout ce qui arrivait était sous le contrôle de la main de Dieu. Qu'il s'agisse de Paul ici ou de Job longtemps auparavant, on peut discerner trois niveaux dans l'origine des événements. Au niveau inférieur, il y avait le feu du ciel, le grand vent et des hommes méchants dans le cas de Job, et l'écharde pour la chair dans le cas de Paul. Derrière chacune de ces choses, il y avait la puissance et l'hostilité de Satan. Mais au-dessus de tout cela, il y avait la main de Dieu, la cause première de tout. Ce qui a été le salut et la bénédiction de Job, c'est qu'il n'a pas regardé les causes d'ordre inférieur — ni les causes visibles, ni même l'action de Satan — mais qu'il a tout reçu comme venant de la main de Dieu. Il en est de même pour Paul.
Tout naturellement, Paul s'est tourné vers le Seigneur par la prière. Il lui a adressé d'instantes prières. Il n'a pas seulement prié, mais «supplié» le Seigneur, et cela par «trois fois». Et pourtant, sa demande n'a pas été accordée. Au lieu d'enlever l'écharde, le Seigneur lui a donné l'assurance de son abondante grâce, une grâce telle que l'écharde allait devenir un actif plutôt qu'un passif, un moyen de bénédiction plutôt qu'un obstacle. Le Seigneur a répondu à sa prière, mais pas comme il s'y attendait. Il lui a donné ce qui était le meilleur pour lui. Et la grâce qu'il lui a accordée était bien davantage qu'une compensation de l'écharde.
Le Seigneur répond à Paul: «Ma grâce te suffit». Portons toute notre attention sur ce petit mot «Ma». L'écharde était un ange de Satan, mais la grâce était celle de Christ. Le Seigneur et sa grâce sont infinis, suffisants pour des myriades de myriades de croyants — donc largement suffisants pour Paul, ou pour chacun de nous, quelles que puissent être nos circonstances. Puis le Seigneur ajoute: «Ma puissance s'accomplit dans l'infirmité». Si l'écharde servait à augmenter et à souligner la faiblesse de Paul, par la même occasion elle ouvrait la voie à une manifestation plus complète et plus parfaite de la grâce du Seigneur.
Sans aucun doute, tout ceci va totalement à l'encontre de nos pensées naturelles. Nous associons volontiers l'idée de la puissance et de la force à celle d'un esprit et d'un corps en bonne santé. Nous aurions tendance à dire: Je me glorifierai de mon bon état, afin que la puissance du Christ demeure sur moi; et quand je suis parfaitement au point, alors je suis fort. Mais nous nous tromperions grandement. La pensée de Dieu est toute différente, et elle seule est juste. Nous aimerions peut-être nous présenter au Seigneur pour un service en disant: «Tel que je suis, jeune, fort, libre». Paul a dû apprendre à dire: «Tel que je suis, vieux, infirme, faible». Et il est certain que le Seigneur a accompli beaucoup plus par Paul qu'il n'accomplira jamais par l'un de nous.
L'écharde pour la chair avait donc deux effets bénéfiques. Premièrement, elle tenait en échec la tendance à l'orgueil qui, autrement, aurait pu s'emparer de Paul et le faire tomber. Secondement, elle l'amenait à se rejeter tellement sur le Seigneur qu'elle devenait un moyen par lequel d'abondantes provisions de grâce lui étaient accordées.
Ainsi l'apôtre avait appris à se réjouir dans l'adversité sous ses diverses formes. En Romains 5, il nous dit comment il se glorifie dans les tribulations: il sait ce qu'elles sont destinées à produire dans le cœur du chrétien. Ici, il prend plaisir dans les infirmités: il a appris qu'elles sont le moyen par lequel la puissance de Christ peut opérer en lui dans son service. La faiblesse qui le caractérise fait de lui un instrument bien adapté au déploiement de cette puissance.
En ceci comme en bien d'autres choses, Paul est pour nous un exemple. Les principes divins qui étaient en vigueur au début de cette dispensation sont encore valables à la fin. Les modes, les coutumes, tout ce qui concerne la surface des choses peut varier beaucoup, mais les faits et les principes sous-jacents ne varient pas. Il n'y pas d'autre moyen pour nous de bénéficier de la puissance divine. C'est probablement là une importante raison du manque de puissance si tristement évident, et si souvent déploré aujourd'hui.
Nous ayant introduits dans le secret de ses révélations de la part du Seigneur et de la discipline par laquelle celui-ci le faisait passer, l'apôtre entame son plaidoyer final. Normalement, il aurait dû être recommandé par les Corinthiens, puisqu'ils avaient été convertis par son moyen. Au lieu de cela, il était contraint de défendre son apostolat devant eux. Bien que n'étant rien en lui-même, il n'était nullement inférieur aux plus excellents apôtres. A ce sujet, il pouvait s'en référer à toute sa carrière, et plus particulièrement à sa vie et à son service au milieu d'eux.
L'estimation que Paul avait de lui-même était: Je ne suis rien (verset 11). Tirons-en une leçon pour nous. En fait, nous ne réalisons jamais aussi clairement notre néant que lorsque nous sommes remplis de l'amour divin. Dans le passage qui nous occupe, la confession «Je ne suis rien» suit la mise en lumière de la grâce pleinement suffisante de Christ.
Pourtant, cet homme qui n'était rien avait été appelé à un service d'apôtre à un degré extraordinaire, et les signes en avaient été évidents. Ils l'avaient été non seulement par des miracles et des actes puissants, mais aussi et avant tout par sa patience — une patience qu'il montrait maintenant de façon abondante dans ses relations avec les Corinthiens. Quand il s'était trouvé au milieu d'eux, il s'était soigneusement abstenu de leur être à charge en quelque manière que ce soit, et avait même accepté le soutien financier d'autres assemblées. Il parle à nouveau avec une pointe d'ironie lorsqu'il leur dit: «Pardonnez-moi ce tort». Et son intention est de continuer ainsi. Comme il est leur père spirituel, c'est lui qui doit suppléer à leurs besoins, et non eux aux siens.
Le verset 15 est très touchant. Paul est réellement un père en Christ. Son cœur déborde de l'amour divin; et il peut, comme Dieu lui-même le fait, aimer ceux qui ne l'aiment pas. La tendance naturelle de nos cœurs est exactement à l'opposé de cela. Nous avons peut-être eu de bonnes dispositions à l'égard de certaines personnes auxquelles nous avons prodigué diverses faveurs. Elles les ont reçues, mais sont restées froides et ingrates. Alors, irrités, nous décidons de ne plus rien avoir à faire avec elles! Paul n'agissait pas de cette manière. Même si les choses devaient se développer défavorablement, même si les sentiments des Corinthiens à l'égard de Paul devaient se refroidir tandis que son amour à lui augmentait, il continuerait à le leur exprimer de la façon la plus pratique qui soit. Il dépenserait et serait entièrement dépensé pour eux. On trouve quelque chose de ce bel état d'esprit en 1 Samuel 12: 23, mais dans le passage qui nous occupe, c'est encore plus remarquable. La manifestation suprême de cela se trouve en Dieu lui-même, tel qu'il s'est révélé en Jésus Christ.
On trouvait les mêmes dispositions d'esprit en ceux qui étaient associés à l'apôtre dans son service, Tite et d'autres. Cependant, cet esprit d'amour ne signifie pas l'indifférence quant au mal, et l'approbation de choses qui ne sont pas justes. L'apôtre s'exprime d'une façon très claire quant au péché qu'il craignait de trouver encore parmi eux, et qui appellerait un jugement sévère de sa part lors d'une nouvelle visite.
Le péché se manifeste de différentes façons, mais il y en avait deux formes très présentes à Corinthe (versets 20, 21). D'abord, il y avait tous ces comportements générateurs de trouble qui résultent de la mise en avant de soi-même, de l'envie et de la jalousie. Ensuite, il y avait la satisfaction de la chair et l'immoralité qui en découle, sous des formes variées. L'apôtre craignait que toutes ces choses soient encore présentes à Corinthe et que la repentance nécessaire n'ait pas eu lieu. Il craignait que si sa troisième visite parmi eux se réalisait, il ne soit profondément affligé en voyant leur état et obligé d'exercer le jugement. Remarquons qu'il parle d'abord de son humiliation et de son affliction (verset 21), avant de parler de son autorité et du jugement (cf. 13: 2).
À suivre
«Me voici, moi, et je rechercherai mes brebis, et j'en prendrai soin. Comme un berger prend soin de son troupeau au jour où il est au milieu de ses brebis dispersées, ainsi je prendrai soin de mes brebis… La perdue, je la chercherai, et l'égarée, je la ramènerai, et la blessée, je la banderai, et la malade, je la fortifierai» (Ezéchiel 34: 11, 12, 16)