Crucifié avec Christ

Jacques-André Monard

Chapitre 1er - Il sortit portant sa croix

Le procès inique est achevé. Pilate a fait fouetter Jésus et l'a livré pour être crucifié. Les soldats l'emmènent. On charge sur lui l'instrument de son supplice.

«Et il sortit portant sa croix, et s'en alla au lieu appelé lieu du crâne, … où ils le crucifièrent» (Jean 19:17).

Les heures qui suivent sont au centre de l'histoire du temps et de l'éternité. Elles étaient dans les pensées de Dieu avant la fondation du monde (1 Pierre 1:19). C'est vers elles que Dieu avait regardé, dès les premiers holocaustes, pouvant grâce à elles montrer son «support des péchés précédents» (Romains 3:25). Et c'est vers elles que les regards des rachetés seront tournés durant l'éternité (Apocalypse 5:6).

Aussi la scène de la crucifixion va-t-elle être le thème central de la prédication de l'apôtre Paul: «Je n'ai pas jugé bon de savoir quoi que ce soit parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié» (1 Corinthiens 2:2). Et si «la parole de la croix est folie pour ceux qui périssent», pour nous qui obtenons le salut, elle est la puissance et la sagesse de Dieu (1 Corinthiens 1:18, 23, 24).

Mais le spectacle de Celui qui allait portant sa croix doit aussi retenir toute notre attention. La honte publique de cette marche anticipait l'ignominie suprême de la crucifixion. Voilà un crucifié! pouvait-on dire.

Chose remarquable, ce tableau, avec ses conséquences pratiques, avait été évoqué à plusieurs reprises par le Seigneur Jésus, durant les années de son ministère:

«Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce soi-même, et qu'il prenne sa croix chaque jour, et me suive» (Luc 9:23).

«Viens, suis-moi, ayant chargé la croix» (Marc 10:21).

«Celui qui ne prend pas sa croix et ne vient pas après moi, n'est pas digne de moi» (Matthieu 10:38).

Dans quelle mesure avons-nous accepté, au fond de nous-mêmes, cette place d'opprobre? Nous désirons peut-être servir le Seigneur. C'est bien! Il nous dit alors: «Si quelqu'un me sert, qu'il me suive; et où je suis, moi, là aussi sera mon serviteur» (Jean 12:26).

Chapitre 2 - Le monde m'est crucifié, et moi au monde

Pour celui qui a «été saisi par le Christ» — comme Paul (Philippiens 3:12) —, la honte publique de la croix va être un sujet de gloire!

«Qu'il ne m'arrive pas à moi de me glorifier, sinon en la croix de notre Seigneur Jésus Christ, par laquelle le monde m'est crucifié, et moi au monde» (Galates 6:14).

À la fin de son témoignage sur la terre, le Seigneur, constatant que le monde l'a rejeté, annonce le jugement complet et définitif de ce monde et de son chef: «Le chef de ce monde est jugé» (Jean 16:11). «Maintenant est le jugement de ce monde; maintenant le chef de ce monde sera jeté dehors» (Jean 12:31). Ce maintenant, c'est celui de la croix.

Le monde continuera son train, Satan ne cessera pas de séduire, mais l'un et l'autre sont déjà jugés. Leur sentence a été prononcée à la croix, et elle s'exécutera bientôt, de la manière que nous révèle la prophétie.

En attendant, le croyant doit savoir qu'il est «dans le monde», mais n'est pas «du monde». Il a un témoignage à y rendre, afin que des âmes précieuses en soient arrachées et soient amenées au Sauveur, mais il n'y a aucun espoir pour le monde comme tel.

Au début de l'épître aux Galates, l'apôtre Paul décrit la position du chrétien relativement au monde en disant: «Notre Seigneur Jésus Christ… s'est donné lui-même pour nos péchés, en sorte qu'il nous retirât du présent siècle mauvais» (1:4). Et il termine l'épître en présentant deux crucifiés, dans le verset cité plus haut (6:14).

Tout d'abord, par la croix de Christ, le monde lui est crucifié. Paul ratifie pour lui-même le jugement que Dieu a prononcé. La croix de Christ le sépare du monde, et quand il le voit à travers cette croix, il peut dire: le monde est crucifié. Cela n'empêche pas le monde d'exister, d'exercer ses séductions sur les hommes — même sur les chrétiens —, et cela ne dispense pas les croyants de leur mission de «luminaires dans le monde, présentant la parole de vie» (Philippiens 2:15, 16), aussi longtemps que le jugement prononcé ne s'exécute pas.

Mais l'apôtre dit aussi: «et moi au monde», c'est-à-dire: pour le monde, je suis un crucifié. Fidèle témoin de Christ, il suit les traces de son Sauveur. Ce monde a rejeté et crucifié Christ, voilà aussi ma place! «Nous sommes devenus comme les balayures du monde et le rebut de tous» (1 Corinthiens 4:13). «Sous les coups excessivement, dans les prisons surabondamment, dans les morts souvent…» (2 Corinthiens 11:23). Les persécutions et les dangers quotidiens auxquels il était exposé contribuaient sans doute à le faire vivre cette position, qui est celle de tous les chrétiens.

Voilà de quelle manière l'apôtre réalisait ce que signifie charger sa croix et suivre Jésus. La croix mettait une distance morale infinie entre lui et le monde, mais il consacrait toutes ses forces à y annoncer l'évangile.

Chapitre 3 - Vous avez été mis à mort à la loi (Survol de Romains 7:1-6)

Nous allons trouver dans ce passage un autre effet de la mort de Christ pour nous. Ici encore, la mort exprime une rupture complète et définitive.

«C'est pourquoi, mes frères, vous aussi, vous avez été mis à mort à la loi par le corps du Christ, pour être à un autre, à celui qui est ressuscité d'entre les morts, afin que nous portions du fruit pour Dieu» (Romains 7:4).

Au début du chapitre, l'apôtre traite de la relation de l'homme avec la loi, ce qui, dans son sens premier, concerne Israël, bien que le principe puisse s'étendre. L'alliance de Sinaï avait mis le peuple en relation avec Dieu sur la base de la loi des dix commandements. Transgressée sur toute la ligne, cette loi n'a pu que prononcer la condamnation irrévocable de tous ceux qui étaient sous son autorité. «Tous ceux qui sont sur le principe des œuvres de loi sont sous malédiction», dit l'apôtre, mais «Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous» (Galates 3:10, 13).

Comment nous en a-t-il rachetés? Comment avons-nous été déliés de cette contrainte pesante et irréalisable? Par la mort de Christ, appliquée à nous-mêmes. «Vous avez été mis à mort à la loi par le corps du Christ». L'enseignement de l'apôtre se base sur le fait que nous avons été identifiés à Christ dans sa mort. Sa mort devient la nôtre. Il n'est pas question ici de notre mort dans un sens absolu et général, mais de notre mort à la loi. C'est relativement à elle que nous sommes morts.

Dans les premiers versets du chapitre, l'apôtre donne une comparaison pour faire comprendre la pensée essentielle qu'il veut enseigner. Il utilise la relation conjugale comme image de la position de quelqu'un sous la loi. La femme mariée est liée à son mari tant qu'il vit. S'il meurt, elle est «déliée de la loi du mari», et peut se marier à un autre homme. La mort brise le lien conjugal. De la même manière, ceux qui étaient sous l'autorité de la loi ne pouvaient en être retirés que par la mort. La loi ne saurait mourir. Mais Christ est mort, et dans cette mort, «vous avez été mis à mort à la loi par le corps du Christ…». Et remarquez la suite: «pour être à un autre, à celui qui est ressuscité d'entre les morts». Liés à Christ dans sa mort, ce qui vous délie de la loi, vous êtes aussi liés à lui dans sa résurrection. Relativement à la loi, vous êtes morts, mais non relativement à Christ.

L'épître aux Colossiens exprime la même vérité d'une manière légèrement différente: «Il vous a vivifiés ensemble avec lui,… ayant effacé l'obligation qui était contre nous, laquelle consistait en ordonnances et qui nous était contraire, et il l'a ôtée en la clouant à la croix» (2:13, 14). Ce qui est cloué à la croix, ce n'est pas la loi elle-même, mais c'est «l'obligation qui était contre nous», c'est à dire l'assujettissement à la loi. Le principe est le même qu'en Romains 7, c'est la mort de Christ qui rompt ce lien de servitude.

Quelle libération! Quel affranchissement! Mais cette liberté dans laquelle nous sommes placés n'a pas pour but de faire abonder les péchés. Au contraire, c'est «afin que nous portions du fruit pour Dieu».

On pourrait s'étonner. Les bonnes règles de la loi divine ne sont-elles pas propres à contenir les mauvaises tendances de l'homme, et même du chrétien, de manière à le faire marcher droit? Hélas non! La loi indique le chemin, mais elle ne donne aucune force pour y marcher. Elle a pour effet de stimuler le péché et de faire abonder les transgressions (Romains 5:20; 7:9).

Mais pour porter du fruit pour Dieu, la puissance du Saint Esprit nous est indispensable. Le chapitre 8 de l'épître, qui montre l'effet de sa présence et de son activité dans le croyant, nous parle de «ce qui était impossible à la loi, en ce qu'elle était faible par la chair». Ce qui était impossible à la loi, c'était de nous faire porter du fruit pour Dieu. Mais ce résultat, Dieu lui-même l'opère dans les croyants par la puissance de son Esprit, «afin que la juste exigence de la loi» soit «accomplie en nous, qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l'Esprit» (8:3, 4).

Chapitre 4 - Par la loi, je suis mort… (Survol de Romains 7:7-13)

 «Car moi, par la loi, je suis mort à la loi, afin que je vive à Dieu» (Galates 2:19).

La déclaration de Paul aux Galates: «je suis mort à la loi» exprime l'appropriation personnelle de la vérité libératrice que nous venons de considérer en Romains 7:4. Mais les trois mots qui l'introduisent — «par la loi» — nous font faire un pas de plus. Ils correspondent à ce qui est développé dans les versets 7 à 13 de ce chapitre. Ils montrent l'effet de la loi appliquée à un homme pécheur.

Les commandements de Dieu étaient bien tels que «s'il les pratique, un homme vivra» (Lévitique 18:5), mais l'homme s'étant montré incapable de les pratiquer, la loi n'a pu amener que sa condamnation à mort. «Le commandement qui était pour la vie, a été trouvé lui-même pour moi pour la mort. Car le péché, ayant trouvé une occasion par le commandement, me séduisit, et par lui me tua» (Romains 7:10, 11). Nous avons là l'effet judiciaire de la loi, en raison du péché qui est en nous.

Remarquons que les expressions «la mort», «il me tua», ou «moi je mourus» (au verset 9), n'impliquent en aucune manière que j'aie cessé d'exister. Elles signifient que le péché, en raison des justes exigences de la loi, inscrit sur moi la sentence de mort. Un homme sous la loi, c'est un condamné à mort!

Dans les versets qui suivent, l'apôtre prend soin de montrer que si la loi divine a amené ce triste résultat, ce n'est pas qu'elle soit mauvaise. Au contraire, «la loi… est sainte, et le commandement est saint, et juste, et bon» (verset 12). Mais ce résultat vient de ce que l'homme, dans le fond de sa nature, est mauvais. Il y a une source corrompue liée au cœur de l'homme, que l'apôtre appelle ici «le péché». C'est la source qui produit «les péchés». «Mais le péché, afin qu'il parût péché, m'a causé la mort par ce qui est bon (la loi), afin que le péché devînt par le commandement excessivement pécheur» (verset 13). La loi a manifesté le vrai caractère de la nature de l'homme, son état de corruption irrémédiable.

Quand l'apôtre Paul dit: «Car moi, par la loi, je suis mort à la loi» (Galates 2:19), il réalise dans sa conscience toute la force de la loi, et l'incapacité dans laquelle il est d'y satisfaire. Mais il se repose sur Celui qui a pris sa place sous la malédiction de la loi, et a subi la mort comme jugement de Dieu — «le Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi» (verset 20).

L'apôtre ajoute, dans le verset 19, «afin que je vive à Dieu». Je suis mort… afin que je vive! Le choc de ces mots ne peut que nous impressionner. «Mort à la loi», «vivant à Dieu»! Totalement délivré de la condamnation et de l'emprise de la loi, parce que Christ a été mon substitut sur la croix et a subi la condamnation à ma place, je suis placé dans une nouvelle condition devant Dieu. Du côté de la loi, rupture totale. Mais nouvelle vie, consacrée à Dieu; vie dont Dieu est la source, le but, la puissance.

À suivre