Maladie et guérison d'Ézéchias (Ésaïe 38)

A. Remmers

Le verdict divin et la supplication d'Ézéchias (versets 1-3)

Les événements décrits dans le chapitre 38 se situent à la même époque que ceux des deux chapitres précédents, quinze ans avant la mort d'Ézéchias (versets 5, 6). Le roi était alors âgé d'environ 39 ans et se trouvait ainsi à la force de l'âge (2 Rois 18: 2). Trois ans plus tard est né son fils et successeur Manassé, qui n'avait que douze ans lorsqu'il est monté sur le trône (2 Rois 21: 1).

En plus de l'attaque des Assyriens décrite dans les chapitres 36 et 37, une autre épreuve survient: «En ces jours-là, Ézéchias fut malade à la mort» (verset 1). Comme il ne nous est rien dit quant à la cause de cette maladie, qui s'est manifestée sous la forme d'un ulcère, la supposition qu'elle ait été la punition d'un péché est sans fondement. Tout espoir de guérison était réduit à néant par le message que le prophète a dû apporter de la part de l'Éternel: «Donne des ordres pour ta maison, car tu vas mourir et tu ne vivras pas» (verset 1).

Pour les croyants de l'Ancien Testament, auxquels Dieu avait donné des promesses essentiellement terrestres, la mort était encore le «roi des terreurs» (Job 18: 14). L'état de l'âme après la mort n'avait rien de désirable pour eux. Il est vrai qu'ils avaient quelque connaissance de la résurrection (Job 19: 25-27; cf. Daniel 12: 2), mais le shéol, le lieu du séjour des morts, était pour eux un endroit d'horreur. Ils ne possédaient aucune révélation relativement à l'état intermédiaire entre la mort et la résurrection. C'est le Seigneur Jésus qui, le premier, a apporté la lumière divine dans cette obscurité (Luc 16: 19-31). Depuis la résurrection et l'ascension de notre Rédempteur, nous savons que les âmes des croyants endormis sont «avec Christ» jusqu'à sa venue, ce qui est de beaucoup meilleur (Luc 23: 43; Philippiens 1: 23).

La sentence de l'Éternel par le prophète Ésaïe doit avoir été accablante pour Ézéchias. Dieu lui accordait le temps de mettre en ordre ses affaires, mais l'épée était déjà suspendue au-dessus de sa tête. Ce roi pieux n'était pourtant pas totalement sans ressources devant la mort. Conscient du fait que les hommes ne pouvaient pas l'aider, il tourna sa face contre la muraille et pria son Dieu: «Hélas, Éternel! souviens-toi, je te prie, que j'ai marché devant toi en vérité et avec un cœur parfait, et que j'ai fait ce qui est bon à tes yeux» (verset 3; cf. 2 Rois 18: 5-7). S'il n'a pas demandé expressément sa guérison, il ressort cependant de ses paroles que, comme roi de Juda, il considérait une mort si précoce, surtout sans héritier du trône, comme une punition de Dieu qu'il n'avait pas méritée. Aussi pouvons-nous bien comprendre son affliction et ses larmes (versets 2, 3).

Mais cet homme de Dieu nous fait aussi penser au Seigneur Jésus, auquel se rapporte la prière prophétique du psaume 102: «Mon Dieu, ne m'enlève pas à la moitié de mes jours!» (verset 24). Nous savons qu'il a été «blessé pour nos transgressions» et qu'il a «livré son âme à la mort» (Ésaïe 53: 5, 12). Mais, «durant les jours de sa chair», il a «offert, avec de grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort» et il a «été exaucé à cause de sa piété» (Hébreux 5: 7). Selon le conseil éternel de Dieu, il est mort pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification, mais en même temps, il a aussi été «exalté… prince et sauveur, afin de donner la repentance à Israël et la rémission des péchés» (Actes des Apôtres 5: 31). La guérison d'Ézéchias de sa maladie à la mort doit être ainsi considérée comme type de la résurrection de Christ d'entre les morts.

La grâce de Dieu (versets 4-8)

Sur le chemin de retour de cette mission difficile, Ésaïe reçoit déjà de Dieu une réponse de grâce à la prière de son serviteur (verset 4; cf. 2 Rois 20: 4). Dieu ne mentionne pas les bonnes œuvres et le cœur intègre d'Ézéchias, mais il se réfère à son père David. Le Dieu fidèle se souvient d'abord de son engagement envers celui qu'il avait choisi, l'ancêtre des rois qui ont été sur le trône de Jérusalem. C'est à lui, qui est aussi un type du futur roi d'Israël, que Dieu avait fait des promesses; et il ne les oublie pas (2 Samuel 7: 16; cf. Luc 1: 32; Actes 13: 34). Il avait aussi entendu la prière d'Ézéchias et vu ses larmes, et il se laisse fléchir en lui accordant quinze années de vie supplémentaires (verset 5).

Dieu exauce encore aujourd'hui les prières des siens. Si, par exemple, nous prions pour le salut éternel de quelqu'un, nous savons que «cela est bon et agréable devant notre Dieu sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité» (1 Timothée 2: 1-4). Cependant les prières dans lesquelles se manifeste notre propre volonté ne peuvent certes pas lui être agréables. Dans de tels cas, il se peut qu'il nous accorde notre demande et qu'en même temps il nous en fasse subir les conséquences douloureuses (cf. Psaumes 106: 15). En ce qui concerne notre vie et nos intérêts terrestres, nous ferons bien de prier dans l'esprit dont notre Seigneur nous donne l'exemple: «Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui soit faite» (Luc 22: 42). Il est vrai qu'en toutes choses nous pouvons exposer nos requêtes à notre Dieu par des prières et des supplications avec des actions de grâces, et compter sur la réponse divine; mais le fait que nos cœurs et nos pensées puissent jouir de la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, est plus encore que l'accomplissement de nos désirs (Philippiens 4: 7).

Les pensées de Dieu allaient toutefois plus loin encore. Il voulait non seulement rétablir Ézéchias dans sa santé, mais aussi le protéger, lui et la ville de Jérusalem, de l'attaque des Assyriens (verset 6). Ceci a aussi une portée prophétique: dans l'avenir, Dieu protégera encore une fois son peuple de l'Assyrien. Le Seigneur Jésus lui-même apparaîtra et l'anéantira lors de sa seconde attaque contre Jérusalem.

Dieu avait jadis offert un signe à l'impie Achaz, mais celui-ci l'avait refusé (7: 10-12). Comme Gédéon en Juges 6: le pieux Ézéchias demande un signe. Et Dieu lui en accorde un qui sera reconnu jusque dans la Babylone lointaine (verset 7; cf. 2 Chroniques 32: 31). Quelles que puissent être les spéculations des hommes au sujet de ce miracle, il est clair que le retour en arrière de l'ombre ne peut être expliqué d'une manière naturelle. C'est un des nombreux miracles de Dieu, le Créateur, qui nous sont rapportés dans sa Parole (cf. Josué 10: 12-14). Par cette chose exceptionnelle, Dieu confirmait la vérité de sa promesse. Non seulement il conduit les destins des hommes et des puissances terrestres, mais le temps est aussi entre ses mains; c'est ainsi qu'il peut prolonger le temps de sa grâce en faveur des individus ou des peuples (2 Rois 20: 19; Genèse 15: 16; Daniel 7: 12).

Jusqu'ici, la vie d'Ézéchias a été une vie de foi, une vie à l'honneur de Dieu. Des années ultérieures, l'Écriture nous rapporte peu de chose, à part la visite de l'ambassade babylonienne et ses conséquences (Ésaïe 39; 2 Rois 20: 12-21; 2 Chroniques 32: 25-33). C'est aussi au cours de cette dernière période qu'est né son fils Manassé, qui est entré dans les annales de Juda comme un roi qui «fit ce qui est mauvais aux yeux de l'Éternel» (2 Rois 21: 2).

Le cantique d'Ézéchias (versets 9-22)

«L'écrit d'Ézéchias, roi de Juda, quand, ayant été malade, il fut rétabli de sa maladie» (verset 9) ne se trouve ni en 2 Rois ni en 2 Chroniques. La mention exclusive qui en est faite dans le livre du prophète Ésaïe montre son caractère prophétique, et cela aussi bien en rapport avec la mort et la résurrection de Christ qu'avec la tribulation et la restauration du résidu de Juda.

Ce cantique présente plusieurs éléments qui rappellent le livre de Job ou les Psaumes. La première partie (versets 10-14) montre toute l'impuissance et la détresse d'Ézéchias face à une mort imminente; la deuxième (versets 15-20) exprime sa reconnaissance envers Dieu qui lui a rendu la vie.

La complainte (versets 10-14)

Ainsi que nous l'avons déjà signalé à propos du verset 1, la mort avait une tout autre signification pour les croyants de l'Ancien Testament que pour nous aujourd'hui. Pour Ézéchias, elle était quelque chose d'angoissant. Paul, au contraire, aimait «mieux être absent du corps et être présent avec le Seigneur» (2 Corinthiens 5: 8); il avait «le désir de déloger et d'être avec Christ» (Philippiens 1: 23). Ézéchias, qui pouvait penser avoir atteint le milieu de sa vie, apprenait qu'elle devait brusquement prendre fin. Il voyait déjà ouvertes les portes du «shéol»1 et devait abandonner toutes ses espérances concernant l'avenir (verset 10). Il ne verrait pas Jah, le Puissant d'Israël, sur la terre qu'il appelle «la terre des vivants» (cf. Job 28: 13; Psaumes 27: 13; Jérémie 11: 19; Ezéchiel 26: 20). L'attente de tout Israélite — et non seulement le désir des femmes — n'était-elle pas tournée vers la venue du Messie (Daniel 11: 37)? Ézéchias se voyait ainsi ravir cette espérance par sa mort précoce. Dans le sombre royaume des morts, il ne contemplerait plus un homme vivant (verset 11).

1 Shéol est le nom que l'Ancien Testament donne au séjour des âmes séparées du corps; cf. 14: 9.

Ézéchias compare alors son corps à une tente de berger qui est démontée et emportée (verset 12; cf. Job 4: 21; 2 Corinthiens 5: 1; 2 Pierre 1: 14). Il compare la fin imminente de sa vie à ce que fait le tisserand quand il a achevé une pièce d'étoffe: il coupe les fils qui la relient au métier à tisser. Ézéchias fait monter sa plainte vers Dieu qui, «du jour à la nuit», c'est-à-dire dans un temps très court, en aura fini avec lui (verset 12; cf. Job 4: 20).

Puis Ézéchias se souvient de la nuit pendant laquelle il a apaisé son âme en élevant les regards vers Dieu (verset 13; Psaumes 131: 2). Cependant la maladie a persisté et les souffrances se sont renforcées. En gémissant, il se tourne vers Dieu qui, comme un lion, a brisé son corps malade, et il répète: «Du jour à la nuit, tu en auras fini avec moi» (cf. Lam. 3: 10).

Les souffrances d'Ézéchias n'étaient pas seulement d'ordre physique. Son gémissement sous la main de

Dieu, qu'il compare aux cris de l'hirondelle, de la grue et de la colombe, n'est pas seulement l'expression de ses douleurs, mais aussi de la détresse de son âme face à la mort. Angoissé, puis de nouveau confiant, il élève ses yeux vers l'Éternel comme celui qui le sauve de la détresse: «garantis-moi!» (verset 14; cf. Genèse 43: 9; Job 17: 3).

Un garant doit répondre des dettes de quelqu'un, si celui-ci ne peut pas les rembourser. Qui cependant pourrait «se porter garant» devant Dieu de la dette des péchés de l'homme? Sachant bien que les hommes ne peuvent lui être d'aucun secours à cet égard, Ézéchias implore à juste titre l'Éternel d'être son garant. Aujourd'hui, nous savons que Dieu nous a donné un garant dans la personne de son propre Fils; par sa mort sur la croix, lui a réglé la dette que nous ne pouvions payer. Christ est notre «garant» pour l'éternité (Hébreux 7: 22). Ézéchias ne pouvait pas le connaître; néanmoins il se confiait en son Dieu.

La reconnaissance (versets 15-20)

Un brusque changement de sentiments introduit la seconde partie du cantique (cf. Psaumes 22: 22). La confiance d'Ézéchias en Dieu n'a pas été déçue, et pourtant ses paroles semblent traduire l'étonnement: «Que dirai-je?» Manifestement l'exaucement de sa prière a surpassé son attente. Mais n'en est-il pas souvent de même pour nous? L'apôtre Paul nous enseigne que notre Dieu et Père «peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou pensons» (Éphésiens 3: 20).

Alors Ézéchias élève ses regards vers son Dieu, qui lui a parlé et qui a confirmé ses paroles d'une manière si merveilleuse envers lui. C'est à lui seul qu'il doit non seulement la vie naturelle et la santé, mais aussi la vie spirituelle (verset 16). Il dit: «Voici, au lieu de la paix j'avais amertume sur amertume; mais toi, tu as aimé mon âme, la retirant de la fosse de destruction, car tu as jeté tous mes péchés derrière ton dos» (verset 17). Il est délivré non seulement de la mort physique, mais de la condamnation éternelle. Sa guérison était pour lui la preuve que Dieu lui avait pardonné tous ses péchés. Comme tous les croyants de cette époque, il ne pouvait pas encore connaître la certitude du salut fondé sur l'œuvre rédemptrice de Christ.

C'est ce que l'on voit aussi dans les paroles qui suivent: «Car ce n'est pas le shéol qui te louera, ni la mort qui te célébrera; ceux qui descendent dans la fosse ne s'attendent plus à ta vérité. Le vivant, le vivant est celui qui te louera, comme moi aujourd'hui» (versets 18, 19; cf. Psaumes 6: 5; 88: 10-12). C'est ainsi que pouvaient s'exprimer les croyants qui ne connaissaient pas ce que Dieu nous a révélé concernant ce qui suit la mort. Les croyants de l'Ancien Testament connaissaient bien l'espérance de la résurrection «à la fin des jours» (Daniel 12: 13), mais la tombe et le shéol (cf. Ésaïe 14: 9) avaient pour eux quelque chose d'angoissant. Pour eux, les marques de la faveur de Dieu s'appliquaient en premier lieu à la vie et à la bénédiction sur la terre. L'espérance d'Ézéchias d'avoir une descendance apparaît certainement dans les mots: «Le père fera connaître aux fils ta vérité», la naissance de son fils Manassé n'ayant eu lieu que trois ans plus tard. Mais, hélas! le témoignage de ce que Dieu avait fait pour son serviteur Ézéchias n'a laissé aucune impression durable chez Manassé, son fils.

Ce psaume atteint son point culminant au verset 20. Ézéchias exprime le désir de rendre sans cesse grâces à l'Éternel pour sa délivrance, et de le louer dans son temple avec les instruments à cordes (cf. 2 Chroniques 29: 30). Israël a chanté le premier cantique de délivrance sur le rivage de la mer Rouge. Bientôt, la multitude de tous les rachetés entourera le trône de Dieu dans le ciel pour chanter à l'Agneau «un cantique nouveau» qui ne cessera jamais (Exode 15; Apocalypse 5: 9). Aujourd'hui, c'est le privilège et le devoir de tous les enfants de Dieu d'adorer «le Père en esprit et en vérité; car aussi le Père en cherche de tels qui l'adorent» (Jean 4: 23).