Christ dans le livre de Job

W. Runkel

Le livre de Job est, dans l'original hébreu, un texte poétique encadré par une introduction et une conclusion en prose. Son auteur ne nous est pas connu et nous ne savons rien de précis relativement à l'époque à laquelle il a été écrit. Quoi qu'il en soit, les événements qui y sont décrits nous reportent à un temps très ancien; on admet généralement celui des patriarches. Ce livre est une aide de grande valeur pour mieux comprendre la manière d'agir de Dieu dans ses voies gouvernementales envers les croyants.

Job a été éprouvé à l'extrême par toutes sortes de souffrances. Il ne pouvait comprendre pour quelle raison un «homme parfait et droit» comme lui (1: 1) devait tant souffrir; et il se sentait injustement traité. Mais, par un processus de purification, Dieu a atteint le but qu'il s'était proposé: «l'Éternel bénit la fin de Job plus que son commencement» (42: 12). Le Nouveau Testament décrit l'aboutissement de cette épreuve en nous disant: «Vous avez entendu parler de la patience de Job, et vous avez vu la fin du Seigneur, savoir que le Seigneur est plein de compassion et miséricordieux» (Jacques 5: 11).

Une question importante

Dans tous les temps, les croyants ont été préoccupés par le problème de la souffrance dans ce monde et, sans aucun doute, beaucoup de ceux qui ont dû passer par de profondes afflictions ont trouvé consolation et encouragement dans le livre de Job. Cependant ce n'est pas spécialement de ce thème que nous aimerions nous occuper, mais d'une autre particularité de ce livre. Au cours de ses entretiens avec ses amis, Job a posé la question: «Comment l'homme sera-t-il juste devant Dieu?» (9: 2). Si Job ne pouvait comprendre la manière d'agir de Dieu — ce qui ressort entre autres de ses paroles: «Fais-moi savoir pourquoi tu contestes avec moi»…«Tu sais que je ne suis pas un méchant» (10: 2, 7) —, il était cependant conscient qu'une marche juste ne suffit pas pour subsister devant Dieu.

Ce problème a certainement préoccupé aussi beaucoup d'autres croyants de l'Ancien Testament, et cela dès le début de l'humanité. Nous savons aujourd'hui que cette question de Job n'a trouvé une réponse définitive que dans le Nouveau Testament. Il est toutefois très remarquable que, déjà dans cet ancien livre, on trouve des indications claires au sujet d'un Rédempteur et Sauveur à venir, qui jetterait un pont par-dessus le gouffre créé par le péché entre Dieu et l'homme.

Comment l'homme sera-t-il juste devant Dieu? — tel est le sujet que l'apôtre Paul traite en détail dans l'épître aux Romains, et nous pouvons être infiniment reconnaissants de ce que le Saint Esprit nous a communiqué là par la plume de l'apôtre. Nous avons été «justifiés gratuitement» par la grâce de Dieu, «par la rédemption qui est dans le Christ Jésus, lequel Dieu a présenté pour propitiatoire, par la foi en son sang, afin de montrer sa justice… dans le temps présent, en sorte qu'il soit juste et justifiant celui qui est de la foi de Jésus» (Romains 3: 24-26). Bien sûr, le plan divin du salut révélé dans le Nouveau Testament comporte de nombreux aspects sur lesquels nous ne pourrons pas nous arrêter ici. Nous nous limiterons à quelques passages du livre de Job qui, dans un langage imagé, portent nos regards sur Celui qui a réalisé ce plan de Dieu, «quand l'accomplissement du temps est venu». Nous les considérerons sans en négliger totalement l'aspect historique.

L'arbitre (9: 33)

Job était dans la douleur la plus profonde. Dieu avait permis à Satan de le dépouiller de ses biens matériels et de lui ravir ses enfants. De plus, une grave maladie augmentait ses souffrances. Trois amis étaient venus pour le consoler. Ils s'étaient entretenus longtemps avec Job, mais n'avaient été en mesure ni de le consoler ni de l'éclairer quant à la manière dont Dieu agissait envers lui. Dans leurs discours, s'appuyant plus ou moins sur l'expérience humaine et sur les traditions de leurs pères, ils allaient jusqu'à supposer que Job était châtié par Dieu pour quelque péché commis.

Dans cette situation sans issue, Job en vient à se demander ce qu'il en serait si l'on pouvait débattre ce problème avec Dieu lui-même. On aurait alors la possibilité de se défendre, comme on le fait devant un tribunal humain. Mais cette idée — qui du reste apparaît dans plusieurs chapitres — l'amène à réaliser qu'il faudrait alors un «arbitre», une personne qui pourrait trancher entre Dieu et l'homme. «Il n'est pas un homme, comme moi, pour que je lui réponde, pour que nous allions ensemble en jugement. Il n'y a pas entre nous un arbitre qui mettrait sa main sur nous deux» (9: 32, 33). Si c'était le cas, se dit Job, il y aurait quelque espoir d'obtenir la faveur du «juge». «Je demanderais grâce à mon juge» (9: 15). Ses pensées et ses paroles sont empreintes de tristesse, car aucun arbitre approprié n'était en vue et Job ne pouvait qu'espérer en la grâce de Dieu. Mais qui donc aurait pu assumer cette charge d'arbitre?

Ce dont Job, bien sûr, ne pouvait se douter, c'est que toute cette scène nous parle figurativement de l'apparition d'un «arbitre» dans la personne du Seigneur Jésus. Le Fils de Dieu, «venu en chair», devenu homme, était seul en mesure d'assumer la fonction de «médiateur entre Dieu et les hommes». Le Saint Esprit nous fait voir ici la belle image d'une personne qui, pour ainsi dire, mettrait sa main sur Dieu et en même temps sur l'homme. Aucun ange et aucun homme n'auraient pu et n'auraient été autorisés à le faire. Cependant, dépassant ce que Job pouvait imaginer, le Seigneur Jésus n'est pas intervenu comme arbitre entre Dieu et les hommes, mais il nous a réconciliés avec Dieu: et il l'a fait par le don de lui-même. «Car Dieu est un, et le médiateur entre Dieu et les hommes est un, l'homme Christ Jésus, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous» (1 Timothée 2: 5). Notre Sauveur et Seigneur est à la fois Dieu et homme. Sinon il n'aurait pu être médiateur. En tant que Dieu, il est venu jusqu'à nous, hommes, pour nous faire connaître qui est Dieu (Jean 1: 18). En tant qu'homme, il est à même de prendre fait et cause pour nous devant Dieu. «Il s'est donné lui-même en rançon pour tous» ne signifie pas que tous les hommes soient sauvés, mais que l'œuvre du Seigneur Jésus est si parfaite que le salut peut être offert à chacun. Son sang versé, qui parle d'une propitiation accomplie, a posé le fondement pour que les hommes puissent être rachetés et réconciliés avec Dieu. Quelle valeur doit avoir le sang du Sauveur aux yeux de Dieu!

Les paroles de Job nous montrent combien déjà les patriarches aspiraient à la venue de ce médiateur, et que la foi en «Celui qui devait venir» était vivante en eux.

Le témoin (16: 19)

Au chapitre 16, Job décrit à nouveau ses souffrances en termes émouvants. Plusieurs des expressions qu'il emploie nous font involontairement penser aux souffrances du Seigneur Jésus. Les efforts de ses amis pour le consoler ne lui ont été d'aucun secours; au contraire, ils l'amènent à leur adresser ce reproche désespéré: vous êtes «des consolateurs fâcheux», «des médecins du néant» (16: 1; 13: 4).

N'y a-t-il pas dans ces paroles un avertissement pour nous? Combien souvent avons-nous essayé, peut-être avec de très bonnes intentions, de consoler une personne dans la peine, et nous avons manqué notre but! Nous avons besoin de sagesse dans l'application de la vérité. Beaucoup de ce que les amis de Job ont dit était vrai, mais il n'était pas à propos de le dire à ce moment-là. Ce n'était pas «une parole dite en son temps» (cf. Proverbes 15: 23). En outre, nous devons apprendre que nous ne pouvons consoler qu'avec «la consolation dont nous sommes nous-mêmes consolés de Dieu» (2 Corinthiens 1: 4).

Dans son désespoir, Job va jusqu'à voir en Dieu un adversaire (16: 9). Combien il se trompait! Mais d'un autre côté — et là se manifeste la confusion qui régnait au-dedans de lui — il voit en Dieu quelqu'un qui est pour lui. «Maintenant aussi, voici, mon témoin est dans les cieux, et celui qui témoigne pour moi est dans les lieux élevés. Mes amis se moquent de moi… vers Dieu pleurent mes yeux. Que n'y a-t-il un arbitre pour l'homme auprès de Dieu, et pour un fils d'homme vis-à-vis de son ami!» (16: 19-21).

En dépit de tous ses doutes et de tous ses combats intérieurs, il y avait en Job la foi vivante en un témoin, ce dont nous ne pouvons que nous émerveiller. Ses amis ne pouvaient pas comprendre cette foi, qui dépassait le cadre de leurs conceptions religieuses. Les paroles de Job dans ces versets dirigent nos pensées vers ce passage du Nouveau Testament: «Car le Christ n'est pas entré dans des lieux saints faits de main… mais dans le ciel même, afin de paraître maintenant pour nous devant la face de Dieu (Hébreux 9: 24), ou aussi vers ce verset: «Nous avons un avocat auprès du Père, Jésus Christ, le juste» (1 Jean 2: 1).

Le rédempteur (19: 25)

Au chapitre 19 nous entendons Job se plaindre de sa solitude. «Tous les hommes de mon intimité m'ont en horreur, et ceux que j'aimais se sont tournés contre moi» (verset 19). Ce sont aussi les sentiments qu'exprimeront plus tard David (Psaumes 38: 11) ou Héman (Psaumes 88: 18), et qu'ont certainement ressenti beaucoup de croyants fidèles dans tous les temps. Prophétiquement nous pouvons discerner ici aussi la voix de notre Seigneur. Dans la perspective de son chemin solitaire vers la croix, il pouvait dire à ses disciples: «Vous me laisserez seul» (Jean 16: 32).

Dans sa détresse, Job supplie ses amis d'avoir pitié de lui. Au lieu de cela, ils n'ont à son égard que des accusations à formuler. Leurs paroles prouvent combien peu ils l'ont compris. Elles se résument à ceci: — Dieu ne fait pas périr les innocents et les hommes droits (4: 7). — Tu ferais mieux de rechercher Dieu (5: 8). — Eloigne de toi l'iniquité et ne laisse pas l'injustice demeurer chez toi! (11: 14). Combien cela a dû blesser le cœur de Job! Mais une telle chose n'est-elle pas aussi possible parmi nous, enfants de Dieu? Que chacun s'interroge dans son cœur à ce sujet!

Job termine sa plainte en disant: «Oh! si seulement mes paroles étaient écrites!… avec un style de fer et du plomb, et gravées dans le roc pour toujours!» (19: 23, 24). Puis il s'élève au-dessus des paroles blessantes et accusatrices de ses amis et cherche refuge auprès d'un rédempteur. Dans l'Ancien Testament, la pensée de la rédemption (ou du rachat) se relie souvent au dévouement envers les pauvres et ceux qui sont tombés dans la misère (Lévitique 25: 25). Or Job se considérait vraiment comme étant dans une telle situation.

Il dit: «Et moi, je sais que mon rédempteur est vivant, et que, le dernier, il sera debout sur la terre; et après ma peau, ceci sera détruit, et de ma chair je verrai Dieu, que je verrai, moi, pour moi-même; et mes yeux le verront, et non un autre» (versets 25-27). Pour nous il est clair que le Seigneur Jésus est le Rédempteur. Mais trouver le mot «rédempteur» utilisé de cette manière par un homme qui n'appartenait pas au peuple d'Israël, et qui ne connaissait rien de la vérité révélée dans le Nouveau Testament, ne peut que susciter notre profonde admiration. Quant à nous, nous connaissons «la rédemption qui est dans le Christ Jésus» (Romains 3: 24). Et nous voyons que, dès les temps les plus anciens, le Saint Esprit a révélé à des croyants, en dehors de la Parole écrite, le salut de Dieu qui devait venir.

Job a fait appel à un arbitre, à un témoin et maintenant à son rédempteur. Il exprime sa ferme conviction personnelle: «Je sais», «moi-même», «ma chair», «mes yeux». Ces paroles de Job nous rappellent plusieurs passages du Nouveau Testament. L'expression «mon rédempteur est vivant» nous fait penser à cette parole de Jésus: «Moi, je suis la résurrection et la vie» (Jean 11: 25). L'expression «le dernier» évoque celle que le Seigneur lui-même utilise pour se présenter: «Moi, je suis le premier et le dernier, et… je suis vivant aux siècles des siècles» (Apocalypse 1: 17). Et l'affirmation de Job qu'il «verra Dieu» nous rappelle la parole du Seigneur: «Père, je veux, quant à ceux que tu m'as donnés, que là où moi je suis, ils y soient aussi avec moi, afin qu'ils voient ma gloire» (Jean 17: 24).

Nous pouvons certainement compter Job au nombre de ceux dont il est dit en Hébreux 11 qu'ils ont «reçu témoignage par la foi» (verset 39). En ce qui nous concerne, nous pouvons connaître et contempler Celui qui a pleinement accompli l'œuvre de la rédemption. Béni soit celui «qui nous a été fait sagesse de la part de Dieu, et justice, et sainteté, et rédemption»! (1 Corinthiens 1: 30).

Le messager et l'interprète (33: 23)

Le chapitre 31 se termine par les mots: «Les paroles de Job sont finies». Les trois amis, avec leur pauvre sagesse, sont aussi arrivés au terme de leurs propos.

Ils n'ont plus rien à dire. Ils n'étaient en mesure ni de consoler Job, ni de faire luire pour lui quelque rayon de lumière dans les ténèbres. Alors Elihu entre en scène. Il avait jusque-là écouté en silence les entretiens entre Job et ses amis. Pourquoi? Parce qu'il était plus jeune qu'eux. Il réalise avant la lettre cette exhortation du Nouveau Testament: «Que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler!» (Jacques 1: 19). Cette personnalité exceptionnelle est un beau type de Christ. Son nom signifie: «Il est mon Dieu». Il dit de lui-même que «le souffle du Tout-puissant» (c'est-à-dire l'Esprit de Dieu) est en lui. Et nous pouvons, sans crainte de nous tromper, considérer ses paroles élevées et pénétrantes comme venant directement de Dieu. Ceci nous rappelle cette déclaration du Seigneur: «Celui que Dieu a envoyé parle les paroles de Dieu» (Jean 3: 34). Les paroles de Job et celles de ses amis n'étaient que des paroles d'hommes, bien que l'Esprit de Dieu les ait fait écrire et qu'elles fassent ainsi partie du texte inspiré.

La colère d'Elihu s'est embrasée, et avec raison, parce que Job se justifiait lui-même et parce que ses amis le condamnaient. En contraste avec ces trois derniers, le caractère de ce messager correspond à ce que notre Seigneur a si parfaitement réalisé dans son service et dans sa vie. Le Seigneur est celui par lequel sont venues «la grâce et la vérité». Toutes ses paroles et tous ses actes étaient par conséquent empreints de grâce et de vérité. Dans son service envers les hommes, le Seigneur s'est constamment préoccupé d'atteindre le cœur et la conscience. Nous trouvons quelque chose de semblable dans les paroles d'Elihu. C'est pour cela qu'elles ont eu un résultat positif. Par le service d'Elihu, Job a été amené dans la présence de Dieu et s'est jugé lui-même. C'était là le but du Seigneur (cf. Jacques 5: 11).

Arrêtons-nous encore sur ces paroles saisissantes d'Elihu: «S'il y a pour lui un messager, un interprète, un entre mille, pour montrer à l'homme ce qui, pour lui, est la droiture (c'est-à-dire pour le conduire au jugement de lui-même), il lui fera grâce, et il dira: Délivre-le pour qu'il ne descende pas dans la fosse: j'ai trouvé une propitiation» (33: 23, 24). Si Elihu est un type du Seigneur Jésus rempli et oint de l'Esprit Saint, dans le «messager» du verset 23 nous voyons l'Envoyé du Père.

La mention d'un messager porte nos pensées sur l'envoi de Joseph vers ses frères (Genèse 37), image de l'envoi du Seigneur Jésus sur cette terre. Joseph était le fils bien-aimé de son père Jacob. Envoyé vers ses frères, il n'a pas hésité à prendre le chemin qui l'amenait vers eux, bien qu'il ait su qu'ils le haïssaient. Lorsqu'il est arrivé auprès d'eux, ils l'ont jeté dans une citerne.

Par la voix des prophètes, nous apprenons que le Fils de Dieu a été mis «dans une fosse profonde», qu'il est entré «dans la profondeur des eaux»; c'est une image du jugement de Dieu qu'il devait prendre sur lui, afin que nous ne descendions pas «dans la fosse». Au temps convenable, notre Sauveur est venu sur la terre. Combien souvent l'entendons-nous dire qu'il est l'envoyé du Père! Dans la synagogue de Nazareth, il lit le passage tiré du prophète Ésaïe: «L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres… Aujourd'hui cette écriture est accomplie, vous l'entendant» (Luc 4: 18-21). Et quel était le but de sa venue? Il fallait qu'il donne sa vie comme «propitiation pour nos péchés».

Cette propitiation a satisfait toutes les justes exigences de Dieu; elle est le fondement de notre rachat et de notre réconciliation avec Dieu.