Reprendre sagement

J.A. Monard

«Un anneau d'or et un joyau d'or fin, tel est, pour l'oreille qui écoute, celui qui reprend sagement» (Proverbes 25: 12).

Dans un langage imagé, ce verset des Proverbes met en évidence la grande valeur d'une répréhension

  • sagement donnée et
  • humblement reçue.

Il y a en effet ces deux aspects importants du sujet. Nous nous arrêterons d'abord sur le second, qui nous concerne tous de façon prioritaire:

Écouter la répréhension

Le livre des Proverbes, à de nombreuses reprises, place devant nous la nécessité de recevoir la répréhension. L'homme qui ne l'écoute pas, la méprise ou la hait est «stupide» (12: 1); il s'identifie au «moqueur» (13: 1); il s'expose à être brisé subitement et inexorablement (29: 1). Par contre, celui qui l'écoute, qui l'accepte, qui a égard à elle, montre déjà par là de la sagesse: «reprends le sage, et il t'aimera» (9: 8); «la répréhension fait plus d'impression sur l'homme intelligent que cent coups sur le sot» (17: 10). Cet homme croîtra encore en sagesse: «celui qui a égard à la répréhension devient avisé (15: 5); il «acquiert du sens (15: 32). «La verge et la répréhension donnent la sagesse» (29: 15).

Le psaume 141 décrit en termes admirables une répréhension bien acceptée: «Que le juste me frappe, c'est une faveur; qu'il me reprenne, c'est une huile excellente; ma tête ne la refusera pas» (verset 5).

Si nous sommes toujours persuadés d'avoir raison et d'être à l'abri de tout reproche, non seulement nous faisons preuve d'orgueil — chose que Dieu hait (Proverbes 8: 13) — mais nous nous privons de l'aide spirituelle que nos frères et sœurs pourraient nous apporter de la part du Seigneur en mettant le doigt sur nos manquements ou nos tendances fâcheuses. En outre, comment pourrions-nous être aptes à accomplir envers eux ce même service, si nous ne sommes pas disposés à l'accepter pour nous-mêmes?

Redresser, ramener

Les hommes de ce monde, à notre époque peut-être plus qu'à toute autre, prônent la liberté: liberté de pensée, de parole, de croyance et de comportement.

Comme chrétiens, nous pourrions être influencés par cet esprit, et demeurer indifférents à l'état spirituel de nos frères et sœurs — même s'ils s'éloignent de Dieu — sous prétexte de respecter leur liberté. La Parole nous conduit à une attitude bien différente.

On trouve déjà dans la loi de Moïse: «Tu ne manqueras pas à reprendre ton prochain, et tu ne porteras pas de péché à cause de lui» (Lévitique 19: 17). Le livre des Proverbes aussi nous encourage: «Celui qui reprend un homme trouvera la faveur dans la suite, plutôt que celui qui flatte de la langue» (28: 23 — voir aussi 24: 24, 25). Mais il y a des cas, hélas! où l'orgueil et l'entêtement rendent ce service difficile ou impossible (Proverbes 9: 7, 8; 15: 12).

Si nous aimons réellement nos frères et sœurs, nous avons à cœur leur progrès spirituel; nous nous réjouissons quand nous les voyons prospérer, et nous sommes inquiets quand nous les voyons se refroidir ou s'engager sur un mauvais chemin. Lorsque nous voyons quelqu'un s'éloigner, la première chose à faire est sans doute de prier pour lui, mais le Seigneur peut nous conduire à faire plus.

L'apôtre Paul écrit: «Frères, quand même un homme s'est laissé surprendre par quelque faute, vous qui êtes spirituels, redressez un tel homme dans un esprit de douceur, prenant garde à toi-même, de peur que toi aussi tu ne sois tenté» (Galates 6: 1). La responsabilité d'avertir est là, mais les conditions posées pour accomplir ce service sont là aussi, pénétrantes comme une flèche pour nos consciences. «Vous qui êtes spirituels…» — cela implique beaucoup! En particulier, que nous n'ayons pas laissé, dans notre vie ou dans notre cœur, quelque chose qui ne soit pas en ordre devant le Seigneur.

L'apôtre attire ensuite notre attention sur la manière dont ce service doit être accompli: «redressez… dans un esprit de douceur». Le cœur et la conscience sont davantage touchés par l'amour et la douceur que par la dureté et la sévérité. Cette douceur est aussi le fruit de l'humilité de celui qui est profondément conscient qu'il pourrait lui-même être «tenté» et tomber dans la faute qu'il reprend, ou dans n'importe quelle autre.

Jacques nous donne cet encouragement: «Mes frères, si quelqu'un parmi vous s'égare de la vérité, et que quelqu'un le ramène, qu'il sache que celui qui aura ramené un pécheur de l'égarement de son chemin, sauvera une âme de la mort et couvrira une multitude de péchés» (Jacques 5: 19, 20).

Ne jugez pas

Le Seigneur Jésus a dit: «Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés: car, du jugement dont vous jugerez, vous serez jugés; et de la mesure dont vous mesurerez, il vous sera mesuré. Et pourquoi regardes-tu le fétu qui est dans l'œil de ton frère, et tu ne t'aperçois pas de la poutre qui est dans ton œil? Ou comment dis-tu à ton frère: Permets, j'ôterai le fétu de ton œil; et voici, la poutre est dans ton œil? Hypocrite, ôte premièrement de ton œil la poutre, et alors tu verras clair pour ôter le fétu de l'œil de ton frère» (Matthieu 7: 1-5).

Le Seigneur ne veut certes pas dire que nous ne devions pas discerner le mal qui apparaît devant nous, soit pour nous en garder, soit pour reprendre ceux qui s'y laissent entraîner. Il demeure toujours vrai que: «La crainte de l'Éternel, c'est de haïr le mal» (Proverbes 8: 13), et «Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, qui mettent les ténèbres pour la lumière, et la lumière pour les ténèbres, qui mettent l'amer pour le doux, et le doux pour l'amer!» (Ésaïe 5: 20).

Mais notre Seigneur nous met ici en garde contre l'esprit de jugement, contre cette fâcheuse tendance de nos cœurs à voir le mal qu'il peut y avoir chez les autres et à fermer les yeux sur celui qui se trouve en nous. Cette tendance était développée à son point culminant chez les chefs religieux d'Israël, notamment chez les pharisiens. Nous éprouvons une juste répugnance vis-à-vis de leur attitude, mais ne pensons pas que nous soyons à l'abri de ce danger.

Dans ce passage, Jésus rappelle aussi que, selon le gouvernement de Dieu, nous moissonnons ce que nous avons semé, et que nous nous exposons à être jugés avec la sévérité dont nous avons nous-mêmes usé dans nos jugements.

Enfin, il attire notre attention sur le fait que tout ce qui n'est pas en ordre dans notre propre vie ou dans notre propre cœur obscurcit notre discernement spirituel, nous empêche de voir clair, et par conséquent nous disqualifie pour une saine appréciation des choses.

La responsabilité propre du serviteur

L'Écriture nous fournit tous les principes qui doivent gouverner notre marche chrétienne. Elle nous donne aussi, et en abondance, des exemples de la vie de la foi, sans cacher les défaillances de ceux dont elle nous entretient. Tout cela forme notre jugement spirituel. Mais dans la mise en pratique de cet enseignement divin, nous sommes souvent placés dans des situations où le chemin à suivre n'est pas évident. Dieu veut nous exercer et nous apprendre à rechercher sa volonté. Quant à notre chemin, nous pouvons compter sur la promesse de Dieu de le tracer devant nous, mais quant au chemin de nos frères et sœurs, il est juste que nous leur laissions le soin de le discerner. C'est leur responsabilité devant Dieu. Nous devons donc observer une grande réserve dans nos jugements à ce sujet.

Cela est tout particulièrement nécessaire en ce qui concerne le service chrétien. «Qui es-tu, toi qui juges le domestique d'autrui? Il se tient debout ou il tombe pour son propre maître; et il sera tenu debout, car le Seigneur est puissant pour le tenir debout» (Romains 14: 4 — cf. versets 12, 13). Le serviteur doit être exercé à recevoir ses consignes directement du Maître. Si quelqu'un est persuadé d'être appelé par le Seigneur à accomplir tel service, sommes-nous fondés à intervenir à ce sujet sur la base de nos appréciations personnelles? Si un frère a eu à cœur de lire en assemblée et de commenter tel passage de l'Écriture, ou d'exprimer telle prière, qui est habilité à évaluer le bien-fondé de son action? Il nous appartient toujours de discerner ce qui n'est pas conforme à la Parole ou ce qui est inconvenant, mais en dehors de cela, laissons le serviteur à sa responsabilité devant son Maître. Le Saint Esprit ne conduira jamais quelqu'un à agir de manière contraire aux Écritures, mais il peut le conduire à agir d'une manière différente de ce que nous pensions opportun, ou différente des habitudes. Celles-ci ne sont pas un critère. Seules les Écritures nous fournissent les vrais critères d'appréciation.

La parole de Dieu contient de nombreux exemples de répréhensions, plus ou moins bien données, et plus ou moins bien reçues. Parmi elles, citons les deux exemples très contrastés que nous présente le livre de Job: les propos déplacés d'Eliphaz, Bildad et Tsophar, qui n'ont servi qu'à irriter Job, et les propos sages et pesés d'Elihu, dont Dieu s'est servi pour accomplir un travail réel et profond dans le cœur de son serviteur. Les premiers sont allés jusqu'à «dire des choses iniques» en pensant le faire «pour Dieu» (Job 13: 7) — du moins c'est ainsi qu'elles ont été perçues. Le second a été le messager de Dieu, et ses paroles ont été acceptées.