Première épître aux Corinthiens (suite)

F.B. Hole

Chapitre 15

Les mots par lesquels commence ce chapitre semblent un peu surprenants. Nous pouvons en effet nous demander pourquoi l'apôtre «fait savoir» l'évangile à des personnes qui l'avaient déjà reçu. Il y a vraisemblablement là une pointe d'ironie, comme dans les versets 37 et 38 du chapitre précédent. Ainsi que nous l'avons déjà remarqué à plusieurs reprises, les Corinthiens avaient une très haute idée d'eux-mêmes, de leurs dons et de leurs actions. Il fallait donc que le Saint Esprit les place devant la réalité. L'intellectualisme dont ils faisaient parade les conduisait à nier, ou du moins à remettre en question, la résurrection d'entre les morts — une vérité fondamentale de l'évangile. Paul doit donc reprendre à la base l'évangile qu'il leur avait annoncé.

L'évangile nous sauve si nous «tenons ferme» son message. Si nous ne tenons pas ferme la Parole, elle ne nous sauve pas. Certaines personnes n'aiment pas le «si», mais il est là néanmoins. Il est facile de dire: «je crois», et de se ranger ainsi parmi les croyants. Mais le temps nous teste. Le vrai croyant tient ferme, mais non celui qui n'a que l'apparence. C'est sous réserve de cette condition que nous pouvons dire à tous ceux qui prennent la place de chrétiens: l'évangile vous a sauvés et vous êtes en lui (cf. verset 1). Par conséquent, celui qui altère la vérité de l'évangile sape le terrain qui est sous ses pieds.

La bonne nouvelle de l'évangile est basée sur des faits. Premièrement, le fait de la mort de Christ pour nos péchés, comme les Écritures l'avaient annoncé — en Ésaïe 53: 5 et 8, par exemple. Secondement, les deux faits (que l'apôtre groupe ici) de son ensevelissement et de sa résurrection, conformément aux Écritures — par exemple Ésaïe 53: 9, 10.

Le premier et le deuxième de ces faits n'étaient pas mis en doute; ils étaient connus de chacun. En revanche, le troisième — la résurrection de Christ — n'était pas connu publiquement, et nous voyons dans les Actes qu'il constituait le thème essentiel de la prédication des apôtres. Or c'était ce troisième fait qui était mis en question parmi les Corinthiens. C'est la raison pour laquelle Paul leur rappelle qu'il y avait un témoignage irréfutable à sa véracité. Il cite six occasions distinctes où le Seigneur a été vu ressuscité, la dernière étant celle qui le concerne personnellement; et alors, le Seigneur était non seulement ressuscité, mais dans la gloire du ciel. Cette liste n'est nullement exhaustive, puisqu'elle ne cite aucune des occasions où Jésus est apparu aux femmes.

Paul vient donc à la suite d'une longue file de témoins et cela lui rappelle que lorsque les apôtres ont vu le Seigneur ressuscité, il était alors un opposant et un persécuteur, du moins dans son cœur. Cette pensée l'humilie et l'amène à se sentir indigne d'être compté au nombre des apôtres. En même temps, elle remplit son cœur du sentiment de la grâce de Dieu — grâce qui non seulement l'avait appelé, mais l'avait aussi conduit à une vie de labeur pour son Seigneur plus abondante que tous les autres.

Et pourtant, en ce qui concerne leur témoignage, il n'y avait aucune différence. Qu'il s'agisse des douze ou de lui-même, tous avaient également prêché l'évangile du Christ ressuscité. De la part de tous les apôtres, les Corinthiens n'avaient entendu aucun autre évangile que celui-là. Et ils avaient cru en un Christ ressuscité.

Or toute la vérité de la résurrection dépend de la résurrection de Christ. C'est ce que montre le verset 12. Comment la résurrection peut-elle être niée, si Christ est ressuscité?

Pourtant, l'apôtre continue son argumentation d'une manière bien ordonnée. Premièrement, il examine l'hypothèse qu'il n'y a pas de résurrection, et montre quelles en sont les conséquences logiques. Ceci fait l'objet des versets 13 à 19. Il est évident que s'il n'y a pas de résurrection, Christ n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité… qu'en résulte-t-il?

Toute une série de conséquences s'ensuivent nécessairement. La prédication de Paul était vaine, car il prêchait un mythe et non pas un fait. Leur foi était vaine, car ils avaient cru un mythe. Ceci explique ce qui est dit à la fin du verset 2; l'expression «à moins que vous n'ayez cru en vain» ne se réfère pas à une foi de qualité inférieure ou défectueuse, mais à une foi, aussi vigoureuse soit-elle, qui s'appuierait sur un fondement erroné.

En outre, cela aurait impliqué que les apôtres n'étaient pas honnêtes, qu'ils n'étaient que de faux témoins, et que les Corinthiens eux-mêmes, en dépit de leur foi au témoignage des apôtres, étaient encore dans leurs péchés. Cela aurait sous-entendu que les croyants déjà morts, en particulier ceux de Corinthe, n'étaient pas entrés dans la félicité, mais avaient péri. En vérité, cela limitait tout bénéfice ou toute espérance découlant de Christ aux choses de cette vie. Quelle tragédie! La brillante espérance d'une éternité de gloire était anéantie dans la nuit d'une mort sans réveil. Tout ce que Christ apporte se réduisait à un bon exemple pouvant améliorer quelque peu nos courtes vies dans ce monde.

L'apôtre affirme alors que, s'il en est ainsi, «nous sommes plus misérables que tous les hommes». Chaque chrétien digne de ce nom a délibérément tourné le dos aux plaisirs corrompus de ce monde. Il serait alors dans la situation où il se refuserait ce qu'il pourrait se procurer — les plaisirs et la satisfaction de ses convoitises — dans l'espoir d'un futur qui finalement n'existerait pas. Le mondain complet a au moins les plaisirs du péché, alors que nous devrions tirer un trait sur les deux mondes.

Au verset 20, l'apôtre passe d'une forme de raisonnement négative à une argumentation positive. Il part du fait glorieux que Christ est ressuscité d'entre les morts, et qu'il est ressuscité comme étant les prémices — ou les premiers fruits — de ceux qui sont endormis. Les croyants sont les fruits qui viennent après, du même ordre que lui. Cette vérité est développée amplement dans la dernière partie du chapitre; elle est indiquée implicitement ici par l'usage du mot «prémices». Personne ne présenterait une prune comme premier fruit de la cueillette des pommes. Bien que Christ soit Dieu, il est devenu homme; et comme l'homme ressuscité, il est les prémices de ceux qui sont morts dans la foi. Sa résurrection implique nécessairement la résurrection de tous ceux qui lui appartiennent.

Ce point est si important que l'apôtre interrompt pour un moment son argumentation, et le développe dans les versets 21 à 23. La mort a été introduite par l'homme; de même la résurrection est par l'homme. Adam a apporté la mort, et tous ceux qui sont en lui, ceux qui sont de sa race, sont sous la sentence de mort. Christ a introduit la résurrection, et tous ceux qui sont en lui, qui sont de sa race, doivent être «rendus vivants», vivifiés. Cette vivification n'est que pour ceux qui sont «du Christ». Les injustes seront ressuscités1, mais leur résurrection n'impliquera pas la vivification. Les croyants vont bientôt entrer dans ce qui est proprement «la vie». Combien complète et glorieuse est la réponse de Dieu au péché de l'homme!

1 Ou «relevés»; tel est le sens premier du mot dans l'original.

Mais, dans la résurrection, un ordre doit être observé: «chacun dans son propre rang» (verset 23). Tout d'abord, Christ a été ressuscité d'entre les morts. Il a la place prééminente. Ensuite, à sa venue, tous ceux qui lui appartiennent ressusciteront aussi d'entre les morts, tandis que tous ceux qui ne sont pas sauvés seront laissés dans leurs tombeaux. «Ensuite la fin.» Ces mots évoquent le moment où les incroyants seront ressuscités; cela n'est pas dit explicitement ici, mais c'est ce qu'implique le verset 26. En lisant Apocalypse 20: 11-27; 21: 1-4, on comprend que la mort est abolie — qu'elle «ne sera plus» — quand les méchants auront été ressuscités.

Ce qui est clairement établi dans notre passage, c'est que, en vertu de la résurrection, toute puissance adverse sera complètement subjuguée, afin que tout soit assujetti à Dieu, qui doit être tout en tous. Ceci nous amène à l'état éternel, auquel 2 Pierre 3: 13 fait allusion et qui est décrit avec plus de détails en Apocalypse 21: 1-5. Le royaume millénaire servira le but pour lequel Dieu l'a conçu. On y trouvera la perfection du gouvernement et il ne finira pas avant que le dernier ennemi soit anéanti.

A ce moment-là, l'œuvre complète de la rédemption et de la nouvelle création aura atteint son but et le Fils remettra le royaume au Père. En devenant homme, le Fils a pris une place de sujétion, et il gardera cette place durant toute l'éternité: c'est une preuve très claire qu'il est devenu homme pour toujours. La sujétion (le fait d'être assujetti) n'implique pas nécessairement l'infériorité. Le Fils n'était en rien inférieur au Père lorsqu'il était sur la terre, et il ne le sera pas non plus dans l'éternité. Dans l'état éternel, Dieu doit être tout, et en tous. Mais, bien sûr, l'Esprit est Dieu, le Fils est Dieu, comme le Père. Le Fils garde cependant sa place comme homme; il est le chef et le soutien de l'univers de la nouvelle création qui existe comme résultat de son œuvre. Cela garantit que le mal ne pourra jamais porter atteinte à cette œuvre, et qu'elle conserve à toujours sa splendeur originale.

Avant de passer plus loin, remarquons ce contraste: alors que la négation de la résurrection — menée jusque dans ses conséquences logiques — nous laisse dans nos péchés et dans une misère sans espoir, le fait même de la résurrection, réalisé en Christ, nous emmène dans un état éternel de gloire.

Les versets 20 à 28 sont en quelque sorte une parenthèse. Le verset 29 reprend le fil du verset 19 et poursuit tout naturellement le sujet, même si sa signification peut paraître quelque peu obscure. Le mot «pour» dans ce verset a, croyons-nous, le sens de «à la place de». Un grand nombre de ceux qui étaient morts, parmi les premiers chrétiens, avaient souffert comme martyrs. Paul voit les nouveaux convertis comme étant mis par le baptême à la place de ceux qui étaient tombés, devenant eux-mêmes des cibles pour l'adversaire. Prendre cette place était un acte courageux, mais bien sûr stupide et inutile s'il n'y a pas de résurrection.

Le verset 30 confirme cette interprétation du verset 29. Pourquoi l'apôtre et ceux qui lui étaient associés s'exposaient-ils à l'adversaire, s'il n'y avait pas de résurrection? En posant cette question, Paul ne prononçait pas des paroles en l'air. C'était pour lui la dure réalité de tous les jours. Peu auparavant, il avait dû affronter la terrible émeute dans le théâtre d'Ephèse, comme Actes 19 le rappelle, où des hommes avaient combattu contre lui comme des bêtes sauvages. Chaque jour sa vie était en danger. Quelle absurdité de vivre une vie comme celle-là, s'il n'y a pas de résurrection! Alors, mieux vaudrait adopter le slogan de ce monde impie: «Mangeons et buvons, car demain nous mourrons». Ainsi, une fois encore, on voit le résultat logique de la négation de la résurrection. Non seulement nous sommes les plus misérables de tous les hommes, mais nous sommes laissés sans rien de mieux que la satisfaction de nos appétits naturels.

Arrivé à ce point, l'apôtre fait un appel pressant aux Corinthiens. On les trompait. Or tout mauvais enseignement a des conséquences d'ordre moral. Si nous pensons faux, nous ne pouvons pas agir juste. Ceci jette de la lumière sur l'immoralité qui s'était développée parmi eux, et que les chapitres 5 et 6 ont dénoncée. En mettant en doute la résurrection du corps, ils étaient plus facilement tombés dans des péchés qui impliquent le corps. Ils devaient donc se réveiller pour saisir ce qui est juste et acquérir une vraie connaissance de Dieu.

À suivre