L'occasion favorable

M. Vogelsang

L'occasion qui ne se retrouve pas

«Et comme il discourait sur la justice et sur la tempérance et sur le jugement à venir, Félix tout effrayé répondit: Pour le présent va-t'en; quand je trouverai un moment convenable, je te ferai appeler» (Actes des Apôtres 24: 25).

Le gouverneur Félix fait amener Paul, son prisonnier, et l'entend «sur la foi en Christ». Cet homme avait un certain intérêt pour les questions religieuses. Sa femme Drusille était juive, et il avait «plus exactement connaissance de ce qui regardait la voie», c'est-à-dire la foi chrétienne (verset 22). Il était prêt à s'occuper de telles choses pour autant qu'il ne soit pas concerné personnellement. Ne nous arrive-t-il pas de rencontrer des gens qui sont prêts à discuter sur des thèmes religieux pourvu qu'on ne s'approche pas d'eux de trop près?

Le prisonnier aborde de front la conscience de Félix. Paul parle de la justice pratique devant une personne dont le comportement injuste était notoire; il parle de tempérance devant un homme pour lequel c'était une notion inconnue et devant une femme juive qui devait connaître quelque chose des commandements de Dieu; et il parle du jugement à venir devant quelqu'un qui ne pensait avoir de comptes à rendre qu'à lui-même1.

1 L'histoire profane nous apprend que Drusille était la troisième femme de cet homme, et que celui-ci l'avait détournée de son mari et conduite au divorce afin de l'épouser.

Quel est le résultat de cette prédication? Félix est «tout effrayé». Sa conscience est atteinte. Il se trouve maintenant devant un choix déterminant. Quand la parole de Dieu nous atteint, nous nous trouvons tous — croyants ou non — devant la question décisive: Que vais-je faire de l'appel que Dieu m'adresse? Félix élude la question et la renvoie à plus tard. C'est une des séductions favorites de Satan. Soyons bien conscients que renvoyer à plus tard est extrêmement dangereux. Le «moment convenable» pour se mettre en règle avec Dieu peut fort bien ne jamais venir. «Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs» (Hébreux 3: 15). «C'est maintenant le jour du salut» (2 Corinthiens 6: 2).

Marcher dans la sagesse, saisissant l'occasion — dans l'épître aux Éphésiens

«Prenez donc garde à marcher soigneusement, non pas comme étant dépourvus de sagesse, mais comme étant sages; saisissant l'occasion, parce que les jours sont mauvais» (Éphésiens 5: 15, 16). (Lire aussi les versets 17 à 21.)

Dans la première partie de l'épître (chapitres 1 à 3) l'apôtre présente les merveilleuses bénédictions du croyant ainsi que son appel; dans la seconde partie (chapitres 4 à 6), il montre que la marche du chrétien, sa manière de vivre, doivent correspondre à ces privilèges. Les chapitres 4 et 5 sont caractérisés par le verbe «marcher»:

  • marcher d'une manière digne de l'appel (4: 1-32),
  • marcher dans l'amour (5: 1-7),
  • marcher dans la lumière (5: 8-14),
  • marcher dans la sagesse (5: 15-21).

Nous ne devons pas marcher de façon irréfléchie à travers ce monde, mais «soigneusement» et «comme étant sages». Marcher dans la sagesse implique vivre d'après la volonté de Dieu, volonté que nous pouvons discerner dans sa Parole. L'étude habituelle de l'Écriture développe en nous «l'intelligence» qui nous permet de comprendre «quelle est la volonté du Seigneur» (verset 17). Cela nous rend à même de «saisir l'occasion». Dans la dépendance du Seigneur, sous la direction de sa Parole et du Saint Esprit, il nous faut ouvrir les yeux sur les occasions qui sont placées sur notre chemin, et les utiliser en vue de l'éternité, «parce que les jours sont mauvais» (verset 16). La parole de Dieu ne nous laisse pas nous faire d'illusions: l'état des choses n'ira pas en s'améliorant et le monde ne sera pas finalement rendu meilleur par l'influence du christianisme. C'est le contraire qui aura lieu (cf. 2 Timothée 3: 1-13).

Le fait que les jours soient mauvais est une raison spéciale de saisir les occasions d'être des témoins pour notre Seigneur, en «étant sages» dans un temps sombre. Ainsi, des occasions qui ne se présentent peut-être qu'un instant pourront donner des résultats pour l'éternité si elles sont utilisées avec sagesse.

Une telle marche — dans la sagesse et dans la compréhension de la volonté du Seigneur — a ses effets dans tous les domaines de notre vie. Elle concerne notre comportement à l'égard de nous-mêmes, à l'égard de nos frères et sœurs, et devant Dieu.

Quant à nous-mêmes, nous ne nous laisserons pas influencer par ce qui excite la chair — «Ne vous enivrez pas de vin» — mais nous laisserons libre cours à l'action de l'Esprit de Dieu en nous — «mais soyez remplis de l'Esprit» (verset 18).

Nos relations fraternelles seront caractérisées par le fait que nous nous entretiendrons «par des psaumes et des hymnes et des cantiques spirituels» (verset 19). L'homme spirituel a des façons spirituelles d'exprimer ses sentiments. «Quelqu'un est-il joyeux, qu'il chante des cantiques» (Jacques 5: 13). En outre, nous serons amenés à être «soumis les uns aux autres dans la crainte de Christ» (verset 21).

Finalement, notre attitude envers notre Dieu et Père et envers notre Seigneur sera marquée par les louanges — «chantant et psalmodiant de votre cœur au Seigneur» (verset 19) — et par les actions de grâces — «rendant toujours grâces pour toutes choses, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, à Dieu le Père» (verset 20).

Marcher dans la sagesse, saisissant l'occasion — dans l'épître aux Colossiens

«Marchez dans la sagesse envers ceux de dehors, saisissant l'occasion. Que votre parole soit toujours dans un esprit de grâce, assaisonnée de sel, afin que vous sachiez comment vous devez répondre à chacun» (Colossiens 4: 5, 6).

L'apôtre emploie ici aussi l'expression «saisissant l'occasion», comme dans l'épître aux Éphésiens. Il nous invite à soigner notre comportement vis-à-vis de nos semblables encore incrédules — ceux qui sont «de dehors». De quelle manière devons-nous saisir l'occasion?

«Marchez dans la sagesse envers ceux de dehors»

Paul commence par notre marche avant d'en venir à nos paroles, car tout notre comportement a une influence déterminante sur notre témoignage. Nos actions parlent parfois plus fort que nos bouches. Quelle triste chose si notre comportement devait contredire nos paroles! Que notre conduite soit déjà un témoignage pour le Seigneur, et qu'elle ouvre un chemin tout aplani pour dire les bonnes paroles au bon moment, lorsqu'une occasion se présente! Nous pouvons bien demander au Seigneur de nous accorder la sagesse dans notre marche envers ceux de dehors. Cela doit être un exercice journalier.

«Afin que vous sachiez comment vous devez répondre à chacun.»

Lorsque l'occasion se présente de «répondre», c'est-à-dire de rendre compte de notre foi, nous avons besoin de cette même sagesse pour trouver les mots justes. L'expression «à chacun» montre qu'on ne peut pas apprendre par cœur une réponse standard et la réciter à chaque occasion. Il s'agit de discerner les besoins et la situation de chacun en particulier, et de recevoir du Seigneur les paroles qui sont exactement adaptées à chaque cas.

L'apôtre nous montre les deux éléments fondamentaux qui doivent caractériser nos paroles: il faut qu'elles soient «toujours dans un esprit de grâce» et «assaisonnées de sel».

La grâce ouvre le cœur de l'auditeur. Le sel est l'image de ce qui atteint sa conscience. Nous comprenons pourquoi l'apôtre ne dit pas que nos paroles doivent être de sel et assaisonnées de grâce: si le cœur d'un homme ne s'ouvre pas vraiment, il sera bien difficile d'atteindre sa conscience. Nous avons l'illustration du juste équilibre dans notre parfait Modèle. Qui a parlé dans un esprit de grâce comme le Seigneur? «Tous… s'étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche» (Luc 4: 22). Et c'est lui qui est dans la pensée du psalmiste quand il écrit:»La grâce est répandue sur tes lèvres» (Psaumes 45: 2). Citons simplement deux exemples.

Nicodème, un docteur de la loi, vient à Jésus de nuit (Jean 3). Comment le Seigneur le reçoit-t-il? Lui reproche-t-il son manque de courage de ne pas être venu de jour? Non, il l'accueille, et lui parle avec grâce de la nouvelle naissance. Plus loin dans la conversation, le Seigneur ajoute aussi le sel: «Tu es le docteur d'Israël, et tu ne connais pas ces choses?» (verset 10). La suite de l'évangile de Jean nous montre le résultat de cette conversation: la grâce avait ouvert le cœur de Nicodème, et le sel avait pu faire son effet. Nicodème est finalement devenu un disciple du Seigneur qui a eu le courage de le confesser au grand jour (Jean 19: 39).

Au puits de Jacob, Jésus rencontre une Samaritaine et parle avec elle. Avec quelle grâce il éveille son désir de recevoir cette eau par laquelle elle n'aura plus jamais soif. Alors qu'elle exprime ce désir (Jean 4: 15), l'entretien est «assaisonné de sel». «Va, appelle ton mari… Tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari» (versets 16, 18). Nous connaissons le magnifique résultat de cet entretien: «Venez, voyez un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait; celui-ci n'est-il point le Christ?» (verset 29).

Apprenons les leçons que nous donne notre Seigneur.

Que l'occasion soit favorable ou non, accomplis ton service

«Prêche la parole, insiste en temps et hors de temps» (2 Timothée 4: 2).

Dans sa deuxième épître à Timothée, son bien-aimé compagnon de travail, l'apôtre Paul décrit le déclin du témoignage chrétien. Celui-ci avait déjà commencé au temps de l'apôtre, mais il allait devenir particulièrement visible «dans les derniers jours» (3, 1). Par le triple appel: «Mais toi…» (3: 10, 14; 4: 5), il invite Timothée — et nous avec lui — à suivre un chemin de fidélité personnelle. Le privilège d'être personnellement fidèle au Seigneur nous est toujours accessible, même — et tout particulièrement — dans les jours caractérisés par l'éloignement de la vérité et la défaillance générale.

Le temps où les hommes «ne supporteront pas le sain enseignement» et «détourneront leurs oreilles de la vérité» comporte le danger de la résignation. On est tenté de dire: Cela n'a plus aucun sens de prêcher. Pourquoi proclamer encore la vérité? Plus personne ne veut l'entendre.

Mais sur cet arrière-plan sombre, Paul encourage Timothée en lui disant: «Prêche la parole, insiste en temps et hors de temps». Si Timothée avait reçu une mission du Seigneur, celle de prêcher la Parole, il devait l'accomplir, quelles que soient les circonstances. Que le temps soit propice ou non à la prédication, toute occasion était bonne pour s'engager en faveur de la Parole. Il s'agissait donc d'accomplir en tout temps la mission reçue, en se confiant au Seigneur. De plus, c'est la Parole seulement que Timothée devait prêcher, et non pas ses expériences, ses idées ou ce qui était important pour lui-même. Dans les «derniers jours», dans les jours difficiles, la parole de Dieu n'a rien perdu de sa force.

«Accomplis pleinement ton service» — Accomplir jusqu'au bout le service reçu du Seigneur, tel était le désir constant du cœur de l'apôtre, pour lui-même et pour ses compagnons.

Lors de ses adieux aux anciens d'Ephèse, à Milet, Paul montre cette préoccupation en rapport avec son propre service: «Mais je ne fais aucun cas de ma vie, ni ne la tiens pour précieuse à moi-même, pourvu que j'achève ma course, et le service que j'ai reçu du Seigneur Jésus» (Actes des Apôtres 20: 24).

Ici c'est à Timothée que Paul s'adresse de façon pressante: «Fais l'œuvre d'un évangéliste, accomplis pleinement ton service» (2 Timothée 4: 5). A la fin de l'épître aux Colossiens, Paul exhorte Archippe: «Prends garde au service que tu as reçu dans le Seigneur, afin que tu l'accomplisses» (Colossiens 4: 17).

Qu'en est-il de nous? Nous avons certainement d'autres tâches que Paul, Timothée ou Archippe. Mais nous avons tous reçu un service ou l'autre de la part du Seigneur. Dans l'accomplissement de celui-ci, nous rencontrons souvent des difficultés. Des situations peuvent se présenter dans lesquelles le découragement ou la résignation nous gagnent, et nous nous disons: Est-ce vraiment le moment opportun pour faire cela? Pour notre encouragement, prenons alors pour nous cet appel: «Accomplis pleinement ton service» — «en temps et hors de temps».

Trouver une occasion favorable

«Or, pour ce qui est du frère Apollos, je l'ai beaucoup prié d'aller auprès de vous avec les frères, mais ce n'a pas été du tout sa volonté d'y aller maintenant; mais il ira quand il trouvera l'occasion favorable» (1 Corinthiens 16: 12).

Nous avons ici deux serviteurs du Seigneur: Paul et Apollos. Le premier encourage le second à aller visiter les frères à Corinthe pour leur être utile. Mais ce n'est pas du tout la volonté d'Apollos d'y aller à ce moment. Il n'ira pas avant d'avoir trouvé «l'occasion favorable». Nous ne voulons pas faire de suppositions sur ce qui a pu motiver Apollos à ne pas aller à Corinthe à ce moment-là; nous désirons simplement tirer de ce verset une instruction d'ordre général. Il s'agit de discerner le moment convenable pour accomplir un service.

Il est souvent plus facile de savoir ce que l'on doit faire, que de voir quand il faut le faire. Par exemple, un frère a à cœur depuis longtemps de faire une visite, et il est exercé devant le Seigneur pour trouver le bon moment pour cela. Ou bien, une sœur a le désir d'engager une conversation avec une plus jeune sœur sur un sujet un peu délicat, et elle demande au Seigneur le discernement pour trouver l'occasion favorable.

Seule une vie de dépendance personnelle du Seigneur peut nous rendre capables de discerner clairement sa volonté. Ensuite, l'ayant discernée et ayant accompli ce que nous avions à cœur — certainement dans la conscience de notre faiblesse et avec un certain tremblement — il arrive fréquemment que notre Seigneur nous montre ultérieurement que, par sa grâce, «l'occasion» avait effectivement été «favorable».

L'occasion du diable et la haute main de Dieu

«Et Satan entra dans Judas… qui était du nombre des douze; et il… parla avec les principaux sacrificateurs… sur la manière dont il le leur livrerait… et il cherchait une bonne occasion pour le leur livrer sans que la foule y fût» (Luc 22: 3-6).

Le diable n'est pas inactif. Il saisit toutes les occasions pour faire tomber l'un ou l'autre. Incité par lui, Judas Iscariote cherche aussi une «bonne occasion» pour livrer le Seigneur. Selon les pensées des hommes, c'était: «Non pas pendant la fête, afin qu'il n'y ait pas de tumulte parmi le peuple» (Matthieu 26: 5).

Et pourtant l'arrestation de Jésus s'est passée exactement au moment qu'ils avaient exclu de leur plan. L'ennemi peut chercher et saisir toutes les occasions qui lui paraissent favorables pour faire du mal au Seigneur et aux siens, mais Dieu est au-dessus de toutes ses manœuvres. «Mes temps sont en ta main», dit le psalmiste (Psaumes 31: 15).