Le cantique de la délivrance de Juda (Ésaïe 26)

A. Remmers

La fidélité et la grâce de Dieu

«En ce jour-là sera chanté ce cantique…» (verset 1). C'est le jour auquel commencera le glorieux royaume de paix sous le règne du Seigneur Jésus. Le résidu du peuple terrestre de Dieu, spirituellement restauré et affranchi, chantera alors une hymne dans le pays de Juda (cf. Apocalypse 14: 3). Hymne qui, à certains égards, est une continuation du chapitre 25. Ce cantique commence par la constatation triomphante: «Nous avons une ville forte: il a mis le salut pour murailles et pour remparts» (verset 1). Après avoir été foulée aux pieds pendant des siècles, Jérusalem sera reconnue par tous comme «la ville du grand roi». Là où la délivrance de Dieu est assimilée à des murailles et à des remparts, la force et la puissance de l'homme n'ont aucune place; c'est ainsi que la ville de Dieu se trouve dans le plus grand contraste avec la ville en ruine de l'orgueil de l'homme (cf. 25: 2).

Les portes de la ville seront ouvertes afin que puissent y entrer d'abord le roi de gloire (Psaumes 24: 7-10) puis le peuple de Dieu, ce peuple autrefois injuste et infidèle, mais qui maintenant peut être appelé «la nation juste qui garde la fidélité» (verset 2 — cf. Psaumes 118: 20). Le résidu sauvé n'est pas béni seulement comme ensemble, mais chacun s'appuie individuellement sur Dieu et est ainsi gardé «dans une paix parfaite». Ce principe est aussi valable de nos jours. La joie de la bénédiction de Dieu, et de la communion avec lui et les uns avec les autres, ne peut être constante que si notre vie de foi personnelle est caractérisée par une relation de confiance avec notre Dieu (verset 3).

Cependant suit immédiatement l'exhortation: «Confiez-vous en l'Éternel, à tout jamais; car en Jah, Jéhovah, est le rocher des siècles» (verset 4). Il est le seul qui jamais ne confondra ni ne décevra la confiance en lui. Moïse pouvait dire de lui: «Il est le Rocher, son œuvre est parfaite; car toutes ses voies sont justice. C'est un Dieu fidèle, et il n'y a pas d'iniquité en lui; il est juste et droit» (Deutéronome 32: 4). Il est tout à la fois Celui qui ne change pas (Jah, le Même) et le Dieu du peuple qu'il aime tant (Jéhovah). Il y a de solides motifs qui justifient cette confiance illimitée dans le Dieu puissant d'Israël: «car il abat ceux qui habitent en haut; il abaisse la ville haut élevée» (verset 5). Il a préparé le chemin afin que son peuple puisse être sauvé et béni. Dans «ceux qui habitent en haut», qui sont caractérisés par l'orgueil, on peut voir l'Antichrist, «qui s'oppose et s'élève contre tout ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de vénération», lui «que le Seigneur Jésus consumera par le souffle de sa bouche et qu'il anéantira par l'apparition de sa venue» (2 Thessaloniciens 2: 4, 8). Toutefois l'orgueil caractérise aussi l'Assyrien (10: 12) et particulièrement Moab (16: 6; 25: 10-12). Alors que pour l'anéantissement de l'Antichrist et de l'Assyrien, nous ne voyons aucune intervention de l'homme, Moab sera frappé par les Juifs qui seront un instrument dans la main du Messie (11: 14). Le verset 6 se rapporte à cela; par les «affligés» et les «misérables», il faut comprendre les Juifs croyants du résidu.

Expériences lors du jugement de Dieu

Les chemins des justes sont maintenant aplanis et droits, parce que Dieu les a aplanis, et cela au moyen de jugements sévères (verset 7). Pendant le temps de la tribulation, les «misérables» et les «affligés» n'ont pas seulement attendu la délivrance de l'Éternel, mais le désir de leur âme était tourné vers lui, vers son nom et vers son souvenir (verset 8). Jour et nuit, leur âme et leur esprit ont soupiré après lui, et enfin il a répondu. Ces paroles nous permettent de voir quelque peu l'état de cœur du résidu pendant la grande tribulation. Nous pouvons trouver davantage à ce sujet dans les Psaumes — plus particulièrement dans le deuxième livre (Psaumes 42 - 72).

Le résidu croyant a maintenant compris le fait solennel que «les habitants du monde» doivent apprendre à connaître la justice de Dieu par les jugements (verset 9). Cela ne veut certainement pas dire que chacun d'entre eux soit justifié, car nous lisons le contraire dans le livre de l'Apocalypse: au lieu de se repentir en présence des justes châtiments de Dieu, les hommes blasphèment (9: 20; 16: 9, 11, 21). Mais par ces jugements, Dieu veut montrer qu'il est juste et qu'il agit en justice (cf. Apocalypse 15: 4). La grâce ne peut pas faire comprendre cette justice aux méchants, à ceux qui persistent dans le mal. L'évangile de la grâce est annoncé depuis bientôt deux mille ans, mais le monde dans son ensemble n'a pas changé. Même dans «le pays de la droiture», le pays d'Israël sous le règne du Messie, où tout sera ordonné selon ses pensées, le méchant ne se laissera pas inciter au bien mais il agira injustement, ne voyant pas la majesté de l'Éternel (verset 10). La conséquence d'une telle conduite, la mort immédiate, est décrite plus loin dans ce livre (65: 20; 66: 24). Bien que les adversaires de Dieu voient sa main élevée en jugement et opérant la délivrance de son peuple, ils refusent de le reconnaître. C'est pourquoi ils seront dévorés par le feu du jugement (verset 11 — cf. 2 Thessaloniciens 1: 8).

Avec une pleine confiance dans le Seigneur, «la nation juste» peut dire maintenant: «Éternel, tu établiras la paix pour nous», car ils reconnaissent que tous leurs actes de foi sont en fait son œuvre (verset 12). Sept fois dans ce chapitre, ils s'adressent à Dieu en invoquant l'Éternel (versets 8, 11, 12, 13, 15, 16, 17). L'exclamation centrale, celle du verset 13, a la forme: «Éternel: notre Dieu»; elle révèle la pleine restauration de leur relation avec Dieu. Dans la personne du Fils de Dieu rejeté autrefois par leur nation, ils reconnaissent maintenant leur Dieu, l'Éternel, qui s'était révélé à eux par Moïse. S'ils regardent en arrière, ils ne peuvent que confesser leur faillite en conséquence de laquelle ils ont été dominés par «d'autres seigneurs» (verset 13). Peu de peuples ont connu, comme les Juifs, autant d'oppresseurs étrangers: les Chaldéens, les Perses, les Syriens, les Romains, les dominateurs des pays dans lesquels ils ont été dispersés, et enfin l'Antichrist. Seule la miséricorde de Dieu les a fait revenir pour magnifier et louer son nom. Les dominateurs étrangers ont été détruits et ils ne relèveront plus jamais la tête comme tels. C'est là le sens des paroles: «les morts ne vivront pas, les trépassés ne se relèveront pas», car il est évident que, comme tous les humains, ces «seigneurs» ressusciteront un jour corporellement (verset 14; cf. Jean 5: 28 et suivants).

Comme au chapitre 9 (verset 3), le peuple peut maintenant se réjouir de son grand nombre — bien qu'il ne soit en fait qu'un faible résidu (verset 15 — cf. Zacharie 13: 8, 9; Romains 11: 26). Toutefois il ne regarde pas à lui-même, mais à son Dieu qui s'est glorifié en cela.

Lorsqu'il considère sa conduite d'autrefois, le peuple doit confesser qu'il n'est revenu à Dieu que par le pénible chemin de la détresse et de la discipline; alors il l'a recherché dans la prière (verset 16). Aussi longtemps qu'ils se trouvaient spirituellement loin de la face de l'Éternel, tous leurs efforts étaient comme ceux d'une femme enceinte près d'enfanter, qui est dans les douleurs et crie dans ses peines, mais il n'en était rien résulté. «Nous avons comme enfanté du vent; nous n'avons pas opéré le salut du pays, et les habitants du monde ne sont pas tombés…» (versets 17, 18). Mais maintenant, après cette terrible tribulation, le pays et le peuple de Dieu sont sauvés et les «habitants du monde» sont jugés (cf. verset 11, et l'expression «ceux qui habitent sur la terre», Apocalypse 3: 10; 6: 10; 8: 13).

Avec le verset 19 commence l'accord final du cantique: «Tes morts vivront, mes corps morts se relèveront. Réveillez-vous et exultez avec chant de triomphe, vous qui habitez dans la poussière». Le chapitre précédent contenait une merveilleuse allusion à la première résurrection — la mort engloutie en victoire (25: 8). Ici, nous trouvons la résurrection d'Israël comme peuple, de même qu'en Ezéchiel 37: 1-14 (notamment verset 12) et en Daniel 12: 2, où il est aussi question de ceux qui «dorment dans la poussière». Dans ces trois passages, nous avons une description figurée de la reprise des relations de Dieu avec son peuple terrestre. Pendant longtemps, celui-ci a été «mort» sur le plan politique ou national, et il l'est encore actuellement sur le plan spirituel (cf. Psaumes 71: 20; Osée 13: 1). Cependant la relation avec Dieu n'est pas rompue; elle est seulement interrompue, ainsi que le montre l'expression «mes corps». Quand la terre aura jeté dehors «ses trépassés» viendra un matin sans nuages sur lequel se lèvera le soleil de justice, avec la guérison dans ses ailes (cf. Malachie 4: 2). Le résidu du peuple nouvellement réapparu est comparé à «la rosée de l'aurore» (verset 19 — cf. Psaumes 110: 3; Michée 5: 7).

Le verset 20 contient la réponse de Dieu au cantique de Juda. Il invite son peuple à se cacher pour un petit moment jusqu'à ce que son indignation soit passée. De même, Noé a dû chercher un refuge dans l'arche, et les Israélites ont dû demeurer dans leurs maisons pendant la nuit de la Pâque, tandis que le jugement de Dieu s'exerçait sur le monde qui les entourait (Genèse 7: 1; Exode 12: 22). «Car voici, l'Éternel sort de son lieu pour visiter l'iniquité des habitants de la terre sur eux, et la terre révélera son sang, et ne cachera plus ses tués» (verset 21). Quand la détresse de Jacob sera passée, le moment viendra où le Seigneur Jésus apparaîtra en gloire et punira tous ses ennemis sur la terre. Non seulement il anéantira toute opposition, mais il exercera aussi le jugement; il sera assis sur le trône de sa gloire et toutes les nations de la terre seront assemblées devant lui (Apocalypse 19: 11-16; Matthieu 25: 31-46). Tout, y compris le sang des innocents — en particulier celui des martyrs de la grande tribulation — viendra à la lumière; rien ne restera caché et chaque coupable sera puni. C'est le jugement des vivants, au début du règne de justice et de paix.