Un dernier avertissement

M. Seibel

«Souviens-toi donc d'où tu es déchu, et repens-toi, et fais les premières œuvres; autrement, je viens à toi et j'ôterai ta lampe de son lieu, à moins que tu ne te repentes» (Apocalypse 2: 5).

Nous trouvons dans la Bible quelques exemples d'hommes que le Seigneur Jésus avertit une dernière fois avant d'exercer le jugement. Il le fait envers des hommes incrédules: s'ils ne se repentent pas à la suite de ce dernier avertissement, ils devront subir le jugement éternel, l'éloignement éternel de Dieu. Il le fait aussi envers des croyants: dans ses voies gouvernementales, il arrive qu'il doive les châtier et parfois même les rappeler à lui, s'ils n'écoutent pas ses avertissements (cf. 1 Corinthiens 11: 30). Le dernier avertissement a donc toujours une gravité particulière. La grande question est de savoir s'il est pris au sérieux — si nous le prenons au sérieux.

Judas Iscariote

Nous trouvons un tel avertissement dans le cas de Judas Iscariote. Lorsque le Seigneur célèbre la dernière pâque avec ses disciples, il dit: «Voici, la main de celui qui me livre est avec moi à table. Et le fils de l'homme s'en va bien, selon ce qui est déterminé; mais malheur à cet homme par qui il est livré!» (Luc 22: 21, 22). Pendant les trois ans où il a vécu avec le Seigneur Jésus, Judas aurait eu bien des occasions de se convertir. Mais il n'a pas utilisé ce temps. Probablement a-t-il même appelé des hommes à la repentance, lorsque le Seigneur avait envoyé ses disciples prêcher l'évangile; mais lui-même ne s'est jamais repenti.

Tout près de la fin de son service, le Seigneur Jésus s'adresse personnellement à Judas Iscariote, dans la scène où Marie oint les pieds du Seigneur avec un parfum de grand prix (Jean 12). Puis, tout à la fin, peu avant son terrible acte de trahison, Judas entend encore une fois de la part de Jésus quelles seraient les conséquences de son acte (Matthieu 26: 24). Mais les paroles du Seigneur n'ont atteint ni son cœur ni sa conscience. Ainsi, il va pouvoir être appelé «le fils de perdition» (Jean 17: 12). Sa part sera la perdition éternelle.

L'exemple de ce disciple montre de façon solennelle que l'on peut servir apparemment le Seigneur tout en ayant son cœur loin de lui.

Les Corinthiens

«J'ai déjà dit, et je dis à l'avance, comme si j'étais présent pour la seconde fois, et maintenant étant absent, à ceux qui ont péché auparavant et à tous les autres, que si je viens encore une fois, je n'épargnerai pas» (2 Corinthiens 13: 2). Pendant un an et demi, l'apôtre Paul a eu à Corinthe un service richement béni. Pourtant, peu de temps après, voilà qu'il reçoit des nouvelles du mauvais état des Corinthiens. Il leur écrit alors une première lettre, dans laquelle il leur présente le contraste entre les pensées de Dieu et leur état, et place devant eux les péchés qu'ils négligeaient de juger.

Heureusement, les Corinthiens prennent cette lettre au sérieux, s'inclinent devant la parole du Seigneur et se repentent. Toutefois ils tolèrent encore au milieu d'eux l'activité de faux docteurs. En outre, il y a manifestement parmi eux des personnes qui ne se sont pas repenties de certains péchés précis (12: 21). L'apôtre leur écrit alors une deuxième lettre. C'est un dernier avertissement, avant qu'il vienne lui-même, revêtu de son autorité apostolique, pour juger, condamner et punir s'il le faut. Ce n'était certainement pas le but de l'apôtre d'agir ainsi, car son désir était d'édifier et non de détruire (13: 10). Mais si les Corinthiens n'étaient pas prêts à écouter ses paroles, qui n'étaient autres que les paroles du Seigneur, il devrait venir et agir avec une grande sévérité.

Aujourd'hui nous n'avons plus d'apôtres et par conséquent plus d'autorité apostolique. Mais le Seigneur n'a pas changé. Il a donné autorité à l'assemblée (Matthieu 18: 18-20), et des frères exercent le service de surveillants et d'anciens (Romains 16: 17; 1 Thessaloniciens 5: 14; Tite 3: 10; 1 Timothée 3). Et finalement, le Seigneur intervient lui-même dans son gouvernement. Ne nous berçons pas de l'illusion que, puisqu'il n'y a plus d'apôtres, nous ne sommes pas obligés d'écouter la parole que le Seigneur nous adresse aujourd'hui par ses serviteurs. Au sujet de ceux qui prenaient la cène indignement — sans se juger eux-mêmes — l'apôtre écrit: «Car celui qui mange et qui boit, mange et boit un jugement contre lui-même, ne distinguant pas le corps. C'est pour cela que plusieurs sont faibles et malades parmi vous, et qu'un assez grand nombre dorment. Mais si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés. Mais quand nous sommes jugés, nous sommes châtiés par le Seigneur, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde» (1 Corinthiens 11: 29-32). En Apocalypse 1 à 3 aussi, le Seigneur s'adresse aux assemblées avec son autorité judiciaire.

Nous pouvons espérer que les Corinthiens ont pris ce dernier avertissement à cœur, et que les paroles sérieuses de l'apôtre les ont conduits à se repentir. Amener à une vraie repentance, voilà toujours le but du Seigneur.

Les Éphésiens

Les lettres envoyées aux sept assemblées, en Apocalypse 2 et 3, nous présentent aussi un dernier avertissement. Pas seulement parce qu'elles font partie du dernier livre inspiré de Dieu, mais parce qu'elles étaient, pour leurs destinataires directs, les dernières paroles du dernier des apôtres. Quel effet cet appel a-t-il eu sur eux? Ils ne savaient certainement pas que Jean n'écrirait plus désormais de lettre inspirée, et pourtant ces avertissements avaient pour eux un caractère final.

Parmi les chrétiens des premiers temps, les Éphésiens sont de ceux qui ont été tout spécialement enseignés au sujet de l'assemblée et de la relation entre les croyants et le Seigneur glorifié — l'épître aux Éphésiens en témoigne. Lors d'une entrevue très touchante, l'apôtre Paul a informé les anciens d'Ephèse au sujet du déclin imminent (Actes des Apôtres 20). Un peu plus tard, Timothée a instruit les Éphésiens en ce qui concerne l'ordre dans la maison de Dieu et le déclin de la chrétienté (cf. 1 Timothée 1: 3).

Mais, malheureusement, cela n'a pas empêché ces croyants d'abandonner leur premier amour. C'est ce que le Seigneur doit leur reprocher dans la lettre qu'il leur fait envoyer (Apocalypse 2: 4). Ainsi Jean était déjà la troisième personne que le Seigneur utilisait, après Paul et Timothée, pour l'édification et la réprimande des Éphésiens; afin que ceux-ci ne perdent pas des yeux Celui qui est au centre de la vie chrétienne, Christ lui-même. Tout cela nous montre l'attention et les soins du Seigneur; il s'occupe des siens avec amour et patience. L'assemblée à Ephèse aura-t-elle tenu compte de ce dernier avertissement? Si elle l'a fait, le Seigneur l'aura alors maintenue comme une lampe sur la terre et l'aura reconnue comme étant à lui.

Peut-être le Seigneur nous envoie-t-il aussi aujourd'hui — personnellement ou collectivement — un dernier avertissement: reviens d'un chemin qui n'est pas droit, abandonne ton obstination, interrompt tes mauvaises relations… Un refroidissement des affections conduit rapidement à la conformité au monde, puis au déclin et à la ruine, lorsqu'on méprise les avertissements.

«Que celui qui a des oreilles écoute ce que l'Esprit dit aux assemblées!» (Apocalypse 2: 7).