Sophonie

Introduction

Le livre de Sophonie offre deux particularités. Il ne sépare plus, comme d’autres prophètes, le peuple d’Israël des nations, dans ce sens qu’il fait tomber un même jugement sur lui et sur elles, car, ayant en commun les mêmes caractères que l’homme déchu et particulièrement l’idolâtrie, ils doivent subir une commune sentence.

Mais Dieu — c’est la seconde particularité de notre prophète — sépare de la masse ceux qu’il veut épargner. Ainsi se forme le Résidu d’Israël. Sophonie ne nous parle pas d’un Résidu des nations (ou plutôt n’aborde ce sujet qu’incidemment, 2:8-10), quoique ce dernier fasse partie du plan de Dieu pour l’avenir; tandis que d’autres prophètes mentionnent le rétablissement des captifs de Moab et d’Ammon, d’Élam et d’Égypte, c’est-à-dire la formation d’un Résidu de ces peuples qui aura part à la Restauration finale (Jérémie 48:47; 49:6, 39; Ézéch. 29:14).

Notre prophète annonce seulement que, bien qu’Israël partage le même jugement que les nations, la grâce de Dieu tirera de ce peuple condamné un peuple nouveau. Sa formation et sa bénédiction éternelle donnent au livre qui nous occupe un cachet d’incomparable fraîcheur.

Le Résidu est le fruit d’un Réveil au milieu du peuple incrédule. Les Réveils, comme nous l’avons fait voir en d’autres écrits, n’entravent jamais le déclin, et ne changent en aucune manière l’état de la masse du peuple. Dieu a deux buts en les produisant: le premier est de susciter un témoignage, dont le rejet rendra le peuple inexcusable; le second, comme nous venons de le voir, est de mettre à part, en vue de la constitution future d’un nouveau peuple, un certain nombre de fidèles ayant servi l’Éternel au milieu du déclin et de l’apostasie générale. Le produit du Réveil devient ainsi la souche du peuple de Dieu. C’est sur le Résidu que nous voyons se concentrer la sollicitude de l’Éternel; c’est lui qu’Il préserve au milieu de la grande tribulation, de la terrible «détresse de Jacob»; lui, qu’Il sépare de la nation apostate vouée à la destruction finale; enfin, c’est en lui que se concentrent les caractères du peuple futur, peuple de franche volonté dont la jeunesse sortira comme la rosée du sein de l’aurore (Ps. 110). Le Résidu, d’abord petit et méprisé, croîtra et deviendra une nation innombrable comme les étoiles des cieux et le sable du bord de la mer; ce peuple entourera le trône du grand Roi à Jérusalem et aura la domination sur toutes les autres nations. D’entre ces dernières, une grande foule que personne ne pourra dénombrer (Apoc. 7) se soumettra, par la foi, au sceptre millénaire de Christ, tandis que ceux d’entre les peuples qui n’auront pas été détruits lors de l’apparition de Christ, ne se soumettront à Lui qu’avec «des lèvres menteuses» (Ps. 18:45; 66:3). Ils seront anéantis lors de la révolte finale suscitée par Satan, délié de sa prison à la fin du millénium, révolte qui précédera l’apparition du jour de Dieu (Apoc. 20:7-9; 2 Pierre 3:12). Il n’en sera pas ainsi du peuple de l’Éternel: constitué par le Résidu, «tout Israël sera sauvé» (Rom. 11:26). Ceux d’entre eux qui seront des «méchants» (car le millénium n’est pas le jour éternel où tout sera parfait) seront «retranchés chaque matin du pays» (Ps. 101:8).

Nous venons de le dire: la formation d’un Résidu est toujours le résultat d’un Réveil. C’est ainsi que ce Résidu se formera à Jérusalem, au milieu du peuple juif rentré dans l’incrédulité en Palestine (Dan. 12:3, 10). Il est remarquable que, parlant d’une manière exclusive de ce Résidu prophétique d’Israël, Sophonie soit appelé à prophétiser lors du dernier Réveil de ce peuple mentionné par la Parole, sous la royauté de Josias.

Sophonie, s’il est lui-même de race royale, comme on le pense, descend du roi Ézéchias. Ainsi, sous Josias, le Réveil du temps d’Ézéchias recommence, quand les bénédictions accordées à David sont perdues, et Sophonie devient lui-même l’instrument pour proclamer le Réveil prophétique et la formation d’un Résidu parmi l’ancien peuple de Dieu. Le Réveil sous Josias se produisit lors de la découverte du livre de la loi. Josias y lut que la colère de Dieu s’était déversée sur Israël parce que «les pères n’avaient pas gardé la parole de l’Éternel pour faire tout ce qui était écrit dans ce livre». Alors le roi «consulta l’Éternel pour lui-même et pour ce qui était de reste en Israël et en Juda» (2 Chron. 34:21). Hulda, la prophétesse, annonça les malédictions de Dieu contre Jérusalem, mais ajouta qu’en vertu de l’humiliation de Josias, lui, le chef du Résidu, serait épargné (v. 23-28). Nous avons donc, en type, dans Josias, le sujet capital du livre de Sophonie.

Ce Réveil final aura pour but de préparer le cœur et la conscience du Résidu pour le règne de Christ, comme roi d’Israël, aussi Sophonie ne nous présente-t-il le Seigneur que sous ce caractère: «Le roi d’Israël, l’Éternel, est au milieu de toi» (3:15). Il n’est pas question ici, comme en Ésaïe, Zacharie, Michée et d’autres prophètes, des souffrances expiatoires du Messie et des gloires qui devaient les suivre (1 Pierre 1:11), mais de la puissance et de la venue du Roi (2 Pierre 1:16), vainqueur et triomphateur qui, après avoir sauvé le peuple de son choix, trouve ses délices en lui.

Trois faits sont donc immédiatement unis ensemble dans la prophétie de Sophonie: 1° L’iniquité et l’idolâtrie du peuple d’Israël et des nations et le jugement qui tombera conjointement sur eux tous, quoique devant être bien plus sévère sur Israël apostat, qui était à l’origine séparé des gentils idolâtres. 2° La formation d’un Résidu selon l’élection de grâce. 3° Le Résidu devenant le seul vrai Israël, réuni sous le sceptre du Roi Messie.

Mais d’autres traits caractérisent encore notre prophète: du commencement à la fin, quand il est question du jugement, Sophonie parle du jour de l’Éternel.

Nous avons vu souvent, dans le cours de ces études, que ce jour peut avoir un accomplissement partiel et préliminaire (voyez, par exemple, Joël 1). Ici, en effet, ce jour est comme pressenti lors de la terrible attaque de Nebucadnetsar; mais, quelque affreux que fût ce jugement, il n’était qu’une faible image du jour de l’Éternel. Aussi, Babylone, agent historique du jugement, n’est pas même nommée dans Sophonie, ce prophète ayant en vue le jugement final, et non, comme Habakuk, la conduite du juste, vivant de sa foi pendant les jours du jugement historique. Le jour de l’Éternel est donc, avant tout, pour Sophonie, un jour prophétique, où l’Éternel, au lieu d’employer, comme précédemment, des instruments de sa vengeance, jugera lui-même. C’est pourquoi le nom des Chaldéens est passé sous silence par Sophonie, bien qu’ils soient historiquement, dans ce prophète, la seule nation en vue, pour le jugement de la Philistie, d’Ammon, de Moab, de l’Assyrien, et enfin de Jérusalem elle-même.

Le jour de l’Éternel est appelé le jour du Seigneur dans le Nouveau Testament. C’est le jour du jugement et de la vengeance. Le jour de Christ n’a pas la même signification, car c’est le jour qu’attendent les chrétiens, le jour de son apparition, un jour qu’ils peuvent aimer, qu’ils appellent, dans la crainte du Seigneur, mais devant lequel ils ne tremblent pas (cf. Hab. 2:3, 16; 2 Tim. 4:8). Aimer son apparition, c’est vivre dans l’espérance de partager sa gloire, d’obtenir son approbation quand il viendra pour distribuer aux siens des couronnes. Alors ses témoins éprouveront une perte, ou entendront, devant le tribunal, cette parole bénie: «Bien, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Seigneur.» Le jour du Seigneur regarde du côté du monde, le jour de Christ, du côté des chrétiens. C’est le même jour, sans doute, mais avec deux faces, l’une tournée vers les réprouvés et les ténèbres, l’autre vers les élus et la pleine lumière de la présence de Dieu.

En Sophonie, Jérusalem, comme lieu de naissance du Résidu, occupe le premier plan dans la Restauration, quoique Juda et les dix tribus soient aussi mentionnés. Mais, le Résidu étant le peuple, il n’est jamais parlé que de lui et les mots «mon peuple», si fréquents chez d’autres prophètes, pour indiquer l’ensemble de la nation, Sophonie ne les prononce jamais; tandis que le peuple incrédule est appelé «la nation sans honte».

Ces remarques préliminaires contribueront à faciliter l’intelligence des détails du livre que nous allons aborder.