Ruth

Chapitre 2

Nous avons vu, dans le premier chapitre, l’admirable expression de la foi de Ruth. Admirable, en effet, car tel est le caractère de tout ce qui vient de Dieu. Jésus lui-même n’admira-t-il pas le centurion de Capernaüm qui, par la foi, reconnaissait son indignité et la toute-puissance de la parole du Seigneur pour guérir? Le chapitre 2 nous présente les divers caractères de cette foi et les bénédictions que la grâce lui apporte.

La foi de Ruth s’appuyait jusqu’alors sur l’œuvre de grâce que Dieu avait opérée en faveur de son peuple; mais il faut un objet à la foi, un objet personnel, et il est impossible qu’elle ne le rencontre pas. Ruth ne connaît pas encore cet homme puissant, dont il nous est parlé au v. 1; mais elle espère le rencontrer sur le pied de la grâce. Écoutez-la parler à Naomi: «Je te prie, j’irai aux champs, et je glanerai parmi les épis, à la suite de celui aux yeux duquel je trouverai grâce». Cette terre d’Israël où Dieu a visité son peuple pour leur donner du pain, aura bien aussi quelques épis pour elle. Quoique pauvre et sans droits, elle sait qu’elle peut compter sur les ressources de l’Éternel. Son chemin est clair, car le chemin de la foi l’est toujours, mais elle ne le choisit pas de sa propre volonté. Souvent nous appelons chemin de foi, ce qui est le fruit de nos propres pensées ou des désirs de nos cœurs naturels, tandis que la foi n’agit jamais que sous la dépendance de la Parole. Ruth consulte Naomi, et Naomi lui dit: «Va, ma fille». Certainement Dieu la guiderait dans ce chemin. Sa grâce providentielle la fait entrer dans le champ de Boaz.

Boaz, de la famille de cet Élimélec qui était mort, le remplace pour ainsi dire. Naomi a en Israël un protecteur, un riche et puissant chef de sa famille. «En lui est la force» pour restaurer cette pauvre maison entièrement ruinée. Son nom est celui d’une des deux colonnes du temple futur de Salomon (1 Rois 7:21) érigées par ce roi comme témoins de l’établissement de son royaume, de cette période glorieuse qui suivit les afflictions du règne de David. Boaz vient de Bethléhem, apportant à ses serviteurs la bénédiction du jour de la moisson (Ps. 129:8), et distingue aussitôt Ruth au milieu des moissonneurs. C’est ainsi que la grâce devance la foi. Le serviteur, établi sur les ouvriers, rend témoignage à la Moabite. Elle est venue, dit-il, humble et pauvre et suppliante; immédiatement elle s’est mise à l’œuvre, s’accordant à peine quelque repos. Pareil à ce serviteur, l’Esprit de Dieu rend témoignage aujourd’hui du caractère et de l’activité de notre foi. Me «souvenant sans cesse de votre œuvre de foi», dit l’apôtre aux Thessaloniciens. La foi prend de la peine et ne se repose pas, qu’elle n’ait récolté les bénédictions dont Dieu a semé son chemin.

Touchante entrevue que cette première rencontre entre Boaz et Ruth! Les paroles qui tombent de la bouche de l’homme puissant, résonnent comme une musique céleste aux oreilles de la pauvre étrangère. Va-t-il lui reprocher son intrusion? Qui lui ferai l’injure de le supposer? «Tu entends, n’est-ce pas, ma fille?» C’est bien dans mon champ et dans aucun autre que je te voulais et que je te veux. Rien ne doit t’engager à le quitter. Il l’associe à ses servantes. Qu’elle ne craigne rien des hommes; n’a-t-il pas donné des ordres à son sujet? Si le domaine de Boaz lui offre de la nourriture, elle y trouve aussi de quoi se désaltérer. Combien de grâces s’accumulent ainsi sur Ruth! Attendez: ce chapitre lui en réserve de nouvelles, les chapitres suivants de nouvelles encore. Elles se multiplient et grandissent jusqu’au bout des collines éternelles! Ah! c’est qu’elle a affaire à Boaz! Si la foi est une chose admirable, combien plus admirable encore Celui qui en est l’objet. Quelle majesté, unie à quelle condescendance, à quelle presque maternelle tendresse! Il s’élève comme la colonne d’airain du temple de Salomon, il s’abaisse jusqu’aux soins minutieux et délicats de l’amour, d’un amour qui n’a rien de commun avec la passion humaine, plein de majesté sainte et miséricordieuse, élevant à lui l’objet aimé, après avoir consenti à s’abaisser à son niveau. Tel est Boaz, tel est notre Jésus!

La connaissance des ressources de la grâce ne nous vient pas en un moment. Elles sont notre part selon la mesure de l’activité de notre foi. Christ nous ouvre graduellement la jouissance des trésors infinis de son cœur.

Le premier mouvement de Ruth est de tomber sur sa face et de se prosterner contre terre. Comment n’être pas reconnaissante, quand Boaz s’exprime de la sorte? Vous qui dites le connaître, vous n’avez jamais cru, si les paroles de la bouche de Christ ne vous ont prosternés à ses pieds. Ô cœurs secs, âmes arides, rationalistes de nos jours qui osez porter le nom de chrétiens, en jugeant la parole de notre Seigneur, au lieu de la recevoir; insensés qui vous dressez en sa présence et lui jetez vos critiques et vos dissections, plus outrageuses au fond que les crachats de soldats grossiers, lorsque vous devriez vous jeter vous-mêmes, anéantis, à ses pieds... allez, retirez-vous, demeurez dans votre orgueil, jusqu’à ce que le jugement vous atteigne; les champs de Boaz, et ses promesses, et sa personne, ne vous appartiendront jamais!

Ruth ouvre la bouche à son tour. «Pourquoi», dit-elle, «ai-je trouvé grâce à tes yeux, que tu me reconnaisses, et je suis une étrangère?» J’aime ce pourquoi qui dénote une profonde humilité chez cette jeune femme: «Je n’ai aucun droit», dit-elle, «à une telle faveur». Elle ne s’occupe d’elle-même que pour confesser son indignité, mais, comme elle l’apprécie, lui! «Tu m’as donc reconnue, quand je n’étais rien pour toi!»

Le serviteur avait rendu témoignage à la pauvre Moabite; c’est maintenant le maître lui-même qui va déclarer ce qu’il trouve en elle. Elle ne s’était pas tenue devant lui avec sa justice, comme autrefois Job devant Dieu. Elle avait commencé ses expériences là où Job avait fini les siennes, et c’est Celui devant lequel elle est prosternée qui se charge de mettre son caractère en lumière, car il savait tout. «Tout ce que tu as fait pour ta belle-mère après la mort de ton mari, m’a été rapporté, et comment tu as quitté ton père et ta mère, et le pays de ta naissance, et tu es venue vers un peuple que tu ne connaissais pas auparavant». Boaz constate chez Ruth le travail d’amour, fruit de la foi; ses soins pour Naomi, type du peuple affligé, n’avaient pas échappé au maître. Oui, cette pauvre fille de Moab était une vraie Israélite en qui il n’y avait pas de fraude. Mais aussi, en vraie fille d’Abraham, elle avait quitté son pays et sa parenté, et s’était mise en marche vers un peuple à elle inconnu. Boaz met le sceau de son approbation sur tant d’amour et de foi, puis il lui promet une récompense: «Que l’Éternel récompense ton œuvre, et que ton salaire soit entier de la part de l’Éternel, le Dieu d’Israël, sous les ailes duquel tu es venue t’abriter!» La récompense n’est pas le but, mais l’encouragement de la foi.

Ruth répond comme Moïse, en Ex. 33:13; la louange de Boaz ne l’élève pas; elle sent bien que tout est grâce et désire trouver grâce encore. Elle reconnaît son autorité sur elle et se déclare sa servante indigne. Alors il la distingue en l’invitant à son festin. Ruth à la table de Boaz! Quelle faveur pour la pauvre étrangère! «Elle mangea, et fut rassasiée, et en laissa de reste». N’est-ce pas comme si nous assistions à la multiplication des pains par Jésus?

La communion que Ruth vient de trouver à la table de Boaz, ne lui fait pas oublier sa tâche. Elle y puise au contraire une force et une activité nouvelles, avec des résultats plus abondants et plus bénis encore qu’auparavant. Notre œuvre, pour être efficace, doit découler de ce que nous avons reçu pour nous-mêmes et sera d’autant plus riche en résultats que, personnellement, nous avons joui davantage de la présence du Seigneur.

Jamais le cœur nourri et désaltéré par Christ ne peut être égoïste. N’est-il pas dit: «Des fleuves d’eau vive couleront de son ventre?» Ruth pense à Naomi, et revient lui apporter les restes de son repas et ce qu’elle a glané, désirant que sa mère soit rassasiée comme elle. Ainsi le fidèle rapporte son travail au peuple de Dieu et cherche sa prospérité. Combien peu les chrétiens réalisent ces choses! Quelle importance a la prospérité de l’Église de Christ pour ceux qui lui préfèrent leur église et leur peuple avec ses dieux? Le pauvre peuple de l’Éternel, affligé, ne paraît pas digne de soins à ces cœurs indifférents. Ils insisteront peut-être sur le travail de l’évangile envers le monde, mais un cœur en communion avec le Seigneur ne sacrifie pas l’un à l’autre. L’apôtre Paul était aussi bien serviteur de l’Assemblée que serviteur de l’Évangile. Il aimait cette Église que Christ, dans son amour, avait acquise par son propre sang. Loin de lui, d’aimer une secte ou une église de son invention; il ne connaissait que l’Assemblée de Christ, et était jaloux à son égard d’une jalousie de Dieu, pour la présenter au Seigneur comme une vierge chaste.

Le cœur de Naomi est rempli de reconnaissance envers l’homme qui a reconnu Ruth, quand il aurait pu la rejeter comme une étrangère. Quel doux entretien entre ces deux femmes de Dieu! Ruth prononce ce beau nom de Boaz, Naomi répond par des actions de grâces à Celui qui n’a pas discontinué sa bonté envers les vivants et envers les morts.

Caractère touchant que celui de Naomi! Ruth a davantage le premier élan d’une jeune foi, Naomi l’expérience d’une foi mûrie à l’école de l’épreuve. Ne vous passez pas, jeunes âmes chrétiennes, de l’expérience de ceux qui ont connu le Seigneur longtemps avant vous. Naomi aide sa belle-fille à le mieux connaître: «L’homme nous est proche parent, il est de ceux qui ont sur nous le droit de rachat». L’expérience est toujours unie à l’intelligence. Naomi a le sentiment de ce qui convient en Israël, de l’ordre qui doit parer la maison de Dieu. Les conseils de l’expérience chrétienne attachent toujours les âmes à la famille de Dieu et à Christ, comme ceux de Naomi attachent Ruth à l’entourage de Boaz. Mais aussi ils la séparent de tout autre champ (v. 22). Peut-être ces derniers offriraient-ils autant d’épis aux glaneurs, mais il leur manquerait la présence de celui auquel désormais le cœur de Ruth était lié indissolublement, ainsi que la paix, la joie et la communion qu’il dispense. Précieuse expérience de ceux qui ont vieilli dans le chemin de la foi, car elle contribue à faire marcher les jeunes dans la sainteté! C’est aussi la bouche de l’expérience qui bénit toujours le mieux, car elle connaît la grâce et la bonté de l’Éternel dans le passé comme dans le présent. Ruth s’attache à Boaz et habite avec sa belle-mère.