Romains

Chapitre 9

Chapitres 9 à 11

Nous sommes arrivés à un tournant de notre épître: l’apôtre, jusqu’ici, nous a conduits des sombres profondeurs de la corruption humaine jusqu’aux sommets lumineux de la grâce divine. Le chapitre 8 nous a dépeint, d’une manière saisissante, la position chrétienne et les résultats de l’œuvre glorieuse que Dieu a accomplie en amour et en grâce. Il s’est terminé par l’énumération des bénédictions qui constituent aujourd’hui la part du croyant en Christ: Dieu n’a pas épargné son Fils unique, afin de nous donner toutes choses avec Lui.

Les trois chapitres suivants (9-11) nous introduisent dans un nouveau domaine où nous ne serons plus occupés de choses nécessaires à notre paix et à notre salut éternel, mais l’Esprit nous fait entrer dans les pensées et les conseils divins, dans le chemin de la «sagesse» et de la «connaissance». Aussi, ce sujet ne se termine pas par un chant de louange célébrant l’amour de Dieu, mais par ces paroles: «0 profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu! Que ses jugements sont insondables, et ses voies introuvables! Car qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller?» (11:33, 34). La foi contemple avec allégresse les voies merveilleuses de Dieu, telles qu’elles lui sont révélées par l’Esprit. Dieu ne veut pas seulement que ses enfants se reposent dans le plein salut qui leur a été acquis dans son Bien-aimé, mais il veut aussi leur faire connaître ses pensées. Quelle grâce adorable!

L’apôtre avait déclaré, au début de son épître, que Juifs et païens étaient tous corrompus, mais que l’appel de la grâce s’adressait également aux uns et aux autres. On pourrait alors poser la question suivante: «Si, aux yeux de Dieu, il n’y a pas de différence entre l’état moral des Juifs et des païens et s’il sauve tous ceux d’entre eux qui croient au Seigneur Jésus, qu’en est-il des promesses inconditionnelles qu’il a faites à son peuple élu? Comment s’accordent-elles avec l’appel sans distinction des Juifs et des nations aux bénédictions du Nouveau Testament? Si Israël sous la loi a perdu tous ses droits aux bénédictions qui étaient liées à l’observation de la loi, cela ne change rien aux promesses qui avaient été données avant la loi et sans condition (Gen. 15:17, 18). Dieu les avait-il annulées? Avait-il rejeté son peuple pour toujours?»

Conduit par l’Esprit, l’apôtre répond à ces questions, ce qui remplit son cœur d’une telle admiration qu’à la fin du 11° chapitre, il prononce les paroles que nous avons déjà mentionnées. La méditation de ces chapitres remplira aussi nos cœurs d’émerveillement, car nous y découvrirons à la fois la justice de Dieu, la solennité de ses voies, sa fidélité immuable et la vérité inébranlable de sa Parole. Puissions-nous, nous aussi, sous la direction du Saint Esprit, qui sonde «toutes choses, même les choses profondes de Dieu» (1 Cor. 2:10), saisir ces choses avec respect!

 

Chapitre 9

Avant d’aborder le fond de son sujet, l’apôtre donne à ses «parents selon la chair», c’est-à-dire Israël, une preuve touchante de son affection ardente envers eux. Les Juifs lui reprochaient d’être un apostat qui avait rompu ses relations avec son peuple, méprisant sa propre chair et son sang et oubliant les desseins de Dieu à l’égard de la «semence d’Abraham».

Combien peu ces adversaires de l’apôtre connaissaient les sentiments réels qui l’animaient! Considérant l’état de son peuple bien-aimé et les jugements divins tombés sur celui-ci à cause de son incrédulité et de sa rébellion, Paul était étreint d’une vive souffrance et d’une ardente affection envers lui, ainsi que l’attestent les expressions qu’il emploie, telles que: «Je dis la vérité en Christ; je ne mens point, ma conscience me rendant témoignage par l’Esprit Saint». Il éprouvait ces sentiments non seulement envers ceux au milieu desquels il avait vécu et travaillé comme un pharisien zélé et fidèle à la loi, mais aussi, après son appel, en tant qu’apôtre de Jésus Christ. Au lieu de mépriser ses frères, ou même de les haïr, et de perdre de vue les privilèges que Dieu leur avait accordés, son cœur était rempli à leur égard d’une grande tristesse et d’une douleur continuelle.

Comme Moïse avait, après l’érection du veau d’or, demandé à Dieu d’effacer son nom de son livre, l’apôtre avait désiré «d’être par anathème séparé du Christ» pour ses frères. Cette grande tristesse et cette douleur continuelle l’accablaient tellement qu’il avait exprimé un désir irréalisable et dont l’accomplissement n’aurait du reste servi de rien à son peuple, exactement comme dans le cas de Moïse. Mais ce désir témoignait de l’ardente affection qu’il avait pour ses parents selon la chair. C’était l’amour divin, l’amour désintéressé de Christ qui opérait en lui, comme autrefois en Moïse, et qui rendait ces deux hommes capables de tout accomplir, même l’impossible, pour servir les objets de cet amour.

C’est ce même amour qui pousse l’apôtre à énumérer ensuite tout le bien qu’il peut dire de ses compatriotes. La haine saisit toute occasion de rabaisser son objet et de mésestimer le bien qui le caractérise. L’amour fait le contraire. Tout d’abord, les «frères» de l’apôtre étaient Israélites, c’est-à-dire les descendants de cet homme qui avait lutté avec Dieu et les hommes et qui avait prévalu (Gen. 32:28). Ils possédaient (mais pas dans le sens chrétien actuel), l’adoption; l’Éternel avait fait dire au Pharaon: «Mon fils, mon premier-né, est Israël», et «Laisse aller mon fils!» Puis ils possédaient la gloire (Ex. 29:43), et les alliances, et le don de la loi (où y avait-il un peuple semblable à lui, qui, d’entre toutes les tribus de la terre, avait été reconnu de Dieu et auquel Dieu avait donné de si bons et si justes commandements?), et le service divin et les promesses et les pères! Et finalement, glorieux couronnement du tout: d’Israël selon la chair, était «issu le Christ (le Messie), qui est sur toutes choses Dieu béni éternellement» (v. 4, 5).

Avec quelle force ces paroles devaient-elles atteindre les cœurs et les consciences de ceux qui jetaient un tel discrédit sur l’apôtre. En réalité, s’il y avait un homme qui aimait le peuple terrestre de Dieu, c’était bien lui. Il était le dernier que l’on pût accuser de mésestimer les privilèges d’Israël; c’était bien plutôt à lui qu’il appartenait d’adresser un tel reproche à ses parents selon la chair, incrédules qui ne reconnaissaient pas le plus élevé de tous leurs privilèges, savoir que le Christ Jésus, «Dieu manifesté en chair» était «d’Israël»? Qui d’entre eux souffrait, autant que Paul, du rejet d’Israël?

C’est pourquoi il était qualifié mieux que quiconque pour déclarer à Israël que Dieu n’avait pas rejeté son peuple, si même il était alors dans la souffrance qu’il traverse aujourd’hui encore sous le jugement de Dieu. En outre, Paul lui révélait que seule la grâce souveraine de Dieu pourrait le restaurer, la même grâce qui était devenue la part des nations et s’adressait aussi aux Juifs, leur apportant un accomplissement des promesses bien plus glorieux qu’ils n’auraient pu l’espérer. Malgré leurs efforts pour se procurer une propre justice, ils n’avaient pas obtenu la justice qui est par la foi, mais ils étaient devenus un peuple désobéissant et contredisant, vers lequel Dieu avait étendu ses mains en vain (chap. 10:3, 21).

Qui pouvait donc les secourir? Nous l’avons déjà dit: Dieu, dans sa grâce souveraine, sauverait un «résidu selon l’élection de la grâce». Si le peuple, dans son ensemble, au lieu d’obtenir ce qu’il cherchait, encourait la juste colère de Dieu, il y avait cependant encore, selon le propos de Dieu, un résidu qui serait sauvé, tandis que les autres seraient rejetés (11:3-7).

 

Plus loin l’apôtre continue à parler de la souveraineté de Dieu et prouve aux Juifs, par leur propre histoire, que Dieu avait toujours agi selon cette souveraineté. Quelle grâce qu’il en ait été ainsi et que Dieu ait continué à agir ainsi! C’était leur seule ressource, sinon ils auraient été irrémédiablement perdus. Mais sa parole n’avait-elle donc pas été sans effet (v. 6) puisqu’il ouvrait la porte de la grâce aux nations? N’était-il pas devenu infidèle à ses promesses envers les pères? Non, la parole de Dieu a gardé toute sa puissance et son autorité: seul l’homme, et en particulier le Juif, se sont montrés infidèles.

Comme ils le font encore aujourd’hui, les Juifs cherchaient à transformer les promesses qu’Abraham avait reçues en une «obligation», pour Dieu, de ne bénir que la descendance naturelle du patriarche, à l’exclusion des nations. Mais, dit l’apôtre, tous ceux qui sont issus d’Israël ne sont pas Israël; aussi, pour être la semence d’Abraham, ils ne sont pas tous enfants (v. 6, 7). Le Seigneur lui-même avait déjà rendu attentifs les Juifs à la différence qu’il convient de faire entre «la semence» d’Abraham et les «enfants» d’Abraham. La descendance naturelle d’Abraham ne conférait à personne un droit aux promesses, et si les Juifs voulaient néanmoins s’en tenir à ces promesses, ils devaient reconnaître aussi les Arabes comme fils d’Abraham, ayant les mêmes droits qu’eux, puisqu’ils descendent d’Ismaël, fils d’Abraham. Ils auraient dû, à plus forte raison, reconnaître les Édomites comme tels, puisqu’ils sont issus d’Ésaü, le frère jumeau de Jacob! Certes, ils ne le voulaient pas: comment un Juif aurait-il pu partager des bénédictions avec des païens impurs, avec des «chiens»? De fait, les promesses n’appartenaient qu’à la lignée d’Isaac, c’est-à-dire de Jacob: «En Isaac te sera appelée une semence» (v. 7).

Or, s’il en était ainsi, la descendance naturelle n’avait donc que peu de valeur. Assurément, Ismaël était bien un fils d’Abraham, mais il était né «selon la chair» (Gal. 4:23), et la chair ne sert de rien devant Dieu. «Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu; mais les enfants de la promesse sont comptés pour semence» (v. 8). Déjà à la fin du deuxième chapitre, l’apôtre avait dit: «Celui-là n’est pas Juif qui l’est au-dehors, et celle-là n’est pas la circoncision qui l’est au-dehors dans la chair». Non, la décision appartient à Dieu seul, et il lui a plu d’appeler Isaac et non Ismaël, cet appel se fondait sur une libre décision, sur le «propos» de Dieu, «selon l’élection». Car cette parole découle d’une promesse: «En cette saison-ci, je viendrai, et Sara aura un fils» (v. 9).

Aucun Juif ne pouvait se soustraire à la puissance de cette argumentation; sinon il aurait dû, comme nous l’avons dit, reconnaître aux descendants d’Ismaël et d’Ésaü les mêmes droits qu’aux descendants d’Israël. Certes, on aurait pu objecter que la mère d’Ismaël était une servante égyptienne, une esclave, tandis qu’Isaac était né de Sara, la femme légitime d’Abraham. Mais qu’en était-il de Rebecca? Non seulement elle n’était pas une servante, mais elle descendait de la famille d’Abraham et donna des jumeaux à son mari. On n’aurait pu imaginer un fait appuyant plus fortement l’argumentation de l’apôtre: Ésaü et Jacob étaient fils du même père, nés en même temps de la même mère — et pourtant Dieu dit à Rebecca, avant leur naissance et avant qu’ils aient bien ou mal agi, alors qu’on ne pouvait établir entre eux une différence: «Le plus grand sera asservi au plus petit». En d’autres termes: le droit d’aînesse passera du plus âgé au plus jeune. Pourquoi? Parce que Dieu en avait décidé ainsi. C’était son propos, sa volonté souveraine au sujet du plus jeune, «afin que», comme l’apôtre le dit expressément, «le propos de Dieu selon l’élection demeurât, non point sur le principe des œuvres, mais de celui qui appelle» (v. 11). Les œuvres des deux enfants n’avaient aucun rapport avec l’appel de Dieu. Avant leur naissance, donc avant qu’ils aient pu faire quoi que ce fût méritant la bénédiction, Dieu avait arrêté son choix.

Mais, pourrait-on objecter, ne lisons-nous pas, au verset 13, que Dieu a aimé Jacob et qu’il a haï Ésaü? Oui, la chose est écrite, et il ne nous appartient pas d’amoindrir cette parole en aucune façon. Remarquons d’abord que Dieu n’a pas prononcé ces paroles (comme les autres) avant la naissance des enfants, mais qu’elles se trouvent en Malachie, le dernier prophète de l’Ancien Testament, qui vivait environ 1400 ans après la naissance des deux jumeaux, c’est-à-dire à un moment où Ésaü avait manifesté depuis longtemps son impiété, et ses descendants, les Édomites, leur inimitié implacable contre Israël. Si Dieu dit donc qu’il a aimé Jacob, mais qu’il a haï Ésaü, c’est que cet amour a trouvé sa source dans son cœur — cet amour était libre et immérité, tandis que la haine découlait de l’état moral d’Ésaü. Les deux enfants étaient nés et ont sans doute grandi dans le péché, mais tandis que les conseils de Dieu ont eu leur accomplissement dans l’un, l’autre a reçu une juste punition de ses mauvaises voies.

Comme la déclaration du prophète Malachie, en rapport avec ce qui nous occupe, a pu causer des difficultés à plus d’un lecteur et a été souvent faussement interprétée, il est important d’accentuer le fait qu’elle a été prononcée longtemps après la mort des deux fils d’Isaac; nous n’en trouvons rien en Genèse 25. On ne saurait donc en conclure que Dieu a aimé d’avance l’un des fils et haï l’autre, fixant ainsi par anticipation le sort éternel des deux enfants. On ne peut non plus affirmer qu’il a parlé ainsi à cause de sa connaissance divine de l’avenir. Ces deux déductions sont fausses, mais l’homme déduit si volontiers le rejet de l’un de l’élection de l’autre. En réalité, si de deux hommes qui n’ont, ni l’un ni l’autre, aucune prétention à faire valoir devant Lui, Dieu, comme c’est le cas ici, en choisit un pour l’élever dans une position plus privilégiée que l’autre, telle est sa volonté souveraine. Qui peut alors lui dire: «Pourquoi agis-tu ainsi?» S’il lui plaît de se glorifier dans sa grâce envers un homme, personne n’a le droit de le lui reprocher. L’élection de l’un n’implique nullement la condamnation de l’autre.

Voici encore une deuxième objection: «Que dirons-nous donc? Y a-t-il de l’injustice en Dieu? Qu’ainsi n’advienne! » (v. 14). L’homme qui raisonne selon la chair se demande: «Si de deux êtres également pécheurs, Dieu sauve l’un et laisse aller l’autre à la perdition, n’agit-il pas injustement?»- Cette question, en elle-même, démontre la présomption du cœur humain, qui s’arroge le droit de juger Dieu, au lieu de se laisser juger par lui et de se soumettre à son jugement. Car dès que je mets en question la souveraineté de Dieu, je me fais juge de Dieu. Or si Dieu est Dieu, il est souverain dans tous ses actes. Toute doctrine niant la majesté souveraine de Dieu, ou le considérant comme indifférent au péché et à la misère de l’homme, est contraire à la vérité et indigne de Dieu. Dieu est lumière et il n’est pas possible que la lumière s’unisse aux ténèbres remplissant le cœur de l’homme. Dieu est amour, et l’amour est libre d’agir en sainteté selon sa nature.

L’homme, ne se connaissant pas lui-même et ne connaissant pas Dieu, nie sa ruine complète, regimbe contre la Parole de dieu et critique Ses voies. En agissant ainsi et en osant même se placer devant, Dieu sur le terrain de la «justice», l’homme prononce un jugement contre lui-même et justifie Dieu, comme nous allons le voir à propos de l’histoire d’Israël. Après la question des Juifs: «Y a-t-il de l’injustice en Dieu?» et la réponse de l’apôtre: «Qu’ainsi n’advienne», vient immédiatement la parole que Dieu adresse à Moïse: «Je ferai miséricorde à celui à qui je fais miséricorde, et j’aurai compassion de qui j’ai compassion» (v. 15).

Au premier abord, cette déclaration pourrait nous paraître étrange, mais si nous nous rappelons à quelle occasion elle fut prononcée, nous découvrirons que l’apparente dissonance devient une harmonie parfaite. Plus nous considérons en détail les circonstances qui ont provoqué cette déclaration, plus l’argumentation de l’apôtre nous paraîtra pertinente.

Jusqu’à la montagne de Sinaï, la grâce de Dieu avait porté Israël sur des ailes d’aigle. Là Dieu leur fit une promesse conditionnelle: «Si vous écoutez attentivement ma voix et si vous gardez mon alliance, vous m’appartiendrez en propre... et vous me serez un royaume de sacrificateurs, et une nation sainte». Ce à quoi ils répondirent: «Tout ce que l’Éternel a dit, nous le ferons» (Ex. 19:4-8). Au lieu de se confier pour l’avenir en cette grâce de Dieu, ils avaient la prétention, malgré les humiliantes expériences qu’ils avaient déjà faites, d’accomplir, par leurs propres forces, les commandements de Dieu.

La conséquence en fut l’alliance de la loi, expression des justes et saintes exigences de Dieu envers des hommes dans la chair; c’est ainsi que commença la vraie histoire d’Israël comme peuple. Moïse monta sur la montagne pour recevoir les commandements de Dieu: comme il tardait, le peuple s’impatienta et engagea Aaron à lui faire un veau d’or. Israël enfreignit ainsi grossièrement le premier et le plus grand de tous les commandements, ce qui l’exposait à un jugement immédiat et terrible. À peine son histoire comme peuple était-elle commencée qu’il perdait d’un seul coup tout ce à quoi il avait droit, à condition qu’il fût obéissant. Dieu qui lui avait fait des promesses et qui pouvait les accomplir, avait été grandement offensé. Son alliance était rompue. Que restait-il pour Israël? Si Dieu avait agi envers son peuple en justice et selon la loi, il aurait dû les exterminer tous.

Tous les Juifs, connaissant ces faits, devaient admettre l’argumentation de Paul. Si le principe de la justice avait été maintenu dans les relations du peuple avec Dieu, le sort d’Israël aurait été décidé définitivement à ce moment-là, comme Dieu le dit à Moïse: «J’ai vu ce peuple, et voici, c’est un peuple de cou roide. Et maintenant laisse-moi faire, afin que ma colère s’embrase contre eux, et que je les consume» (Ex. 32:9, 10). Certes, ce n’est pas «à cause de leur justice», que Dieu leur a donné le bon pays de Canaan (Deut. 9:6), mais parce qu’il avait écouté l’intercession de Moïse (un type de Christ) et agissait selon sa grâce illimitée: «Je ferai passer toute ma bonté devant ta face... et je ferai grâce à qui je ferai grâce», (Ex. 33,19). Sur ce fondement seul il pouvait se repentir du mal dont il avait menacé son peuple et lui pardonner. Il y a plus encore: à cause de sa rébellion, Israël s’exposait, sur le terrain de la justice, au jugement de Dieu. Or c’est précisément cette rébellion qui fournit à Dieu, dans sa grâce, un motif pour marcher au milieu du peuple. Moïse l’exprime dans sa prière: «Si j’ai trouvé grâce à tes yeux, Seigneur, que le Seigneur marche... au milieu de nous; car c’est un peuple de cou roide» (Ex. 34:9).

Combien tout cela est merveilleux! Lorsque l’homme, à cause de sa conduite, est irrémédiablement perdu, que la justice de Dieu doit, à cause de sa désobéissance et de son péché, déverser sur lui les flots de sa colère et de son jugement, que la loi doit le maudire et le condamner à mort, Dieu trouve en Lui-même des ressources auxquelles Il peut recourir.

Considérant par anticipation le grand Médiateur à venir, dont Moïse est ici un si beau type, Dieu pouvait user de grâce et de miséricorde, et cela, remarquons-le bien, envers qui il voulait, selon le propos de sa grâce inconditionnelle. «Ainsi donc ce n’est pas de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde» (v. 16).

Or, quand Dieu veut user de grâce, combien grave est le péché d’un homme qui s’oppose à cette volonté et cherche à contrecarrer les plans de Dieu. Il doit être connu sur toute la terre comme le Dieu qui ne permet pas qu’on se moque de lui impunément. Considéré de ce point de vue, nous saisissons la signification du passage qui suit: «Car l’écriture dit au Pharaon: «C’est pour cela même que je t’ai suscité, pour montrer en toi ma puissance, et pour que mon nom soit publié dans toute la terre». Ainsi donc il fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il veut» (v. 17, 18).

Le Pharaon devait rester pour toujours un exemple de ce que l’Éternel, le Dieu d’Israël, peut faire d’un homme qui, au commandement de Dieu: «Laisse aller mon peuple, afin qu’il me célèbre une fête dans le désert», osa répondre avec un terrible orgueil: «Oui est l’Éternel pour que j’écoute sa voix?... Je ne connais pas l’Éternel, et je ne laisserai pas non plus aller Israël». Outre ces paroles blasphématoires, il ordonna que l’on rendît encore plus pénible le service déjà si dur des Israélites (Ex. 5:1 et suivants). Le message divin éveilla en cet homme orgueilleux et cruel le désir de s’opposer à la volonté de Dieu et d’anéantir ses plans. Remarquons aussi que son état devint toujours pire, à mesure que Dieu lui parlait. Il est dit sept fois: «Le cœur du Pharaon s’endurcit», ou: «Le Pharaon endurcit son cœur». Ce ne fut qu’après que les plus terribles plaies furent venues sur lui et que ses sages et ses magiciens durent lui avouer: c’est le doigt de Dieu, qu’il est dit: «Et l’Éternel endurcit le cœur du Pharaon». Lorsqu’il eut enfin permis à Israël de s’en aller, la méchanceté incorrigible de son cœur se manifesta de nouveau, en ce qu’il poursuivit, le peuple avec sa puissante armée, pensant encore pouvoir résister au bras de l’Éternel. Est-il, dès lors, surprenant que Dieu l’ait finalement endurci en jugement et se soit servi de lui comme d’un avertissement pour tous les temps? Dieu ne destine jamais un homme à l’endurcissement; il ne rend jamais un homme mauvais; mais c’est l’homme qui, asservi à la puissance du péché, progresse toujours plus dans le mal.

Dieu a laissé cet homme s’élever très haut, afin que son anéantissement dans la mer Rouge montrât jusqu’à la fin des temps les conséquences de l’endurcissement contre Dieu.

Israël a subi, lui aussi, le châtiment de Dieu, avec cette différence, toutefois, qu’il n’a cessé d’être l’objet de la grâce de Dieu qui sauve et restaure. Ce fait accroît d’autant sa responsabilité et rend sa chute d’autant plus grande. Au lieu d’écouter les sérieux avertissements de Dieu, les Juifs se rebellèrent contre lui, méprisèrent sa loi et lui firent «de grands outrages». Ils «se moquaient des messagers de Dieu, et méprisaient ses paroles, et se raillaient de ses prophètes (exactement comme le Pharaon), jusqu’à ce que la fureur de l’Éternel monta contre son peuple et qu’il n’y eut plus de remède» (2 Chron. 36:14-16; Néh. 9:26-29). Est-il surprenant que Dieu ordonne au prophète Ésaïe: «Engraisse le cœur de ce peuple, et rends ses oreilles pesantes, et bouche ses yeux, de peur qu’il ne voie des yeux, et n’entende de ses oreilles, et ne comprenne de son cœur, et ne se convertisse, et qu’il ne soit guéri?» Dieu leur envoya un aveuglement spirituel et endurcit leurs cœurs rebelles, de sorte que lorsque le Seigneur Jésus vint au milieu d’eux, «ils ne crurent pas en lui»; et ils ne purent croire, parce qu’Ésaïe a dit: «Il a aveuglé leurs yeux», etc. (És. 6:8-10; Jean 12:37-40). Pareillement, l’apôtre Pierre parle des «désobéissants» de nos jours, lesquels ont été destinés à heurter contre la Parole (1 Pierre 2:7, 8). Dieu a destiné ces hommes orgueilleux, comme le Pharaon d’autrefois, à servir d’exemple et d’avertissement pour d’autres. Il ne les a pas rendus désobéissants, mais il les a livrés à la dureté de leurs cœurs, après de nombreux avertissements inutiles.

Soit donc que Dieu fasse grâce à l’homme ou l’endurcisse, l’injustice n’est pas du côté de Dieu, mais du côté de l’homme irrémédiablement mauvais et corrompu. Que ce soit en grâce ou en jugement, Dieu agit toujours en vue de glorifier son grand nom. Ceux qui lisent la Parole en se laissant enseigner humblement par l’Esprit n’éprouvent aucune difficulté à comprendre les voies de Dieu; la raison humaine seule n’y parvient pas et fait toujours de fausses déductions (1 Cor. 2:14-16). Conduit par l’Esprit de Dieu, l’apôtre expose ces déductions l’une après l’autre et les réfute d’une manière admirable.

Nous abordons maintenant la dernière objection: «Tu me diras donc: Pourquoi se plaint-il encore? car qui est-ce qui a résisté à sa volonté?» (v. 19). En d’autres termes: si Dieu fait grâce à qui il veut, qu’y puis-je? S’il endurcit qui il veut, comment s’y opposer? S’il est le Dieu souverain, il ne me reste qu’à me soumettre à sa volonté.

L’objection semble fondée. Pourquoi Dieu se plaint-il encore? Si tout doit finalement se soumettre à sa volonté et à son conseil, l’homme ne peut être rendu responsable du résultat final: c’est Dieu qui a décidé de l’issue du chemin de sa vie! Cela rappelle les excuses invoquées par nos premiers parents après la chute. Adam et Ève cherchèrent, eux aussi, à attribuer à Dieu la responsabilité de ce qui s’était passé: pourquoi avait-il permis au serpent l’accès du jardin d’Éden? Pourquoi avait-il donné à l’homme la femme qui devait le tromper? — En Romains 9, les paroles sont, il est vrai, différentes, mais le principe est le même: Dieu est coupable et non pas l’homme. Pourquoi sauve-t-il l’un et rejette-t-il l’autre? Que peut faire l’homme si Dieu l’endurcit?

Toutes ces questions et déductions, répétons-le, ont pour but d’annuler la gloire de Dieu et la responsabilité de l’homme. Le propos souverain de Dieu — et comment serait-il Dieu, s’il n’était pas souverain? — n’annule pas la responsabilité de l’homme. Considérons un exemple plus facile à comprendre: la croix. Selon le conseil divin arrêté dès avant la fondation du monde, Christ, le Fils bien-aimé de Dieu devait souffrir. Dieu avait, selon sa connaissance, destiné Jésus à devenir l’Agneau qui ôte le péché du monde. Mais cela a-t-il amoindri en quelque manière la culpabilité de l’homme? Certes non! Les Juifs et les Gentils se trouvèrent d’accord, ce jour-là, dans leur inimitié commune contre Dieu et contre son oint. La réalisation de leurs desseins produisit, il est vrai, l’accomplissement de la parole prophétique, tout en donnant à Dieu l’occasion d’exécuter le jugement contre le péché et d’opérer l’œuvre merveilleuse de sa grâce. Mais les hommes n’en furent pas moins coupables du rejet et du meurtre du Fils de Dieu (Actes 2:22, 23).

Le raisonnement qui a motivé la question: Pourquoi se plaint-Il encore? est donc absolument faux. Si Dieu, dans sa sagesse infinie et sa riche miséricorde, tolère la méchanceté de l’homme pour accomplir ses conseils, il agit précisément selon Sa souveraineté, mais cela ne change rien à la volonté de l’homme qui reste ce qu’elle est, mauvaise et coupable. Certes, si ce que la sévère théologie calviniste enseigne était vrai, savoir que Dieu a prédestiné à la condamnation ceux qui sont perdus, la difficulté serait grande. Mais Dieu soit loué! cela n’est nullement vrai; l’Écriture ne parle jamais ainsi, malgré les quelques passages cités à l’appui de cette opinion.

Qu’en est-il donc? Avant de répondre à la question posée, l’apôtre insiste, comme nous l’avons déjà remarqué plusieurs fois, sur la souveraineté de Dieu, le premier de ses droits, et dévoile à celui qui a posé cette question la méchanceté de son cœur. Est-ce qu’un homme, dont la conscience est réveillée et exercée, pourrait parler ainsi? Jamais une âme repentante n’attribuera de l’injustice à Dieu ou l’accusera d’être responsable de la perdition de quelqu’un. Quiconque tient un tel langage montre l’aveuglement et l’orgueil de son cœur. «Mais plutôt, toi, ô homme, qui es-tu, qui contestes contre Dieu? La chose formée dira-t-elle à celui qui l’a formée: Pourquoi m’as-tu ainsi faite? Le potier n’a-t-il pas pouvoir sur l’argile pour faire de la même masse un vase à honneur et un autre à déshonneur?» (v. 20, 21). Or, si la créature a un tel pouvoir, combien plus encore le Créateur! ,

Pourquoi m’as-tu ainsi fait? Un homme, en posant cette question à Dieu, ne dit finalement rien d’autre que ceci: Dieu n’a aucun droit de juger le mal, et s’il ne veut pas faire grâce à tous les hommes et les sauver, il ne doit, à tout le moins, punir personne. Tout juste gouvernement se trouve ainsi exclu, et Dieu serait obligé de supporter le mal, ce qu’aucun homme honorable ne tolérerait dans sa maison ni dans son entourage. On oublie que Dieu a créé l’homme bon et droit et qu’il l’a mis en garde sérieusement à l’égard du péché et de ses conséquences, mais que l’homme a succombé à la tentation et a commis péché sur péché, violence sur violence.

Mais, dira-t-on, l’apôtre affirme que le potier peut façonner, à son gré, de la même argile, un vase à honneur et un autre à déshonneur. N’y a-t-il pas dans ces paroles, une confirmation des reproches que l’on adresse à Dieu? Certes, le langage de l’apôtre est hardi, à tel point que même des commentateurs éclairés l’ont mal compris, oubliant que l’écrivain avait en vue surtout de sauvegarder l’inviolabilité de la souveraineté de Dieu. Ils perdent de vue que Dieu n’a pas usé de son droit, comme on pouvait s’y attendre d’après l’image du potier. Les versets suivants montrent comment Dieu a agi. Mais il convenait d’établir au préalable, tant à l’égard de Dieu qu’envers l’homme, les droits souverains de Dieu. Combien souvent ceux qui parlent sans cesse de «droits» oublient que Dieu a aussi des droits! Ceux qu’il possède en tant que Créateur sont incontestablement souverains, d’autant plus que nous sommes non seulement des créatures, mais des créatures déchues, des pécheurs qui, nécessairement, doivent récolter les fruits de leur désobéissance.

 

Voyons maintenant comment l’apôtre répond à cette difficile question: «Si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère tout préparés pour la destruction; et afin de faire connaître les richesses de sa gloire dans des vases de miséricorde qu’il a préparés d’avance pour la gloire ...? lesquels aussi il a appelés, savoir nous, non seulement d’entre les Juifs, mais aussi d’entre les nations» (v. 22-24).

Nous avons déjà fait remarquer que Dieu doit nécessairement manifester un jour sa colère contre tout le mal commis autrefois et aujourd’hui encore dans ce monde; il doit aussi déployer sa puissance envers l’homme orgueilleux et rebelle, s’il veut maintenir son caractère de Dieu saint. Pourquoi n’a-t-il pas manifesté, jusqu’à aujourd’hui, cette colère et cette puissance, mais a supporté avec une grande patience les vases de colère? A-t-on le droit de lui reprocher son manque de miséricorde ou son injustice? Le Dieu trois fois saint pourrait-il rester indifférent à l’égard du mal ou avoir communion avec lui? Certes non! Et pourtant l’homme n’a cessé, durant toute son histoire, de le provoquer par le mépris de tous Ses droits, par son orgueil incorrigible, par son immoralité, ses imprécations et ses blasphèmes. Malgré tout cela, Dieu attend encore et n’exécute pas le jugement mille fois mérité. Combien a-t-il usé de grâce et de longanimité! Il a supporté les «vases de colère» avec une bonté et une indulgence admirables. Il a usé de grâce envers eux leur parlant toujours de nouveau, «se levant de bonne heure», comme il faisait autrefois à l’égard d’Israël. Mais comment les hommes ont-ils répondu à cette grâce? Ils n’ont point voulu de son conseil, ils ont méprisé sa répréhension! A-t-il tort en les contraignant à manger du fruit de leur voie et en les rassasiant de leurs propres conseils? (voir Prov. 1:24-33).

L’apôtre appelle ces hommes des «vases de colère» en rapport avec l’image du potier, de même qu’il désigne comme «vases de miséricorde» ceux qui se soumettent à Dieu et à sa Parole. Les uns et les autres s’acheminent vers leur but final, soit la destruction, soit la gloire. Ils y sont «préparés». Mais ne perdons pas de vue la différence existant entre les deux formes de «préparation»! Beaucoup ne l’ont pas distinguée et n’ont, de ce fait, pas saisi le sens ou la force de l’argumentation de l’apôtre. Au sujet des vases de colère, l’apôtre dit seulement: «préparés pour la destruction», tandis que, pour les vases de miséricorde, il dit que Dieu les «a préparés d’avance pour la gloire». Des vases de colère, il n’est dit nulle part que Dieu les ait préparés d’avance pour la destruction. Ils s’y sont préparés eux-mêmes par leurs péchés, et surtout par leur incrédulité et leur rébellion contre Dieu. Quant aux vases de miséricorde, c’est Dieu qui les a préparés, même d’avance, et destinés à la gloire. Ils n’ont contribué en rien à cette «préparation»: tout est l’œuvre de Dieu, accomplie «selon son propre dessein, et sa propre grâce qui nous a été donnée dans le Christ Jésus avant les temps des siècles» (2 Tim. 1:9).

Il est donc évident d’une part, que le mal ne se trouve que du côté de l’homme et non de Dieu, et, d’autre part, que le bien procède de Dieu seul et non de l’homme. En outre, ce qui précède confirme le fait que le propos de Dieu demeure selon l’élection, «non point sur le principe des œuvres, mais de celui qui appelle» (v. 11). Les vases de miséricorde ne sont pas destinés à la gloire parce qu’ils se sont distingués des autres par des privilèges particuliers ou des vertus spirituelles, mais Dieu les a préparés d’avance pour la gloire, sans condition, selon son élection souveraine et le choix de la grâce. Certes, au cours des âges, ils ont été appelés, justifiés, etc. (chap. 8:29, 30), et si Dieu accorde à l’un plus de puissance spirituelle et de dons de grâce qu’à un autre, tous ont été néanmoins préparés d’avance par lui pour sa propre gloire, avant qu’aucun d’entre eux n’existât. C’est pourquoi, comme nous l’avons déjà répété, tous célébreront un jour la grâce insondable et invariable de Dieu. Alors sera pleinement réalisée l’exhortation de 1 Corinthiens 1:31: Que «celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur».

L’âme de l’apôtre est tellement étreinte par cette plénitude de la grâce, qu’il ne peut s’empêcher d’en évoquer la manifestation la plus glorieuse, savoir dans l’appel des croyants, «non seulement d’entre les Juifs, mais aussi d’entre les nations» (v. 24). Quand l’épreuve du peuple le plus favorisé du monde s’est terminée par une culpabilité et une ruine irrémédiables, provoquant la colère et le jugement de Dieu, les écluses de la miséricorde divine se sont ouvertes pour appeler, d’entre les Juifs et d’entre les nations, un peuple destiné à la gloire céleste. La grâce a été d’autant plus grande que la ruine a été plus profonde.

L’apôtre cite deux passages du prophète Osée, chapitres 1:10 et 2:23, pour montrer que Dieu avait, déjà autrefois, révélé ces choses par son Esprit. Pierre, qui écrit exclusivement aux croyants juifs, ne cite que le second passage (1 Pierre 2:10). Paul, l’apôtre des nations, pensant à l’introduction des païens, cite les deux. Au verset 25, il souligne le fait que Dieu se souviendra de son conseil concernant Israël et qu’à la fin des temps il appellera de nouveau «mon peuple» celui qui, maintenant, n’est «pas mon peuple», et «bien-aimée» celle qui n’était «pas bien-aimée». Au verset 26, il attire notre attention sur le fait que le second passage cité contient une allusion aux nations: «Et il arrivera que dans le lieu où il leur a été dit: Vous n’êtes pas mon peuple, là ils seront appelés fils du Dieu vivant». Ce titre est le privilège particulier des croyants d’entre les nations et non des Juifs, qui sont le peuple terrestre de Dieu.

L’argumentation de l’apôtre est ainsi simple et claire; l’appel de la grâce de Dieu adressé aux Juifs et aux nations (v. 23) n’était pas une pensée étrangère à l’Ancien Testament, mais elle correspondait au contraire tout à fait à ses enseignements. Déjà, par le moyen d’Osée, Dieu avait annoncé sa grâce souveraine en faveur des Gentils aussi bien que des Juifs.

D’autres prophètes aussi en avaient parlé; ainsi Ésaïe, tout en annonçant les jugements solennels qui allaient fondre sur Israël, avait déclaré qu’un résidu serait sauvé, car Dieu accomplirait sur la terre une affaire abrégée et la consommerait en justice. Déjà au chapitre 1:9, Ésaïe avait prophétisé: «Si l’Éternel des armées ne nous eût laissé un bien petit résidu, nous aurions été comme Sodome, nous ressemblerions à Gomorrhe». En vertu de sa justice, Dieu aurait dû anéantir le peuple tout entier, mais selon sa promesse inconditionnelle, il pouvait et peut agir envers lui en grâce et lui «laisser une semence». «La miséricorde se glorifie vis-à-vis du jugement» (Jacq. 2:13).

Hélas! Israël n’a pas pris garde aux appels de la grâce de Dieu ni à ses avertissements quant aux terribles jugements qui allaient le frapper. Ils ont fermé leurs oreilles et endurci leurs cœurs.

«Que dirons-nous donc?» Ou: quelles furent les conséquences de cet endurcissement? Celles-ci: «les nations qui ne poursuivaient pas la justice, ont trouvé la justice, la justice qui est sur le principe de la foi. Mais Israël, poursuivant une loi de justice, n’est point parvenu à cette loi» (v. 30, 31). Toute l’histoire d’Israël montrait clairement combien vraies étaient les paroles des prophètes. Pourquoi Israël avait-il été emmené en Assyrie et à Babylone? Pourquoi se trouvait-il en ce temps-là sous la domination d’un tyran païen? Et plus encore: qu’était-il advenu des Israélites sous le rapport moral? Se plaçant sur le terrain de la loi, ils avaient poursuivi une justice extérieure et légale et n’avaient point obtenu de justice. En revanche, la grâce de Dieu, sur un fondement de justice, avait abondé envers ceux qui vivaient loin de Dieu dans l’obscurité de leurs cœurs. Des païens, qui étaient «sans espérance» dans le monde et qui ne poursuivaient pas la justice, avaient obtenu gratuitement la justice, sur le principe de la foi, accessible à tous ceux qui vivaient sans loi, ainsi qu’à tous ceux d’Israël, qui, reconnaissant leur triste état, étaient prêts à recourir à la grâce.

Pourquoi les Juifs n’étaient-ils pas parvenus à la justice? Précisément parce qu’ils ne l’avaient pas poursuivie sur le principe de la foi, mais sur le principe des œuvres (v. 32), s’imaginant, dans leur orgueil, qu’ils pouvaient satisfaire le Dieu saint par leurs œuvres de loi. Fiers de leurs privilèges nationaux et de leur propre justice, ils ont heurté contre Christ, la pierre que Dieu avait, dans sa grâce, mise en Sion. N’auraient-ils pas dû recevoir avec reconnaissance un tel Sauveur? Au contraire, il devint pour eux une pierre d’achoppement. Au lieu de croire en lui, ils étaient scandalisés en lui, comme il est dit: «Voici, je mets en Sion une pierre d’achoppement, et un rocher de chute», et «celui qui croit en lui ne sera pas confus» (v. 33).

Il est remarquable de considérer comment le Saint Esprit, par le moyen de l’apôtre, réunit ici les deux déclarations du prophète Ésaïe, aux chapitres 8:14 et 28:16 de son livre.