Proverbes

Henri Rossier

Introduction

Le livre des Proverbes nous parle de l’homme placé dans une relation spéciale avec Dieu, le Dieu de l’Alliance faite avec Israël. De là le nom de Jéhovah, l’Éternel, que Dieu prend toujours dans ce livre, à l’exception toutefois de six passages: 2:5, 17; 3:4; 25:2; 30:5, 9. En contraste avec le livre des Proverbes, celui de l’Ecclésiaste, qui traite des rapports de l’homme avec son Créateur, emploie toujours le nom de Dieu (Élohim). Ce fait est important: Dieu, sous son nom d’Éternel, s’adresse ici à ceux qui sont en relation avec Lui, parce que sa Sagesse les a engendrés; de là le nom de «fils» dont tout ce livre est rempli et particulièrement ses premiers chapitres. Mais ce nom de fils n’est pas uniquement un nom de relation; il signifie aussi que celui qui le porte dépend d’une autorité instituée de Dieu. Cette autorité n’est pas une autorité légale qui menace et condamne; elle est basée sur une relation d’affection et d’amour, fruit des entrailles mêmes du Père. Les parents, père et mère, sont les représentants de cette autorité ici-bas. Ils pourvoient à l’éducation du fils par l’instruction, la discipline, les châtiments même, si cela est nécessaire. Toutefois, outre les parents, il y a d’autres représentants de l’autorité auxquels il faut prêter l’oreille. Telle était l’autorité du roi Salomon. Dieu lui avait donné une sagesse telle, que personne ne fut sage comme lui (1 Rois 4:29-34). Cette sagesse et cette autorité du roi sont remplacées pour nous, chrétiens, par l’inspiration de la Parole divine que nous avons comme éducatrice.

Il va sans dire que la Sagesse s’adresse aussi directement à tous les hommes (voyez 8:1-9), mais en vue de faire d’eux ses fils. Elle n’est pas seulement la Sagesse, elle est aussi la grâce; elle engage tout homme à avoir des oreilles pour entendre. Elle est à la fois une personne et la parole de Dieu. Elle appelle les hommes à revenir de leur mauvaise voie, à entrer en la présence de Dieu, à lui donner dans leur cœur la place qui Lui appartient, et c’est en cela que consiste la crainte de l’Éternel. Sous un certain rapport, la Sagesse, dans les Proverbes, est donc semblable à l’Évangile, en ce qu’elle s’adresse à tous et veut que tous les hommes soient sauvés pour devenir ses fils. Elle appelle à la repentance. Son rôle, dans les chap. 8 et 9, est fondé sur la grâce.

Cependant la Sagesse, dans les Proverbes, ne nous parle pas, comme l’Évangile dans le Nouveau Testament, d’une grâce fondée sur le sacrifice de Christ, et donnant, par la simple foi en son œuvre, la relation d’enfant avec le Père, le ciel, les privilèges et la gloire célestes. Au contraire, le domaine des Proverbes est la terre, mais la terre devenue «le monde» par l’introduction du péché. Le monde est caractérisé par la violence, la malice et la corruption morale («la femme étrangère») et son caractère n’a pas changé depuis le déluge. Sur cette scène le mal règne sous toutes ses formes et a entièrement obstrué tout chemin qui aurait pu conduire à Dieu; mais la Sagesse nous révèle un chemin selon Dieu au milieu de ces décombres accumulés, comme, plus tard, la seconde épître à Timothée nous en révélera un au milieu des ruines de l’Église. Ni l’œil de l’aigle, ni l’œil de l’homme ne peuvent apercevoir ce sentier, mais la Sagesse divine le manifeste et tout fils de la Sagesse peut le distinguer et le suivre (Job 28:7-28.). En outre, pour le croyant, le gouvernement de Dieu subsiste malgré tout, quoique Ses voies semblent entièrement obstruées par le mal, et nous sommes instruits par la Sagesse à nous conformer aux principes de ce gouvernement. Ce que nous venons de dire prouve que les Proverbes sont occupés avant tout de la marche des enfants de la Sagesse dans un milieu où le mal domine de toute part — car le mal est en nous, aussi bien que hors de nous — mais dans un milieu où l’Éternel révèle aux siens un chemin qui les met à l’abri du mal. Pour y marcher sans broncher, il faut avoir reçu l’instruction de la Sagesse. La connaissance, le discernement, ne s’acquièrent que par une longue expérience, car il est dit: «Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante qui va croissant jusqu’à ce que le plein jour soit établi» (4:18). En nous la Sagesse elle-même est un don de la grâce de Dieu, mais qui va croissant par l’instruction et l’expérience. Dans un sens on pourrait intituler les Proverbes: «le livre de l’Expérience». C’est en effet à quoi conduit la Sagesse, la parole de Dieu et la crainte de l’Éternel. Cependant, toute une longue vie humaine ne suffirait pas pour acquérir individuellement cette expérience. Il est remédié à cette lacune par l’enseignement des parents et des sages qui, de génération en génération, ont communiqué à leurs fils le fruit de leur expérience personnelle, basée sur la parole de Dieu. Mais, avant toute autre chose, nous ne pouvons croître réellement que par la connaissance d’une Personne, et cette Personne est la Sagesse que l’Éternel a «possédée avant ses œuvres d’ancienneté», et «dès avant les origines de la terre» (8:22-23).

Demandons-nous maintenant ce qu’est, de fait, la Sagesse et comment elle doit être définie. On peut la considérer sous quatre points de vue:

1° En Dieu, elle est la connaissance absolue et parfaite de toutes choses, de leur état et de leurs relations réciproques. La parole de Dieu contient pour nous cette connaissance, autant que notre imperfection est capable de la saisir. Cette Sagesse, Dieu nous la communique par sa Parole, afin de nous mettre en relation avec Lui. Le premier pas dans cette relation est la crainte de l’Éternel. La crainte de l’Éternel nous apprend à haïr le mal et à aimer le bien, à l’exemple de Dieu lui-même. Cette même crainte de l’Éternel nous révèle le chemin que nous avons à suivre dans une vraie séparation du mal.

2° Mais en outre, la Sagesse est une Personne et cette personne est Christ. Elle était de toute éternité les délices de Dieu, son «nourrisson», le Fils unique dans le sein du Père. Elle a présidé à l’action créatrice. C’était une personne divine avec Dieu, mais elle était Dieu lui-même, distincte de Dieu, mais absolument de même nature que Lui. Elle était les délices de Dieu, mais trouvait elle-même ses délices dans les fils des hommes. Au temps voulu cette Sagesse est descendue ici-bas, est devenue homme, et Dieu a trouvé ses délices en cet homme, comme Lui trouvait ses délices en Dieu. Mais, en trouvant son plaisir en Christ homme, ce sont, chose merveilleuse, les hommes, que Dieu admet devant Lui, comme objets de ses délices. Il peut dire: «Bon plaisir dans les hommes», quand cet homme nouveau naît ici-bas, petit enfant dans une crèche, comme le Sauveur du monde.

3° Christ homme était non seulement la Sagesse de Dieu, comme nous venons de le voir, mais la Sagesse était en Lui. Il en était rempli; il y avançait; sa sagesse s’adaptait elle-même graduellement à sa stature; il y avançait, de manière à frayer la voie à d’autres (Luc 2:40, 52). Il est devenu ainsi pour nous le modèle à suivre, le modèle de la sagesse parfaite. Nous ne pouvons être faits participants de celle-ci que par l’expérience, en suivant, pas à pas, l’exemple donné par ce modèle. Mais bien plus que cela, comme nous l’avons déjà dit, il est en personne, dès l’éternité, la Sagesse de Dieu. Le connaître personnellement, c’est boire à la source même de la Sagesse.

4° Enfin, dans le croyant, la sagesse est l’ensemble de tout ce que l’expérience des autres a pu recueillir et lui fournir, avec l’instruction donnée de Dieu par sa Parole, et en ayant sous les yeux l’exemple de la Sagesse parfaite dans un homme, de manière à juger par elle de toutes choses.

Notons, en terminant, que la Sagesse ne consiste pas à s’occuper du mal, dont le seul contact est capable d’exercer son influence sur des êtres faillibles comme nous, par les convoitises qu’il soulève dans nos propres cœurs. Non, la Sagesse consiste à s’occuper du bien pour éviter le mal en le haïssant. C’est pour s’être mise en rapport avec le serpent, au lieu de refuser de l’entendre, qu’Ève, innocente mais faillible, est tombée et a entraîné toute sa race dans sa chute.

 

Remarques préliminaires — définitions, glossaire

Il peut être utile, dès le début de cette étude, de définir en quelques mots, pour éviter des répétitions trop fréquentes, le sens de quelques-uns des termes dont se sert le livre des Proverbes. Les premiers versets du chap. 1 en contiennent, dès l’abord, un certain nombre. Sans revenir sur le mot «la Sagesse» qui forme la substance même du livre et que nous avons cherché à définir dans l’introduction générale, nous nous en tiendrons aux termes suivants que nous donnons ici par ordre alphabétique:

Avisé. Un homme réfléchi qui a l’esprit ouvert et qui, ayant profité de l’enseignement de la Sagesse, est habile à discerner entre deux partis: le bon parti pour le suivre, le mauvais pour l’éviter.

Connaissance. En vertu de l’instruction reçue, la connaissance remplace dans l’homme l’ignorance première. Elle est la connaissance des pensées de Dieu, le «savoir». Comme «l’Instruction» (voir ce mot plus loin), elle fait partie de la Sagesse. — En Dieu, la Connaissance est parfaite et forme le point de départ de toute son action (3:20).

Conseil. Mûre réflexion; un esprit qui se rend compte des moyens à employer pour atteindre le but et en calcule les difficultés.

Crainte de l’Éternel. État de l’âme placée dans la pleine lumière de Sa présence et Lui donnant la place qui Lui appartient. L’âme y apprend à haïr le mal comme Dieu le hait et à aimer le bien comme Dieu l’aime.

Droit, intègre. Homme sans fraude dans le cœur, et dont le chemin correspond à cette droiture.

Fils. Ce terme n’est jamais appliqué qu’à ceux que la Sagesse a engendrés (or c’est la grâce) et qui sont sous son enseignement. Ils sont les justes. Ceux qui n’appartiennent pas à cette famille sont appelés: simples, sots, méchants, pervers, perfides, moqueurs.

Fou, Folie. La folie est l’état d’un cœur dont la sagesse est absente, d’un cœur conduit par sa propre volonté insoumise. Le fou a perdu la raison, il est livré à lui-même; il va où son cœur le mène, sans aucune crainte, sans aucune idée de Dieu, sans aucun contrôle.

Instruction. Les principes inculqués au fils par l’autorité affectueuse de ses parents, mais comprenant aussi, comme faisant partie de l’instruction, la répréhension ou la correction nécessaires pour inculquer ces principes. Comme «la Connaissance», l’Instruction fait partie de la Sagesse.

Intelligence. Promptitude à discerner entre le bien et le mal, chose que d’autres ne connaissent, ni ne comprennent (1 Rois 3:9). Capacité de s’approprier les pensées de Dieu et d’en faire son profit.

Justice, juste. La justice, dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau, a certainement toujours la foi pour point de départ (Gen. 15:6), mais le juste, dans l’Ancien Testament, est un homme dont l’état pratique signifie qu’il bannit le péché de sa conduite et de ses voies, ou qu’il l’empêche de s’y introduire.

Juste jugement. Juste appréciation de toutes choses selon le caractère d’un Dieu juste.

Méchant. Le méchant est toujours l’opposé du juste; c’est un homme qui n’a que le péché dans le cœur, qui le pratique et se laisse diriger par lui.

Moqueur. Le moqueur n’est pas seulement un homme qui tourne la parole de Dieu en dérision, mais un homme qui la tient pour non avenue, pour une chose à laquelle il ne vaut pas la peine de prêter attention, qui est sans valeur et négligeable (2 Pierre 3:3, 4; Jude 18).

Prudence. Vertu qui nous fait peser, avec autant de circonspection que possible, les voies qui se présentent à nous, en vue d’éviter la mauvaise voie.

Réflexion. Faculté de peser, de coordonner et de fixer nos pensées, en vertu de l’éducation paternelle qui nous est imposée. Elle est en contraste avec l’inattention propre à l’enfant.

Science. Le savoir acquis graduellement par l’étude.

Simple. Un homme privé de sens, c’est-à-dire incapable, par nature, de discernement. Cet état peut être rencontré même chez un fils, et, pour être abandonné, nécessite la discipline du père.

Sot (hébreu: Kesil). Un homme ignorant, étranger à la connaissance des pensées de Dieu, obstiné dans son ignorance, et haïssant l’obligation d’avoir affaire à Dieu. Un sot est incapable de rien apprendre. Un fils peut être qualifié de sot (traduit, dans ce cas, pour marquer la différence, par insensé dans notre version) quand il ne répond pas à l’instruction de ses parents.