Osée

Chapitres 6:4-11 et 7:1-16

Le débat s’accentue et se fait plus pressant.

Comme au chapitre précédent, Éphraïm et Juda sont unis ici dans la même réprobation: «Que te ferai-je, Éphraïm? Que te ferai-je, Juda? Votre piété est comme la nuée du matin et comme la rosée qui s’en va de bonne heure» (v. 4). Que te ferai-je? Comme cela s’adresse à la conscience! Réponds toi-même. Diras-tu: Ton jugement est juste? Leur piété n’avait duré qu’aux toutes premières heures de leur existence comme nation, puis s’était envolée et avait disparu comme la rosée au lever du soleil.

Après s’être adressé au peuple d’Israël, Dieu étend son appel à tous les hommes: «Et mon jugement sort comme la lumière. Car j’ai aimé la bonté (ou la grâce), et non le sacrifice, et la connaissance de Dieu plus que les holocaustes; mais eux, comme Adam, ont transgressé l’alliance; là ils ont agi perfidement envers moi» (v. 5-7). Si sa grâce sort «comme l’aube du jour» (v. 3), son jugement sort comme le soleil quand il luit dans sa force (v. 5). Certes ce n’est pas Dieu qui désire le jugement; c’est l’iniquité de son peuple qui l’y oblige. Dieu veut chez l’homme la bonté et non pas les sacrifices. Mais son désir resterait stérile s’il s’agissait de ce que l’homme peut offrir. Où trouver la bonté dans le cœur d’un homme? Aussi Dieu ne se borne pas à cette exigence. Il veut ce qui se trouve dans son propre cœur à Lui: la bonté sous forme de grâce et de miséricorde. La bonté qu’Il aime, c’est la grâce envers le pécheur, la grâce venue par Jésus Christ. Quand les yeux de Dieu se reposaient sur cet homme, Il pouvait dire: «J’ai aimé la bonté». Cette bonté est allée jusqu’au sacrifice, au seul sacrifice que Dieu pût accepter, car il n’a pris plaisir à aucun des sacrifices des hommes (Ps. 40:7, 8). Aussi le Seigneur put dire: «À cause de ceci le Père m’aime, c’est que moi je laisse ma vie» (Jean 10:17). Le Seigneur cite deux fois ce passage du v. 6 dans l’évangile de Matthieu (9:13; 12:7): la première fois pour montrer que rien ne peut satisfaire le Seigneur que sa propre grâce; la seconde fois qu’il ne peut aucunement compter sur la bonté dans le cœur de l’homme.

De même, tous les holocaustes que l’homme pouvait offrir ne valaient pas «la connaissance de Dieu» (v. 6). Dieu s’est fait connaître à nous dans la personne et l’œuvre de son Fils. C’est la grâce, le salut, la vie éternelle. «Mais eux, comme Adam, ont transgressé l’alliance; là ils ont agi perfidement envers moi» (v. 7). Au lieu de commencer par la connaissance de la grâce, Juda et Éphraïm avaient été mis à l’épreuve, sous l’alliance de la loi, car il leur fallait apprendre ce qu’il y avait dans leur propre cœur. Au commencement Adam, placé, comme Israël, sous sa responsabilité, avait transgressé une alliance qui lui avait été imposée; Israël avait-il mieux agi quand Dieu lui imposait l’alliance du Sinaï? Non, dit l’Éternel, «là ils ont agi perfidement envers moi!»

Aux v. 8-10, le prophète revient à Éphraïm. Ce va-et-vient, de l’un à l’autre, est des plus touchants, montrant l’angoisse, la sollicitude pour Israël, l’indignation du fidèle prophète qui voit son Dieu méprisé de la sorte. «Galaad est une ville d’ouvriers d’iniquité, couverte de traces de sang. Et comme les troupes de voleurs guettent un homme, la bande des sacrificateurs assassine sur le chemin de Sichem; car ils commettent des infamies. J’ai vu des choses horribles dans la maison d’Israël: là est la prostitution d’Éphraïm!»

Chose affreuse! les villes de refuge elles-mêmes, Galaad (ou, je le crois, Ramoth de Galaad) au delà du Jourdain, et Sichem en Éphraïm, assignées aux lévites, étaient devenues des lieux de brigandage. Les sacrificateurs eux-mêmes assassinaient, sans doute sous prétexte d’être des vengeurs du sang, ceux qui se rendaient à Sichem. Ils dépouillaient des innocents en couvrant leurs meurtres du manteau de la loi! C’était dans le domaine d’Éphraïm, chef des dix tribus, que se commettaient les pires infamies! Mais voici que le prophète, selon son habitude, passe sans aucune transition d’Israël à Juda, auquel il venait de dire: «Que te ferai-je, Juda?» et lui jette un regard de compassion: «Pour toi aussi, Juda, une moisson t’est assignée, quand je rétablirai les captifs de mon peuple» (v. 11). Ne semble-t-il pas que l’Éternel devrait dire: Pour toi aussi, Juda, le jugement aura lieu? Non! «Dieu aime la bonté»; et se détourne du jugement pour considérer ce qui le suivra. Sans doute, Juda ira en captivité comme Éphraïm, mais cette captivité prendra fin. Nous trouvons ici le terme si souvent employé dans les prophètes, traduit littéralement: «Je tournerai la captivité», c’est-à-dire j’y mettrai fin pour amener la restauration de mon peuple. C’est comme un avant-goût de l’Évangile: Dieu annonce sa grâce à Juda coupable. «Une moisson t’est assignée», non point cette moisson terrible où le Fils de l’homme mettra sa faucille tranchante sur la terre pour la moissonner (Apoc. 14:16), mais une heureuse moisson, appartenant à Juda, aux captifs de Sion, quand ils diront: «Ô Éternel, rétablis nos captifs comme les ruisseaux dans le midi», et qu’il leur sera répondu: «Ceux qui sèment avec larmes, moissonneront avec chants de joie» (Ps. 126:4, 5).

Quel cœur, que celui de notre Dieu! Jamais il ne trouve son repos dans ses jugements. À peine a-t-il annoncé les calamités qui atteindront le peuple pervers et les hommes qui habitent sur la terre, qu’il s’arrête et vient trouver son repos dans le déploiement de sa grâce! Laissant le corbeau du déluge se repaître de quelque cadavre ballotté par les flots, la colombe vole à son arche, à son lieu de repos, portant dans son bec l’emblème de la paix qui va succéder au naufrage!

Au chap. 7, les images du prophète vengeur deviennent de plus en plus tumultueuses dans leur intermittence, comme un jet pressé de quitter le tuyau trop étroit d’une fontaine. Il s’agit de nouveau d’Éphraïm. C’est que le jugement est à la porte. Pas un instant à perdre si l’on veut y échapper! «Quand j’ai voulu guérir Israël, l’iniquité d’Éphraïm s’est découverte, et les méchancetés de Samarie; car ils ont pratiqué la fausseté, et le voleur entre, et la troupe des brigands assaille dehors. Et ils ne se sont pas dit dans leur cœur que je me souviens de toute leur méchanceté. Maintenant leurs méfaits les environnent, ils sont devant ma face» (v. 1, 2). Éphraïm avait été une bande de voleurs et de brigands (6:9), maintenant le voleur entrait dans sa maison et les brigands l’assaillaient du dehors. La Syrie, l’Égypte, l’Assyrie allaient tomber, tombaient déjà, sur la nation coupable. Elle était avec ses méfaits devant la face de Dieu, et penser qu’elle aurait pu s’y trouver avec sa repentance (6:2) pour obtenir la délivrance et le salut!

Comme nous l’avons dit, les images se pressent, se confondent; c’est l’indignation contre le mal, mais aussi c’est un dernier appel à Éphraïm.

«Tous, ils commettent l’adultère, comme un four allumé par le boulanger, qui cesse de l’attiser depuis qu’il s’est mis à pétrir la pâte jusqu’à ce qu’elle ait levé» (v. 4). Il parle ici de la religion des dix tribus, du mélange de l’idolâtrie avec le culte de l’Éternel. Ceux qui les conduisent ont conscience de ce qu’ils font et le font avec soin. Ils mettent le levain dans la pâte, la pétrissent jusqu’à ce qu’elle ait levé. C’est une image semblable à celle de Matt. 13:33, où le Seigneur caractérise le mal doctrinal introduit dans le christianisme. Ensuite il faut cuire à point ce pain levé pour qu’il devienne une nourriture acceptable. Ceux qui s’appliquent à cette tâche évitent soigneusement le four surchauffé; ils pensent échapper au jugement en gardant encore la «forme de la piété»; comme le boulanger, ils cessent d’attiser le feu pour que leur pain sorte du four et trouve de nombreux consommateurs.

Mais la corruption religieuse engendre la corruption morale, conduit à se moquer des choses sacrées, et aboutit à la violence. «Au jour de notre roi, les princes se sont rendus malades par l’ardeur du vin; il a tendu sa main aux moqueurs. Car ils ont appliqué leurs cœurs comme un four à leurs embûches: toute la nuit, leur boulanger dort; le matin, il brûle comme un feu de flammes» (v. 5, 6). Ici le four est l’image de leur propre cœur. Leur boulanger, leur conscience a dormi toute la nuit. Au matin, quand ils touchent au but de leurs désirs et de leurs convoitises, le feu, dont les flammes ont grandi pendant leur sommeil, les dévore sans qu’ils puissent échapper.

«Ils sont tous ardents comme un four, et ils dévorent leurs juges: tous leurs rois sont tombés; nul d’entre eux ne m’invoque» (v. 7). Ici ce sont eux-mêmes qui, comme un four, dévorent leurs juges et leurs rois. Cela est arrivé littéralement à Éphraïm et marque la date de cette prophétie contre les rois qui, depuis Zacharie, le dernier de la race de Jéhu, se sont succédé jusqu’au roi Osée sur le trône d’Israël. Nous lisons les détails de cette période en 2 Rois 15:10, 14, 25, 30; 17:1.

«Éphraïm s’est mêlé avec les peuples; Éphraïm est un gâteau qu’on n’a pas retourné. Des étrangers ont consumé sa force, et il ne le sait pas» (v. 8, 9). Ici l’image de la pâte levée continue à hanter le prophète. Éphraïm aurait dû être un gâteau sans levain pour l’Éternel; mêlé au levain des nations, il s’est allié à l’Égypte et à l’Assyrie. Mais ces nations sont devenues le four qui a consumé Éphraïm, ce gâteau «qui n’a pas été retourné», qui ne s’est pas repenti, dont la face n’a pas changé vis-à-vis de Dieu. Aussi toute sa force a disparu, a été consumée, et il ne le sait pas!

Sérieuse parole! Comme Éphraïm, la chrétienté d’aujourd’hui, mélangée avec le levain du monde qui a fait lever toute la pâte, le sait-elle davantage? Est-elle retournée vers Dieu? Elle pense améliorer le monde, proclame que les bonnes compagnies amélioreront les mauvaises mœurs et ne sait pas que c’est le monde qui la dévore. Que l’on se vante d’être protestant ou catholique, d’appartenir à une des innombrables sectes de la chrétienté, cette pensée dénote l’ignorance absolue de la faiblesse dans laquelle nous plonge l’alliance avec le monde: «Il ne le sait pas», dit le prophète. «Des cheveux gris sont aussi parsemés sur lui, et il ne le sait pas!» (v. 9). Le déclin est arrivé, les cheveux gris parsemés sur Éphraïm le sont aussi sur la chrétienté de nos jours. Sa vieillesse penche déjà vers le sépulcre et elle ne le sait pas! Cette ignorance de leur propre état devrait convaincre la conscience de ceux auxquels Dieu s’est révélé! Sommes-nous pareils au prophète dont cette ignorance accablait le cœur? Et ce qui est pire encore, c’est qu’elle est mélangée d’orgueil. «L’orgueil d’Israël témoigne en face contre lui, et ils ne se retournent pas vers l’Éternel, leur Dieu, et ils ne le recherchent pas malgré tout cela» (v. 10). On pense si peu à Dieu, qu’on garde une haute idée de sa religion quand déjà le feu du jugement est préparé. Si le cœur se tourne vers Dieu il abandonne bien vite son orgueil religieux pour s’approcher de Lui, humble et repentant, seule attitude convenable à celui qui est convaincu de péché.

Mais l’orgueil va de pair avec l’inintelligence. «Éphraïm est devenu comme une colombe niaise, sans intelligence; ils appellent l’Égypte, ils vont vers l’Assyrie». Les rois d’Éphraïm s’imaginaient être d’habiles politiques en s’appuyant alternativement sur l’une et l’autre de ces nations ennemies. «Le filet est tombé sur eux». Cela s’est réalisé littéralement sous Osée, dernier roi d’Israël et sous ses prédécesseurs (2 Rois 17:4; 15:19, 20).

On voit, aux v. 13 à 16, quels avaient été les soins de Dieu envers Israël et son but à leur égard. «Et moi, je voulais les racheter». Telle est toujours, en tout temps, Sa première pensée envers l’homme, devenu par le péché esclave de Satan. Puis, à cause de leur méchanceté, il avait été obligé de les châtier; ensuite, ralentissant le cours de ses jugements, il avait «fortifié leur bras», et eux s’étaient servis de sa faveur pour «méditer du mal contre Lui» (v. 15). Voici, en quelques mots, l’énumération de ce que Dieu avait rencontré chez ce peuple obstiné: Ils s’étaient enfuis loin de Lui, s’étaient rebellés, avaient proféré des mensonges contre Lui; ils hurlaient de douleur sur leurs lits et ne songeaient pas à crier à Dieu et à l’implorer; leurs intérêts matériels les réunissaient (caractère de toute association humaine), mais ils ne sentaient nullement le besoin de se rapprocher de Lui: «Ils se sont retirés de moi». Au lieu de retourner au Très-Haut, ils se retournaient comme un arc trompeur, pour combattre contre Lui. Dieu avait beau sonder leur cœur pour y chercher ou y produire par sa grâce quelque fruit, il se heurtait de toute part à l’indifférence, au mensonge, à la rébellion, à la guerre ouverte.

Aussi (v. 16) leur ruine et celle de leurs princes insolents était inévitable. Ils s’étaient tournés vers l’Égypte et devenaient pour elle «un objet de risée». Ceux qui ont autrefois connu Dieu et marché, longtemps peut-être, dans son chemin et sous sa loi, rencontrent toujours le mépris du monde, quand, devenus infidèles à leurs croyances premières, ils ont cherché son amitié. Le monde, au lieu de les accueillir avec faveur, se moque d’eux, selon la mesure où leur témoignage avait été plus remarquable auparavant. Ils ont abandonné Dieu et son peuple, comme le fit Éphraïm, mais sans trouver l’estime du monde qui les tourne en dérision. Un arc qui trompe est jeté au rebut; le monde n’en veut pas, et Dieu peut-il en vouloir?