Nombres

Chapitres 22 à 24

Ces trois chapitres forment une portion distincte de notre livre, — portion vraiment merveilleuse, abondante en instructions riches et variées. Ils nous présentent d’abord le prophète cupide, et ensuite ses prophéties sublimes. Il y a quelque chose de particulièrement terrible dans l’histoire de Balaam. Évidemment il aimait l’argent — amour fréquent, hélas! de nos jours. L’or et l’argent de Balak furent, pour ce misérable, un appât trop attrayant pour qu’il pût y résister. Satan connaissait son homme, et le prix auquel il pouvait être acheté.

Si le cœur de Balaam avait été en règle avec Dieu, il en aurait bientôt fini avec les messages de Balak; il n’aurait pas eu un instant d’hésitation avant de lui envoyer sa réponse. Mais le cœur de Balaam était en mauvais état; nous le voyons, dès l’abord, dans la triste condition d’un homme agité par des sentiments opposés. Son cœur voulait aller, parce qu’il convoitait l’argent et l’or; mais en même temps il avait une sorte de respect pour Dieu, une apparence de piété servant, comme un manteau, à couvrir ses cupides habitudes. Il soupirait après l’argent mais il désirait s’en emparer d’une manière religieuse. Misérable homme! Son nom se trouve dans les pages inspirées comme l’expression d’une phase horrible et sombre dans l’histoire de la décadence de l’homme «Malheur à eux, dit Jude, car ils ont marché dans le chemin de Caïn, et se sont abandonnés à l’erreur de Balaam pour une récompense, et ont péri dans la contradiction de Coré.» Pierre aussi présente Balaam comme une figure saillante dans un des tableaux les plus sinistres de l’humanité déchue, — comme un modèle sur lequel sont formés quelques-uns des caractères les plus méprisables. Il parle de ceux qui «ont les yeux pleins d’adultère et ne cessant jamais de pécher, amorçant les âmes mal affermies, ayant le cœur exercé à la cupidité, enfants de malédiction. Ayant laissé le droit chemin, ils se sont égarés, ayant suivi le chemin de Balaam, fils de Bosor, qui aima le salaire d’iniquité; mais il fut repris de sa propre désobéissance: une bête de somme muette, parlant d’une voix d’homme, réprima la folie du prophète» (2 Pierre 2:14-16).

Ces passages sont solennellement concluants quant au vrai caractère et au véritable esprit de Balaam. Son cœur était attaché à l’argent, «il aima le salaire d’iniquité», et son histoire a été écrite avec la plume du Saint Esprit, pour être un grave avertissement à tous les professants de se garder de l’avarice qui est une idolâtrie. Que le lecteur considère le tableau exposé en Nombres 22. Qu’il en étudie les deux figures principales: un roi astucieux, un prophète cupide et volontaire. Nous ne doutons pas qu’il ne retire de cette étude un sentiment plus profond du mal qu’il y a dans la convoitise, du grand danger moral de diriger nos affections vers les richesses de ce monde mais aussi de l’immense bonheur du fidèle qui garde la crainte de Dieu devant ses yeux.

Examinons maintenant les merveilleuses prophéties que prononça Balaam, en présence de Balak, roi des Moabites.

Il est extrêmement intéressant d’assister à la scène qui se déroule dans les hauts lieux de Baal, d’observer le grand sujet mis en question, d’écouter ceux qui parlent, d’être admis à assister à une scène aussi importante. Combien peu Israël se doutait-il de ce qui se passait entre l'Éternel et l’ennemi. Peut-être murmuraient-ils dans leurs tentes, au moment même où Dieu proclamait leur perfection par la bouche de l’avide prophète. Balak aurait voulu faire maudire Israël; mais, Dieu soit béni, il ne permet pas que personne maudisse son peuple. Il peut avoir affaire lui-même avec eux, en secret, touchant beaucoup de choses; mais il ne permet pas qu’un autre parle contre eux. Il peut avoir à les censurer; mais il ne permet pas à un autre de le faire.

Ceci est un point d’un immense intérêt. La grande question n’est pas tant de savoir ce que l’ennemi peut penser du peuple de Dieu, ni ce que ce peuple peut penser de lui-même, ou les uns penser des autres; la vraie et importante question est celle-ci: Qu’est-ce que Dieu pense de son peuple? Il sait exactement tout ce qui le concerne: tout ce qu’il est, tout ce qu’il a fait et tout ce qui est en lui. Tout est entièrement à découvert sous son regard pénétrant. Les plus intimes secrets du cœur, de la nature et de la vie, — tout lui est connu. Ni les anges, ni les hommes, ni les démons ne nous connaissent comme Dieu nous connaît. Il nous connaît parfaitement; or c’est avec lui que nous avons affaire, et nous pouvons dire dans le langage triomphant de l’apôtre: «Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?» Dieu nous voit, pense à nous, parle de nous, agit envers nous, selon ce qu’il a opéré en nous, selon la perfection de son œuvre. Les spectateurs peuvent voir beaucoup de fautes; mais pour ce qui regarde notre position en vertu de la foi, notre Dieu ne nous voit que dans la beauté de Christ; nous sommes «parfaits en Lui». Quand Dieu regarde son peuple, il y voit son propre ouvrage; et il sied bien à la gloire de son nom sacré et à la louange de son salut qu’on ne puisse découvrir une seule tache en ceux qui sont à lui, en ceux qu’il a faits siens dans sa grâce souveraine. Son caractère, son nom, sa gloire et la perfection de son œuvre, tout cela est manifesté dans la position de ceux qu’il a amenés à Lui.

Voilà pourquoi, dès que l’ennemi ou l’accusateur entre en scène, l'Éternel s’avance lui-même pour recevoir l’accusation et y répondre; or sa réponse est toujours fondée, non pas sur ce que son peuple est en lui-même, mais sur ce que Dieu l’a fait être, selon la perfection de sa propre œuvre. Sa gloire est liée à eux, et en les défendant, il la maintient. C’est pourquoi il se place entre eux et leurs accusateurs. Sa gloire demande qu’ils soient considérés dans toute la beauté dont il les a revêtus. Si l’ennemi vient pour maudire et accuser, l'Éternel lui répond en donnant un libre cours à l’éternelle satisfaction qu’il prend en ceux qu’il s’est choisis et qu’il a rendus capables de demeurer en sa présence pour toujours.

Tout cela est démontré d’une manière frappante dans le chapitre 3 du prophète Zacharie. Là aussi l’ennemi s’avance, pour s’opposer au représentant du peuple de Dieu. Comment Dieu lui répond-il? Simplement en purifiant, en revêtant et en couronnant celui que Satan aurait voulu maudire et accuser; le résultat est que ce dernier est réduit au silence pour toujours. Les vêtements sales sont ôtés, et celui qui était un tison devient un prêtre orné de la tiare; celui qui n’était digne que des flammes de l’enfer est maintenant digne d’aller et de venir dans les parvis de la maison de l’Éternel. Lorsque nous lisons le Cantique des Cantiques, nous voyons la même chose. Là l’Époux contemplant l’épouse lui dit: «Tu es toute belle, mon amie, et en toi il n’y a point de défaut» (chap. 4:7). En parlant d’elle-même, elle ne peut que s’écrier: «Je suis noire» (chap. 1:4-5). De même, en Jean 13, le Seigneur Jésus regarde ses disciples et leur dit: «Vous êtes nets», quoique, quelques heures après, l’un d’eux dût le renier et jurer qu’il ne le connaissait pas; tant est grande la différence entre ce que nous sommes en nous-mêmes et ce que nous sommes en Christ, entre notre position véritable et notre état variable.

Cette glorieuse vérité de la perfection de notre position devrait-elle nous rendre insouciants dans la vie pratique? Loin de nous cette pensée! La connaissance de notre position, absolument établie et parfaite en Christ, est la chose même dont le Saint Esprit se sert pour nous exciter à tendre vers la perfection pratique. Écoutez ces paroles puissantes de l’apôtre inspiré: «Si donc vous avez été ressuscités avec le Christ, cherchez les choses qui sont en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu; pensez aux choses qui sont en haut, non pas à celles qui sont sur la terre; car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ qui est notre vie, sera manifesté, alors vous aussi, vous serez manifestés avec lui en gloire. Mortifiez donc vos membres, etc.» (Col. 3:1-5.) Nous ne devons jamais mesurer notre position par notre état; mais, au contraire, toujours juger notre état par notre position. Abaisser la position à cause de l’état, c’est donner le coup de mort à tout progrès dans le christianisme pratique.

La vérité précédente est fortement démontrée dans les quatre discours de Balaam. Nous n’aurions jamais eu cette glorieuse notion d’Israël, selon «la vision du Tout-Puissant» — du «sommet du rocher» — par «l’homme qui a l’œil ouvert», si Balak n’avait pas cherché à le maudire. L'Éternel, béni soit son nom, peut bien promptement ouvrir les yeux d’un homme sur le vrai état des choses qui sont en rapport avec la position de son peuple, et avec le jugement qu’il porte sur lui. Il revendique le privilège d’exposer ses pensées à leur égard. Balak et Balaam, avec «tous les seigneurs de Moab», peuvent s’assembler pour entendre maudire et défier Israël; ils peuvent «bâtir sept autels» et «offrir un taureau et un bélier sur chaque autel», l’argent et l’or de Balak peuvent briller aux regards avides du faux prophète; mais tous les efforts réunis de la terre et de l’enfer, des hommes et des démons, ne parviennent pas à évoquer le moindre souffle de malédiction ou d’accusation contre l’Israël de Dieu. L’ennemi aurait tout aussi inutilement cherché à découvrir un défaut dans la belle création que Dieu venait de déclarer «très bonne», que d’essayer de lancer une accusation contre les rachetés de l’Éternel. Oh! non; ils brillent dans toute la beauté dont il les a revêtus, et pour les voir ainsi, nous n’avons qu’à monter «au sommet du rocher», — puis avoir «l’œil ouvert» en les considérant selon le point de vue de Dieu, c’est-à-dire dans «la vision du Tout-Puissant».

Ayant ainsi jeté un coup d’œil général sur le contenu de ces remarquables chapitres, nous allons parcourir rapidement chacun des quatre discours à part. Nous trouverons un point principal en chacun, un trait distinctif dans le caractère et la condition de ce peuple vu dans «la vision du Tout Puissant».

Dans le premier des admirables discours de Balaam, on voit la séparation marquée du peuple de Dieu d’avec toutes les nations: «Comment maudirai-je ce que Dieu n’a pas maudit? Et comment appellerai-je l’exécration sur celui que l’Éternel n’a pas en exécration? Car du sommet des rochers je le vois, et des hauteurs je le contemple. Voici, c’est un peuple qui habitera seul, et il ne sera pas compté parmi les nations. Qui est-ce qui comptera la poussière de Jacob, et le nombre de la quatrième partie d’Israël? Que mon âme meure de la mort des hommes droits, et que ma fin soit comme la leur1» (chap. 23:8-10).

1 Pauvre Balaam! Misérable homme! Il désirait mourir de la mort des hommes droits. Il y en a beaucoup qui diraient la même chose mais ils oublient que pour «mourir de la mort des hommes droits», il faut posséder et montrer la vie des hommes droits. Plusieurs, hélas! et ils sont nombreux, voudraient mourir de la mort de ceux dont ils n’ont pas la vie. Plusieurs aussi voudraient se mettre en possession de l’argent et de l’or de Balak, tout en étant inscrits au Registre de l’Israël de Dieu. Vaine pensée, fatale illusion! «Nous ne pouvons servir Dieu et Mammon.»

Ici nous avons Israël choisi et mis à part pour être un peuple séparé et particulier, un peuple qui, selon la pensée de Dieu à son égard, ne devait jamais, en quelque temps ou pour quelque raison que ce fût, se mêler avec les nations ou être compté parmi elles.

«Le peuple habitera seul» c’est clair et énergique. C’est littéralement vrai de la semence d’Abraham; et vrai de tous les croyants maintenant. D’immenses résultats pratiques découlent de ce grand principe. Le peuple de Dieu doit être à part pour Dieu; non point parce qu’il est meilleur que les autres, mais seulement en vertu, de ce que Dieu est et de ce qu’il voudrait que son peuple fût. Nous ne poursuivrons pas davantage ce sujet, que le lecteur fera bien d’examiner à la lumière de la parole divine: Ce peuple «habitera seul, et il ne sera pas compté parmi les nations.»

Mais s’il plaît à l'Éternel, dans sa grâce souveraine, de s’unir à un peuple, s’il l’appelle à être un peuple séparé, — à «vivre seul» dans le monde, et à briller pour lui au milieu de ceux qui «demeurent encore dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort», il faut que ce peuple soit dans un état qui Lui convienne. Il doit le rendre tel qu’il voudrait l’avoir, afin qu’il soit à la louange de son grand et glorieux nom. C’est pourquoi, dans son second discours, le prophète expose non seulement l’état négatif, mais l’état positif du peuple. «Et il proféra son discours sentencieux, et dit: Lève-toi, Balak, et écoute! Prête-moi l’oreille, fils de Tsippor! Dieu n’est pas un homme, pour mentir, ni un fils d’homme, pour se repentir; aura-t-il dit, et ne fera-t-il pas? aura-t-il parlé, et ne l’accomplira-t-il pas? Voici, j’ai reçu mission de bénir: il a béni et je ne le révoquerai pas. Il n’a pas aperçu d’iniquité en Jacob, ni n’a vu d’injustice en Israël; l’Éternel, son Dieu, est avec lui, et un chant de triomphe royal est au milieu de lui. Dieu les a fait sortir d’Égypte; il a comme la force des buffles. Car il n’y a pas d’enchantement contre Jacob, ni de divination contre Israël. Selon ce temps il sera dit de Jacob et d’Israël: Qu’est-ce que Dieu a fait? [Non pas qu’est-ce qu’Israël a fait.] Voici, le peuple se lèvera comme une lionne, et se dressera comme un lion; et il ne se couchera pas qu’il n’ait mangé la proie, et bu le sang des tués» (Chap. 23:18-24.)

Nous nous trouvons ici sur un terrain vraiment élevé, et aussi solide qu’élevé. C’est en vérité le «sommet du rocher» — l’air pur et la vaste étendue «des coteaux» où le peuple de Dieu n’est vu que dans la «vision du Tout-Puissant» — vu comme Il le voit, sans tache, sans ride, ni rien de semblable, — toutes ses difformités étant dérobées à la vue, parce qu’il est revêtu de la beauté de Dieu. Dans ce sublime discours, la bénédiction et la sécurité d’Israël dépendent non d’eux-mêmes, mais de la vérité et de la fidélité de l'Éternel. «Dieu n’est pas un homme, pour mentir, ni un fils d’homme pour se repentir.» Ceci place Israël sur un terrain sûr. Dieu doit être vrai envers lui-même. Y a-t-il aucune puissance qui puisse l’empêcher de tenir sa parole et son serment? Assurément non, «Il a béni, et je ne le révoquerai pas.» Dieu ne veut pas et Satan ne peut pas révoquer la bénédiction.

Ainsi tout est fini. «Tout est bien établi et assuré.» Dans le premier discours, c’était: «Dieu n’a pas maudit.» Il y a un progrès visible. Tandis que Balak conduit de lieu en lieu le prophète cupide, l'Éternel prend occasion de dévoiler de nouveaux traits de beauté en son peuple, et de nouveaux points de sécurité dans sa position. Ainsi il ne montre pas seulement qu’il est un peuple séparé, habitant à part; mais un peuple justifié, ayant l’Éternel son Dieu avec lui, et entendant un chant de triomphe royal au milieu de lui. «Il n’a pas aperçu d’iniquité en Jacob, ni n’a vu d’injustice en Israël». L’ennemi peut dire qu’il s’y trouve pourtant de l’iniquité et de la perversité. Oui, mais qui peut les faire apercevoir à l'Éternel, puisqu’il lui a plu de les couvrir comme d’un épais nuage pour l’amour de son nom? S’il les a jetées derrière lui, qui peut les ramener devant sa face? «C’est Dieu qui justifie; qui est celui qui condamne?» Dieu voit son peuple si complètement délivré de tout ce qui pourrait le condamner, qu’il peut établir sa demeure au milieu de lui et écouter sa voix. Nous pouvons donc avec raison nous écrier: «Qu’est-ce que Dieu a fait!» Ce n’est pas: «Qu’est-ce qu’Israël a fait!» Balak et Balaam auraient trouvé assez de motifs de malédiction si la conduite d’Israël avait été en question. Loué soit l’Éternel, c’est sur ce qu’il a fait que son peuple subsiste; ce fondement sur lequel il repose est aussi inébranlable que le trône de Dieu. «Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?» Si Dieu se tient entre nous et tous nos ennemis, qu’avons-nous à craindre? S’il entreprend de répondre en notre faveur à tout accusateur, alors assurément une paix parfaite est notre partage.

Cependant le roi de Moab espérait et essayait encore d’atteindre son but; Balaam faisait de même, sans doute, car ils s’étaient ligués contre l’Israël de Dieu, comme la Bête et le faux prophète doivent s’élever et jouer un si terrible rôle dans l’avenir d’Israël. «Et Balaam vit qu’il était bon aux yeux de l’Éternel de bénir Israël, et il n’alla pas, comme d’autres fois, à la rencontre des enchantements (quelle effrayante révélation), mais il tourna sa face vers le désert. Et Balaam leva ses yeux et vit, Israël habitant dans ses tentes selon ses tribus; et l’Esprit de Dieu fut sur lui. Et il proféra son discours sentencieux, et dit Balaam, fils de Béor, dit, et l’homme qui a l’œil ouvert, dit: Celui qui entend les paroles de Dieu, qui voit la vision du Tout-Puissant, qui tombe et qui a les yeux ouverts, dit: Que tes tentes sont belles, ô Jacob! et tes demeures, ô Israël! Comme des vallées elles s’étendent, comme des jardins auprès d’un fleuve, comme des arbres d’aloès que l’Éternel a plantés, comme des cèdres auprès des eaux. L’eau coulera de ses seaux; et sa semence sera au milieu de grandes eaux… et son royaume sera haut élevé. Dieu l’a fait sortir d’Égypte; il a comme la force des buffles; il dévorera les nations, ses ennemis; (terrible avertissement pour Balak); il cassera leurs os, et les frappera de ses flèches. Il s’est courbé, il s’est couché comme un lion, et comme une lionne: qui le fera lever? Bénis sont ceux qui te bénissent, et maudits sont ceux qui te maudissent.» (24:1-9.)

«Plus haut, toujours plus haut», telle est ici la devise. Nous pouvons bien nous écrier: «Excelsior» à mesure que nous nous élevons au sommet des rochers, et que nous écoutons les éclatantes paroles que le faux prophète était forcé de prononcer. C’était de mieux en mieux pour Israël — de plus en plus mauvais pour Balak. Il devait être présent; et non seulement entendre «bénir» Israël, mais s’entendre «maudire» pour avoir cherché à le maudire. Quelle riche grâce brille en ce troisième discours: «Que tes tentes sont belles, ô Jacob! et tes demeures, ô Israël! Si quelqu’un était descendu pour examiner ces tentes et ces demeures dans «la vision» de l’homme, elles auraient pu lui apparaître «noires comme les tentes de Kédar». Mais vues dans «la vision du Tout-Puissant», elles étaient «belles», et quiconque ne les voyait pas ainsi, avait besoin d’avoir l’œil ouvert». Si je regarde les enfants de Dieu «du sommet du rocher», je les verrai tels que Dieu les voit, c’est-à-dire revêtus de la beauté de Christ — parfaits en lui — acceptés dans le Bien-aimé. C’est ce qui me permettra de marcher avec eux, d’avoir communion avec eux, de m’élever au-dessus de leurs taches et de leurs défauts, de leurs chutes et de leurs infidélités1. Si je ne les contemple pas de cette place élevée, de ce terrain divin, je serai sûr d’arrêter mes yeux sur quelque défaut, sur quelque misère qui troubleront complètement ma communion, ou qui nuiront à l’amour.

1 Cette assertion ne touche en aucune manière la question de discipline dans la maison de Dieu. Nous sommes tenus de juger le mal moral et les erreurs de doctrine (1 Cor. 5:12-13).

Pour ce qui est d’Israël, nous verrons au chapitre suivant dans quel terrible mal il tomba. Ceci changea-t-il le jugement de l'Éternel? Assurément non. «Il n’est pas un fils d’homme pour se repentir.» Il les jugeait et les châtiait pour leurs péchés, parce qu’il est saint et ne peut jamais tolérer, en son peuple, quoi que ce soit de contraire à Sa nature; mais il ne pouvait jamais révoquer l’appréciation qu’il en avait faite. Il connaissait tout ce qui les concernait; il savait ce qu’ils étaient et ce qu’ils feraient; et cependant il avait dit: Je n’ai «pas aperçu d’iniquité en Jacob, ni vu d’injustice en Israël. Que tes tentes sont belles, ô Jacob! et tes demeures, ô Israël!» Était-ce faire peu de cas de leurs péchés? Le penser serait un blasphème. Il pouvait les châtier pour leurs péchés; mais dès qu’un ennemi se présente pour les maudire ou les accuser, il se tient à leur tête et dit: «Je ne vois point d’iniquité… Que tes tentes sont belles!»

Lecteur! croyez-vous qu’une telle manière d’envisager la grâce divine conduise à un esprit d’antinomianisme? Loin de nous cette idée! Nous pouvons être convaincus que nous ne sommes jamais plus éloignés des atteintes de ce terrible mal, que lorsque nous respirons l’air pur et saint du «sommet du rocher» — ce terrain élevé du haut duquel le peuple de Dieu est considéré, non selon ce qu’il est en lui-même, mais selon ce qu’il est en Christ — non pas d’après les pensées de l’homme, mais d’après celles de Dieu. En outre, la seule manière vraie et efficace d’élever le niveau de la conduite morale, c’est de demeurer dans la foi à cette vérité si précieuse et si rassurante que Dieu nous voit parfaits en Christ.

Non seulement les demeures d’Israël sont belles aux yeux de l'Éternel, mais le peuple lui-même nous est présenté comme profitant des anciennes sources de la grâce et du ministère vivant qui se trouvent en Dieu. «Comme des vallées elles s’étendent, comme des jardins auprès d’un fleuve, comme des arbres d’aloès que l’Éternel a plantés, comme des cèdres auprès des eaux.» Que c’est exquis et parfaitement beau! Et penser que nous sommes redevables de ces révélations sublimes à l’association impie de Balak et de Balaam! Mais il y a plus que cela. Non seulement on voit Israël buvant aux sources éternelles de grâce et de salut; mais comme cela doit toujours être, on le voit devenir un canal de bénédiction pour d’autres. «L’eau coulera de ses seaux.» C’est le dessein arrêté de Dieu que les douze tribus d’Israël deviennent encore un centre de riche bénédiction pour tous les bouts de la terre. C’est ce que nous apprenons par Ézéchiel 47, et Zacharie 14, chapitres qui développent la beauté merveilleuse de ces admirables discours. Le lecteur peut méditer, avec un grand profit spirituel, sur ces passages et d’autres analogues mais qu’il se garde soigneusement de ce fatal système, faussement nommé système spiritualisant, qui en effet consiste principalement à appliquer à l’Église professante toutes les bénédictions spéciales de la maison d’Israël, pour ne laisser à celle-ci que les malédictions d’une loi violée. Nous pouvons être sûrs que Dieu ne sanctionnera pas un système comme celui-là. Israël est bien-aimé à cause des pères; et «les dons de grâce et l’appel de Dieu sont sans repentir» (Rom. 11:29).

Nous terminerons ce chapitre par l’examen rapide du dernier discours de Balaam. Balak ayant entendu l’éclatant témoignage rendu à l’avenir d’Israël, et à la destruction de tous ses ennemis, fut extrêmement exaspéré: «Alors la colère de Balak s’embrasa contre Balaam, et il frappa des mains; et Balak dit à Balaam: C’est pour maudire mes ennemis que je t’ai appelé, et voici, tu les as bénis expressément ces trois fois. Et maintenant, fuis en ton lieu. J’avais dit que je te comblerais d’honneurs; et voici, l’Éternel t’a empêché d’en recevoir. Et Balaam dit à Balak: N’ai-je pas aussi parlé à tes messagers que tu as envoyés vers moi, disant: Quand Balak me donnerait plein sa maison d’argent et d’or (la chose même que son pauvre cœur demandait avec instance), je ne pourrais transgresser le commandement de l’Éternel pour faire de mon propre mouvement du bien ou du mal; ce que l’Éternel dira, je le dirai. Et maintenant, voici, je m’en vais vers mon peuple; viens, je t’avertirai de ce que ce peuple fera à ton peuple à la fin des jours (c’était toucher au fond de la question). Et il proféra son discours sentencieux, et dit: Balaam, fils de Béor, dit, et l’homme qui a l’œil ouvert, dit: Celui qui entend les paroles de Dieu, et qui connaît la connaissance du Très-Haut, qui voit la vision du Tout-Puissant, qui tombe et qui a les yeux ouverts, dit: Je le verrai, mais pas maintenant; je le regarderai, mais pas de près (redoutable fait pour Balaam). Une étoile surgira de Jacob, et un sceptre s’élèvera d’Israël, et transpercera les coins de Moab, et détruira tous les fils de tumulte.» (Vers. 10-17.)

Ceci complète parfaitement le sujet de tous ces discours. La pierre du faîte est ici placée sur ce magnifique édifice. C’est vraiment la grâce et la gloire. Dans le premier discours, nous voyons l’absolue séparation du peuple; dans le second, sa parfaite justification; dans le troisième, sa beauté et son exubérance morales; enfin, dans le quatrième, nous sommes au sommet même des coteaux — sur la plus haute cime des rochers, et nous contemplons de vastes plaines de gloire, se déployant au loin dans un vaste avenir sans bornes. Nous distinguons le Lion de la tribu de Juda se couchant, nous l’entendons rugir, nous le voyons saisissant tous ses ennemis et les anéantissant. L’étoile de Jacob se lève pour ne plus se coucher. Le vrai David monte sur le trône de son Père, Israël domine sur la terre, et tous ses ennemis sont couverts de honte et d’éternel mépris.

Il est impossible de concevoir quelque chose de plus magnifique que ces discours, et ils sont d’autant plus remarquables qu’ils viennent à la fin même de la course d’Israël dans le désert, pendant laquelle ils avaient donné de nombreuses preuves de ce qu’ils étaient — de quelle matière ils étaient faits — et de ce qu’étaient leurs facultés et leurs penchants. Mais Dieu est au-dessus de tout, et rien ne change son affection. Ceux qu’il aime, il les aime jusqu’à la fin c’est pourquoi l’association finale entre «la Bête et le faux prophète» doit échouer; Israël, étant béni de Dieu, ne devait être maudit de personne. «Et Balaam se leva, et s’en alla, et s’en retourna en son lieu; et Balak aussi s’en alla son chemin.»