Nombres

Chapitre 13

«Et l’Éternel parla à Moïse, disant Envoie des hommes, et ils reconnaîtront le pays de Canaan, que je donne aux fils d’Israël; vous enverrez un homme pour chaque tribu de ses pères, tous des princes parmi eux. Et Moïse les envoya du désert de Paran, selon le commandement de l’Éternel.» (Vers. 2-4.)

Pour comprendre parfaitement ce commandement, nous devons le rapprocher d’un passage du Deutéronome, où Moïse, repassant les faits de l’histoire merveilleuse d’Israël dans le désert, leur rappelle cette circonstance pleine d’importance et d’intérêt: «Et nous partîmes d’Horeb, et nous traversâmes tout ce grand et terrible désert que vous avez vu, le chemin de la montagne des Amoréens, comme l’Éternel, notre Dieu, nous l’avait commandé, et nous vînmes jusqu’à Kadès-Barnéa. Et je vous dis: Vous êtes arrivés jusqu’à la montagne des Amoréens, laquelle l’Éternel, notre Dieu, nous donne. Regarde, l’Éternel, ton Dieu, a mis devant toi le pays: monte, prends possession, comme l’Éternel, le Dieu de tes pères, te l’a dit; ne crains point, et ne t’effraye point. Et vous vous approchâtes tous de moi, et vous dites: Envoyons des hommes devant nous, et ils examineront le pays pour nous, et ils nous rapporteront des nouvelles du chemin par lequel nous pourrons monter et des villes auxquelles nous viendrons» (Deut. 1:19-22).

Or nous avons ici l’origine morale du fait exposé en Nombres 13:3. Il est évident que l’Éternel donna le commandement concernant les espions à cause de la condition morale du peuple. S’ils avaient été conduits par la simple foi, ils auraient agi d’après ces paroles puissantes de Moïse: «Regarde, l’Éternel, ton Dieu, a mis devant toi le pays: monte, prends possession, comme l’Éternel, le Dieu de tes pères, te l’a dit: Ne crains point, et ne t’effraye point». Il n’y a pas un seul mot d’espions dans ce magnifique passage. La foi a-t-elle besoin d’espions, quand elle a la parole et la présence du Dieu vivant? Puisque l'Éternel leur avait donné un pays, il valait la peine d’en prendre possession. Et ne l’avait-il pas donné? Oui, vraiment et non seulement il l’avait donné, mais il avait rendu témoignage à la nature et au caractère de ce pays dans ces éclatantes paroles «Car l’Éternel, ton Dieu, te fait entrer dans un bon pays, un pays de ruisseaux d’eau, de sources, et d’eaux profondes, qui sourdent dans les vallées et dans les montagnes; un pays de froment, et d’orge, et de vignes, et de figuiers, et de grenadiers, un pays d’oliviers à huile, et de miel; un pays où tu ne mangeras pas ton pain dans la pauvreté, où tu ne manqueras de rien; un pays dont les pierres sont du fer, et des montagnes duquel tu tailleras l’airain» (Deut. 8:7-9).

Tout ceci n’aurait-il pas dû suffire à Israël? N’auraient-ils pas dû être satisfaits du témoignage de Dieu? N’avait-il pas examiné le pays pour eux? Et tout ce qu’il leur en avait été dit, n’était-il pas assez? À quoi bon envoyer des hommes pour épier le pays? Y avait-il un seul endroit «depuis Dan jusqu’à Beër-Shéba», dont Dieu n’eût une entière connaissance? N’avait-il pas, dans ses conseils éternels, choisi ce pays pour la semence d’Abraham, son ami, et ne le lui avait-il pas destiné? Ne connaissait-il pas toutes les difficultés? et ne pouvait-il pas les surmonter? Pourquoi donc s’approchèrent-ils tous et dirent-ils: «Envoyons des hommes devant nous, et ils examineront le pays pour nous, et ils nous rapporteront des nouvelles»?

Ah! lecteur, ces questions s’adressent justement à nos cœurs. Elles nous dévoilent et rendent entièrement manifeste l’état où nous sommes. Ce n’est pas à nous de critiquer froidement les voies d’Israël dans le désert, de montrer ici une erreur, là une chute. Nous devons considérer toutes ces choses comme des types placés devant nous pour notre instruction. Ce sont des phares qu’éleva pour nous une main amie et fidèle, afin de nous détourner des dangereux bas-fonds, des sables mouvants et des écueils qui se trouvent le long de notre traversée et menacent notre sûreté. C’est, nous pouvons en être certains, la vraie manière de lire chaque page de l’histoire d’Israël, si nous voulons recueillir le fruit que notre Dieu nous a destiné en l’écrivant.

Mais il se peut que le lecteur soit disposé à faire cette question-ci: «L’Éternel n’avait-il pas expressément commandé à Moïse d’envoyer des espions? Comment donc était-ce un mal, de la part d’Israël, de les envoyer?» Il est vrai qu’en Nombres 13, l’Éternel commanda à Moïse d’envoyer des espions, mais c’était une conséquence de l’état moral du peuple, comme cela est démontré par le chapitre 1er du Deutéronome. Nous ne comprendrons pas le premier passage à moins que nous ne le lisions à la clarté du second. Nous voyons très distinctement par Deutéronome 1:22, que l’idée d’envoyer des espions avait pris naissance dans le cœur d’Israël. Dieu vit leur condition morale et donna un commandement en parfait accord avec cette condition.

Si le lecteur veut se reporter aux premières pages du premier livre de Samuel, il y trouvera quelque chose de semblable lors de l’affaire de l’élection d’un roi. L’Éternel commanda à Samuel d’écouter la voix du peuple, et de leur donner un roi (1 Sam. 8:22). Était-ce parce qu’il approuvait leur dessein? Très sûrement pas; au contraire, il déclara clairement que c’était positivement le rejeter lui-même. Pourquoi donc enjoint-il à Samuel d’élire un roi? L’ordre fut donné à cause de la condition d’Israël. Ils étaient fatigués de dépendre entièrement d’un bras invisible, et soupiraient après un bras de chair. Ils désiraient ressembler aux nations qui les environnaient, et avoir un roi qui sortît devant eux et qui fit la guerre pour eux. Eh bien! Dieu leur accorda leur demande et ils furent très vite appelés à éprouver la folie de leur désir. Leur roi fit une chute des plus complètes, et ils durent apprendre que c’était un mal et une chose amère que d’abandonner le Dieu vivant pour s’appuyer sur un roseau cassé de leur propre choix.

Or nous voyons la même chose se produire dans le cas des espions. Il ne saurait y avoir aucun doute que le dessein d’envoyer des espions ne fût le fruit de l’incrédulité. Un cœur simple et confiant en Dieu n’aurait jamais pensé à une chose pareille. Eh quoi! devons-nous envoyer de pauvres mortels, pour inspecter un pays que Dieu nous a donné, dans sa grâce qu’il nous a décrit si pleinement et si fidèlement? Loin de nous cette pensée. Ah! disons plutôt: «C’est assez; le pays est le don de Dieu, et comme tel il doit être bon. Sa parole est suffisante pour nos cœurs; nous n’avons pas besoin d’espions; nous ne cherchons pas de témoignage humain pour confirmer la parole du Dieu vivant. Il a donné, il a parlé, cela nous suffit.»

Mais, hélas! les enfants d’Israël n’étaient pas dans la condition voulue pour tenir un tel langage. Ils voulaient envoyer des espions. Ils avaient besoin d’eux; leur cœur les demandait; ce désir reposait dans les profondeurs mêmes de leur âme; l'Éternel le savait; aussi donna-t-il un commandement en rapport direct avec l’état moral du peuple.

«Et Moïse les envoya (les espions) pour reconnaître le pays de Canaan, et leur dit: Montez de ce côté, par le midi; et vous monterez dans la montagne; et vous verrez le pays, ce qu’il est, et le peuple qui l’habite; s’il est fort ou faible, s’il est en petit nombre ou en grand nombre; et quel est le pays où il habite, s’il est bon ou mauvais; et quelles sont les villes dans lesquelles il habite, si c’est dans des camps ou dans des villes murées; et quel est le pays, s’il est gras ou maigre, s’il y a des arbres ou s’il n’y en a pas. Ayez bon courage, et prenez du fruit du pays. Or c’était alors le temps des premiers raisins. Et ils montèrent et reconnurent le pays, depuis le désert de Tsin jusqu’à Rehob, quand on vient à Hamath… Et ils vinrent jusqu’au torrent d’Eshcol, et coupèrent de là un sarment avec une grappe de raisin; et ils le portèrent à deux au moyen d’une perche, et des grenades et des figues. On appela ce lieu-là torrent d’Eshcol, à cause de la grappe que les fils d’Israël y coupèrent. Et ils revinrent de la reconnaissance du pays au bout de quarante jours. Et ils allèrent, et arrivèrent auprès de Moïse et d’Aaron, et de toute l’assemblée des fils d’Israël, au désert de Paran, à Kadès; et ils leur rendirent compte, ainsi qu’à toute l’assemblée, et leur montrèrent le fruit du pays. Et ils racontèrent à Moïse, et dirent: Nous sommes allés dans le pays où tu nous as envoyés; et vraiment il est ruisselant de lait et de miel, et en voici le fruit.» (Vers. 18-28.)

C’était donc la confirmation la plus complète de tout ce que l’Éternel avait dit sur le pays — le témoignage de douze hommes quant au fait que le pays découlait de lait et de miel — le témoignage de leurs propres sens quant à la nature du fruit du pays. De plus, il y avait le fait parlant, que douze hommes avaient été réellement dans le pays, qu’ils avaient mis quarante jours à le parcourir dans tous les sens, qu’ils avaient bu de ses sources et mangé de ses fruits. Quelle aurait donc dû être, au jugement de la foi, la conclusion évidente à tirer d’un tel fait? Simplement celle-ci; que la même main qui avait conduit douze hommes dans le pays pouvait y conduire toute l’assemblée.

Mais, hélas! le peuple n’était pas gouverné par la foi, il l’était par la sombre et accablante incrédulité et les espions eux-mêmes, ces hommes qui avaient été envoyés dans le but de d’assurer et de convaincre le peuple tous, sauf deux brillantes exceptions, étaient sous l’influence de l’incrédulité qui déshonore Dieu. En un mot, ce fut une affaire manquée. La fin ne fit que manifester le véritable état du cœur du peuple. L’incrédulité dominait. Le témoignage était assez clair: «Nous sommes allés dans le pays où tu nous as envoyés; et vraiment il est ruisselant de lait et de miel, et en voici le fruit». Il n’y avait absolument rien qui manquât du côté de Dieu. Le pays était bien ce qu’il avait dit; les espions eux-mêmes en étaient témoins; mais écoutons ce qui suit: «Seulement, le peuple qui habite dans le pays est fort, et les villes sont fortifiées, très grandes; et nous y avons vu aussi les enfants d’Anak» (vers. 29).

On est toujours sûr de trouver un «seulement», dès que l’homme est en jeu et que l’incrédulité est à l’œuvre. Les espions incrédules virent les difficultés; de grandes villes; de hautes murailles; des géants. Ils virent toutes ces choses; mais ils ne virent point l'Éternel. Ils regardèrent aux choses visibles plutôt qu’aux invisibles. Leurs yeux n’étaient pas fixés sur Celui qui est invisible. Sans doute les villes étaient grandes, mais Dieu était plus grand; les murailles étaient hautes, mais Dieu était plus haut; les géants étaient forts, mais Dieu était plus fort.

C’est ainsi que la foi raisonne toujours. Elle va de Dieu aux difficultés; elle commence par Lui. L’incrédulité, au contraire, part des difficultés pour aller à Dieu; elle commence par les difficultés. C’est ce qui fait toute la différence. Ce n’est pas qu’il nous faille rester insensible aux difficultés, ou être insouciants. Ni l’insensibilité, ni l’insouciance ne sont de la foi. Il y a des personnes nonchalantes qui semblent traverser la vie en ayant pour principe de prendre les choses par le bon côté. Ce n’est pas la foi. La foi regarde les difficultés en face; elle voit très bien le côté pénible des choses. Elle n’est ni ignorante, ni indifférente, ni insouciante; mais quoi? Elle introduit le Dieu vivant. Elle regarde à lui, et s’appuie sur lui. Tout, pour elle, découle de lui. C’est là que se trouve le grand secret de sa puissance. Elle possède la conviction calme et profonde qu’il n’y aura jamais, pour le Dieu Tout-Puissant, une muraille trop haute, une ville trop grande, un géant trop fort. En un mot, la foi est la seule chose qui donne à Dieu sa vraie place; aussi est-elle la seule chose qui élève l’âme complètement au-dessus des influences extérieures, de quelque nature qu’elles puissent être. C’était bien le précieux fait qu’exprimait Caleb, quand il disait: «Montons hardiment et prenons possession du pays, car nous sommes bien capables de le faire» (vers. 31). Tels sont les vrais accents de la foi vivante qui glorifie Dieu, sans s’inquiéter des choses extérieures.

Mais, hélas la grande majorité des espions n’était pas plus gouvernée par cette foi vivante que les hommes qui les avaient envoyés; aussi le seul croyant fut-il réduit au silence par les dix incrédules. «Mais les hommes qui étaient montés avec lui, dirent: Nous ne sommes pas capables de monter contre ce peuple» (vers. 32). Le langage de l’incrédulité était complètement opposé à celui de la foi. Celle-ci, regardant à Dieu, disait: «Nous sommes bien capables de le faire». Celle-là, regardant aux difficultés, dit: «Nous ne sommes pas capables». Comme il en fut alors, ainsi en est-il encore maintenant. Les yeux de la foi étant toujours gardés par Dieu, ne voient point les difficultés. Les yeux de l’incrédulité sont remplis des choses extérieures; ils ne discernent donc pas Dieu. La foi introduit Dieu; alors, tout est lumineux et facile. L’incrédulité exclut toujours Dieu; alors tout devient sombre et difficile.

«Et ils décrièrent devant les fils d’Israël le pays qu’ils avaient reconnu, disant: Le pays par lequel nous avons passé pour le reconnaître est un pays qui dévore ses habitants, et tout le peuple que nous y avons vu est de haute stature. Et nous y avons vu les géants, fils d’Anak, qui est de la race des géants; et nous étions à nos yeux comme des sauterelles, et nous étions de même à leurs yeux» (vers. 33-34). Pas un mot sur Dieu. Il est entièrement oublié. S’ils avaient pensé à lui; s’ils lui avaient comparé les géants; alors peu aurait importé qu’ils fussent eux-mêmes des sauterelles, ou qu’ils fussent des hommes. Mais au fait, par leur honteuse incrédulité, ils rabaissèrent le Dieu d’Israël au niveau d’une sauterelle.

Il est très remarquable que lorsque l’incrédulité est à l’œuvre, elle est toujours caractérisée par le fait qu’elle exclut Dieu. Cela se trouve vrai dans tous les âges, dans tous les lieux et dans toutes les circonstances. Il n’y a pas d’exception. L’infidélité peut tenir compte des affaires humaines, elle peut raisonner là-dessus et en tirer des conclusions; mais tous ses raisonnements et toutes ses conclusions sont fondés sur l’exclusion de Dieu. La force de ses arguments — dépend de l’exclusion et de l’éloignement de Dieu. Introduisez Dieu, et tous les raisonnements de l’incrédulité s’écroulent sous vos pieds. Ainsi, dans la scène qui nous est retracée, quelle est la réponse de la foi à toutes les objections avancées par ces dix incrédules? La seule qui soit simple, entièrement satisfaisante, et qui n’admette aucune réplique, c’est-à-dire DIEU!

Lecteur, connaissez-vous quelque chose de la force et de la valeur de cette réponse bénie? Connaissez-vous Dieu? Est-ce qu’il remplit toute votre âme? Est-il la réponse à chacune de vos questions? la solution de chacune de vos difficultés? Connaissez-vous la réalité d’une marche journalière avec le Dieu vivant? Connaissez-vous la puissance rassurante qu’il y a à se reposer sur lui à travers tous les changements et les hasards de cette vie éphémère? S’il n’en est point ainsi, laissez-moi vous solliciter de ne pas continuer à demeurer une seule heure dans votre état présent. Le chemin est ouvert. Dieu s’est révélé dans la personne de Jésus Christ comme le secours, la ressource et le refuge de toute âme nécessiteuse. Regardez à lui maintenant — maintenant même, «tandis qu’on le trouve; invoquez-le pendant qu’il est proche». «Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé», et «celui qui croit, ne sera point confus».

Mais si, d’un autre côté, vous connaissez, par grâce, Dieu comme votre Sauveur, comme votre Père, cherchez donc à le glorifier, dans toutes vos voies, par une confiance enfantine et entière en toutes choses. Qu’il soit une parfaite couverture pour vos yeux, en toutes circonstances; et ainsi, en dépit de toutes les difficultés, votre âme sera maintenue dans une paix parfaite.