Nahum

Chapitre 1er

Colère de Dieu contre l’Assyrien. Délivrance de Juda. Le règne de paix commence.

Ce chapitre forme un tout complet et va jusqu’à la restauration finale d’Israël. Cette restauration est un des grands sujets de la prophétie, comme nous l’apprend le discours de Pierre au chap. 3 des Actes. L’apôtre annonce, en effet, que Dieu avait prédit par la bouche de tous les prophètes que son Christ devait souffrir, et qu’il avait parlé, par la bouche de ses saints prophètes de tout temps, du rétablissement de toutes choses (Actes 3:18-21). Mais retenons, dès le début, le fait que le livre de Nahum est «l’oracle touchant Ninive» (v. 1). Ce sujet est en apparence restreint, mais représente, en réalité, le jugement des nations, devenues les instruments de Dieu pour châtier son peuple, mais qui, dans l’accomplissement de leurs fonctions, n’en ont tiré aucun profit pour elles-mêmes. Au lieu de se juger en exerçant le jugement, elles ont persisté dans l’oubli de Dieu et leur haine contre lui, dans leur criminelle idolâtrie, dans la méchanceté, la violence, l’abus de la force, dans leurs débordements impurs. Dieu pourrait-il n’en pas tenir compte? Après maint avertissement, il se décide enfin à donner libre cours à sa colère.

Souvenons-nous que la chute de Ninive fut l’effondrement de tout le système politique, religieux et commercial, de toute la civilisation d’alors, qui fut ensevelie sous les décombres de la cité, de telle sorte qu’une armée de dix mille hommes pouvait deux cents ans plus tard camper sur les ruines de la grande ville, sans se douter même que, sous cette poussière, un peuple immense était enseveli, avec ses arts, sa culture raffinée, sa vie intellectuelle, qui dépassaient toutes celles de l’Orient et égalaient même celle de l’Égypte.

Ce qui s’est passé autrefois se passera de nouveau dans les temps prophétiques, encore futurs, mais aujourd’hui si rapprochés de nous. Une ville symbolique, non plus la Ninive assyrienne, ni la Babylone chaldéenne qui subit le même sort, mais la grande Babylone, la chrétienté apostate qui dominera sur les rois de la terre, viendra en mémoire devant Dieu et recevra «la coupe... de la fureur de sa colère» (Apoc. 16:19). Elle aussi sera précipitée en une seule heure (Apoc. 18:10, 16, 19) et s’effondrera avec toute sa puissance religieuse blasphématrice, avec son organisation civile, militaire et commerciale, de manière à n’être «plus trouvée» (Apoc. 18:21). Cette destruction sera contemporaine de celle de l’empire romain ressuscité, dernière forme impériale de la Babylone chaldéenne. Nous voyons donc que la prophétie de Nahum est loin d’avoir la portée restreinte qu’on serait tenté de lui donner à première vue.

Le jugement de Ninive donne lieu, dans les v. 2 à 5, à l’exposé des caractères de Dieu. Il ne s’agit ici, ni de l’essence de l’Être divin qui est amour et lumière, ni de ce dont il jouit en Lui-même, car il est le Dieu souverainement «bienheureux», et ces caractères demeurent éternellement vrais et ne changent jamais, mais il s’agit de la manière dont il se révèle dans son gouvernement. S’il avait jadis révélé les principes de ce gouvernement au peuple qu’il avait choisi, ne les ferait-il pas aussi connaître aux nations, lui, le Créateur et le souverain dominateur des hommes? Tous sont responsables devant Lui. Sans doute, leur responsabilité diffère selon le degré de leur connaissance et les privilèges dont ils jouissent, mais elle n’en subsiste pas moins dans son entier. Donc, touchant Ninive comme touchant Israël, «c’est un Dieu jaloux et vengeur que l’Éternel; l’Éternel est vengeur et plein de furie; l’Éternel tire vengeance de ses adversaires et garde sa colère contre ses ennemis» (v. 2).

Dieu l’avait déclaré dans les mêmes termes à son peuple, lorsqu’il lui donna la loi en Sinaï, et cela, dès les premières paroles contenues dans les dix commandements: «Moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux» (Exode 20:5). Il ne peut supporter l’idolâtrie qui a l’audace de venir ériger ses faux dieux à côté de lui; il en est indigné; ne tirera-t-il pas vengeance de tous ceux qui la pratiquent? car les nations sont inexcusables, elles qui ont changé «la gloire du Dieu incorruptible» révélé par sa création, «en la ressemblance... d’un homme corruptible et d’oiseaux et de quadrupèdes et de reptiles» (Rom. 1:20, 22). Sans doute Israël, auquel Dieu s’était révélé comme l’Éternel, était mille fois plus coupable de faire les mêmes choses que les nations et de se livrer à leur idolâtrie (voyez Exode 20:4), mais celles-ci devaient éprouver à leur tour les coups de la vengeance et de la fureur de Dieu, après qu’il se serait servi d’elles (en Nahum, de l’Assyrien) pour répandre sa colère sur son peuple coupable.

Telles sont les voies de Dieu en gouvernement envers tous les hommes. Elles ne changent pas et sont applicables à tous. L’idolâtrie attire sa vengeance et nulle d’entre les nations ne pourra arguer de son ignorance quand elle se trouvera devant le jugement de Dieu.

Mais ce passage nous donne un autre caractère de son gouvernement. Il n’est pas seulement le Dieu jaloux qui garde sa colère contre ses ennemis: «L’Éternel est lent à la colère et grand en puissance, et il ne tiendra nullement le coupable pour innocent» (v. 3). Ici encore nous trouvons la révélation du caractère de son gouvernement envers les nations. Cette révélation n’a pas l’étendue de celle qui fut faite à Israël, quand, après le veau d’or, Moïse eut plaidé pour le peuple et que l’Éternel se fit connaître comme le «Dieu miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en vérité, gardant la bonté envers des milliers de générations, pardonnant l’iniquité, la transgression et le péché, et qui ne tient nullement le coupable pour innocent, qui visite l’iniquité des pères sur les fils, et sur les fils des fils, sur la troisième et sur la quatrième génération» (Exode 34:6, 7). Cependant Nahum montre ici trois caractères de ce gouvernement très importants pour les nations.

1° «Il est lent à la colère». Quel soulagement pour une conscience convaincue de péché! Le Dieu qui garde sa colère contre ses ennemis est lent à la colère. Jamais l’homme, quelque provocante que soit son attitude, ne réussit à engager Dieu à une action prématurée ou à une explosion de fureur. Ninive pouvait s’en souvenir. Au premier signe de repentance, l’Éternel avait suspendu son jugement. Jonas, lui, s’irritait et disait: «Je fais bien de m’irriter jusqu’à la mort», alors que l’Éternel «se repentait du mal qu’il avait parlé de leur faire, et ne le faisait pas». Oui, il est lent à la colère et, 2°, «grand en puissance» pour arrêter d’un mot les jugements décrétés ou leur donner libre cours. Mais, 3°, jamais son gouvernement «ne tiendra le coupable pour innocent». Cela reste toujours vrai, car, comme nous l’avons dit, il s’agit ici du caractère de Dieu dans son gouvernement et de sa sainteté dans ses voies, mais non pas de l’œuvre de la grâce qui justifie les coupables en vertu du sacrifice. La justice humaine pourrait commettre l’erreur de déclarer innocent un coupable, Dieu jamais. Il avait dans sa grande patience retenu le cours de sa colère envers Ninive, mais qu’avaient fait dès lors ces rois, des Salmanéser, Tiglath-Piléser, Sankhérib, si ce n’est de provoquer Dieu à la colère par leur orgueil effréné, leur haine inassouvie contre l’Éternel et contre son peuple, et leurs blasphèmes? En vérité, Dieu ne pouvait nullement tenir le coupable pour innocent. Le dernier d’entre tous, Assurbanipal, avait été plus méchant, plus violent, plus abominablement cruel que tous ses prédécesseurs, qu’il surpassait en faste et en puissance, et Nahum prophétisait sous son règne.

Aux v. 3 à 6 nous trouvons la description des voies de ce Dieu qui gouverne selon sa sainteté, sa justice et sa puissance: «Son chemin est dans le tourbillon et dans la tempête, et la nue est la poussière de ses pieds. Il tance la mer et la dessèche, et fait tarir toutes les rivières. Basan et le Carmel languissent, et la fleur du Liban languit. Les montagnes tremblent devant lui, et les collines se fondent; et devant sa face la terre se soulève, et le monde et tous ceux qui y habitent. Qui tiendra devant son indignation, et qui subsistera devant l’ardeur de sa colère? Sa fureur est versée comme le feu, et devant lui les rochers sont brisés» (v. 3-6).

Il ne s’agit plus ici de sa personne, mais des attributs par lesquels il se manifeste quand il donne libre cours à ses jugements. C’est ainsi qu’il s’était révélé jadis à Élie en Horeb. Il n’était pas dans le grand vent impétueux qui déchirait les montagnes et brisait les rochers, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu (1 Rois 19:11), mais ces jugements terribles devaient précéder son apparition en grâce pour Élie. De même ici. Quand il s’agit de se frayer un chemin pour amener ses bien-aimés face à face devant lui, aucun obstacle ne prévaut. La mer même et toutes ses rivières ne peuvent lui opposer une barrière. La nuée ne peut lui cacher ce but auquel il tend, il la foule sous ses pieds et elle ne peut lui dérober la vue du terme de son chemin. Le monde contient des choses riches et prospères, aimables ou élevées, tout cela se flétrit et disparaît devant le déploiement de ses voies. Les puissances les plus fermement établies, les autorités subalternes tremblent et se fondent. Cela rappelle vivement le livre d’Amos tout entier et le chap. 1:4 du livre de Michée. Les royautés les plus antiques, — et aucune, sauf celle d’Égypte, ne pouvait se vanter de sa durée plus que l’Assyrie, — ne peuvent subsister devant l’ardeur de sa colère. Cinquante ans environ après cette prophétie, l’effondrement prédit eut lieu.

Au v. 7 nous découvrons un tout autre point de vue: «L’Éternel est bon, un lieu fort au jour de la détresse, et il connaît ceux qui se confient en lui». Quelle différence d’avec les caractères précédents! C’est qu’il s’agit ici de ce qu’Il est pour les siens, au milieu même des jugements, de ce qu’Il est pour tous les croyants et particulièrement pour le Résidu d’Israël, objet de toute la prophétie de l’Ancien Testament. Il est bon; il n’a jamais changé de caractère pour les siens, dans quelque calamité qu’ils se trouvent. Quand ils sont accablés sous le poids des jugements, il les réconforte en leur déclarant ce qu’Il est, ce qu’Il a toujours été. Lorsque, sortis d’angoisse, ils jouiront enfin de la délivrance, ils pourront entonner le beau cantique millénaire: «Célébrez l’Éternel! car il est bon; car sa bonté demeure à toujours!» Tout du long des Psaumes nous entendons cette parole, cent fois répétée aux oreilles du Résidu, pour le soutenir au milieu de ses angoisses: «L’Éternel est bon!» Il en est de même pour nous: dans les douleurs de l’heure présente, l’amour du Père et du Fils est ce qui soutient le cœur et l’empêche de se laisser aller au doute et au découragement.

«Un lieu fort au jour de la détresse.» L’ennemi triomphe; les fidèles traversent le jour grand et terrible de la tribulation finale appelé la détresse, la «tsarah» de Jacob. Il n’y a pas un lieu de refuge dans un monde où la fureur de Satan poursuit sans relâche le pauvre Résidu, mais l’Éternel est dans le palais de sa sainteté (Ps. 11:4; Michée 1:2; Hab. 2:20); lui-même est le «lieu fort»: «Au mauvais jour», est-il dit, «il me mettra à couvert dans sa loge, il me tiendra caché dans le secret de sa tente; il m’élèvera sur un rocher» (Ps. 27:5).

«Il connaît ceux qui se confient en lui.» Cela ne nous suffit-il pas? Cela suffisait à Christ quand les hommes l’outrageaient et disaient de lui: «Il s’est confié en Dieu; qu’il le délivre maintenant, s’il tient à lui» (Matt. 27:43); mais il arrivera un jour où les hommes impies qui s’étaient moqués des saints seront détruits.

Au v. 8 nous voyons ce qui arrivera à Ninive et à tous les ennemis de l’Éternel: «Mais, par une inondation débordante, il détruira entièrement son lieu, et les ténèbres poursuivront ses ennemis». Ce verset contient deux termes hébreux très caractéristiques: le terme déborder (Shataph, Sheteph) et le mot détruire entièrement (Kalah, Killayon) traduits en d’autres passages, consumer, consomption, consomption décrétée.

Les mots déborder, inondation débordante, s’appliquent invariablement à l’Assyrien historique ou prophétique, ou au «roi du Nord» (nord de la Palestine) qui, comme nous l’avons vu si souvent dans l’étude des prophètes, est le conducteur, probablement militaire, de la Confédération assyrienne. Mais il arrivera un moment, comme nous le voyons ici (1:8) et dans d’autres passages, où celui qui déborde, l’Assyrien, sera débordé à son tour, et où «son lieu», Ninive, sera détruit1. L’inondation débordante sera retournée contre lui, par l’Éternel. Le mot: détruire entièrement, consomption décrétée, est «une expression technique qui sert à désigner les derniers jugements qui précèdent le règne du. Messie»2. La consomption décrétée a lieu sur Jérusalem, par le désolateur (l’Assyrien prophétique), mais elle atteindra à la fin, non seulement lui et son pays (Ésaïe 10:22, 23; Nah. 1:8), mais aussi toutes les nations assemblées contre Jérusalem, et enfin «la terre», le pays d’Israël et le peuple apostat qui l’habite, sur lequel dominera l’Antichrist. Seul, le Résidu fidèle traversera cette subversion sans être entièrement détruit, sans que la consomption déterminée l’atteigne3.

1 Voir, par exemple, pour ce mot et son application: Ésaïe 8:8; 10:22; 28:17; Dan. 9:26; 11:10, 22, 26, 40; Nah. 1:8.

2 Voir version J. N. Darby. Note à Ésaïe 10:23; Jér. 4:27; Nah. 1:8.

3 Voir pour l’Assyrien: Ésaïe 10:22, 23; Nah. 1:8; pour les nations: Jér. 30:11; 46:28; Nah. 1:8 (ses ennemis); pour le peuple apostat et son pays: Dan. 9:27; Ésaïe 28:22; Soph. 1:18; enfin pour le Résidu, gardé d’une entière destruction: Jér. 4:27; 5:10, 18; Ézéch. 11:13.

Nous citons en note tous ces passages pour faire ressortir la vérité suivante que l’on pourrait perdre de vue à la lecture du livre de Nahum: S’il s’agit dans ce livre de la destruction historique prochaine de Ninive, l’Esprit de Dieu va bien au-delà de ce fait; il n’agit, du reste, pas autrement pour aucune prophétie. À propos d’un jugement prochain, il projette sa lumière sur les événements de la fin. La chute de Ninive devient l’avant-coureur de l’effondrement futur de la puissance de l’Assyrien prophétique, en même temps que celui de tous les ennemis de l’Éternel qui ont eux-mêmes pris part à cette catastrophe: «Les ténèbres poursuivront ses ennemis». Ce ne sera pas seulement le pays de Ninive qui sera détruit, avant la venue du Seigneur comme Messie, mais Ses ennemis, en même temps que ceux de Ninive, seront ensevelis dans les ténèbres. Historiquement cela eut lieu pour Babylone et les Mèdes; prophétiquement cela aura lieu pour la Bête romaine et les dix rois, ennemis de l’Assyrien. C’est pour ne s’être pas enquis de ces choses que les rationalistes modernes nient, avec beaucoup de légèreté, la portée future d’événements prophétiques qui ont eu leur accomplissement historique dans le passé.

«Qu’imaginez-vous contre l’Éternel?» (v. 9). À qui donc s’adressent ces paroles? Aux ennemis actuels de Ninive? Mais Dieu les avait suscités contre la capitale de l’Assyrien. Non; le prophète voit dans l’avenir; il prédit que les ennemis de l’Assyrien, aussi bien que l’Assyrien lui-même, principalement en vue ici, trament des complots contre Christ. C’est ce que l’on voit très clairement au Ps.2:1-3: «Pourquoi s’agitent les nations, et les peuples méditent-ils la vanité? Les rois de la terre se lèvent, et les princes consultent ensemble contre l’Éternel et contre son Oint: Rompons leurs liens, et jetons loin de nous leurs cordes!» Le passage d’Actes 4:25, 26, qui cite ce Psaume nous fournit une des preuves constantes que tel passage de la prophétie nous est donné comme renfermant plusieurs accomplissements divers: l’un prochain, l’autre pour les temps de la fin. Voyez aussi Actes 13:41 comparé avec Hab. 1:5.

«Il détruira entièrement; la détresse ne se lèvera pas deux fois» (v. 9). Ce passage pourrait être compris dans le sens que la détresse de Ninive n’aura pas l’occasion de se renouveler, puisqu’elle est définitive, mais le mot «détresse», si caractéristique pour la «grande tribulation» des derniers jours, dirige nos pensées bien au-delà de cet événement prochain et nous porte aux temps de la fin qui précéderont le règne de Christ. La détresse n’atteindra pas seulement ceux qui, sous l’impulsion de Satan, l’ont provoquée, mais elle sera définitive et l’on n’en verra pas surgir une seconde. Il en a été ainsi de Ninive; il en sera de même de l’Assyrien et des nations de la fin. Mais cette parole sera vraie aussi du Résidu fidèle. La détresse ne se lèvera pas deux fois pour les disciples aux derniers temps; seulement ils la traverseront comme la fournaise de Daniel, sans être consumés, ou comme les eaux du jugement, sans être submergés (És.43:2), ou comme la destruction décrétée, sans être entièrement détruits (Jér. 5:18).

«Quand même ils sont comme des ronces entrelacées, et comme ivres de leur vin, ils seront dévorés comme du chaume sec, entièrement» (v. 10). Ces expressions sont appliquées au peuple juif incrédule dans le chap. 7:4 de Michée et à l’Assyrien en Ésaïe 10:17. C’est de Ninive et de l’Assyrien qu’il est spécialement question dans notre passage, mais les nations et le peuple apostat seront atteints par le même jugement final. Il ne se répétera pas, parce que, pareil au feu dans le chaume, il les aura tous consumés en une fois et dévorés entièrement.

«De toi est sorti celui qui imagine du mal contre l’Éternel, un conseiller de Bélial» (v. 11). Cet Assur qui était sorti autrefois du pays de Shinhar pour bâtir Ninive (Gen. 10:10, 11), était sorti de Ninive, siège de la puissance assyrienne, pour imaginer, dans un esprit d’orgueil satanique, du mal contre l’Éternel. Tous les rois d’Assyrie, de Pul à Assurbanipal, ont eu ce caractère, et leur haine orgueilleuse contre Dieu et contre son peuple avait déjà atteint ses dernières limites dans la personne de Sankhérib. C’est de la puissance assyrienne qu’il est exclusivement question dans ce passage. Au v. 9 le prophète avait dit: «Qu’imaginez-vous contre l’Éternel?» comprenant dans ce mot toutes les puissances assemblées à la fin contre Christ. Un de ces ennemis, celui qui sort de Ninive, sujet principal de la prophétie de Nahum, est mis en relief ici, animé des mêmes sentiments que les autres. Il est un «conseiller de Bélial»; la fourberie est son caractère dominant, fourberie déjà révélée aujourd’hui chez tant de nations destinées à jouer plus tard le rôle de l’Assyrien. Cet homme de la fin est le même roi fourbe qui est décrit au chap. 8 de Daniel (v. 23-25).

Quel contraste entre lui et le vrai Roi! Celui qui doit régner en Israël et porte le sceptre de la domination universelle est sorti, non pas de l’immense Ninive, mais de Bethléhem Éphrata, petite entre les milliers de Juda, lui dont les origines sont dès les jours d’éternité et l’Esprit de l’Éternel reposera sur lui (Michée 5:2; Ésaïe 11:2). Celui qui sort de Ninive a couru dans le passé et courra dans l’avenir au-devant de la destruction; celui qui est sorti de Bethléhem verra son trône établi à perpétuité (Ps. 45:7). Celui qui est sorti de Ninive sera «avili»; celui qui est sorti de Bethléhem sera haut élevé, aura un nom au-dessus de tout nom et verra tout genou se ployer devant lui (Phil. 2:9).

«Ainsi dit l’Éternel: Qu’ils soient intacts, et ainsi nombreux, ils seront retranchés et ne seront plus» (v. 12). Le peuple de Ninive est encore en son entier, intact et nombreux, en ces jours de Nahum où déjà le sort de l’Assyrie se prépare dans l’ombre. Babylone, fief de l’Assyrie, toujours en ébullition, ne s’est pas encore révoltée définitivement; les Mèdes ne sont pas encore partis en guerre pour assiéger Ninive. Quelques années se passeront encore avant la destruction de cette capitale du monde. Mais la prophétie va plus loin: Ce n’est pas Ninive seule, ni son dernier roi, disparaissant dans l’incendie de son palais, c’est la puissance militaire tout entière de cette nation, qui ne sera plus. La prophétie nous apprend qu’avec la défaite historique de l’Assyrie, le dernier mot de son histoire n’a pas été dit. Cette puissance formidable entrera de nouveau en scène à la fin des temps. Elle sera, comme nous l’avons vu, le fléau qui inonde, mais ce «peuple audacieux» sera subitement anéanti (Ésaïe 28:19; 30:31-33). Alors seulement cette parole sera pleinement réalisée: «Ils seront retranchés et ne seront plus»

«Et si je t’ai affligé, je ne t’affligerai plus. Et maintenant je briserai son joug de dessus toi, et je romprai tes liens» (v. 12, 13).

Après avoir pris à partie Ninive, les nations et le peuple juif infidèle, l’Éternel se tourne maintenant, d’une manière tout aussi subite et inattendue vers le Résidu affligé. Si nous nous reportons au règne du roi de Juda, sous lequel Nahum prophétisa, nous y découvrons, comme nous l’avons vu dans notre étude sur Michée (1:1), des analogies frappantes avec le contenu de cette prophétie. Le règne de Manassé se divise en deux parts. Dans la première il fait pis que tous ses prédécesseurs. Il rétablit à Jérusalem l’idolâtrie dans toute son horreur, jusqu’à sacrifier ses fils à Moloch; il pratique les enchantements et la magie; il remplit Jérusalem de sang innocent; il place, comble de la profanation, une idole dans le temple de Dieu. Ne reconnaît-on pas, dans ce tableau, tous les traits de l’Antichrist? C’est ainsi que les habitants de Jérusalem sont induits à faire le mal plus que les nations elles-mêmes (2 Chron. 33:1-10; 2 Rois 21).

Cet état de choses finit par un jugement sans merci sur le peuple apostat et son roi profane qui, chargé de chaînes, est emmené à Babylone par le roi d’Assyrie. Sous la pression de la détresse, le caractère de Manassé change du tout au tout. Il devient à nos yeux le type du Résidu repentant sorti du peuple réprouvé et s’en séparant. La détresse lui ouvre les yeux sur son état et, le jugeant sans remède, il a recours à Dieu et à sa grâce: «Quand il fut dans la détresse, il implora l’Éternel, son Dieu, et s’humilia beaucoup devant le Dieu de ses pères, et le pria; et Il se laissa fléchir par lui, et écouta sa supplication, et le ramena à Jérusalem dans son royaume; et Manassé reconnut que c’est l’Éternel qui est Dieu» (2 Chron. 33:12, 13). Nous avons ici, disons-nous, une image frappante du Résidu, ramené à Dieu par la détresse et retrouvant la Restauration finale par le travail de la grâce dans sa conscience. Les prophètes avaient parlé à Manassé lorsqu’il avait abandonné l’Éternel pour se livrer à l’apostasie (2 Rois 21:10-15); maintenant un autre prophète, Nahum, lui parle de la délivrance et de la faveur de Dieu, quand il est revenu à l’Éternel. Il en sera de même du Résidu, que tous les prophètes mentionnent et dont ils prédisent la restauration. La détresse ne se lèvera pas deux fois pour lui. L’Éternel lui parle, dans la personne de son roi, pour le consoler: «Si je t’ai affligé, je ne t’affligerai plus!» «Consolez, consolez mon peuple», dit Dieu, par la bouche d’Ésaïe. «Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de détresse est accompli, que son iniquité est acquittée, qu’elle a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés» (Ésaïe 40:1, 2).

«Et maintenant je briserai son joug de dessus toi, et je romprai tes liens» (v. 13). C’est ce qui arriva momentanément à Manassé, mais seulement dans une mesure, car, de son vivant le joug de l’Assyrien continuait à peser sur lui en tant que tributaire de ce roi. Il n’en fut pas de même pour Juda, car il passa immédiatement du joug de Ninive à celui, bien plus pesant, de Babylone.

Mais, remarquons-le, la prophétie ne fait qu’entrevoir ici, dans les événements prochains, ceux, bien autrement décisifs, de l’avenir.

«Et l’Éternel a commandé à ton égard: On ne sèmera plus de semence de ton nom. De la maison de ton dieu je retrancherai l’image taillée et l’image de fonte, je préparerai ton sépulcre, car tu es vil» (v. 14).

Ici l’Éternel se tourne vers l’Assyrien tout aussi inopinément qu’il venait de se tourner vers son peuple. Ce passage est en contraste absolu avec la délivrance annoncée à Juda. L’Assyrien sera détruit, sa postérité anéantie, ses idoles renversées, son sépulcre préparé. Tout cela eut lieu, sans doute, à la chute de Ninive, mais le prophète Ésaïe nous apprend qu’aux temps de la fin, lors de la Restauration d’Israël, Topheth (cf. 2 Rois 23:10), préparé depuis longtemps pour l’Assyrien, sera embrasé pour le consumer définitivement et que ce même bûcher est préparé aussi pour «le Roi» (terme dont la parole prophétique se sert pour désigner l’Antichrist; voyez Ésaïe 57:9; Dan. 11:36), ainsi que pour le peuple incrédule (Jér. 7:31-34). La destruction des deux puissances ennemies de la fin aura lieu dans le même temps. L’Antichrist, l’homme de péché, le faux Messie, n’a pas encore paru, bien que son esprit soit partout à l’œuvre aujourd’hui, et ce personnage ne sera révélé que lorsque l’Église, l’Épouse de Christ, aura été enlevée de la scène. Il en sera de même de l’empire romain ressuscité avec ses dix rois, et dont l’Antichrist sera l’allié; il en sera de même encore de l’Assyrien qui, réapparaissant sous sa forme finale, comme roi du Nord et Gog, rencontrera son jugement préparé en Topheth. Nous savons, d’après Éz. 39, que, pendant sept ans, tout ce qui restera de lui, après que son armée sera tombée sur les montagnes d’Israël, sera consumé par le feu.

«Car tu es vil», dernier mot de la colère de l’Éternel contre cet homme souverainement orgueilleux qui avait pensé se mesurer avec le Dieu fort et élever ses idoles, Assur et Ishtar, en face de l’Éternel. Tu es vil! Toutes les prétentions des plus favorisés d’entre les hommes, leur nom, qu’ils estiment impérissable, leur puissance ambitieuse, leur orgueil indomptable, l’exaltation d’eux-mêmes, tout sera foulé comme la boue des rues sous les pieds du vrai Roi, auquel il ne faudra qu’un geste pour prendre en main la domination universelle et anéantir ses ennemis comme le vil serpent dont l’homme écrase la tête sous son talon!

«Voici sur les montagnes les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles, de celui qui annonce la paix! Juda, célèbre tes fêtes, acquitte tes vœux; car le méchant (ou Bélial) ne passera plus par toi, il est entièrement retranché» (v. 15).

Par une singulière inintelligence de la parole prophétique on a attribué ce passage à la chute de Ninive, lorsqu’elle fut annoncée à Jérusalem. Où en est la preuve? Ninive fut détruite au commencement du règne de Jehoïakim (610-599 A. C.) et probablement deux ans après son début. Trouvons-nous, dans l’histoire de ce roi, aucune allusion à cet événement? Jehoïakim fut établi par le Pharaon Neco à la place de Joakhaz, soumis à un joug sévère et obligé de payer un lourd tribut. Puis il tomba pendant trois ans sous la domination de Nebucadnetsar, roi de Babylone, et s’étant révolté fut pillé par les bandes des Chaldéens, des Syriens, des Moabites et des Ammonites. Il n’aurait donc pu que se réjouir de voir Ninive subsister et l’empire assyrien avoir le dessus (Jér. 2:18). Au bout de onze ans de règne, Nebucadnetsar le prit, le lia avec des chaînes d’airain, et l’emmena à Babylone (2 Chron. 36:6). Donc rien ne pouvait être politiquement plus fatal à ce roi, ainsi qu’à Jérusalem et à Juda, que la ruine de Ninive. D’autre part, rien n’est plus clair que ce passage, appliqué aux événements prophétiques. Le Résidu coupable mais repentant ne sera plus affligé dans un jour futur. Juda sera délivré du joug de l’Assyrien quand cet ennemi du peuple de Dieu sera anéanti sur les montagnes d’Israël. C’est de cet événement prophétique et non pas de la chute historique de Ninive, que nous parle le chap. 52 d’Ésaïe, dont les termes correspondent si exactement à notre verset 15. Là aussi il est question de l’Assyrien qui a opprimé Israël sans cause. Mais à ce moment du jour futur, le Seigneur se révèle et dit à son peuple: «Me voici!» (v. 4, 6). Aussitôt la bonne nouvelle du royaume est proclamée; la guerre est terminée, le règne de paix commence: «Combien sont beaux sur les montagnes les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles, qui annonce la paix, qui apporte des nouvelles de bonheur, qui annonce le salut, qui dit à Sion: Ton Dieu règne!» (v. 7). C’est le moment où Dieu restaure Sion et console son peuple. De même, en Michée 5:5, la paix est établie par l’apparition de Christ et la défaite de l’Assyrien.

En Nahum, la chute de Ninive est comme un tableau anticipé de ce qui arrivera à la fin des jours. Les bonnes nouvelles ne sont, pas plus qu’en Ésaïe, la chute de cette capitale, mais la venue du Messie ou Sauveur d’Israël, du vainqueur de ses ennemis. Sous son règne de paix, Juda pourra célébrer ses grandes fêtes et avant tout celle des tabernacles qui suivra le jugement des adversaires la «moisson» et la «vendange» (Zach. 14:16-19; Ézéch. 45:21-25). Désormais, rien ne viendra troubler ces solennités joyeuses. Le méchant, Bélial, cette créature de Satan, ne passera plus sur le territoire d’Israël comme «une inondation débordante», ainsi qu’il l’avait fait dans le passé, et le fera dans l’avenir.

Il se pourrait que le prophète fasse allusion, typiquement, au règne de Josias, sous lequel Juda put de nouveau célébrer la Pâque et la fête des pains sans levain (2 Chron. 35), mais ce règne avait pris fin avant la chute de Ninive. Tout ce que nous venons de dire reporte donc nos pensées, sans hésitation, au temps de la fin.

Quels seront les porteurs des bonnes nouvelles dont il est question ici? La parole nous enseigne que ce témoignage sera rendu par des disciples juifs. Ce sont ceux qui, aux jours où le Seigneur était sur la terre, furent envoyés en mission dans les villes d’Israël, mais dont le témoignage se continuera à la fin des temps. Ce sont eux qui prêcheront aux nations l’évangile du royaume pendant la période de la grande tribulation. Ce sont eux enfin qui seront, sur les montagnes d’Israël, les messagers, vus et entendus de tous, de ce grand fait: l’inauguration du règne glorieux du Messie!