Nahum

Henri Rossier

Introduction

Nahum diffère de Jonas et de Michée (2 Rois 14:25; Jér. 26:18), en ce qu’il n’est pas mentionné autre part que dans le livre de sa propre prophétie. Tout ce que nous savons de lui, c’est qu’il était originaire d’Elkosh. Le témoignage de Jérôme qui s’appuie sur une similitude de nom pour placer cette localité en Galilée, reste tout à fait isolé et n’a pas été vérifié par d’autres. Une tradition faisait mourir Jonas en Assyrie et y plaçait aussi Elkosh, lieu de naissance de Nahum, mais comme toute tradition semblable, elle mérite à peine une mention. Si Elkosh était situé en Galilée, la parole des pharisiens à Nicodème «qu’un prophète n’est pas suscité de Galilée» (Jean 7:52) serait doublement erronée, car Jonas était de Gath-Hépher, bourg de Zabulon qui faisait partie de la Galilée. Bien plus, Ésaïe avait prédit que de là devait être suscité le Christ, le grand prophète, auquel les Juifs incrédules refusaient même ce titre (És. 9:1, 2).

Quant à la date de la prophétie de Nahum, son livre nous en fournit l’époque, si ce n’est l’année exacte. Lorsqu’il prophétisait, la destruction de No-Amon (Thèbes, capitale de la Haute-Égypte) était un fait accompli (3:8). Cet événement eut, dans l’antiquité, un retentissement considérable, car il consommait la perte, déjà commencée, de la plus importante cité d’Égypte et faisait présager, à bref délai, la chute définitive de ce royaume. Le sac de Thèbes eut lieu, selon l’histoire, en 663 A.C., sous le règne de Manassé, roi de Juda (698-643).

Il est donc évident que Nahum, le mentionnant comme un événement passé, n’a pu prophétiser avant cette époque, comme on l’a prétendu longtemps. Des découvertes assyriennes plus récentes ont confirmé la date biblique. Assurbanipal, avant-dernier roi d’Assyrie, conquérant de l’Égypte et destructeur de Thèbes, mentionne, en même temps que cette expédition, la soumission de «Manassé, roi de Juda» et d’autres rois tributaires. Nous savons, d’autre part, que Manassé, après un début de règne abominable, fut fait prisonnier et emmené à Babylone qui était, en ce temps-là, un fief de l’Assyrie, puis, qu’il fut rétabli sur son trône à Jérusalem, après s’être humilié devant Dieu (2 Chron. 33:1-20). Quoique nous ne connaissions pas la date exacte de cette restauration, nous pouvons dire que la reconnaissance de la souveraineté assyrienne par Manassé eut lieu moins de 20 ans avant sa mort, car Assurbanipal, monté sur le trône d’Assyrie en 667, saccagea Thèbes en 663 et Manassé mourut en 643.

Donc, vers l’an 660, Nahum mentionne la chute de Thèbes comme un événement passé et bien connu. La ville de Ninive fut détruite, s’il faut en croire certains historiens, en 625, selon d’autres en 608 ou 606, sous le règne de Jéhoïakim (610-599), c’est-à-dire environ cinquante ans après la prophétie de Nahum.

L’incertitude qui règne sur la date de la chute de Ninive, le plus considérable événement de toute l’histoire ancienne de l’Orient, nous montre le peu de confiance que méritent les études historiques de l’antiquité, quelque consciencieuses qu’elles soient, lorsqu’elles ne trouvent pas à s’appuyer sur la parole de Dieu. D’autre part, nous avons appris par expérience à ne pas accorder une grande valeur aux affirmations des critiques qui prétendent juger de l’âge d’une prophétie d’après son style ou d’après des passages que, selon leur idée, un prophète aurait copiés d’un autre. Qu’il s’agisse des livres de Moïse, des prophètes ou des évangiles, toute affirmation que leurs auteurs ont copié d’autres auteurs ne repose sur aucune base solide; aussi voyons-nous à ce sujet tous les critiques se contredire sans cesse et n’arriver jamais à s’entendre. De fait, leur travail trahit involontairement son origine qui est, à la considérer de près, la négation de l’inspiration textuelle et de l’autorité divine des saintes Écritures. Quant au chrétien, il sait que c’est Dieu qui a parlé dans la Bible; aussi, qu’il s’agisse de l’Ancien ou du Nouveau Testament, il n’éprouve aucune difficulté à constater d’un livre à l’autre, selon le but que l’Esprit Saint s’est proposé, des répétitions parfois très étendues, parfois, comme dans les Psaumes, la répétition d’un même passage par le même écrivain1 , ou deux styles entièrement différents chez le même auteur. La foi tire un immense profit des nuances que contiennent les passages répétés, car ils font ressortir d’une manière évidente le plan de Dieu dans les diverses parties qui composent la Bible. Qu’un prophète, Daniel, étudie la prophétie de Jérémie, cela remplit le croyant de confiance en la Révélation et lui fait comprendre en même temps la différence entre l’inspiration et l’enseignement de l’Esprit. Ne sait-il pas que les prophètes étudiaient leurs propres écrits? En effet, la Bible est un tout divin, dont même les hommes inspirés appelés à le compléter, bien plus, dont Celui qui était la Parole faite chair, ne pouvaient se passer. Mais qu’une prophétie ou tel autre passage soit une réminiscence humaine d’écrits antérieurs, produit d’une mémoire plus ou moins fidèle, cela, le simple croyant le nie absolument. Ce que ces critiques ignorent, c’est que la parole de Dieu est un tout organique, composé par le Saint Esprit et non pas une collection d’écrits sans liaison entre eux2. S’il convient à Dieu de se répéter, pourquoi ne le ferait-il pas? aussi la foi en comprend la raison. Elle sait que les saints hommes de Dieu ont parlé «par l’Esprit saint» et non pas en se copiant les uns les autres.

1 Voyez, par exemple, Ps. 14 et 53.

2 À ce sujet nous ne pouvons mieux faire que de transcrire ici quelques lignes d’un serviteur de Dieu, qui bien des fois a combattu victorieusement l’incrédulité moderne: «Les objections formulées contre la Bible par les théologiens sceptiques allemands et leurs imitateurs dénotent une misérable étroitesse d’esprit qui ignore absolument les voies de Dieu, en dehors d’un petit cercle d’idées. Ces hommes commentent un livre dont au fond ils n’ont aucune connaissance et dont ils n’ont pas même étudié le but et l’intention. Jamais ce vaste champ, cet immense système de pensées dont toutes les parties se joignent, dépendent et découlent l’une de l’autre ne s’est déployé devant leurs yeux — système qui commence au point où le passé touche à l’éternité et nous conduit, par le développement et la solution de toutes les questions morales, au but où l’avenir se perd dans l’éternité selon Dieu. Nous y trouvons, poursuivies et développées historiquement, tout en les montrant dans leur réalisation morale et individuelle, toutes les formes des relations entre Dieu et l’homme. Chaque partie s’emboîte dans l’autre comme les pièces d’une carte de géographie dans un «jeu de patience» (puzzle). Quand les pièces sont assemblées, c’est un tout parfait auquel il ne manque rien. Tout ce système qui forme un ensemble, une unité absolue a cependant été écrit (car les meilleurs témoignages prouvent qu’il fut écrit) à de longs intervalles, dans l’espace d’environ 1500 ans; il a été poursuivi à travers toutes les conditions d’ignorance, de ténèbres ou de lumière dans lesquelles l’homme se trouve, et sous l’action de principes mis intentionnellement en contraste l’un avec l’autre, comme la loi et l’Évangile. Au milieu de toutes ces conditions diverses, ce système ne perd jamais son unité parfaite et absolue, ni la relation de ses diverses parties entre elles. Pour les sceptiques, ces choses sont non avenues; ils n’ont pas même conscience de leur existence; ils ont à peu près autant de connaissance de la Bible qu’un enfant qui choisirait pour les assembler, dans la carte géographique du «jeu de patience», deux morceaux situés aux antipodes, parce que leur couleur est rouge et qu’ils ont une jolie apparence.»

Sophonie, qui prophétisait sous le règne de Josias, annonce comme Nahum la chute de Ninive et prédit la destruction de l’Assyrie qui en fut la suite, événement imminent, car il eut lieu, suivant les suppositions historiques les plus probables, au commencement du règne de Jehoïakim (Soph. 2:10-15).

Ézéchiel enfin, prophétisant pendant la captivité, en 589 A. C. environ, rappelle au Pharaon la chute complète de l’Assyrie qui avait eu lieu plusieurs années auparavant et allait être suivie sous peu de celle de l’Égypte (Ézéch. 31).

 

Notons, en terminant cet Avant-propos, une particularité du prophète Nahum. Tandis que nous avons vu dans Michée divers interlocuteurs se succéder parfois si rapidement que la transition de l’un à l’autre exige une attention soutenue, nous n’entendons dans Nahum qu’une seule voix, celle de l’Éternel, s’adressant par son prophète, tantôt à une personne, tantôt à l’autre, et cela si inopinément, si abruptement même, que le contexte seul peut nous renseigner sur le personnage en cause: tel, par exemple, l’Assyrien (1:14; 2:11), le dernier roi d’Assyrie (Assur-Edililane selon l’histoire) (3:18); Manassé (1:12); Juda (1:15); Ninive (2:13; 3:5, 6:8, 11). D’autres fois le prophète parle, sans les nommer, de l’Éternel (2:3); de Ninive (1:8; 2:7; 3:1); du roi et du royaume d’Assyrie (1:15; 2:13; 1:13). De cette manière l’attention est continuellement tenue en éveil, quant à l’imminence des jugements.