Matthieu

Chapitre 16

Un signe

(v. 1-14). — Nous trouvons de nouveau Jésus en présence des deux grandes classes des Juifs: les pharisiens et les sadducéens, que l’on peut désigner, les premiers comme des gens religieux, les seconds comme des libres-penseurs; mais ils sont aussi incrédules les uns que les autres quant à la personne de Christ. Cependant leur conscience mal à l’aise et leur incrédulité font qu’ils demandent un signe du ciel. Comme le Seigneur l’avait déjà dit aux scribes et aux pharisiens du chapitre 12, il ne leur donne que le signe de Jonas. Combien est grande l’opposition du cœur de l’homme à Dieu! Lorsque Dieu disait à Achaz de lui demander un signe (Ésaïe 7:10-12), le roi s’y refusa, feignant cette confiance qui ne permet pas à un homme pieux de tenter Dieu; pourtant nous connaissons l’impiété de ce souverain. Cependant Dieu indique le signe (v. 14): ce sera la naissance d’Emmanuel, de Celui qui, alors au milieu de son peuple, donnait, dans toute sa vie, les preuves de ce qu’il était, en grâce et en puissance; mais, chose terrible, ils ne veulent pas voir!

Jésus leur reproche de savoir discerner, par les apparences du ciel, le temps qu’il fera le lendemain, et de ne pas discerner les signes, plus évidents encore, du siècle dans lequel ils vivent. La foi, toujours enseignée de Dieu, pouvait discerner les signes des temps, par la présence du Messie et l’accueil qui lui était fait; mais une génération méchante et adultère ne recevra pas d’autre signe que celui de Jonas, c’est-à-dire la mort et la résurrection de Jésus; ainsi prend fin la présentation du Messie à ce peuple qui l’a méconnu et rejeté, ce qui amènera sur lui les jugements de Dieu. Aussi lisons-nous ces paroles solennelles: «Et les laissant, il s’en alla». Jésus avait déjà dit à ses disciples, au v. 14 du chapitre précédent: «Laissez-les».

Condition terrible que celle des hommes que Dieu laisse à leur sort, après avoir fait tout ce qui est possible pour les sauver et les bénir! Nous sommes dans un temps qui correspond, pour la chrétienté, à celui dans lequel Israël se trouvait quand Jésus était près de quitter ce peuple. Quantité de gens, aussi religieux que les pharisiens, comme les incrédules de toutes nuances, semblables aux sadducéens, seront bientôt laissés par le Seigneur pour être livrés à une énergie d’erreur; ils n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés, en dépit des avertissements solennels qui nous sont donnés (2 Thess. 2:11). À la suite du départ de Christ, rejeté par les Juifs, les jugements de Dieu atteignirent ces derniers; mais dans un avenir prochain, lorsque le Seigneur aura enlevé les croyants de la scène de ce monde, les jugements décrits dans le livre de l’Apocalypse fondront sur ceux qui n’auront pas cru dans le temps de grâce où nous sommes.

Cette venue du Seigneur est bien proche. Ceux qui ont les yeux ouverts par la foi à la parole de Dieu, peuvent discerner les signes des temps, ils attendent incessamment le lever de «l’Étoile du matin» — Christ venant chercher les siens — qui précédera l’apparition du jour «brûlant comme un four» pour ceux qui auront été laissés par le Seigneur.

 

Disciples oublieux

(v. 5-12). — Si les disciples avaient reçu le Seigneur comme le Messie d’Israël, ils étaient encore loin de connaître sa glorieuse personne et de comprendre ses enseignements, comme nous qui, objets continuels de la patiente bonté du Seigneur, avons beaucoup plus de lumières; malgré tout, à cause de sa grâce merveilleuse il a bien voulu leur dire: «Vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations» (Luc 22:28).

Arrivés à l’autre rive — après la multiplication des pains du chapitre 15 — ils constatent qu’ils ont oublié de prendre des pains. Affligé de l’hypocrisie et de l’incrédulité des pharisiens et des sadducéens, Jésus sent combien ses faibles disciples ont besoin d’être mis en garde contre ces gens. Il les prévient en leur disant: «Voyez, et soyez en garde contre le levain des pharisiens et des sadducéens». Les pauvres disciples étaient encore matériels au point de penser que le levain ne pouvait avoir de rapport qu’avec le pain. Préoccupés de leur oubli plus que de la nécessité d’être en garde contre l’influence des doctrines pharisaïques et sadducéennes, le Seigneur leur dit: «Pourquoi raisonnez-vous en vous-mêmes, gens de petite foi...? N’entendez-vous pas encore, et ne vous souvient-il pas des cinq pains des cinq mille hommes, et combien de paniers vous en recueillîtes? ni des sept pains des quatre mille hommes, et combien de corbeilles vous en recueillîtes?» Comment pouvaient-ils avoir la moindre inquiétude, après avoir été témoins de tels actes de puissance et de bonté, et quand ils avaient toujours avec eux celui qui en était l’auteur? Deux choses caractérisaient les disciples: ils n’entendaient pas et ils ne se souvenaient pas. Ils n’avaient pas l’entendement spirituel ouvert aux enseignements du Seigneur qui les mettait en garde contre une chose plus importante que celle de manquer de pain; et, quant à leurs besoins matériels ils oubliaient que la puissance et la bonté du Seigneur n’étaient pas quelque chose de momentané; que ce qu’il avait été pour eux dans une circonstance, il le serait toujours. Ils pouvaient se confier en lui pour tous leurs besoins, afin que leurs cœurs soient tout entiers aux intérêts de leur Maître. En ces disciples, qui nous paraissent si stupides, nous avons notre propre image. Au lieu d’être exercés quant à nos intérêts spirituels et à la gloire du Seigneur, nous sommes en souci pour les choses matérielles, au sujet desquelles nous avons fait mille fois l’expérience de la bonté de Dieu et de ses soins, sachant que lui «sait de quoi nous avons besoin». Nous oublions que notre affaire est de chercher premièrement son royaume et sa justice, et que toutes les autres choses seront données par dessus. Les disciples avaient entendu le Seigneur prononcer ces paroles sur la montagne (chap. 6:24-34), et nous, combien de fois ne les avons-nous pas lues?

Plein de patience et de bonté, le Seigneur leur explique qu’il ne leur parlait pas du levain de pain; ils comprennent qu’il les met en garde contre la doctrine des pharisiens et des sadducéens. Comme nous l’avons vu (chap. 13), le levain représente une doctrine corruptrice. Les disciples, habitués au langage figuré toujours employé en Orient, auraient dû le comprendre. La doctrine des pharisiens est cette hypocrisie qui caractérise la religion de la chair, surtout chez les conducteurs, comme nous l’avons vu au commencement du chapitre précédent. La doctrine des sadducéens, c’est le raisonnement du cœur naturel qui met de côté la parole de Dieu pour chercher à soustraire la conscience aux effets de cette Parole et être plus libre de suivre ses propres désirs, deux maux contre lesquels nous avons à être mis en garde aujourd’hui. Soyons à cœur ouvert devant Dieu; abstenons-nous des formes religieuses par lesquelles on cherche à cacher son vrai état à Dieu et à soi-même et, d’un autre côté, recevons la Parole sans raisonnement, en reconnaissant sa divine autorité sur le cœur et la conscience.

 

Confession de Pierre

(v. 13-20). — Quittant les rives du lac de Génésareth, le Seigneur se dirige vers Césarée de Philippe, tout au nord de la Palestine, et là, il interroge les disciples en ces termes: «Qui disent les hommes que je suis, moi, le fils de l’homme? Et ils dirent: Les uns disent: Jean le Baptiseur; les autres: Élie, et d’autres: Jérémie ou l’un des prophètes». Ici, nous n’avons pas les réponses de l’incrédulité et de la haine des Juifs et de leurs chefs; c’est l’appréciation respectueuse de la foule qui croyait avoir une opinion excellente de la personne de Jésus, puisqu’elle le mettait au rang des prophètes les plus honorés. On avait estimé très haut Jean le Baptiseur; on avait voulu, pour un temps, se réjouir à sa lumière (Jean 5:35; voir aussi Matthieu 21:26). Élie était celui qui doit précéder le Messie, et Jérémie passait auprès des Juifs pour un des prophètes les plus éminents. Même aux yeux des indifférents il était l’un des prophètes. Dans ces opinions diverses, toutes fondées qu’elles puissent paraître, il n’y avait ni foi, ni intelligence spirituelle. Dieu n’avait pas laissé son peuple dans l’incertitude au sujet de son Fils. Au baptême de Jean, le ciel s’était ouvert sur lui et la voix de Dieu le Père s’était fait entendre: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir» (Matthieu 3:17). Non seulement cela, mais toute la vie de Jésus avait prouvé qu’il était Emmanuel, le Christ, le Fils de Dieu.

Aujourd’hui nous trouvons des opinions aussi diverses, et plus diverses encore, sur ce qu’est Jésus, chez ceux qui ne le rejettent pas ouvertement: c’est un homme de bien, un grand réformateur, le fondateur de la religion chrétienne à laquelle on doit la civilisation actuelle; on accorde qu’il a manifesté les caractères moraux de Dieu dans ce monde, et de belles choses encore. Mais si l’on pose à ces gens-là la question: «Jésus est-il le Fils de Dieu?» ils répondent évasivement, si ce n’est négativement. Dieu présente à la foi une personne, car il faut aux hommes un Sauveur et non des opinions sur le Sauveur. «C’est ici le témoignage: que Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est dans son Fils: Celui qui a le Fils a la vie, celui qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie» (1 Jean 5:11, 12).

Aux disciples Jésus dit: «Et vous, qui dites-vous que je suis?» Simon Pierre répondit: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant». Jésus lui dit: «Tu es bienheureux, Simon Barjonas1, car la chair et le sang ne t’ont pas révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux». Pierre était enseigné du Père pour confesser, de cette manière et à ce moment-là, Jésus, le Christ, objet de la promesse, que le peuple incrédule ne voulait pas recevoir; il était le Fils du Dieu vivant, de celui qui possède la vie, vie que ni le péché ni ses conséquences ne peuvent atteindre, qui doit être celle des hommes, s’ils veulent être sauvés, parce que tous, dans leur état naturel, sont dans la mort. Quelle grâce merveilleuse que la manifestation ici-bas du Fils du Dieu vivant, afin que de pauvres pécheurs, comme Pierre et chacun de nous, puissent obtenir une telle vie, participer «de la nature divine» (2 Pierre 1:4). Aussi le Seigneur dit à Pierre: «Et moi aussi, je te dis que tu es Pierre — ou une pierre —; et sur ce roc je bâtirai mon assemblée, et les portes du hadès ne prévaudront pas contre elle». C’est comme si Jésus disait à Pierre: «Tu confesses ce que je suis, et moi aussi je dis ce que tu es par grâce, par la foi en moi, tu es une pierre, de même nature que moi». Pierre écrivait plus tard: «Duquel vous approchant — du Seigneur — comme d’une pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse auprès de Dieu, vous-mêmes aussi, comme des pierres vivantes, êtes édifiés une maison spirituelle, etc.» (1 Pierre 2:4, 5). Cette maison spirituelle, composée de pierres vivantes, est ce que le Seigneur appelle ici son Assemblée qu’il bâtit lui-même, qu’il fonde sur ce qu’il est, Lui, le roc éternel de vie. Et ce Fils du Dieu vivant, sans pourtant jamais perdre son caractère, allait descendre dans la mort où toute la puissance de Satan est venue se briser contre lui. Il a «annulé la mort», Il a rendu «impuissant celui qui avait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable», (Hébreux 2:14). Ressuscité, vainqueur de tout ce qui était contre l’homme en Adam, il a été «déterminé Fils de Dieu, en puissance, selon l’Esprit de sainteté, par la résurrection des morts» (Romains 1:4). En vertu de cette œuvre, sur ce roc qui est Christ lui-même, il bâtit son Assemblée (ou Église), composée de tous ceux qui, par la foi, participent à sa vie.

1 C’est-à-dire fils de Jonas. Le mot hébreu bar, qui se rencontre dans un certain nombre de noms propres de la Parole, signifie fils.

 

L’Assemblée

Les Juifs rejetaient le Christ, preuve que Dieu ne pouvait rien édifier sur l’homme selon la chair; le Fils du Dieu vivant se présente donc comme le fondement sur lequel il bâtira ce qui remplacera Israël et ce qui demeurera éternellement, savoir son Assemblée. Contre elle les portes du hadès, figure de la puissance de Satan, n’auront aucune puissance. En effet, la mort, salaire du péché, a été subie par Christ, et Satan demeure sans force contre ce qui est bâti sur ce roc éternel de vie.

Dans la réponse de Jésus à Pierre, nous voyons: 1° ce que chaque croyant devient, par la foi au Fils de Dieu, une pierre vivante; 2° l’Assemblée, bâtie par Christ, composée de l’ensemble de ces pierres vivantes, dont l’édification a commencé à la Pentecôte et se continuera jusqu’au moment où la dernière pierre sera ajoutée, c’est-à-dire la dernière personne convertie. Dans cette construction, tout répond aux pensées du divin Bâtisseur, parce que tout est le fruit de son travail. Une fois le dernier des élus manifesté, l’Assemblée, composée de tous les croyants ressuscités et transmués, sera ravie au-devant du Seigneur avec tous ceux qui sont morts dans la foi depuis le commencement. Puis cette Église réapparaît dans la gloire décrite en Apocalypse 21:9-27, telle qu’elle sera dans le règne de Christ. Lorsque, après ce règne, les cieux et la terre actuels auront passé, remplacés par un nouveau ciel et une nouvelle terre (Apocalypse 21:1-8), nous y voyons descendre la sainte cité, la nouvelle Jérusalem, l’habitation de Dieu qui est avec les hommes pour l’éternité, cette Assemblée que Christ aura bâtie lui-même.

La plupart de nos lecteurs savent que l’Église est en ruine, à cause de tout le mal qui s’y est introduit dans le cours des siècles; ils peuvent se demander comment cette Église, que Christ bâtit, s’est corrompue, d’après les vérités dont nous venons de parler en rapport avec le verset 18 de notre chapitre.

Il n’est que trop vrai que nous sommes aujourd’hui au sein de l’Église ruinée, à cause de l’infidélité de ceux qui en ont fait et en font partie; mais ce qui est ruiné n’est pas ce que Christ bâtit. La Parole nous enseigne que l’Assemblée sur la terre est envisagée à un autre point de vue encore, celui de la responsabilité de l’homme, considéré, lui aussi, comme bâtisseur, mais qui a toujours failli en ce que Dieu lui a confié. Ainsi la ruine est la conséquence même de notre infidélité. En 1 Corinthiens 3, Paul et Apollos sont considérés comme des collaborateurs de Dieu. Paul était l’ouvrier spécial qui, sur le fondement de cette maison de Dieu, Jésus Christ, a édifié de bons matériaux, et les apôtres aussi. Mais après eux, de leur temps déjà, des ouvriers moins vigilants introduisirent dans l’Assemblée des personnes qui, n’ayant pas la vie de Dieu, n’étaient pas des pierres vivantes, mais qui, baptisées du baptême chrétien, faisaient partie de la maison de Dieu sur la terre. Plus tard, on introduisit des foules sans leur demander de conversion, simplement parce qu’elles acceptaient le christianisme dans ses formes extérieures, et ainsi l’Église prit de l’extension dans ce monde et se corrompit (voir les paraboles de Matthieu 13:44-50). L’Église, sous ce caractère-là, comprend aujourd’hui tous ceux qui n’ont qu’une profession extérieure de christianisme et ceux qui ont véritablement la foi, qui sont des pierres vivantes, et auxquels la parole de Dieu donne des enseignements particuliers pour qu’ils se séparent du mal dans l’Église. Elle est comparée à une grande maison dans laquelle se trouvent des vases à honneur et des vases à déshonneur. Quand le Seigneur viendra, il enlèvera ceux qui ont la vie et laissera pour les jugements ceux qui n’ont eu que la profession chrétienne.

 

Le royaume

Outre l’assemblée, il y avait un autre résultat de la venue de Christ et de sa mort, en rapport avec la terre: c’est le royaume des cieux. Car si Christ possède une assemblée, il possède aussi la royauté sur son peuple terrestre et sur tout l’univers. En attendant sa domination glorieuse et universelle, le royaume s’établit sous une forme particulière. Il est appelé «royaume des cieux», parce que le siège du pouvoir est, et sera, dans le ciel, en contraste avec les royaumes terrestres dont l’autorité réside sur la terre. On entrait dans le royaume en reconnaissant l’autorité du Seigneur, que l’on reconnaissait aussi comme Sauveur. En attendant que Christ vienne établir son règne en puissance, la forme et l’étendue du royaume des cieux sont celles de l’Église responsable dont nous venons de parler. Mais les vrais croyants trouvés au milieu de cet état de choses, au lieu de former le peuple sur lequel Christ régnera à sa venue, seront au contraire, enlevés pour être avec le Seigneur et revenir pour régner avec lui, comme Épouse du roi.

En son absence, le Seigneur confie à Pierre les clefs de ce royaume, disant: «Je te donnerai les clefs du royaume des cieux; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux; et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux» (v. 19). Pierre devait donc ouvrir la porte à tous ceux qui reconnaîtraient l’autorité du Seigneur, Juifs ou Gentils. Il fallait la permission du roi, représentée par Pierre, pour avoir accès dans ce royaume et en faire partie, car on n’y entrait pas par naissance, comme les Juifs, le peuple terrestre de Dieu. Il fallait aussi la foi au Seigneur qui était dans le ciel parce qu’il avait été rejeté.

La première moitié du livre des Actes montre comment Pierre s’est acquitté du service que le Seigneur lui a confié ici. C’est toujours lui qui prend la parole. Il démontre aux Juifs (2:36) que celui qu’ils ont crucifié, Dieu l’a fait Seigneur et Christ. Trois mille personnes environ reçoivent ces paroles et entrent dans le royaume; au chapitre 4, le nombre se monte à environ cinq mille. Au chapitre 8, les gens de Samarie entrent, et, au chapitre 10, les Gentils sont reçus: Corneille et ceux qui sont avec lui. Dans tous les cas, c’est Pierre qui agit, en vertu de l’autorité que le Seigneur lui a donnée pour ouvrir les portes du royaume des cieux et pour l’administrer. Paul a été chargé de révéler tout ce qui concerne l’Église.

Le catholicisme a confondu ce que le Seigneur dit à Pierre au v. 18, avec ce qu’il dit au v. 19. Elle a fait de Pierre le représentant de Christ comme bâtisseur de l’Église et lui donne comme successeurs les papes, tandis que le Seigneur n’enjoint nullement à Pierre de bâtir l’Église, et ne lui annonce aucun héritier dans sa fonction. Le v. 18 se rapporte à l’Église, c’est Christ qui la bâtit lui-même, et si Pierre y a une part, c’est comme une pierre vivante. Le v. 19 se rapporte au royaume des cieux, Pierre en reçoit les clefs pour y introduire tous ceux qui croiraient ce que lui et les autres apôtres annonceraient concernant le Christ, sa mort, sa résurrection et sa glorification, car il a reçu toute autorité dans le ciel et sur la terre (Matthieu 28:18), Dieu l’ayant exalté prince et Sauveur (Actes 5:31).

Après les déclarations faites à Pierre, Jésus s’adresse aux disciples, leur enjoignant de ne dire à personne qu’il était le Christ. C’était inutile de le présenter plus longtemps aux Juifs comme un Messie vivant sur la terre, sans avoir passé par la mort. Seuls ceux qui croient sont introduits dans les bénédictions nouvelles.

 

Jésus annonce sa mort

(v. 21-28). — «Dès lors Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem, et qu’il souffrît beaucoup de la part des anciens et des principaux sacrificateurs et des scribes, et qu’il fût mis à mort, et qu’il fût ressuscité le troisième jour». La haine des principaux du peuple à l’égard de Jésus irait jusque-là, et du côté de Dieu, cette mort était nécessaire pour l’accomplissement de toutes les glorieuses vérités annoncées à Pierre dans les v. 18 et 19. Mais sa foi et son intelligence n’étaient pas à la hauteur de ces révélations; son cœur s’arrêtait à la vérité que Jésus était le Christ, le Messie, et au royaume glorieux qu’il devait établir. Ne pensant qu’à ce côté de la vérité concernant la personne de Jésus, lorsque Pierre entend parler de sa mort, il le prend à part et lui dit: «Seigneur, Dieu t’en préserve, cela ne t’arrivera point!» Pauvre Pierre! sa grande affection pour le Seigneur et le désir de jouir au plus tôt du royaume en gloire, lui font repousser la pensée de sa mort. Mais ses pensées étaient, en cela, en opposition à celles de Dieu. Jésus se retournant lui dit: «Va arrière de moi, Satan, tu m’es en scandale; car tes pensées ne sont pas aux choses de Dieu, mais à celles des hommes». Sans la mort du Seigneur, Pierre aurait été exclu de toutes les bénédictions qui se trouvaient dans les pensées de Dieu. L’homme ne songe qu’à la jouissance de la chair pour laquelle la mort n’est pas nécessaire, au contraire. Quelle distance entre les pensées de Pierre et celles de Jésus! Lui vient dans ce monde en disant: «Je viens... pour faire, ô Dieu, ta volonté», dans laquelle la mort était comprise, base sur laquelle Dieu pouvait accomplir tous ses conseils, tandis que Pierre dit: «Dieu t’en préserve!» Pour être justes, nos pensées doivent suivre celles de Dieu; autrement nous prenons en considération celles de notre cœur qui peuvent être sincères, paraître bonnes, mais s’opposent aux choses de Dieu, puisqu’elles se rapportent à ce qui convient à l’homme.

Jésus montre ensuite à ses disciples que la mort serait non seulement sa part, mais aussi celle de tous ceux qui voudraient participer à la gloire avec lui. Car, pour cela, il faut le suivre ici-bas dans le chemin de son rejet, qui est pratiquement celui de la mort: «Si quelqu’un veut venir après moi», dit-il, «qu’il se renonce soi-même, et qu’il prenne sa croix, et me suive: car quiconque voudra sauver sa vie la perdra; et quiconque perdra sa vie pour l’amour de moi, la trouvera». Deux choses doivent caractériser ceux qui suivent Christ dans ce monde: Se renoncer soi-même, et, prendre sa croix. Et elles ne se réalisent pas si l’on n’a pas la vie de Christ et Christ pour objet de son cœur, et l’espérance de la gloire avec lui. «Se renoncer soi-même», c’est cesser de vivre en vue de soi; l’homme qui ne possède pas Christ pour sa vie, ne peut vivre que pour lui-même; tout ce qu’il fait se rapporte à lui, directement ou indirectement, même ses bonnes œuvres en faveur d’autrui. Pour ne prendre que des exemples les plus saillants, citons les concerts, les représentations théâtrales de bienfaisance; est-ce dans le renoncement à soi-même que ces œuvres s’accomplissent? Elles découlent d’une vie qui a le moi pour objet et non pas Christ. Pierre se disait précisément que si le Christ mourait, lui serait privé de la gloire à laquelle sa chair tenait tant; car il voulait la gloire sans la souffrance. Un seul pouvait être dans la gloire sans souffrir, Jésus, mais il y serait demeuré seul. Dans son amour infini, il a voulu mourir pour nous, afin que nous ayons une part avec lui.

«Prendre sa croix», c’est réaliser la mort tant que l’on est ici-bas. Quand un condamné à la crucifixion allait au supplice, on lui faisait porter sa croix et, en le voyant, on pouvait dire: «Voici un homme qui en a fini avec la vie». Et lui ne pensait plus à jouir des choses d’ici-bas; il en avait fini. Combien il est à désirer que ceux qui observent notre conduite puissent dire que nous en avons fini avec le monde, que nous ne vivons plus pour nous-mêmes! Nous manifesterions ainsi que nous sommes du ciel, les disciples de celui qui a souffert et qui est mort pour nous.

Dieu veuille que mes lecteurs, qui connaissent Jésus comme leur Sauveur, s’exercent, sous l’action de cette divine Parole, à réaliser ses enseignements, à renoncer à une vie qui a pour centre soi-même et pour objet le monde! Ceux qui font ainsi jouiront déjà ici-bas des choses éternelles, tandis que ceux qui veulent épargner leur vie en lui accordant ses convoitises, la perdront pour l’éternité. Jésus ajoute: «Car que profitera-t-il à un homme s’il gagne le monde entier, et qu’il fasse la perte de son âme; ou que donnera un homme en échange de son âme?» Paroles solennelles qui se passent de commentaire. C’est un problème que Dieu place devant chaque personne qui cherche encore les avantages de ce monde et dont il attend la réponse. Dieu veuille en pénétrer tout à nouveau le cœur de tout lecteur qui désirerait le monde ou les choses qui sont dans le monde, ne penserait qu’à la satisfaction de la vie présente et négligerait ce qui se rapporte à son âme pour l’éternité; car chacun a commencé l’éternité en entrant dans ce monde; le temps présent en est une bien courte phase qui passe comme une ombre, mais dans laquelle se décide de quel côté chacun se trouvera définitivement après la vie présente.

Mais nous n’aurons pas toujours à suivre un Christ humilié et rejeté. Fils de l’homme il reviendra dans la gloire de son Père — la gloire du Fils de Dieu — et avec ses anges dans la gloire de son royaume, et alors, il rendra à chacun selon sa conduite pendant son absence. Ceux qui l’auront suivi, dans le renoncement à eux-mêmes et au monde, seront introduits dans sa gloire pour l’éternité, et reviendront avec lui pour régner. Ceux qui auront préféré le monde et ses convoitises auront leur part éternelle loin du bonheur et de sa gloire, comme aussi chacun de ceux qui auront suivi le Seigneur trouveront, dans ce jour-là, les conséquences de leur fidélité (v. 27).

Afin de fortifier la foi de ses disciples qui venaient d’entendre que le Christ, en qui ils avaient cru, allait mourir, et que leur part dans la vie présente serait le renoncement et la mort, Jésus ajoute: «Il y en a quelques-uns de ceux qui sont ici présents, qui ne goûteront point la mort jusqu’à ce qu’ils aient vu le Fils de l’homme venant dans son royaume» (v. 28).