Marc

Chapitre 9

La transfiguration

(v. 1-8). — Après avoir tenu à ses disciples les discours qui précèdent, dans lesquels il leur avait parlé de sa mort et des conséquences qui en découleraient pour eux, Jésus leur annonce que quelques-uns d’entre eux ne goûteraient point la mort qu’ils n’eussent vu le royaume de Dieu venu avec puissance.

Les disciples avaient confessé Jésus comme le Christ; ils avaient raison; mais ils ignoraient le chemin par lequel le Christ devait arriver à la gloire pour que le royaume s’établisse et pour qu’ils y aient une part. Maintenant qu’il les a instruits sur ce point fondamental, Jésus veut fortifier leur foi, ébranlée peut-être quand ils avaient entendu parler de sa mort et de ses souffrances. « Et après six jours, Jésus prend avec lui Pierre et Jacques et Jean, et les mène seuls à l’écart, sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux; et ses vêtements devinrent brillants et d’une extrême blancheur, comme de la neige, tels qu’il n’y a point de foulon sur la terre qui puisse ainsi blanchir » (v. 2, 3). Cette blancheur éclatante pouvait déjà faire comprendre aux disciples la pureté céleste du royaume de Dieu et leur montrer combien tout dans ce royaume surpassait la conception qu’ils en avaient. Elle fait aussi apprécier la valeur du sang de Christ, en vertu duquel tous les croyants paraîtront dans une semblable pureté, leurs robes blanchies dans le sang de l’Agneau (Apocalypse 7:14). Ésaïe avait déjà dit au peuple: « Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige » (Ésaïe 1:18).

Avec Jésus, Moïse et Élie apparurent aussi. Ils parlaient avec lui; Luc nous dit le sujet de leur entretien. En Marc l’Esprit de Dieu nous donne une vision du royaume venu avec puissance. C’est bien ce que Pierre a compris lorsqu’il écrit dans sa seconde épître (chap. 1:16): « Ce n’est pas en suivant des fables ingénieusement imaginées, que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais comme ayant été témoins oculaires de sa majesté ». Au moment où cette scène merveilleuse se passait, Pierre et ses deux compagnons étaient épouvantés et ne savaient que dire; Pierre propose au Seigneur de faire trois tentes, une pour lui, une pour Moïse et une pour Élie. Le pauvre disciple veut recouvrir d’une tente matérielle la gloire céleste, car tout en étant effrayé, il aimait mieux être témoin de la gloire que d’entendre parler de la croix. « Il est bon que nous soyons ici », dit-il. Tels sont nos cœurs; nous oublions facilement la croix, la réalisation de la mort, pour nous arrêter à la gloire, oubliant que sans elle nous n’aurions aucune part à la gloire. Dans cet instant même, Dieu fit voir aux disciples combien ses propres pensées différaient des leurs et combien elles étaient plus élevées. Au lieu d’enfermer ces trois glorieux personnages sous une misérable tente, la nuée, signe de la demeure de Dieu, vient couvrir les trois faibles disciples, hommes semblables à nous. Dieu montrait ainsi qu’il voulait amener l’homme dans sa présence même, en vertu de la mort de son Fils, car sans elle aucun homme n’aurait subsisté dans une telle gloire. Nul n’avait jamais pu y pénétrer. On voit, en Exode 40:34, 35 et 2 Chroniques 5:14, que personne ne put rester dans le tabernacle ni dans le temple lorsque la gloire de l’Éternel en prit possession. De cette nuée, une voix se fit entendre: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ». Dans sa seconde épître, Pierre dit du Seigneur: « Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, lorsqu’une telle voix lui fut adressée par la gloire magnifique » (2 Pierre 1:17). C’est à celui-là, à Jésus humilié, souffrant et marchant à la mort, le Fils bien-aimé de Dieu le Père, que Moïse et Élie firent place, car ils disparurent, afin que, désormais, lui seul fût écouté. Moïse et Élie, comme nous l’avons déjà remarqué en nous occupant de ce sujet en Matthieu, représentaient la loi et les prophètes, qui laissaient la place à Christ, auquel ils avaient rendu témoignage, lui dont l’œuvre pouvait seule amener des pécheurs à Dieu et accomplir ses conseils. C’était lui seul qu’il fallait écouter. « Ayant regardé de tous côtés, ils ne virent plus personne, sinon Jésus seul avec eux ». Précieuse réalité pour les disciples que d’avoir Jésus seul avec eux. Qu’il s’agisse de gloire disparue, de difficultés dans le chemin, de souffrances, Jésus était avec eux, les enseignait, leur faisant comprendre les vérités glorieuses qui remplaçaient le régime de la loi. Quoique dans la gloire, Jésus est le même pour nous; il est avec nous; il nous parle du ciel; dans chacune de nos circonstances pénibles et toujours, nous réalisons sa présence. Si les vides se font autour de nous, nous pouvons expérimenter que tout est vanité ici-bas: Jésus seul ne s’en va pas; il est là; il fait entendre sa voix, il encourage, console, enseigne; en lui se trouvent toutes les ressources dont nous avons besoin jusqu’au moment où nous lui serons semblables dans la gloire.

 

Ressusciter d’entre les morts

(v. 9-13). — Jésus défendit expressément aux disciples de raconter à personne ce qu’ils avaient vu, sinon « lorsque le Fils de l’homme serait ressuscité d’entre les morts ». Ils se demandèrent le sens de cette expression. Jésus leur avait parlé de sa mort, il avait fortifié leur foi quant à sa personne et quant au royaume en gloire, par la vue de la transfiguration. Il fallait donc la résurrection pour que le Christ puisse venir prendre possession de son royaume; au reste il leur avait déjà dit, au chap. 8:31, qu’il ressusciterait après trois jours. Les disciples, comme les Juifs en général, sauf les sadducéens, croyaient à la résurrection au dernier jour; mais ils ne connaissaient pas une résurrection d’entre les morts, qui laissera les autres morts dans le sépulcre, à savoir ceux qui ont expiré sans avoir la vie de Dieu. Ils ne pouvaient la connaître avant que la mort ait été vaincue par le Seigneur. Lui était la résurrection et la vie. Sa mort allait être le triomphe remporté sur la mort, et non le triomphe de la mort, comme Satan et les hommes l’avaient cru un moment. La résurrection de Christ lui-même a rendu manifeste ce triomphe. Il en est de même de plusieurs des saints endormis, dont les tombeaux s’ouvrirent lorsque Jésus rendit l’esprit, et qui ressuscitèrent après le Christ et apparurent à plusieurs (Matthieu 27:52, 53). En vertu de cette victoire, le Seigneur fera valoir sa puissance, en son temps, pour faire participer à cette résurrection d’entre les morts tous ceux qui sont morts dans la foi. Paul, en parlant de la résurrection des saints, dit: « Les prémices, Christ; puis ceux qui sont du Christ, à sa venue » (1 Corinthiens 15:23).

Il y aura donc deux résurrections: celle « d’entre les morts » pour tous les croyants, à la venue de Christ, et celle des méchants qui aura lieu après le règne de mille ans (Jean 5:28, 29; Apocalypse 20:4-6 et 11-15).

Les disciples ne devaient pas parler de ce qu’ils avaient vu sur la montagne avant que Jésus fût ressuscité d’entre les morts. Ils ne pouvaient pas non plus le faire, car ils se trouvaient encore moralement comme l’aveugle du chapitre 8, qui voyait, mais prenait les hommes pour des arbres; ils étaient donc loin de comprendre les pensées de Dieu. Puis il n’y avait pas d’utilité à parler du royaume en gloire avant la mort et la résurrection de Christ. La mort réalisait le jugement de Dieu sur l’état de péché dans lequel se trouvaient Israël et tout homme et la résurrection établissait la base sur laquelle Dieu pouvait accomplir toutes ses promesses.

Après la résurrection de Christ, les disciples eurent l’intelligence ouverte et purent proclamer hautement tous les résultats de la mort du Seigneur. Il leur avait défendu de dire qu’il était le Christ (chap. 8:30), mais une fois la mort accomplie, c’est ce qu’ils prêchèrent avec puissance (voir Actes 2:31-36; 5:42; 18:5 et 28). C’est aussi avec une grande puissance qu’ils rendirent témoignage de la résurrection de Christ (Actes 2:24, 32; 3:15; 4:2, 10, 33; 5:30; 10:40; 13:30, 37; 17:3). Dès lors toutes les pensées de Dieu purent être révélées en rapport avec un Christ ressuscité et glorifié qui va venir du ciel prendre à lui son Église et tous les siens; ensuite il établira en gloire son règne dont il avait montré un échantillon sur la montagne de la transfiguration.

Une difficulté surgit dans l’esprit des disciples quant à la venue d’Élie (v. 12, 13), qui devait précéder l’établissement du royaume (Malachie 4:5, 6). Jésus leur dit qu’il viendra en effet premièrement; les prophètes l’annoncent, ainsi que les souffrances du Fils de l’homme. Mais il ajoute que les Juifs lui avaient fait tout ce qu’ils avaient voulu, ce qui eut lieu avec Jean le Baptiseur, précurseur du Christ, rejeté comme lui, ainsi que nous l’avons vu en étudiant Matthieu 17:9-13.

 

Un esprit immonde difficile à chasser

(v. 14-29). — En descendant de la montagne, Jésus trouve les disciples qu’il avait laissés, entourés d’une grande troupe et disputant avec les scribes. La foule, saisie d’étonnement, sans doute à cause de l’absence de Jésus avec ses trois disciples, accourt et le salue. Pendant que Jésus demandait à ses disciples ce qui se passait, un homme s’approcha de lui et lui dit: « Maître, je t’ai amené mon fils qui a un esprit muet, et, partout où il le saisit, il l’agite violemment; et il écume, et grince des dents, et il devient sec; et j’ai dit à tes disciples de le chasser, et ils n’ont pas pu. Et lui, leur répondant, dit: Ô génération incrédule, jusques à quand serai-je avec vous? jusques à quand vous supporterai-je? Amenez-le-moi ». Aussitôt en présence de Jésus, le mauvais esprit déchira l’enfant qui se roulait à terre en écumant. À la demande de Jésus, le père déclara que l’enfant se trouvait dans cet état depuis son enfance et que souvent le mauvais esprit l’avait jeté dans le feu et dans les eaux pour le faire périr. « Mais si tu peux quelque chose », ajouta le père dans sa douleur, « assiste-nous, étant ému de compassion envers nous ». Deux puissances étaient en présence: celle de Satan qui, dans ce cas, manifestait tout particulièrement son caractère de meurtrier en cherchant à faire périr cet enfant, et celle de Dieu, que l’amour avait amené ici-bas, en la personne de Jésus, afin de délivrer l’homme de la puissance du diable. En réalité, Satan avait souvent cherché à détruire Israël, dont cet enfant était une figure; car comme lui, dès son enfance, dès le commencement de son histoire, il était tombé sous le pouvoir de l’Ennemi qui, malgré tous ses efforts, ne pouvait l’anéantir. Le Seigneur, ému de compassion envers le résidu juif aux prises, dans les derniers jours, avec toute la puissance du diable, interviendra alors pour le délivrer.

Jésus répondit au père: « Le « Si tu peux », c’est: Crois! toutes choses sont possibles à celui qui croit ». Jésus était dans ce monde parce qu’il voulait sauver; du côté de l’homme, il ne s’agissait que de croire, toute la puissance de la grâce de Dieu est à la disposition de la foi. Il en est toujours de même: quelqu’un éprouve-t-il un ardent besoin du salut, que peut-il faire, sinon croire à ce que Christ a fait pour lui à la croix? Le père s’écrie avec larmes: « Je crois, viens en aide à mon incrédulité ». Dans son infinie bonté, Jésus veut non seulement délivrer, mais encore produire la foi qui pourra profiter de lui. Combien c’est propre à encourager celui qui a conscience de son manque de foi et voit pourtant que la délivrance ne se trouve qu’en Dieu. « Jésus, voyant que la foule accourait ensemble, tança l’esprit immonde, lui disant: Esprit muet et sourd, je te commande, moi, sors de lui et n’y rentre plus ». Le démon sortit après avoir crié et avoir violemment déchiré l’enfant qui resta comme mort; mais Jésus le prit par la main et il se leva.

Combien les hommes sont loin de se rendre compte de leur terrible situation sous le joug de Satan! Aujourd’hui, plus que jamais, on se moque du diable; on nie son existence, et en même temps on a recours à lui, on l’interroge au moyen de médiums, on se familiarise avec lui par divers moyens, sans s’en rendre compte peut-être; mais Satan sait bien ce qu’il fait par ce moyen. On se place graduellement sous sa puissance, jusqu’au jour où il ne sera plus possible de s’en affranchir, où l’énergie d’erreur déploiera tous ses effets et où il recevra les hommages des hommes parce qu’il aura donné son pouvoir à leur grand chef, appelé « la Bête » (Apocalypse 13:4). Aveuglés par cette puissance diabolique, « quand ils diront: « Paix et sûreté », ... une subite destruction viendra sur eux... et ils n’échapperont point » (1 Thessaloniciens 5:3). Pour éviter une fin pareille, le salut, « un si grand salut », qu’il ne faut pas négliger (Hébreux 2:3), est offert à la foi; celui qui croit, et qui dit peut-être, comme le père de l’enfant: « Je crois, viens en aide à mon incrédulité », peut l’obtenir à l’instant même.

Entrés dans la maison, les disciples demandèrent à Jésus pourquoi ils n’avaient pu chasser ce démon. Jésus leur répondit: « Cette sorte ne peut sortir en aucune façon, si ce n’est par la prière et par le jeûne ». Les disciples ne pouvaient se servir de la puissance que Jésus leur avait conférée, à moins de jouir d’une communion pratique avec Dieu. C’est ce qui doit avoir lieu pour l’accomplissement de tout service. La prière nous met en relation avec Dieu, source de puissance, d’amour, de grâce, d’intelligence, de patience, de sagesse, de tout ce dont nous avons besoin pour un service quelconque, si petit soit-il. Pour prier, il faut avoir conscience de sa faiblesse, de son incapacité, en un mot, de son néant, et, en même temps, de la certitude que Dieu, et Dieu seul, a toutes les ressources à la disposition de la foi, qu’il veut et peut répondre à tous les besoins qui ont en vue ses intérêts, dans lesquels sont compris aussi les nôtres. Jeûner, spirituellement, c’est s’abstenir de tout ce qui peut exciter la chair de manière à appesantir nos sens spirituels, ce qui empêcherait de discerner la volonté de Dieu, de comprendre le besoin que nous avons de la prière, car la chair, une fois en activité, se fie toujours à elle-même, et se passe de Dieu, puisqu’elle compte sur ses propres ressources. Leçon très importante, quant à la cause de l’impuissance des disciples, leçon fort importante pour nous aussi. Si nous ne la mettons pas à profit, nous nous priverons du bonheur de servir le Seigneur, puisque l’absence de prière et de jeûne empêche de réaliser sa puissance. Une des causes principales qui nous empêchent d’accomplir un travail fructueux pour le Seigneur consiste dans la mondanité qui s’est introduite dans nos habitudes. Elle satisfait la chair; elle la nourrit; elle nous fait oublier le désert, car nous sommes du ciel. Le désert ne peut rien fournir au nouvel homme; mais c’est dans le monde, qui offre au vieil homme tout ce qu’il désire, que nous avons à réaliser ce qu’est le désert; pour cela, il faut la sobriété, si souvent recommandée dans la Parole, le jeûne, qui nous garde de l’influence que peuvent avoir sur notre cœur les choses qui nous entourent et nous empêchent de servir le Seigneur. Si par exemple un de nous s’accordait la jouissance de quelque plaisir mondain, pourrait-il, immédiatement après, aller auprès d’un mourant lui parler de l’amour du Sauveur d’une manière efficace? Sa conscience le condamnerait; la communion avec Dieu serait interrompue; la Parole qu’il essaierait de présenter n’aurait pas de puissance, puisque son cœur n’en jouirait pas. Que le Seigneur accorde à tous ceux qui le connaissent comme Sauveur de réaliser chaque jour la prière et le jeûne, afin que leurs âmes jouissent de sa communion dans laquelle il y a richesse et abondance pour le cœur renouvelé, d’où découlera un service utile et fructueux pour celui qui nous a rachetés, afin que nous soyons un peuple « zélé pour les bonnes œuvres » (Tite 2:11-14).

Si quelqu’un ne possède pas la vie de Christ, il ne peut rien faire pour Dieu; sa vie est inutile au Seigneur; elle ne se dépensera que pour sa propre satisfaction, triste condition qui n’a d’autre perspective que la mort et le jugement. Mais, grâce à Dieu, on peut en sortir en acceptant Jésus pour son Sauveur. Alors, au lieu d’être inutile à Dieu, le croyant devient un serviteur utile (cf. Onésime; Philémon 11), pour marcher dans les bonnes œuvres que Dieu a préparées à l’avance (Éphésiens 2:10).

 

Enseignements divers

(v. 30-51). — En traversant la Galilée, Jésus annonce de nouveau à ses disciples sa mort et sa résurrection le troisième jour: « Le Fils de l’homme est livré entre les mains des hommes, et ils le feront mourir; et ayant été mis à mort, il ressuscitera le troisième jour ». Il voulait détourner leurs pensées de la gloire qui les préoccupait beaucoup, pour les diriger vers sa mort, sans laquelle ils seraient privés de toutes les bénédictions si chères à leurs cœurs d’enfants d’Abraham. Mais, absorbés par la pensée de leur propre gloire, eux ne comprenaient rien aux discours de Jésus. Arrivés à Capernaüm, Jésus, ayant remarqué qu’ils avaient raisonné entre eux, leur demanda le sujet de leur entretien. Ils ne répondirent rien, se sentant repris dans leurs consciences, car ils avaient discuté pour savoir qui serait le plus grand. Combien était déplacée une telle préoccupation au moment où leur Seigneur et Maître venait de les entretenir de ses souffrances et de sa mort! On comprend que les paroles de Jésus leur soient restées obscures, puisque leurs pensées suivaient un courant absolument opposé. Mais lui, débonnaire et divinement patient avec les siens, veut les enseigner; il n’ignore pas, dans sa toute science, de quoi ils ont parlé.

« Lorsqu’il se fut assis, il appela les douze et leur dit: Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous », pensée bien différente de celle des disciples, car l’élévation selon Dieu ne se mesure pas à la manière des hommes: « Ce qui est haut estimé parmi les hommes est une abomination devant Dieu » (Luc 16:15). Ce n’est qu’en prenant une place semblable à celle de Jésus ici-bas que l’on trouvera le chemin de la grandeur selon Dieu. « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs » (Marc 10:45). La gloire véritable consiste à ressembler à Jésus dans son service d’amour, à s’oublier soi-même comme il l’a fait en venant à nous pour nous délivrer de l’état misérable où nous étions tombés.

Ensuite Jésus « ayant pris un petit enfant, ... le plaça au milieu d’eux; et l’ayant pris entre ses bras, il leur dit: Quiconque recevra l’un de tels petits enfants en mon nom, me reçoit; et quiconque me recevra, ce n’est pas moi qu’il reçoit, mais c’est celui qui m’a envoyé » (v. 36, 37). Non seulement il faut être le dernier et le serviteur de tous pour être grand selon Dieu, mais il faut être dans l’esprit qui caractérise le petit enfant: un être sans prétention, simple, crédule, disposé à recevoir le Seigneur. C’est touchant de se représenter le Seigneur attirant à lui un petit enfant pour le prendre dans ses bras; son cœur se sentait libre de lui témoigner tout l’amour qui le remplissait, amour à la disposition de tous, mais méprisé par ceux dont le cœur hautain et incrédule tenait à distance cette grâce venue à leur intention. Le petit enfant acceptait Jésus, c’est ce qui donne de la valeur à quelqu’un, ici-bas et pour l’éternité. Dieu estime celui qui reçoit son Fils, l’objet de ses délices, envoyé pour faire connaître son amour. Au lieu de penser à eux-mêmes, aux avantages qu’ils retireraient de la venue de Christ dans ce monde et dont leur chair pouvait s’accommoder, les pensées des disciples, leurs affections auraient dû se concentrer sur la personne de Jésus en le recevant avec une simplicité enfantine. Si quelqu’un recevait en son nom un petit enfant, un être qui n’avait d’autre importance que de ne pas refuser Jésus, non seulement on le recevrait, lui, mais aussi Dieu qui l’avait envoyé. Quelle pensée élevée, contraire à celles du cœur naturel qui a toujours lui-même pour objet! Les grandes choses de Dieu se manifestent ordinairement dans ce qu’il y a de plus simple aux yeux des hommes, parce qu’elles s’apprécient en rapport avec la personne de Christ. Être pour Christ ou contre lui, cette question se pose à chacun et la réponse que l’on y donne détermine le sort de chacun pour l’éternité.

Jésus venait de parler de recevoir un petit enfant en son nom; alors Jean lui dit: « Maître, nous avons vu quelqu’un qui chassait des démons en ton nom, qui ne nous suit pas; et nous le lui avons défendu, parce qu’il ne nous suit pas » (v. 38). Là encore, les pensées de Jean et des autres disciples se rapportent à eux-mêmes, tout en paraissant chercher la gloire de leur Maître. « Il ne nous suit pas », disent-ils; le nous leur importe plus que le nom du Seigneur. « Jésus leur dit: Ne le lui défendez pas; car il n’y a personne qui fasse un miracle en mon nom, et qui puisse aussitôt mal parler de moi, car celui qui n’est pas contre nous est pour nous » (v. 39, 40). Jésus ne veut pas dire, par ces paroles, qu’il lui est indifférent qu’on le suive ou non; mais que l’acceptation ou le rejet de sa personne, dans ce temps où le grand nombre le rejetait, devait préoccuper les disciples avant tout et avoir de la valeur pour eux. Suivre Jésus dans le chemin que trace sa parole, c’est affaire d’obéissance qui découle de l’attachement à sa personne — chose que Jésus apprécie hautement; mais il faut que ceux qui le suivent le fassent pour cette raison, sans penser qu’il y a du mérite à cela; sinon le cœur s’occupe de lui-même et se rétrécit, tandis que, si l’on s’occupe de Christ, le cœur s’élargit et l’on croît à sa ressemblance. L’étroitesse d’esprit de Jean lui faisait oublier que l’homme qu’ils voulaient empêcher de chasser les démons accomplissait précisément la chose que les disciples n’avaient pu faire, malgré leur position privilégiée à la suite du Seigneur.

L’époque où Jésus vivait, de même que la nôtre, se caractérisait par le rejet de sa personne; si donc quelqu’un n’était pas contre eux, il était pour eux. Remarquez que le Seigneur ne dit pas: « Celui qui n’est pas contre moi est pour moi », mais il dit: « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». Il identifie ses faibles disciples avec lui-même, puisque, après tout, ils étaient avec lui, chose qu’il reconnaît et apprécie, leur disant à un moment donné: « Mais vous, vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations » (Luc 22:28).

Que le Seigneur nous accorde à tous de le suivre dans le chemin de l’obéissance à sa Parole qui est celui de la vérité et de l’amour, animés du même esprit que lui-même, afin d’être gardés de l’étroitesse de l’esprit sectaire, qui attache plus d’importance au nous qu’à la personne du Seigneur!

Tout ce que nous faisons pour le Seigneur a, pour Dieu, une telle importance dans ce monde où il est méprisé, que même une coupe d’eau froide donnée en son nom à ses disciples, parce qu’ils sont à lui, aura sa récompense. En revanche, un petit enfant qui croit en Jésus a une telle valeur pour lui, que si quelqu’un mettait une occasion de chute sur son chemin, Jésus dit qu’il vaudrait mieux pour lui qu’on lui mette une pierre de meule au cou et qu’il soit jeté dans la mer. Chers lecteurs, laissons-nous tous pénétrer de ce fait, si important pour le temps et l’éternité, que tout, dans notre vie, est apprécié par Dieu en rapport avec la personne de Christ rejeté par les hommes, mais glorifié par Dieu!

Au lieu d’être si préoccupés de leur grandeur, les disciples devaient éviter tout ce qui pouvait les empêcher d’entrer dans la vie, ou le royaume de Dieu, car il s’agit avant tout de la vie éternelle et des choses célestes. Or si les occasions de chute, pour les petits, se trouvent placées parfois, par d’autres, sur leur chemin, pour chacun de nous elles existent en nous-mêmes; ce peut être la main, le pied, l’œil, membres indispensables à la vie présente, mais qui, par le péché, nous font broncher ou nous privent du salut. La pensée doit s’attacher si fortement à la question de la vie éternelle qu’il faut traiter impitoyablement tout ce qui nous en détourne. Que la main accomplisse des choses répréhensibles, que le pied nous conduise dans un mauvais chemin, que l’œil attache le cœur au mal par la convoitise, malgré toute la peine que coûte une rupture avec des habitudes prises, il faut y renoncer au prix même d’une douloureuse amputation; car si nous n’avons pas « la vie » en partage pour l’éternité, ce sera « la géhenne, ... le feu inextinguible, là où leur ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas ». Que feront-ils des membres qui les auront perdus, ceux qui seront jetés dans le feu éternel? Que faire de ses mains, de ses pieds, de ses yeux, dans ce lieu, où tous les objets de convoitise auront disparu devant les conséquences terribles réservées à qui aura préféré la satisfaction d’un jour à son bonheur éternel? Nous aimons à croire qu’aucun de nos lecteurs ne se privera du ciel pour quelque jouissance passagère que peut lui offrir un monde trompeur. La question de notre salut éternel est d’une importance si capitale qu’il vaut la peine de renoncer sans hésiter à toute occasion de chute pendant que l’on est en chemin, car une fois arrivé au terme, le sort est fixé pour l’éternité. « Si un arbre tombe, vers le midi ou vers le nord, à l’endroit où l’arbre sera tombé, là il sera » (Ecclésiaste 11:3).

Le jugement est une chose certaine pour tous; Dieu ne peut supporter le mal à toujours: « Chacun sera salé de feu » (v. 49). À ceux qui sont perdus, le jugement éternel échoit en partage. Quant aux croyants, ils ont affaire avec Dieu dans ce monde pour tout ce que Dieu ne peut reconnaître dans leur marche. Dieu commence le jugement par sa maison (1 Pierre 4:17). Le croyant dépend d’un Père qui, « sans acception de personnes, juge selon l’œuvre de chacun » (1 Pierre 1:17). Il doit éviter les occasions de chute pour son propre compte et pour autrui, surtout pour les petits, en veillant à ne pas satisfaire les convoitises de sa chair.

En accord avec le caractère de cet évangile, qui présente le service, il est ajouté: « et tout sacrifice sera salé de sel ». C’est une allusion à Lévitique 2:13: « Et toute offrande de ton offrande de gâteau, tu la saleras de sel, et tu ne laisseras point manquer sur ton offrande de gâteau le sel de l’alliance de ton Dieu; sur toutes tes offrandes tu présenteras du sel ». Nous savons, par Romains 12:1, que le croyant doit offrir à Dieu, en reconnaissance de son grand amour, le sacrifice de son corps, c’est-à-dire lui-même, par un dévouement entier pour le Seigneur, ainsi que Christ l’a fait dans son humanité, ce que représente l’offrande de gâteau dans ce passage du Lévitique. Dans le service pour Christ, qui comprend notre vie tout entière, le sel ne doit pas manquer. Le sel, figure de ce qui empêche la corruption, conserve; c’est cette puissance d’énergie qui garantit nos âmes de tout ce qui gêne nos rapports avec Dieu, et nous empêche d’être détournés de lui, par les choses qui plaisent à la nature, représentées par le miel qui ne devait jamais se trouver dans un sacrifice (Lévitique 2:11). Le croyant est aussi considéré, lui-même, comme le sel de la terre; Jésus dit: « Le sel est bon; mais si le sel devient insipide, avec quoi lui donnerez-vous de la saveur? » (v. 50; voir Matthieu 5:13). Dans toute sa marche le chrétien doit réaliser la séparation d’avec le mal, de sorte que sa présence même au milieu du monde préserve de la corruption, s’il est fidèle. S’il met de côté ce qui le rend capable d’être un témoin du Seigneur, comment acquerra-t-il de la saveur? En Matthieu il est dit d’un tel homme qu’il n’est plus bon à rien qu’à être foulé aux pieds. Avertissement bien solennel!

En terminant, Jésus dit: « Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix entre vous » (v. 51). Les disciples entre eux doivent faire usage du sel, afin d’éviter toute la corruption qui se produirait s’ils toléraient ce qui est charnel, dans le but de se plaire les uns aux autres; cette conduite ne manquerait pas de produire ses fruits, car « celui qui sème pour sa propre chair moissonnera de la chair la corruption » (Galates 6:8). Nous devons poursuivre la paix entre nous, mais pour que la paix soit selon Dieu, il ne faut pas qu’elle se réalise aux dépens de la sainteté. En Hébreux 12:14, nous lisons: « Poursuivez la paix avec tous, et la sainteté, sans laquelle nul ne verra le Seigneur ».

Nous pouvons résumer ce long chapitre, si rempli d’instructions pratiques, en disant qu’après avoir présenté aux disciples le royaume en gloire par la transfiguration, afin de fortifier leur foi, le Seigneur leur montre le chemin qui y conduit, ainsi que les pensées qui doivent les animer dans ce chemin, quant à Christ et quant à eux-mêmes: ils ont à le servir dans la séparation du mal. La gloire viendra ensuite, alors qu’ils ne seront plus préoccupés d’eux-mêmes, comme ils le sont si facilement, ce en quoi nous ne leur ressemblons que trop.