Lamentations

Chapitre 1er

Nous trouvons dans ce chapitre la description de la ruine de Jérusalem, placée sous le jugement de Dieu. Sa profonde misère et sa détresse sont exprimées en termes émouvants, soit que le prophète qui assiste à sa ruine et y sympathise en fasse le tableau, soit que l’expression de sa profonde désolation lui soit prêtée à elle-même. Elle est amenée sous le poids du châtiment à reconnaître que le jugement de ses transgressions est juste.

Ce chapitre se divise en trois parties.

 

Première division — versets 1-11

Le verset 1 décrit l’état lamentable de Jérusalem. Cette ville si peuplée est maintenant solitaire; elle qui jadis avait un tel renom de grandeur parmi les nations est pareille à une femme qui a perdu son mari, son soutien et son défenseur. L’abandon dans lequel elle se trouve parce qu’elle a perdu l’Éternel est décrit d’une manière frappante. Cette ville enfin, à laquelle toutes les nations apportaient leur tribut, leur est maintenant asservie.

Quelle est la cause de cette punition? La voici: Jérusalem s’est alliée aux nations. Au lieu de servir l’Éternel, elle a obéi aux convoitises de son mauvais cœur; elle s’est livrée aux amants qu’elle a choisis, elle est devenue adultère. «Regarde, lui avait dit le prophète, reconnais ce que tu as fait, dromadaire légère, qui vas çà et là, croisant tes chemins. Ânesse sauvage accoutumée au désert, dans le désir de son âme elle hume le vent: dans son ardeur, qui la détournera? Tous ceux qui la cherchent ne se fatigueront point; ils la trouveront en son mois» (Jér. 2:23, 24).

De même Ézéchiel la décrit sous le nom d’Oholiba: «Elle se passionna pour les fils d’Assur, gouverneurs et chefs, ses voisins, vêtus magnifiquement, cavaliers montés sur des chevaux, tous beaux jeunes hommes. Et je vis qu’elle s’était rendue impure» (Ézéch. 23:12). Enfin dans notre chapitre (v. 19), Jérusalem reconnaît elle-même cela: «J’ai appelé mes amants: ils m’ont trompée». Elle s’était livrée aux Assyriens et avait courtisé Babylone, et maintenant tous ses amis étaient devenus ses ennemis. Avertissement solennel aux croyants qui cherchent l’amitié du monde. Dieu tient cette amitié pour inimitié contre Lui et n’oublions pas qu’une grande partie des châtiments qui atteignent aujourd’hui les chrétiens est due à cette cause.

Le résultat de l’infidélité de Jérusalem est que, «de tous ses amants, il n’en est pas un qui la console» (v. 2). Cet isolement absolu est mentionné constamment dans ce chapitre. «Il n’y a personne qui vienne aux fêtes» (v. 4). «Il n’y avait personne» qui lui vienne en aide (v. 7), et surtout: «Il n’y a personne qui la console» (v. 9, 17, 21). L’abandon et la désolation de cette femme adultère ne sont-ils pas justes? À bien plus forte raison le furent-ils après qu’elle eut rejeté son Messie, renié le Christ, crime plus terrible encore que l’assimilation aux nations idolâtres qui l’entouraient. Mais, chose merveilleuse, voici que ce Messie dont elle n’a pas voulu, prend, afin de pouvoir consoler son peuple coupable, la même place que lui dans l’abandon et sous le jugement: «Pourquoi suis-je venu, dit-il, et il n’y a eu personne? Pourquoi ai-je appelé, et il n’y a eu personne qui répondît?» (És. 50:2). «J’ai attendu que quelqu’un eût compassion de moi, mais il n’y a eu personne... et des consolateurs, mais je n’en ai pas trouvé» (Ps. 69:20). «La détresse est proche, car il n’y a personne qui secoure» (Ps. 22:11). «Tout refuge est perdu pour moi; il n’y a personne qui s’enquière de mon âme» (Ps. 142:4). Il faut que Jérusalem apprenne que, s’il n’y a personne pour la consoler ou pour la sauver, Celui qui est venu prendre sa place, abandonné de tous, abandonné de Dieu même à la croix, est seul capable de la consoler et de la sauver. Quand «il n’y avait personne qui le soutînt» (És. 63:5), il a tout seul remporté la victoire sur les ennemis d’Israël, et a pu parler au cœur de Jérusalem en disant: «Consolez, consolez mon peuple» (És. 40:1).

Mais, avant qu’elle ait appris ces choses, il faut que la ville coupable descende dans les profondeurs de l’affliction: Elle se souvient «de toutes les choses désirables qu’elle avait dans les jours d’autrefois» (v. 7). Y a-t-il plus grande souffrance que celle-là? Un poète, qui connaissait les Écritures, a dit: «Nulle douleur plus grande que de se souvenir des temps heureux dans la misère».

La cause de toute cette désolation, c’est que Jérusalem a «grièvement péché» (v. 8). Dieu ne le cache à personne, car c’est lui qui le déclare ici, afin que tous le sachent. Il ne s’adresse pas à Jérusalem; il la donne en exemple au monde entier, car le jugement de Sa maison précède le jugement du monde. Dans tous ces versets, ce qui rend la situation de Jérusalem si tragique, c’est que Dieu ne lui parle pas une seule fois à elle-même. Il parle d’elle, par la bouche de son prophète, la signale au monde comme un objet impur et dégradé, maintenant «prodigieusement descendu» (v. 9), sans lui adresser une seule parole. C’est en apparence le comble du mépris et de l’abandon.

À la fin du verset 9, Jérusalem coupable qui jusque-là était restée muette, pousse un premier cri. Elle a pu prendre connaissance de son histoire passée et sonder sa détresse actuelle dans les paroles du prophète qui exposaient son état, sa faute, sa corruption, sa punition aux yeux de tous, connue de ses persécuteurs eux-mêmes. Maintenant, dans l’amertume de son âme, elle élève la voix: «Regarde, ô Éternel, mon affliction, car l’ennemi s’est élevé avec orgueil». Ce cri qui lui est arraché a pour cause 1° le sentiment de l’abaissement dans lequel son impureté l’a plongée; 2° la constatation que, ni du côté de l’homme, ni du côté de Dieu, personne ne la console; 3° l’orgueil de l’ennemi, orgueil que Dieu, sans doute, ne peut tolérer, mais qu’il laisse peser sur elle de tout son poids comme châtiment. Cette parole: «Regarde, Éternel!» répétée trois fois dans ce chapitre, offre, comme nous le verrons, une gradation. La première fois Jérusalem est sous le poids de l’orgueil intolérable de l’oppresseur. Son appel, au moment où Dieu lui cache sa face, est déjà de la foi, mais n’est pas encore la repentance. Il faudra que la pauvre délaissée fasse encore de nombreuses expériences, pour arriver au jugement complet d’elle-même.

Le verset 10 continue l’exposé de la désolation de Jérusalem, non par sa propre bouche, mais par celle du prophète qui reprend devant elle la description de sa misère afin d’amener un second appel sur ses lèvres. Ce qui est dit ici est plus terrible que toutes les afflictions précédentes: «Elle a vu entrer dans son sanctuaire les nations, au sujet desquelles Dieu avait commandé qu’elles n’entreraient point dans sa congrégation». Non seulement toutes les choses désirables de Jérusalem (v. 7, 10) étaient devenues la proie de l’ennemi, mais le temple, le sanctuaire où Dieu habitait, avait été profané par les nations. Or n’était-ce pas Dieu lui-même qui avait déclaré: «L’Ammonite et le Moabite n’entreront pas dans la congrégation de l’Éternel; même leur dixième génération n’entrera pas dans la congrégation de l’Éternel, à jamais» (Deut. 23:3)? Cet exposé, dépourvu en apparence de tout ménagement de la part du prophète, continue: Le gémissement atteint le peuple tout entier; la famine règne; les choses les plus précieuses sont troquées contre un morceau de pain (v. 11)! Hélas! ces mêmes choses se passent dans notre siècle où les hommes qui gardent comme Jérusalem la forme de la piété, sont descendus au niveau du monde et, se vantant de leurs progrès, se sont crus à l’abri de pareilles calamités.

Alors Jérusalem pousse un second cri: «Regarde, Éternel, et contemple, car je suis devenue vile» (v. 11). Son premier appel suppliait Dieu de considérer l’orgueil de l’ennemi; le second, douleur plus profonde, présente à l’Éternel l’abaissement de Jérusalem, devenue une chose vile, semblable aux nations auxquelles elle s’était assimilée (Nah. 1:14; 3:6), elle, autrefois le plus précieux joyau de l’Éternel. Dans cet appel, il y a, comme nous l’avons dit, toujours de la foi, mais le fond du cœur n’est pas encore atteint. Cependant le fait d’être devenue une chose vile, un objet qu’on repousse du pied, quand elle était autrefois si précieuse à l’Éternel, qu’il avait établi son sanctuaire, sa propre demeure en elle à la face de toutes les nations, ce fait amène Jérusalem à une constatation morale bien autrement profonde de son état que de souffrir sous l’orgueil de l’ennemi qui la foule aux pieds (v. 9). «Regarde», dit-elle encore; et toujours l’Éternel ne répond pas!

 

Seconde division — versets 12-17

Jérusalem, muette jusqu’ici, sauf lors des deux appels dont nous venons de parler (v. 9, 11), prend maintenant la parole. Accablée du silence de l’Éternel, elle s’adresse à ceux qui «passent par le chemin». Sa désolation les laissera-t-elle absolument insensibles? Ne seront-ils pas émus de sa douleur? Ah! combien souvent, de nos jours, devant les maux qu’inflige l’oppresseur, ceux que ces maux n’atteignaient pas ont passé indifférents, sans indignation ou sans verser des larmes! N’est-ce donc rien pour eux tous? Cependant Jérusalem reconnaît elle-même (bien moins sans doute que le prophète aux versets 5 et 8) que c’est «l’Éternel qui l’a affligée au jour de l’ardeur de sa colère» (v. 12). Elle ne voit plus seulement la fureur d’ennemis orgueilleux qui l’ont «avilie», mais l’ardeur de la colère de Dieu contre elle. Combien d’âmes, dans le jour actuel, en restent à cette première constatation: la fureur de l’ennemi; et s’en indignent, sans accepter la calamité comme un jugement de Dieu sur elles!

La confession de la ville coupable continue au v. 13: Le ciel est contre elle, le feu du jugement consume ses os, des pièges sont sous ses pas, elle est obligée de reculer devant le mal. Au v. 14 elle va plus loin et reconnaît, sans s’adresser encore à l’Éternel lui-même, devant tous ceux qui passent par le chemin, que c’est la main du Seigneur qui lie ses transgressions comme un joug sur son cou. C’est pourquoi elle ne peut se relever. C’est Lui qui a abattu ses hommes forts au milieu d’elle; c’est Lui qui a convoqué l’ennemi contre la fleur de sa jeunesse; c’est Lui qui dispose de l’Ennemi comme Il l’entend; c’est Lui qui a foulé au pressoir la vierge de Juda. Ces mots rappellent les Psaumes de Guittith (le pressoir) où le Résidu qui traverse la détresse des derniers jours exhale des plaintes semblables.

Au v. 16, Jérusalem va plus loin: ce ne sont pas seulement, comme au v. 2, ses désolations qui la font pleurer, mais c’est le fait que le seul Consolateur qui pourrait restaurer son âme lui cache sa face (cf. v. 9).

Enfin, au v. 17, elle interrompt sa plainte et le prophète reprend la parole pour résumer en trois mots tout ce qu’il a dit jusqu’ici: 1° Sion étend ses mains, il n’y a personne qui la console (voyez vers. 2, 4, 7, 9, 17). 2° L’Éternel a commandé au sujet de Jacob que ses adversaires l’entourent; 3° Jérusalem est devenue au milieu d’eux une impureté.

 

Troisième division — versets 18-22

Dans cette troisième division, nous voyons le résultat, sur la conscience de Jérusalem coupable, du Résumé que vient de faire le prophète. Elle fait sa confession, d’abord devant Dieu, puis devant tous les peuples, et non plus seulement devant ceux qui «passent par le chemin». Elle s’écrie pour la première fois: «L’Éternel est juste; car je me suis rebellée contre son commandement». Tout n’est pas dit encore, comme nous le verrons, et cependant c’est une grande chose que le coupable se courbe devant la justice de Dieu en jugement. Ensuite Jérusalem se tourne vers les peuples. Qu’a-t-elle à leur dire? «J’ai appelé mes amants: ils m’ont trompée» (v. 19). Elle reconnaît avoir failli en cherchant la faveur d’un monde ennemi de Dieu et ne craint pas de le lui dire. C’est un acte d’accusation contre le monde, puisqu’elle déclare avoir été coupable de rechercher sa faveur.

Après cette double confession, elle s’adresse (v. 20) pour la troisième fois à l’Éternel: «Regarde, Éternel, car je suis dans la détresse», mais elle ajoute: «Je me suis grièvement rebellée». Elle l’a dit à d’autres (v. 18), mais le dit maintenant à Dieu. Elle renouvelle sa plainte, mais c’est aux oreilles de l’Éternel. C’est à Lui qu’elle peut dire: «Il n’y a personne qui me console» (v. 21, comp. v. 2, 9, 17).

S’il n’y a personne, y a-t-il quelque espoir de trouver de la consolation en Dieu? Ce point n’est pas encore éclairci. Jérusalem n’a pas entendu cette parole: «Consolez, consolez mon peuple!» Elle l’entendra à la fin, mais elle n’est pas encore arrivée à trouver le Dieu de grâce dans le Dieu de jugement. «Tous mes ennemis, dit-elle, ont appris mon malheur, ils se sont réjouis de ce que toi tu l’as fait» (v. 21). Ils se glorifient de ce que c’est Dieu lui-même qui a anéanti Jérusalem. Cela dénote l’ignorance la plus absolue de leur propre état. Ne voit-on pas aujourd’hui des nations se vanter de la même manière devant les ruines qu’elles ont causées, disant: Dieu est contre nos ennemis; comme si elles devaient être indemnes et n’auraient pas à subir à leur tour un jugement plus terrible encore. On trouve cette même pensée en Jér. 50:7: «Leurs ennemis disent: Nous ne sommes pas coupables, parce qu’ils ont péché contre l’Éternel, contre la demeure de la justice, contre l’Éternel, l’attente de leurs pères». Les ennemis se disculpent, pensant ne pas être coupables, parce qu’ils sont les instruments du juste jugement de l’Éternel contre son peuple. Ils invoquent son nom contre ceux qu’ils combattent, mais le moment arrivera où les rôles seront renversés. Le Résidu humilié aura appris à dire comme Ézéchias: «Que dirai-je? Il m’a parlé, et Lui l’a fait». Il ne niera ni d’où vient le jugement, ni qu’il l’a mérité, mais il sait qu’un jour se lèvera, appelé de Dieu, où ses ennemis seront comme lui (v. 21) et il demande: «Que toute leur iniquité vienne devant toi, et fais-leur comme tu m’as fait à cause de toutes mes transgressions» (v. 22).

Ainsi Jérusalem a reconnu son entière culpabilité, elle accepte le jugement comme étant mérité, comme un châtiment de la part de Dieu, tout en formulant une demande de vengeance parfaitement légitime dans la bouche des croyants de la fin sous le régime de la loi, mais que les chrétiens, placés sous le régime de la grâce, ne pourraient exprimer, le Seigneur lui-même leur ayant appris à dire: «Père, pardonne-leur».

Dans tout ce premier chapitre, l’Éternel ne parle que par la bouche de son prophète. À la plainte, aux appels, aux supplications de Jérusalem, il ne donne aucune réponse; mais, comme nous venons de le voir, la tribulation n’est pas inutile. Jérusalem a confessé ses transgressions et reconnu la justice de Dieu dans Ses jugements elle a vu qu’Il est le seul auteur du châtiment qui l’atteint. Nous allons maintenant assister à une scène nouvelle.