Luc

Chapitre 23

Jésus devant Pilate

(v. 1-7). — D’un commun accord, les Juifs assemblés dans le sanhédrin se lèvent et conduisent Jésus devant Pilate. Ils ne l’accusent pas de se dire le Fils de Dieu, ce qui aurait laissé ce païen absolument indifférent, mais de faits qui pouvaient avoir de l’influence sur le représentant du pouvoir romain, s’ils avaient pu en fournir la preuve: «Nous avons», disent-ils, «trouvé cet homme pervertissant notre nation et défendant de donner le tribut à César, se disant lui-même être le Christ, un roi» (v. 2). Cette accusation devait agir sur le gouverneur, chargé de veiller à ce que rien ne porte atteinte à l’autorité qu’il représentait. Pervertir la nation, c’était compliquer la tâche de Pilate; défendre de payer le tribut à César et se dire roi, c’était prétendre au pouvoir. Des accusations pareilles ne pouvaient manquer de produire l’effet désiré sur celui qui seul avait le droit de condamner à mort, mais le tout était de les prouver. L’interrogatoire de Pilate, très sommaire dans cet évangile, ne le convainquit pas de l’exactitude des allégations formulées contre Jésus. De toutes, Pilate ne retint que celle concernant la royauté. Il lui dit: «Toi, tu es le roi des Juifs? Et répondant, il lui dit: Tu le dis...» Quoique affirmative, la réponse de Jésus n’engage pas Pilate à le considérer comme un prétendant redoutable à la royauté sur les Juifs; il connaissait bien l’autorité absolue que faisaient peser les Romains sur les nations sujettes. Aussi il dit aux Juifs: «Je ne trouve aucun crime en cet homme». Mais comme ils craignaient de ne pas arriver à leurs fins, ils insistèrent en disant: «Il soulève le peuple, enseignant par toute la Judée, ayant commencé depuis la Galilée jusqu’ici» (v. 4-5). Quand Pilate entend parler de la Galilée, il demande si «l’homme est Galiléen». Pour lui, c’était un homme; en effet il l’était, un homme de douleur, mais l’homme selon les conseils de Dieu. Apprenant que Jésus relevait de la juridiction d’Hérode, sachant que ce roi était à Jérusalem à ce moment-là, Pilate le lui envoya, désireux sans doute de se libérer d’un cas embarrassant.

 

Deux nouveaux amis

(v. 8-12). — Hérode se réjouit fort en voyant Jésus, car il avait souvent entendu parler de lui, mais ne l’avait jamais vu. On voit combien Jésus exerçait son ministère d’amour chez les pauvres du troupeau, sans jamais chercher à paraître. Il était celui dont Ésaïe avait dit: «Il ne criera pas, et il n’élèvera pas sa voix, et il ne la fera pas entendre dans la rue» (Ésaïe 42:2); voir aussi Luc 4:18-19). Si depuis longtemps Hérode désirait voir Jésus, ce n’était pas qu’il ait éprouvé le besoin de sa grâce; il espérait le voir opérer quelque miracle, simple affaire de curiosité à laquelle Jésus ne s’était jamais prêté, et moins encore alors. Hérode l’interrogea longuement; mais Jésus ne lui répondit rien. Malgré les véhémentes accusations des principaux sacrificateurs et des scribes, le tétrarque de la Galilée, pas plus que le gouverneur de Judée, ne le trouva coupable des choses dont on l’accusait. Cependant Hérode et ses troupes traitèrent Jésus avec mépris. Le roi le tourna en dérision et après lui avoir fait endosser un vêtement éclatant, il le renvoya à Pilate.

Dès ce jour-là, Hérode et Pilate, autrefois ennemis, se réconcilièrent. Triste amitié que celle issue d’une communauté de sentiments haineux à l’égard du Fils de Dieu, l’homme parfait, qu’ils avaient eux-mêmes reconnu innocent. Quelle démonstration de l’inimitié naturelle du cœur de l’homme contre Dieu! Elle l’emporte sur le sentiment de justice inné à la conscience et d’après laquelle Hérode et Pilate avaient la responsabilité d’agir.

 

Jésus renvoyé devant Pilate

(v. 13-25). — Pilate rassemble les principaux sacrificateurs, les chefs et le peuple, et leur dit: «Vous m’avez amené cet homme comme détournant le peuple, et voici, l’ayant examiné devant vous, moi je n’ai trouvé aucun crime dans cet homme quant aux choses dont vous l’accusez, ni Hérode non plus, car je vous ai renvoyés à lui; et voici, rien n’a été fait par lui qui soit digne de mort. L’ayant donc châtié, je le relâcherai» (v. 13-16). Voici une déclaration claire et catégorique; elle aurait suffi pour libérer tout autre accusé que Jésus. Mais il fallait que, jusqu’au bout, la haine des Juifs se manifeste d’une manière complète et que, par eux, l’épreuve de l’homme soit pleinement accomplie, afin qu’il puisse être dit: «Ils n’ont pas de prétexte pour leur péché» (Jean 15:22). «Toute la multitude s’écria ensemble, disant: Ôte celui-ci, et relâche-nous Barabbas (qui avait été jeté en prison pour une sédition qui avait eu lieu dans la ville, et pour meurtre)» (v. 18-19). Pilate avait coutume de relâcher un prisonnier à l’occasion de la fête de la Pâque; il crut pouvoir libérer Jésus de cette manière, en même temps qu’il soulagerait sa conscience; mais il rencontra chez ce malheureux peuple une opposition dont il ignorait la cause. Désirant relâcher Jésus, il s’adressa de nouveau à la multitude; mais il n’obtint pour réponse que les cris: «Crucifie, crucifie-le!» Pour la troisième fois il leur dit: «Mais quel mal celui-ci a-t-il fait? Je n’ai rien trouvé en lui qui soit digne de mort; l’ayant donc châtié, je le relâcherai. Mais ils insistaient à grands cris, demandant qu’il fût crucifié. Et leurs cris et ceux des principaux sacrificateurs eurent le dessus» (v. 21-23). Trois fois Pilate intercède pour libérer son royal accusé, mais en vain. Ces trois intercessions font ressortir la volonté arrêtée du peuple, aveuglé par sa haine pour celui dont il n’avait reçu que bienfaits sur bienfaits, et sa culpabilité, ainsi que sa responsabilité de la mort de Jésus son Messie.

Pilate céda devant une puissance plus forte que celle du trône des Césars, puisque le peuple se trouvait sous l’autorité de Satan, et il «prononça que ce qu’ils demandaient fût fait. Et il relâcha celui qui, pour sédition et pour meurtre, avait été jeté en prison, lequel ils demandaient; et il livra Jésus à leur volonté» (v. 24-25). Par Pilate, représentant du pouvoir romain, la responsabilité des Gentils est aussi engagée dans la mort de Christ, comme le dit Pierre en Actes 4:26-27 en citant le Psaume 2. «Les rois de la terre se sont trouvés là, et les chefs se sont réunis ensemble, contre le Seigneur et contre son Christ. Car en effet, dans cette ville, contre ton saint serviteur Jésus que tu as oint, se sont assemblés et Hérode et Ponce Pilate, avec les nations et les peuples d’Israël».

La décision de Pilate nous fait voir que les meilleures dispositions n’ont aucune force en présence de la puissance du mal, si elles ne dépendent pas de Dieu. Pilate avait un sentiment vrai de la justice qu’il devait exercer; mais ne connaissant pas Dieu, plongé dans les ténèbres du paganisme, il restait indifférent au sort d’un Juif, quoiqu’il ne l’ait pas reconnu coupable, dès le moment où cette indifférence pouvait lui procurer quelque avantage en le rendant agréable à un peuple qui supportait difficilement son autorité. À ses yeux, peu importait un homme de plus ou de moins parmi ces gens récalcitrants. Ainsi jugeait l’homme; mais au point de vue de Dieu, les conséquences d’un acte pareil sont incalculables, cet homme étant le Fils de Dieu. Pilate commit une lourde faute en prenant en considération autre chose que la justice pour ordonner la mort de Jésus innocent et libérer un criminel. Mais que dire des Juifs qui, par trois fois, refusèrent de se soumettre à la décision du gouverneur et demandèrent qu’un meurtrier fût relâché plutôt que leur Messie? Ils en ont porté, et en porteront encore les terribles conséquences, jusqu’au moment où ils regarderont vers celui qu’ils ont percé.

 

Jésus conduit au supplice

(v. 26-38). — Au moment où l’on emmenait Jésus, un Cyrénéen, nommé Simon, passait et on lui enjoignit de porter la croix sur laquelle le Seigneur allait être cloué. Pour quel motif en chargea-t-on cet homme? Nous l’ignorons. On a supposé que Jésus était trop faible pour porter lui-même sa croix jusqu’au bout; mieux vaut ne pas faire cette supposition, peu en rapport avec sa dignité. S’il nous avait été utile de le savoir, la Parole nous l’aurait dit. «Une grande multitude du peuple et de femmes qui se frappaient la poitrine et le pleuraient, le suivait» (v. 27). Il y avait, dans la foule, d’autres personnes que celles qui étaient sous l’influence des chefs du peuple, mais elles ne pouvaient faire valoir leur opinion. Voyant Jésus mené au supplice, leur cœur débordait de sympathie pour lui, et elles entrevoyaient les graves conséquences de cette inique condamnation. Jésus se retourne vers elles et leur dit: «Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi; mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants; car voici, des jours viennent, dans lesquels on dira: Bienheureuses les stériles, et les ventres qui n’ont pas enfanté, et les mamelles qui n’ont pas nourri. Alors ils se mettront à dire aux montagnes: Tombez sur nous; et aux coteaux: Couvrez-nous; car s’ils font ces choses au bois vert, que sera-t-il fait au bois sec?» (v. 28-31; voir Osée 10:8). Jésus fait allusion à tout ce que le peuple juif devait endurer comme conséquence de sa mort, depuis ce moment-là, jusqu’à ce qu’il ait reçu, comme dit Ésaïe: «Le double pour tous ses péchés». Jésus était le bois vert, plein de vigueur pour Dieu; le peuple était le bois sec, sans vie et sans fruit pour Dieu. Ce langage figuré rappelle les préparatifs du siège d’une ville: on coupait tous les arbres qui l’entouraient, lors même qu’ils étaient utiles et en pleine vigueur; si donc, on n’épargnait pas les arbres verts, on abattait sans scrupule ceux qui étaient secs. Puisque les Juifs ont, dans leur haine, agi sans pitié, sans miséricorde envers Jésus; s’ils ont retranché de la terre celui qui leur apportait la bénédiction et la vie, que ne fera pas à ce peuple la colère de Dieu lorsque le temps de sa patience sera écoulé? Nous avons déjà mentionné, au chap. 21, ce qu’il endura pendant le siège et à la prise de Jérusalem par les Romains. Combien de mères auraient aimé n’avoir pas eu d’enfants, afin de n’être pas témoins de leurs souffrances! Mais des choses pires encore attendent les Juifs qui rentreront dans leur pays (voir Zacharie 14:1-2), sans parler de toutes les souffrances du résidu croyant.

Dans les avertissements donnés aux foules, on retrouve le cœur du Seigneur toujours le même: il maîtrise ses propres circonstances dans une pleine communion avec son Dieu et Père; il pense aux autres avec le même amour, sentant combien terrible serait le sort de ce peuple, à cause des souffrances injustes qu’il endurait de leur part.

Deux malfaiteurs furent conduits avec Jésus pour être crucifiés. Arrivés au lieu du supplice appelé le Crâne, ils clouèrent Jésus sur la croix qu’ils dressèrent entre les deux brigands et accomplirent ainsi ce qu’avait dit Ésaïe: Il a été mis au rang des transgresseurs (Ésaïe 53:12). Dans ce moment encore, dans toute la douleur de la crucifixion, Jésus intercède pour ses bourreaux, instruments d’un peuple infiniment plus coupable que les soldats romains ignorants. «Père», dit-il, «pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font» (v. 34). C’est en vertu de cette intercession que Dieu fit grâce aux Juifs, comme peuple, jusqu’à la destruction de Jérusalem, quarante ans environ, pendant lesquels les apôtres exercèrent leur ministère, qui amena la conversion de milliers d’entre eux. Mais le refus persistant de recevoir le Christ amena la ruine définitive de la nation.

Les soldats se partagèrent au sort les vêtements de Jésus, exposé sur la croix aux regards du peuple et des gouverneurs qui se raillaient de lui et disaient: «Il a sauvé les autres; qu’il se sauve lui-même, si lui est le Christ, l’élu de Dieu. Et les soldats aussi se moquaient de lui, s’approchant, et lui présentant du vinaigre, et disant: Si toi, tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même» (v. 35-37). Ces, malheureux reconnaissent que Jésus a sauvé les autres. Témoins de son œuvre d’amour qui le leur désignait comme le Messie, le Fils de Dieu, ils n’en ont pas bénéficié, parce que toute sa vie et ses paroles, expression de la grâce, mais aussi de la vérité, les jugeaient, leur montraient qu’ils ne pouvaient entrer dans le royaume tels qu’ils étaient. Ils ignoraient complètement que l’amour, caractère de sa vie tout entière au milieu d’eux, avait, à ce moment-là, sa manifestation la plus grande; car, s’il s’était laissé attacher à la croix, c’était pour sauver les pécheurs, et, s’il s’était sauvé lui-même, personne ne l’aurait été. Dans l’intensité de ses douleurs physiques et morales, Jésus a supporté la «contradiction des pécheurs contre lui-même» (Hébreux 12:3), afin de mener à bonne fin l’œuvre de notre salut éternel.

Sur la croix, on plaça, comme de coutume, une inscription indiquant le motif de la condamnation rédigée en grec, en latin et en hébreu, les trois langues alors courantes en Palestine. On ne parlait plus que peu l’hébreu; en revanche, le grec était très répandu dans tout l’Orient; les commerçants, les gens d’affaires l’employaient toujours. Le latin servait de langue officielle. L’inscription portait ces mots: «Celui-ci est le roi des Juifs» (v. 38). Dieu voulut que cet écriteau rende évident à tous que les Juifs ont placé sur une croix leur roi couronné d’épines, dans la ville même où il aurait dû s’asseoir sur le trône de David. On comprend les douleurs du résidu futur lorsqu’il aura conscience de ce crime, et ses lamentations en voyant celui qu’ils ont percé (voir Zacharie 12:10-14).

 

Conversion d’un brigand

(v. 39-43). — Hérode et Pilate, les chefs du peuple, la foule et les soldats romains avaient, chacun à leur tour, lancé leurs flèches de mépris et de haine dans le cœur de la sainte victime; mais il fallait encore qu’un représentant de la classe des brigands s’unisse à eux tous pour compléter cet accord satanique. Un des malfaiteurs crucifié à côté de Jésus l’injuriait en ces termes: «N’es-tu pas le Christ, toi? Sauve-toi toi-même, et nous aussi» (v. 39). Mais Dieu avait préparé un baume pour son Fils bien-aimé, par la conversion de l’autre malfaiteur qui répondit à son compagnon: «Et tu ne crains pas Dieu, toi, car tu es sous le même jugement? Et pour nous, nous y sommes justement; car nous recevons ce que méritent les choses que nous avons commises: mais celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire» (v. 40-41). Ces paroles révèlent l’œuvre merveilleuse que Dieu opérait dans la conscience de ce pauvre homme, pour le conduire à celui qui avait dit: «Je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi» (Jean 6:37). Il y avait en lui la crainte de Dieu qui faisait défaut à son compagnon. Cette crainte ne produit pas la frayeur, mais le sentiment de ce qui revient à un Dieu juste et saint, outragé et déshonoré par le péché, si l’on accepte le jugement qui en est la conséquence avec l’espoir de la miséricorde. Il reconnaît la parfaite justice de toute la vie de Jésus: «Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire». Le Sauveur ne pouvait être qu’une victime parfaite, «l’agneau sans défaut et sans tache». Le témoignage rendu à Jésus est merveilleux à ce moment où, extérieurement, tout contredisait les gloires de sa personne. Suspendu au bois comme un vulgaire malfaiteur, Jésus subissait la malédiction, les insultes, les injures de tous. Mais le brigand va plus loin dans sa foi au Seigneur. Il lui dit: «Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume» (v. 42). Il reconnaît en Jésus non seulement l’homme parfaitement juste, mais le Seigneur de gloire auquel appartient le royaume et qui doit revenir pour en prendre possession. Quel réconfort pour le cœur du Seigneur, quand il entend ces paroles à l’heure où tous les siens se tiennent éloignés de lui, où l’un le trahit, où l’autre le renie! Quelle foi merveilleuse chez ce pauvre homme, rejeté de la société à cause de ses crimes! La foi voit comme Dieu voit; elle ne s’embarrasse pas des circonstances. Quelle que soit l’apparence sous laquelle Christ lui soit présenté, elle le reconnaît, comme un petit enfant dans la crèche de Bethléhem, comme l’homme de douleur, allant de lieu en lieu faisant du bien, assisté par des femmes galiléennes, ou comme le crucifié du Calvaire; elle n’éprouve aucune indécision. Cette foi du brigand reconnaissait aussi implicitement dans le Seigneur le Sauveur dans lequel il pouvait espérer. Sans cela, comment un malfaiteur aurait-il pu compter avoir part au royaume, pour l’établissement duquel les jugements doivent consumer tous les méchants? La grâce de Dieu avait conduit Jésus à côté du brigand; aussi, sans connaître les résultats de l’œuvre qui allait s’accomplir, le pauvre repentant se confiait pleinement dans le Seigneur pour qu’il agisse à son égard selon son amour, comme il le trouverait bon. Il ne lui dit pas quelle place il devrait lui donner dans le royaume; il ne demande pas, comme le prodigue se l’était proposé, une place de mercenaire; il s’en remet simplement au Seigneur, heureux d’avoir l’assurance qu’il se souviendra de lui lorsqu’il viendra dans son royaume.

Dès que la foi a Christ pour objet, elle saisit toutes les vérités qui en découlent. Le malfaiteur converti croyait à sa propre résurrection, à celle de Christ, à sa glorification, à son retour pour l’établissement du royaume, et, par dessus tout, à sa grâce. En plus, Jésus ajoute à cette foi une vérité non encore révélée, celle d’un bonheur céleste immédiat, avec lui, quant à son âme, non dans le royaume à venir; mais le jour même, dans le paradis: «En vérité, je te dis: Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis» (v. 43). Cette merveilleuse déclaration a dû soutenir ce pauvre malfaiteur, devenu un bienheureux croyant, durant les quelques heures de souffrances qu’il eut encore à endurer avant d’entrer dans cette félicité inespérée. Cette vérité fut développée plus tard par l’apôtre Paul, auquel le Seigneur la révéla. C’est pourquoi il dit en 2 Corinthiens 5:8: «Absents du corps et présents avec le Seigneur», et en Philippiens 1:21 et 23: «Mourir est un gain... Déloger et être avec Christ, cela est de beaucoup meilleur».

Ces déclarations du Seigneur et de Paul, dans les Écritures, suffisent pour rassurer les personnes affligées du départ des leurs et auxquelles on apporte un faux enseignement qui consiste à dire que les croyants délogés ne jouissent d’aucun bonheur, que l’esprit, comme le corps, est inconscient de tout jusqu’au moment de la résurrection. Les passages cités plus haut et la merveilleuse réponse de Jésus au brigand suffisent pour repousser avec indignation de telles suggestions.

 

Mort de Jésus

(v. 44-49). — Luc accentue, plus que Matthieu et Marc, les souffrances du Seigneur en Gethsémané; il montre les terreurs produites sur l’Homme parfait à la vue de la mort, sa dépendance dans cette souffrance, sa soumission à la volonté de son Père pour recevoir de sa main la coupe des douleurs. Après l’avoir reçue, il subit tous les outrages de la part des hommes dans une communion parfaite avec son Père, jusqu’à l’heure terrible où Dieu l’abandonne. En revanche, Luc fait moins ressortir les souffrances de la croix; il ne montre pas, comme les deux premiers évangélistes, la victime expiatoire. Nous lisons simplement: «Or il était environ la sixième heure; et il y eut des ténèbres sur tout le pays jusqu’à la neuvième heure; et le soleil fut obscurci, et le voile du temple se déchira par le milieu. Et Jésus, criant à haute voix, dit: Père! entre tes mains je remets mon esprit. Et ayant dit cela, il expira» (v. 44-46). Il n’est pas question de l’abandon de Dieu qui eut lieu durant les trois heures de ténèbres où se fit l’expiation du péché, mais Luc proclame les résultats de cette œuvre. Il mentionne simplement les ténèbres, puis, comme leur succédant immédiatement, le fait que le voile du temple se déchira. Dieu manifesta, pour ainsi dire, la clarté de sa présence en contraste avec les ténèbres de ce monde, en déchirant le voile qui fermait à l’homme pécheur l’entrée dans sa sainte présence où tout est lumière. L’expiation s’accomplit au sein de ces ténèbres. Le pécheur, nettoyé de ses souillures par la foi en cette œuvre, entre directement dans la présence de Dieu qui est lumière, «ayant une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus, par le chemin nouveau et vivant qu’il nous a consacré à travers le voile, c’est-à-dire sa chair» (Hébreux 10:19-20). Combien est lumineux le côté de Dieu dans cette scène où, chez l’homme, règnent les ténèbres!

Tout étant achevé, Jésus n’avait pas à rester plus longtemps sur la croix. En pleine possession de ses forces, il remit son esprit entre les mains de son Père dont il venait d’accomplir toute la volonté. Sa mort n’eut pas pour cause ses souffrances, mais le fait que l’œuvre était terminée. Dieu pouvait recevoir le pécheur.

Une mort pareille impressionna le centurion qui, témoin de ce qui arrivait, «glorifia Dieu, disant: En vérité, cet homme était juste». Ce païen voyait mourir Jésus tout autrement que les crucifiés, qui n’expiraient qu’après une longue et douloureuse agonie; il dut rendre témoignage à la perfection du Seigneur. On aime à espérer que cette confession fut suivie de la foi qui sauve, et que le centurion se trouve, avec le brigand converti, au nombre de ceux qui sont «présents avec le Seigneur». Chose intéressante à signaler: Dieu a voulu que deux hommes rendent témoignage à la justice de son Fils, pendant qu’il était sur la croix: un malfaiteur et un païen, alors que les Juifs l’avaient mis au rang des criminels.

«Toutes les foules qui s’étaient assemblées à ce spectacle», est-il dit, «ayant vu les choses qui étaient arrivées, s’en retournaient, frappant leurs poitrines» (v. 48). Elles quittaient cette scène avec l’impression angoissante qu’un malheur venait d’arriver; elles pouvaient se souvenir de ce que Jésus leur avait dit en allant au supplice. En se retirant, elles comprenaient, comme quelqu’un l’a dit, qu’on s’était fatalement compromis avec Dieu.

De tous ces spectateurs incrédules, aucun ne revit jamais Jésus depuis le moment où ils quittèrent le Calvaire. Ainsi qu’il l’avait dit aux Juifs: «Vous ne me verrez point jusqu’à ce qu’il arrive que vous disiez: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur» (chap. 13:35). Après sa résurrection, Jésus se manifesta aux disciples seulement.

Une autre classe de personnes composée de «tous ceux de sa connaissance, et des femmes qui l’avaient accompagné depuis la Galilée, se tenaient loin, regardant ces choses» (v. 49). Dans le sentiment de leur faiblesse et sous la terreur que leur inspirait tout ce qui se passait, ces personnes ne se mêlaient pas à la foule endurcie et curieuse. Leur présence à distance et dans la souffrance témoignait de leur sympathie pour Jésus, dans ce moment, appelé, pour le peuple endurci: «Votre heure et le pouvoir des ténèbres». Ce que durent éprouver les cœurs attachés à Jésus dans une conjoncture pareille est chose indescriptible. La mère de Jésus eut son âme transpercée par une épée, ainsi que le lui avait dit Siméon en Luc 2:35. Quelle douleur aussi pour Marthe et Marie, et toutes celles qui vinrent au sépulcre pour embaumer leur Seigneur!

 

Sépulture de Jésus

(v. 50-56). — Dans l’intention des hommes la sépulture de Jésus devait être avec celle des méchants; mais, dit Ésaïe: «Il a été avec le riche dans sa mort, parce qu’il n’avait fait aucune violence, et qu’il n’y avait pas de fraude dans sa bouche» (Ésaïe 53:9). Cette prophétie s’accomplit de la manière suivante: «Et voici, un homme nommé Joseph, qui était conseiller, homme de bien et juste (celui-ci ne s’était pas joint à leur conseil et à leur action), qui était d’Arimathée, ville des Juifs, et qui attendait, lui aussi, le royaume de Dieu…; celui-ci, étant venu à Pilate, lui demanda le corps de Jésus. Et l’ayant descendu, il l’enveloppa d’un linceul, et le mit dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne n’avait jamais été déposé» (v. 50-53). Dieu prit soin que le corps de son Fils bien-aimé n’entre pas en contact avec la souillure occasionnée par la mort d’un pécheur. On le déposa dans un sépulcre où personne n’avait jamais été mis. Jusqu’au bout, même dans la mort, la sainteté de sa personne a été maintenue; en aucune manière il ne devait voir la corruption (Psaume 16:10). Un homme riche avait été mis à part pour ce service. Il n’est pas fait mention de Joseph d’Arimathée jusqu’ici; il arrive au moment voulu pour lequel Dieu l’avait préparé. Ceux que Dieu veut employer, pour un service quelconque, sont formés dans le secret, ne fût-ce que pour l’œuvre d’un jour. Ce qui importe pour servir Dieu, c’est d’être séparé du mal. Si Joseph avait pris part à l’infâme conseil des chefs du peuple, il n’aurait pu jouer ce beau rôle annoncé par la prophétie.

Le jour de la mort du Seigneur était la veille du sabbat, appelé, à cause de cela, la Préparation. On déposa son corps dans le sépulcre au crépuscule. Pour les Juifs, les jours commençaient à six heures du soir. Comme il était défendu de faire quoi que ce soit le jour du sabbat, on préparait la veille le nécessaire. C’était aussi une préparation morale, vu la solennité de la fête. Les femmes qui avaient accompagné Jésus depuis la Galilée et qui restaient sur les lieux, s’approchèrent et virent où l’on avait mis Jésus. Elles allèrent préparer des aromates et les parfums nécessaires pour embaumer le corps de leur Maître, avec l’intention de venir au sépulcre de bonne heure, le premier jour de la semaine. Elles ne pouvaient rien faire de plus ce jour-là et se tinrent en repos selon le commandement (v. 54-56).

Une phase, d’une importance incomparable, de l’histoire du monde et de l’éternité venait de se terminer. Jésus, le Fils de Dieu, Fils de l’homme, venu ici-bas pour accomplir les conseils de Dieu et tout ce que les prophètes avaient annoncé, est mort, rejeté par les hommes, après avoir déployé parmi eux son activité de grâce et de puissance. Le silence du sépulcre a succédé à l’activité de son amour. Après la loi, Dieu avait présenté à l’homme son Fils unique, qui lui apportait non des exigences de Dieu, mais la grâce. Il n’obtint pas plus de succès qu’avec la loi. L’épreuve fut concluante; ils dirent: «Voici l’héritier, tuons-le». Dieu ne pouvait rien faire de plus avec le pécheur. Aussi l’histoire de l’homme en Adam se termine moralement à la croix. Si le fondement de nouvelles relations avec Dieu n’avait pas été posé par la mort du «Fils du Dieu vivant», la race humaine tout entière aurait été balayée par les jugements de Dieu. Mais, selon ses conseils éternels, un monde nouveau va commencer; du sein de la mort, la vie surgira par la résurrection du second Homme, du dernier Adam, l’homme des conseils de Dieu; et sur la scène de mort qui, dès lors, caractérise le monde, «la vie et l’incorruptibilité» vont luire par l’évangile (2 Timothée 1:10), en attendant les nouveaux cieux et une nouvelle terre, peuplée de tous ceux pour lesquels Christ a subi le jugement qu’ils avaient mérité. Dès lors, l’Évangile étant annoncé, Dieu travaille en grâce, pour tirer de ce monde perdu et jugé les pécheurs par lesquels il montrera, dans les siècles à venir, «les immenses richesses de sa grâce, dans sa bonté envers nous dans le Christ Jésus» (Éphésiens 2:7), envers ces hommes que Dieu a «prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, pour qu’il soit premier-né entre plusieurs frères» (Romains 8:29).

Nous voyons commencer cette œuvre nouvelle, merveilleuse, éternelle, l’œuvre de Dieu, après l’œuvre misérable de l’homme, par la résurrection de son Fils d’entre les morts. Elle résulte de ce qu’il a glorifié Dieu. Il a été «ressuscité par la gloire du Père» (Romains 6:4). Par son œuvre à la croix, Jésus a donné à l’homme mort dans ses fautes et ses péchés la possibilité d’être vivifié par la foi en lui. Tous ceux qui ont cru avant de déloger participeront à la résurrection d’entre les morts, dont celle de Christ a été les prémices.