Luc

Chapitre 18

Exhortation à toujours prier

(v. 1-18). — Ces versets se relient à ceux qui précèdent, où nous avons vu le Fils de l’homme venant du ciel pour délivrer les siens et juger les méchants.

Le Seigneur avait donné à ses disciples des enseignements relatifs à ce temps-là; ils ne devront pas se laisser tromper par ceux qui prétendront les renseigner sur la venue du Christ, et tout abandonner plutôt que de perdre leur vie. Sachant par quelles détresses ils passeront, le Seigneur leur enseigne ici à ne pas se lasser de prier durant ces temps effroyables, en attendant la délivrance; cet enseignement s’adresse aussi à chacun, dans quelque temps que ce soit. Pour les assurer que leurs requêtes obtiendront leur exaucement, malgré la durée de leur épreuve, Jésus met en contraste la manière d’agir d’un juge de la terre, un inique, avec celle du Dieu d’amour plein de sollicitude pour les siens.

«Il y avait dans une ville un certain juge qui ne craignait pas Dieu et qui ne respectait pas les hommes; et dans cette ville-là il y avait une veuve, et elle alla vers lui, disant: Venge-moi de mon adversaire. Et il ne le voulut pas pour un temps. Mais après cela, il dit en lui-même: Quoique je ne craigne pas Dieu et que je ne respecte pas les hommes, néanmoins, parce que cette veuve m’ennuie, je lui ferai justice, de peur que, revenant sans cesse, elle ne me rompe la tête» (v. 2-5). Grâce à sa persévérance auprès du juge inique, la veuve obtint ce qu’elle désirait; à plus forte raison, ceux qui s’adressent à Dieu ne sont-ils pas certains d’obtenir une réponse, dans quelques circonstances qu’ils se trouvent? Aussi le Seigneur dit: «Écoutez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne ferait-il point justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et il use de patience avant d’intervenir pour eux? Je vous dis que bientôt il leur fera justice» (v. 6-8). L’enseignement donné ici est important à retenir dans tous les temps et dans toutes les circonstances. Dieu interviendra certainement en faveur du résidu pieux lorsque celui-ci traversera la grande tribulation des derniers jours. Sil ne se hâte pas de répondre, il a ses raisons pour user de patience. Quant au résidu juif, nous savons que son épreuve doit durer le temps nécessaire pour produire dans son cœur la repentance, le purifier et former en lui les caractères moraux qui conviennent au royaume de Dieu, afin qu’il reçoive ensuite le Seigneur. Dieu n’interviendra pas avant que cette œuvre ne soit accomplie; il ne la veut pas à moitié faite. Il aimerait retirer les siens du creuset; il a compassion d’eux tout le temps qu’ils y passent; mais, parfait dans toutes ses voies, il ne peut agir selon son amour aux dépens de sa justice et de sa sainteté; il veut amener ses élus dans un état qui leur permette de jouir en plein de la délivrance et des bénédictions qu’il leur accordera, en les formant à son image. Vouloir obtenir à tout prix la libération au moment où nous la désirons, ce serait aller à fin contraire d’une pleine bénédiction. Ainsi les fidèles qui traverseront la tribulation de ces jours-là peuvent compter sur la délivrance, mais au moment voulu de Dieu pour leur bien; car le «Juge de toute la terre», comme Abraham l’appelle en Genèse 18:25, fera justice tôt ou tard; il faut attendre son moment. Le Seigneur ajoute (v. 8): «Mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre?» Malgré les cris de détresse du résidu juif durant sa longue épreuve, sa foi ne sera pas à la hauteur de la délivrance qu’il obtiendra. C’est ce qu’on voit dans un cas particulier, en Actes 12, lorsque l’assemblée à Jérusalem faisait monter d’instantes prières en faveur de Pierre, emprisonné par Hérode. Dieu exauça les requêtes des siens en envoyant un ange délivrer Pierre. Lorsque celui-ci frappa à la porte de la maison où plusieurs étaient réunis, la servante qui lui ouvrit fut traitée de folle par ceux qui priaient, lorsqu’elle leur dit que Pierre était là. Dieu répond en dépassant de beaucoup la foi qui s’adresse à lui.

Il faut donc toujours prier et ne pas se lasser. C’est la première chose à retenir des enseignements du Seigneur à ses disciples. Puis, s’il n’agit pas quand nous le voudrions, nous devons nous confier en lui, sachant qu’il a de bonnes raisons pour ne pas intervenir, parce qu’il travaille en vue de notre bonheur éternel. Les résultats de son activité seront pleinement manifestés dans la gloire. Paul dit en 2 Corinthiens 4:17: «Car notre légère tribulation d’un moment, opère pour nous, en mesure surabondante, un poids éternel de gloire». Or vouloir être instantanément délivré de l’épreuve, ce serait se priver de ses résultats éternels; ce serait échanger des bénédictions éternelles contre des avantages présents et temporaires.

Incapables de comprendre entièrement pourquoi Dieu permet telle épreuve, souvent si contraire en apparence à notre bien, nous ne savons même pas toujours lui exposer nos besoins, c’est pourquoi «l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables; — et celui qui sonde les cœurs sait quelle est la pensée de l’Esprit, car il intercède pour les saints, selon Dieu». Mais nous savons une chose: «Nous savons que toutes choses travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu» (Romains 8:26-28). Cependant, lorsque nous avons besoin d’un exaucement prompt, Dieu l’accorde, car il sait ce qu’il nous faut. Puis nous avons à vivre près du Seigneur, à être enseignés de lui pour savoir si nous devons insister auprès de lui pour obtenir telle ou telle réponse.

Les temps que nous traversons ont quelque analogie avec ceux du résidu juif futur. Beaucoup de prières s’élèvent à Dieu pour qu’il mette un terme à tant de calamités. Nous pouvons dire aussi qu’il use de patience avant d’intervenir. Pendant ce temps, il accomplit son œuvre dans le monde et chez les siens; il complète et prépare son Église en vue de la retirer. La délivrance finale n’aura pas lieu, comme pour le résidu juif, par l’exécution de ses jugements sur les méchants, mais le Seigneur viendra retirer son Église de devant ces jugements, qui atteindront ensuite ceux qui seront laissés. En attendant, prions sans trêve ni repos et avec l’intelligence que Dieu nous donne des temps actuels, en nous remettant à sa toute-science et à sa toute-sagesse; car il ne se trompe jamais et mène tout à bonne fin pour les siens (voir Psaume 57:2, 3).

 

Le pharisien et le publicain

(v. 9-14). — Dans ces versets, le Seigneur montre combien l’orgueil et la confiance en soi s’opposent à l’esprit de grâce qui fait le grand sujet de ses enseignements. Dans cette parabole, nous voyons deux hommes qui priaient dans le temple, mais de manière fort différente, l’un pharisien, l’autre publicain. L’orgueilleux pharisien présentait à Dieu toute sa propre justice. Se vantant de ce qu’il était, de ce qu’il faisait, il rendait grâce de ce qu’il ne ressemblait pas aux autres hommes, ni au publicain. Jamais un rayon de la lumière divine n’avait éclairé sa conscience; toute sa prière était en abomination à Dieu qui connaît le cœur de l’homme, et ne hait rien tant que l’orgueil, parce qu’il élève la créature déchue à la hauteur de Dieu, quand il ne la place pas au-dessus. L’Esprit de Dieu ne condamne aucun péché en termes plus forts que celui-là. La Parole le mentionne presque toujours en premier lieu, parmi ceux que menacent les jugements. «Je hais l’orgueil et la hauteur, et la voie d’iniquité, et la bouche perverse» (Proverbes 8:13). «L’orgueil va devant la ruine, et l’esprit hautain devant la chute» (Proverbes 16:18). «L’Éternel démolit la maison des orgueilleux» (Proverbes 15:25). «Car il y a un jour de l’Éternel… contre tout ce qui s’exalte et s’élève, et contre tout ce qui est haut, et ils seront abaissés» (Ésaïe 2:12, et voir jusqu’au v. 17). «Les yeux hautains de l’homme seront abaissés, et la hauteur des hommes sera humiliée, et l’Éternel seul sera haut élevé en ce jour-là» (Ésaïe 2:11). Du roi Nebucadnetsar il est dit: «Mais quand son cœur s’éleva et que son esprit s’endurcit jusqu’à l’orgueil, il fut précipité du trône de son royaume, et sa dignité lui fut ôtée» (Daniel 5:20). «Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne la grâce aux humbles» (Jacques 4:6 et 1 Pierre 5:5; voir Proverbes 3:34). On pourrait multiplier ces citations, mais nous remarquerons encore que le dernier chapitre de l’Ancien Testament débute par ces mots: «Car voici, le jour vient, brûlant comme un four; et tous les orgueilleux, et tous ceux qui pratiquent la méchanceté seront du chaume, et le jour qui vient les brûlera, dit l’Éternel des armées, de manière à ne leur laisser ni racine, ni branche» (Malachie 4:1).

Le publicain «se tenant loin, ne voulait même pas lever les yeux vers le ciel, mais se frappait la poitrine, disant: Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur» (v. 13). Cet homme sentait l’effet de la lumière de Dieu qui avait éclairé sa conscience au sujet de son état de péché; il n’osait pas même élever ses yeux vers la demeure du Dieu qu’il avait offensé. Il ne connaissait pas encore la grâce; mais il espérait en la miséricorde de Dieu: «Sois apaisé envers moi, pécheur!» Quel contraste entre ces deux hommes! Combien ce dernier était agréable à Dieu dans son humilité et sa contrition! «Les sacrifices de Dieu sont un esprit brisé. Ô Dieu! tu ne mépriseras pas un cœur brisé et humilié» (Psaume 51:19). C’était l’esprit sans fraude, confessant son péché, dont il est dit: «Bienheureux l’homme à qui l’Éternel ne compte pas l’iniquité, et dans l’esprit duquel il n’y a pas de fraude!» (Psaume 32:2). En Job 33, où nous voyons les divers moyens que Dieu emploie pour amener le pécheur à ce point-là, il est dit: «Il cache l’orgueil à l’homme» (v. 17); il lui montre ce qu’est «la droiture» (v. 23), le jugement de soi-même, afin de pouvoir dire: «Délivre-le pour qu’il ne descende pas dans la fosse: j’ai trouvé une propitiation» (v. 24). Aussi est-il dit du publicain: «Je vous dis que celui-ci descendit en sa maison justifié plutôt que l’autre; car quiconque s’élève, sera abaissé; et celui qui s’abaisse sera élevé» (v. 14). Quiconque prend sa place devant Dieu comme pécheur perdu, Dieu lui-même l’élève à la position qu’il donne au «pécheur qui se repent», tandis que celui qui se complaît dans sa propre justice et s’admire en se comparant aux pécheurs, au lieu de se placer devant Dieu, sera abaissé sous le jugement, loin de sa présence. C’est aussi un principe général qui caractérise le gouvernement de Dieu dans ce monde. Dieu résiste aux orgueilleux et il donne la grâce aux humbles. Lorsque le Pharaon dit: «Qui est l’Éternel pour que j’écoute sa voix?» (Exode 5:2), il prit le chemin des gouffres de la mer Rouge. Quand Nebucadnetsar se fut attribué la gloire de son royaume, il devint comme une bête, mangeant l’herbe des champs. Les deux hommes1 qui arriveront à l’apogée de l’orgueil, l’un ayant pris la place même de Dieu dans son temple, et l’autre s’étant présenté comme le Christ, seront jetés vivants dans l’étang de feu embrasé par le soufre (Apoc. 19:20). Mais celui qui, après s’être anéanti comme Dieu, s’est abaissé lui-même jusqu’à la mort de la croix, a été haut élevé par Dieu qui «lui a donné un nom au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus se ploie tout genou des êtres célestes, terrestres, et infernaux» (Philippiens 2:7-11). Les deux chemins aboutissant à ces deux buts si diamétralement opposés, coexistent dans ce monde encore aujourd’hui. Sur lequel nous trouvons-nous? Le terme est près d’être atteint; il importe de s’en rendre compte!

1 Le chef de l’empire romain futur et l’Antichrist.

Cette parole nous enseigne aussi que le moyen d’être justifié par Dieu, c’est de confesser ses péchés devant lui en reconnaissant le jugement mérité. De même nous y voyons l’esprit caractéristique de ceux qui veulent entrer dans le royaume, l’humilité, et comment on débute dans la voie qui y conduit, voie nouvelle pour le Juif, non en se croyant meilleur que le reste des hommes, mais en prenant sa place comme pécheur devant le Dieu «qui justifie l’impie» (Romains 4:5).

 

«Laissez venir à moi les petits enfants»

(v. 15-17). — On amenait de petits enfants à Jésus afin qu’il les touchât; mais ses disciples reprenaient ceux qui le faisaient. «Jésus, les ayant appelés, dit: Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas; car à de tels est le royaume de Dieu. En vérité, je vous dis: Quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera point» (v. 16-17). Le Seigneur veut que les disciples comprennent à quelle condition on peut entrer dans le royaume de Dieu. S’il s’agit de la question du péché, comme dans le cas du publicain, il faut être humble pour reconnaître sa culpabilité et son indignité, et s’en remettre à Dieu, puis prendre l’attitude d’un petit enfant sans aucune prétention quant à soi-même, et accepter en toute simplicité ce que Dieu dit.

Le Seigneur aimait à présenter les enfants comme exemple de ce que tous doivent être pour entrer dans le royaume de Dieu. Au milieu de ce monde corrompu, constamment en contact avec des hommes méchants dont il connaissait toutes les pensées à son égard, lors même qu’ils pouvaient n’en émettre aucune, sinon des paroles d’hypocrisie, Jésus voyait les petits enfants, ces êtres les moins éloignés de l’état dans lequel il avait créé l’homme, perdus eux-mêmes à cause de leur descendance, mais qui ne repoussaient pas le Sauveur venu ici-bas parce qu’ils étaient perdus. Le mal n’avait pas pris assez de développement chez eux pour s’opposer à Dieu, venu à eux dans la personne de Christ; sa grâce les attirait sans difficulté de leur part, comme elle attirait tous ceux qui avaient conscience de leur état de péché. Le Seigneur lui-même était assez humble, débonnaire, plein de bonté, pour qu’on eût la liberté de lui amener ces petits afin qu’il les touchât. Sans s’en douter, on lui accordait une jouissance qu’il n’éprouvait à aucun degré dans ses rapports avec l’homme prétentieux; chez celui-ci il fallait démolir une propre justice déplorable, pour le conduire au point où nous avons vu le publicain et le rendre semblable à un petit enfant.

Les disciples ne comprenaient pas encore que, dans son état naturel, l’homme, quel qu’il fût, n’avait aucune valeur aux yeux de Dieu. Il y avait encore en lui, pensaient-ils, des choses que le Seigneur prendrait en considération pour l’agréer, tandis qu’on occupait inutilement Jésus avec ces petits êtres qui ne s’étaient encore acquis aucune valeur, au milieu des hommes. Et pourtant, de ceux-là, Dieu tirait sa louange (voir Psaume 8:3), chose capitale à comprendre de nos jours où l’on cherche, plus que jamais, à donner de l’importance à l’homme par l’épanouissement des facultés dont Dieu l’a doué. Tant qu’un homme n’aura acquis de valeur que par l’essor de son intelligence, il n’entrera jamais dans le royaume de Dieu; il devra prendre la place d’un petit enfant et reconnaître, comme le publicain, son indignité absolue.

Le développement des facultés naturelles et la connaissance des sciences dans tout le domaine de la création n’est pas, en soi, une mauvaise chose; mais ce qui devient mauvais, c’est l’usage qu’on en fait si fréquemment, relativement à Dieu et à sa Parole. On s’imagine que, parce qu’on a appris à connaître quelque peu, bien superficiellement encore, les merveilles de tous genres que Dieu a placées dans la nature, on peut s’affranchir de ce que Dieu nous dit par sa Parole; qu’on a le droit d’utiliser les lumières tirées de cette création pour juger le Créateur et la révélation de ses pensées éternelles au sujet de l’homme pécheur; de rejeter par conséquent le salut qu’il leur offre. C’est absolument comme si l’on voulait se servir d’une bougie pour étudier le soleil. Heureusement, parmi les vrais savants, il y en a toujours eu qui ont pris la place de petits enfants devant Dieu et qui ont pu jouir des merveilles de la révélation de Dieu, non à la faveur de leur science, mais à la lumière du Saint Esprit par lequel ils ont été scellés comme enfants de Dieu après avoir cru.

Dieu veuille que tous ceux qui ont des prétentions fondées sur la sagesse humaine pour raisonner sur les choses de Dieu, comprennent que, si elles ont quelque valeur pour la vie présente, elles n’en ont aucune pour entrer dans le royaume de Dieu. Qu’ils acceptent donc de prendre la place d’un petit enfant, en se souvenant des paroles de Jésus: «En vérité, je vous dis: Quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera point».

 

Un homme extrêmement riche

(v. 18-30). — Les péchés grossiers et les prétentions humaines ne sont pas seuls à priver l’homme du salut que le Seigneur lui offre et à l’empêcher de le suivre ici-bas. Le récit suivant nous fait voir que les biens de la terre, possédés par un homme d’une conduite irréprochable, constituent un grand obstacle au salut.

Un chef du peuple interrogea Jésus en lui disant: «Bon maître, que faut-il que j’aie fait pour hériter de la vie éternelle?» Le Seigneur répond en redressant tout d’abord une pensée erronée qu’avait ce chef du peuple à l’égard de l’homme et à l’égard de Jésus, en s’adressant à lui comme à un bon maître. Jésus était véritablement bon; mais il voyait que, dans la pensée de son interlocuteur, rien ne distinguait le Seigneur d’un autre homme, sauf sa bonté. Par conséquent lui, bon aussi, pouvait recevoir de sa part des enseignements utiles quant à la vie éternelle qu’il pensait acquérir par ses propres moyens. C’est pourquoi Jésus lui dit: «Pourquoi m’appelles-tu bon? Nul n’est bon, sinon un seul, Dieu» (v. 19). Si Jésus n’était pas Dieu, s’il n’était qu’un homme, il ne valait pas mieux qu’un autre quant à sa nature. Ce chef ne voyait donc pas Dieu en lui.

Jésus répond ensuite à la question relative à la vie éternelle. Il place son interlocuteur devant la loi: «Tu sais les commandements», lui dit-il (v. 20-21). «J’ai gardé toutes ces choses dès ma jeunesse», répond le chef du peuple, c’est-à-dire qu’il n’avait ni commis adultère, ni tué, ni volé; il n’avait pas dit de faux témoignages; il avait honoré ses parents. Cependant il ne possédait pas la vie éternelle; il le reconnaissait. Puisque l’observation de la loi, telle que Jésus l’a présentée au verset 20, ne la lui assurait, pas, cet homme se trouvait devant celui qui l’apportait, lui, «le chemin, et la vérité, et la vie», la loi n’ayant donné à l’homme que la malédiction. Il s’agissait simplement de l’accepter et de le suivre. Jésus lui répondit: «Une chose te manque encore: vends tout ce que tu as, et distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux; et viens, suis-moi. Et lui, ayant entendu ces choses, devint fort triste; car il était extrêmement riche» (v. 22-23). Tout abandonner et suivre Jésus, c’était tout autre chose que ce qu’il avait cru. Il ne se faisait aucune idée de son état de perdition, ni, par conséquent, des ressources de la grâce de Dieu pour l’homme dans un tel état. Il ne pensait qu’à la terre; il voulait jouir de ses biens et de la vie ici-bas, vie qu’Adam a perdue par le péché; il ne pensait pas que cette terre doit disparaître un jour, et, avec elle, tout ce qu’il possédait. Le Seigneur lui offrait le moyen d’acquérir des richesses meilleures et permanentes, dans le ciel, en le suivant; seul il pouvait le tirer d’un état de choses jugé et le conduire au bonheur éternel. Sa grande fortune l’empêchait de voir au-delà. Jésus n’offrait aucun attrait pour son cœur; il préférait ses richesses à Jésus et à la vie éternelle; il s’en alla tout triste, avec un certain regret, semble-t-il.

Voyant cela, Jésus dit: «Combien difficilement ceux qui ont des biens entreront-ils dans le royaume de Dieu! Car il est plus facile qu’un chameau entre par un trou d’aiguille, qu’un riche n’entre dans le royaume de Dieu. Et ceux qui entendirent cela, dirent: Et qui peut être sauvé? Et il dit: Les choses qui sont impossibles aux hommes, sont possibles à Dieu» (v. 24-27 ) Les biens attachent à la terre; le cœur humain, fait pour jouir de ces choses, y tient par-dessus tout, sans penser que le péché, entré dans ce monde, a complètement changé l’état de l’homme devant Dieu et a rendu périssable tout ce qui se rattache à la première création. C’est pourquoi Dieu, intervenu en faveur du pécheur, lui présente Jésus, seul moyen de communiquer la vie éternelle et les biens qui appartiennent à un monde nouveau. Dès lors, il s’agit de le recevoir et de le suivre, en abandonnant tout ce qui fait partie d’un monde perdu. Ceux qui ne possèdent rien ici-bas peuvent accepter Jésus plus facilement et le suivre; cependant personne ne reçoit Jésus pour sa part présente et éternelle, si Dieu n’agit en lui pour cela. C’est pourquoi il est possible que les riches comme les pauvres soient sauvés, parce que Dieu le peut; voilà pourquoi il a envoyé son propre Fils.

Ceux qui entendirent parler de la difficulté qu’il y a pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu, furent étonnés, parce qu’ils nourrissaient toujours les pensées juives à l’égard des biens de la terre. Ils considéraient ceux qui les possédaient comme favorisés de Dieu et par conséquent plus sûrs d’entrer dans le royaume que ceux qui en étaient privés. C’est pourquoi ils disent: «Et qui peut être sauvé?» Qui le sera si ceux-là ne le sont pas? En effet, si Dieu ne sauvait pas, personne n’obtiendrait le salut. Grâces lui soient rendues! Il le peut et il le veut.

Pierre fait remarquer à Jésus que les disciples avaient tout quitté pour le suivre. Jésus lui répond: «En vérité, je vous dis, qu’il n’y a personne qui ait quitté maison, ou parents, ou frères, ou femme, ou enfants, pour l’amour du royaume de Dieu, qui ne reçoive beaucoup plus en ce temps-ci, et, dans le siècle qui vient, la vie éternelle» (v. 28-30). La foi seule peut faire abandonner tout ce qui est actuel pour suivre Jésus; ce n’est pas une affaire de calcul. Si l’on vient à lui, si l’on quitte tout pour lui, on trouve qu’il n’y a aucune perte, même pour le présent. Dieu tient compte de ce que fait la foi qui seule doit engager dans son chemin; on obtiendra ensuite tout ce que Dieu y a préparé en avançant vers le ciel où l’on trouvera la vie éternelle en gloire.

 

Jésus annonce ses souffrances et sa mort

(v. 31-34). — Depuis le verset 51 du chapitre 9, nous voyons Jésus en chemin pour Jérusalem. Il en est maintenant bien près; il arrive dans le voisinage de Jéricho. Sur la route il prend à part les douze et leur dit: «Voici, nous montons à Jérusalem, et toutes les choses qui sont écrites par les prophètes touchant le Fils de l’homme seront accomplies: car il sera livré aux nations; on se moquera de lui, et on l’injuriera, et on crachera contre lui; et, après qu’ils l’auront fouetté, ils le mettront à mort; et le troisième jour il ressuscitera» (v. 31-33).

Jésus avait longuement parlé aux disciples du régime de la grâce et de ce qu’il fallait pour entrer dans le royaume de Dieu. Mais tous ces enseignements auraient été inutiles sans sa mort. Sans elle, le temps de la grâce ne saurait être introduit; aucun pécheur ne serait justifié; ni pauvre ni riche n’entrerait dans le royaume de Dieu, pas même les petits enfants; par conséquent rien de ce que les prophètes avaient prédit ne s’accomplirait. Il fallait la mort de Christ pour mettre fin judiciairement à l’homme en Adam, à toute son histoire, et à toutes les conséquences du péché. Là aussi la haine de l’homme contre Dieu s’est manifestée à son plus haut degré, pour se rencontrer avec l’amour de Dieu dans la plénitude de son expression, tout cela en un Christ souffrant de la part de Dieu et des hommes. En entendant Jésus parler de ses souffrances, les pauvres disciples ne comprirent rien. Leurs pensées se rattachaient toujours à un Christ vivant sur la terre et à l’apparition immédiate de son royaume. Cependant, si leurs pensées juives à l’égard du Messie les empêchaient de comprendre, ils auraient dû croire ce que Jésus leur disait. Notre manque d’intelligence n’est souvent que la conséquence de l’incrédulité. Au chap. 24 (v. 25-26), Jésus leur reproche leur incrédulité: «Ô gens sans intelligence et lents de cœur à croire toutes les choses que les prophètes ont dites! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu’il entrât dans sa gloire?» Malgré tout, les disciples auraient aussi dû comprendre, puisque leurs prophètes avaient annoncé les souffrances de Christ, ces choses qui allaient être accomplies et dont Jésus les entretenait. Après avoir reçu le Saint Esprit, ils saisirent toutes les prophéties. C’est merveilleux de voir, dans le livre des Actes, avec quelle facilité les apôtres trouvaient, dans l’Ancien Testament, les passages concernant Jésus, son œuvre et ses résultats glorieux.

 

L’aveugle de Jéricho

(v. 35-43). — Comme Jésus arrivait dans le voisinage de Jéricho, un aveugle était assis sur le bord du chemin et mendiait. Triste tableau de l’état dans lequel était tombé Israël et l’Israélite: un descendant d’Abraham, aveugle, mendiait dans le pays jadis ruisselant de lait et de miel, lorsque l’Éternel le donna à son peuple. Mais il y avait au milieu de ce peuple tombé par sa désobéissance, infiniment mieux que toute la fertilité de Canaan et son abondance passée: c’était Jésus le Nazaréen, que la foi discernait comme Fils de David, venu pour accomplir les promesses faites aux pères. En lui se trouvaient les ressources pour tirer le peuple de sa misère. L’aveugle, en entendant passer la foule, demanda ce que c’était; on lui répondit que Jésus le Nazaréen passait. Alors il s’écria: «Jésus, Fils de David, aie pitié de moi!» Mais la foule le reprit pour le faire taire. Cette foule, figure du monde, professant les formes d’une religion, sans aucun besoin, ne peut comprendre celui qui crie à Jésus; elle ne peut aujourd’hui, comme alors, qu’entraver ceux qui cherchent le Seigneur. Conscient de son état, l’aveugle cria d’autant plus fort: «Fils de David! aie pitié de moi». Jésus s’arrêta, ordonna qu’on le lui amenât et lui dit: «Que veux-tu que je te fasse? Et il dit: Seigneur, que je recouvre la vue. Et Jésus lui dit: Recouvre la vue, ta foi t’a guéri. Et à l’instant il recouvra la vue et le suivit, glorifiant Dieu» (v. 40-43). Quoique le peuple, dans son aveuglement inconcevable, rejetât Jésus, la foi individuelle le recevait. L’aveugle devint clairvoyant. C’était le dernier moment pour profiter de la présence du Fils de David; Jésus allait à Jérusalem pour y mourir. Toute la puissance de la grâce est à la disposition de la foi pour guérir et pour sauver. Jésus ne dit pas: «Je te guéris», mais il dit: «Ta foi t’a guéri», parole qu’il a prononcée en maint autre cas. L’aveuglement moral tombe dès que la foi entre en activité, alors, comme de nos jours, où nous sommes arrivés aux extrêmes limites de la patience de Dieu. La porte de la grâce se fermera et Dieu s’occupera de nouveau de son peuple terrestre. C’est pourquoi ceux qui n’ont pas encore profité de ce temps où dure la patience de Dieu, crient à Jésus comme l’aveugle de Jéricho, sans se préoccuper du monde qui ne sait que détourner du Sauveur ceux qui ont besoin de lui.

Tout nous fait voir que le temps de la grâce va prendre fin. Tandis qu’on remanie les nationalités, la question du rétablissement des Juifs dans leur pays est à l’ordre du jour. Nul ne peut nier que la main de Dieu n’agisse providentiellement derrière la scène dans ce but, car quel intérêt les peuples peuvent-ils avoir à favoriser le retour des Juifs en Palestine?

En un clin d’œil l’Église sera enlevée, et alors, pour ceux qui resteront, il n’y aura plus moyen de sortir de l’état terrible dans lequel se trouveront les hommes. Aucune issue pour fuir les jugements! On aura beau faire appel aux montagnes et aux coteaux pour se cacher de devant la colère de l’Agneau; pas un rocher ne bougera; ils assisteront impassibles aux jugements de ceux qui n’ont rien voulu du Sauveur lorsqu’il leur fut présenté.

Comme nous l’avons vu dans notre étude des deux premiers Évangiles, la guérison de l’aveugle de Jéricho termine le service public du Seigneur. L’aveugle faisant appel à Jésus comme Fils de David nous montre que, malgré son rejet qui lui fait prendre le titre du Fils de l’homme, ceux qui individuellement le reconnaissaient comme Fils de David étaient au bénéfice de sa venue. En suivant Jésus ils se trouvèrent à l’abri des jugements qui atteignirent le peuple et firent partie de l’Église qui, pour un temps qui va prendre fin, a remplacé Israël comme témoignage de Dieu sur la terre.