Luc

Chapitre 15

La brebis perdue

(v. 1-7). — Si la grâce est méprisée par les gens religieux, les propres justes, tels que les chefs des Juifs, elle attire les pécheurs. C’est par ce sujet que commence notre chapitre: «Et tous les publicains et les pécheurs s’approchaient de lui pour l’entendre. Et les pharisiens et les scribes murmuraient, disant: Celui-ci reçoit des pécheurs, et mange avec eux» (v. 1-2). Quel contraste entre ces pécheurs, attirés par la grâce que Jésus manifestait, et les hommes religieux! Les uns étaient accessibles à l’amour d’un Dieu qui, connaissant leur misère, s’approchait d’eux pour les sauver; les autres, sans besoins parce qu’ils ignoraient leur propre état devant Dieu, repoussaient la grâce en méprisant le Sauveur qui l’apportait à tous; ils l’accusaient de ressembler à ceux qu’ils appelaient «des pécheurs». Leurs murmures donnent à Jésus l’occasion d’exposer en trois paraboles le travail de la grâce merveilleuse de Dieu qui trouve sa joie à recevoir le pécheur après l’avoir cherché.

La première présente l’activité de la grâce dans la personne de Jésus. Un berger avait cent brebis; mais il en laissa quatre-vingt-dix-neuf au désert pour aller en chercher une qui était perdue, image fidèle de l’homme perdu, sans capacité pour revenir à Dieu; en effet, la brebis ne possède aucune espèce d’instinct qui lui permette, une fois égarée, de revenir elle-même. Au contraire, elle fuit toujours plus si elle aperçoit quelqu’un à sa recherche. Elle ne s’arrête que sous l’effet des circonstances, lorsqu’elle ne peut aller plus loin. Ainsi tout le mouvement, toute l’activité, viennent du berger qui tient à sa brebis; elle a du prix pour lui, il veut l’atteindre et la ramener; il fait les frais de tout pour cela et endure toute la peine que son salut exige. Nul sinon Jésus ne connaît le prix d’une âme et l’incapacité du pécheur pour revenir à Dieu; c’est pourquoi il a fait tout ce qu’il fallait pour chercher l’homme perdu. Son amour est infatigable. Il cherche sa brebis «jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée», est-il dit, «et l’ayant trouvée, il la met sur ses propres épaules, bien joyeux». Le passage ne parle que de la joie du berger; il satisfait son cœur en cherchant sa brebis jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée; son amour suffit à toute la peine qu’il endure dans ses recherches; c’est par excellence «le travail d’amour» qui le caractérise, comme il doit caractériser tout le travail du croyant (1 Thessaloniciens 1:3). Dans sa sollicitude pour sa brebis, le berger ne lui fait pas refaire le chemin qu’elle a parcouru pour se perdre. Heureux de l’avoir recouvrée, il la met sur ses propres épaules et la porte jusqu’à ce qu’il puisse la déposer au bercail. Les soins du Seigneur sont assurés au racheté, jusqu’à ce qu’il arrive dans la maison du Père. Le bon Berger qui a «mis sa vie pour ses brebis» (Jean 10:11) s’occupe d’elles jusqu’au bout.

Lorsqu’il a trouvé sa brebis, le berger ressent une joie si grande qu’il veut que d’autres s’y associent: «Et, étant de retour à la maison, il appelle les amis et les voisins, leur disant: Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé ma brebis perdue» (v. 6). Certes les pharisiens et les scribes, qui murmuraient en voyant Jésus chercher ses brebis, ne prenaient aucune part à sa joie; ceux-là seuls qui comprennent l’amour de Dieu et qui en sont les objets, peuvent y entrer, et cela encore faiblement, car rien ne saurait égaler la joie que Dieu éprouve en voyant un pécheur sauvé du malheur éternel. Jésus dit: «Je vous dis, qu’ainsi il y aura de la joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance» (v. 7). La joie au ciel est celle de Dieu. Il est bon de s’arrêter à ce fait merveilleux; cela détourne les pensées de soi-même et donne une paix profonde. Quand on est nouvellement converti, on a la tendance à s’occuper de sa joie, et partant de ses sentiments; si cette joie varie, la paix varie aussi. Mais si l’on songe que Dieu a trouvé sa joie à faire grâce et qu’au moment où le pécheur accepte le Sauveur, il y a de la joie dans le ciel, cette pensée donne une assurance parfaite. Elle détourne de soi; elle établit l’âme dans la vraie joie qui découle de la connaissance de l’amour de Dieu pour elle, et non de ce qui se passe en elle.

 

La drachme perdue

(v. 8-10). — La parabole de la femme qui cherche une drachme qu’elle a perdue présente encore l’amour de Dieu envers le pécheur perdu. Ici de nouveau, toute l’activité vient de celui qui cherche, car une pièce de monnaie peut encore moins revenir de son égarement qu’une brebis. Cette femme possède dix drachmes, il lui en manque une; elle désire posséder son trésor au complet; elle y tient; elle veut trouver celle qui est perdue. Pour cela, elle allume la lampe, balaie la maison, et cherche jusqu’à ce qu’elle l’ait trouvée. Cette pièce inerte, inconsciente de son état, est aussi une image de l’état de l’homme, mort dans ses fautes et dans ses péchés, tel que Paul le présente (Éphésiens 2:1). Pour trouver l’homme dans cet état, Dieu doit faire tout ce qui est nécessaire par la puissance du Saint Esprit dont la femme représente précisément l’activité. L’homme resterait à jamais dans son état de perdition dont il est inconscient, si le Saint Esprit n’apportait pas la lumière divine pour le lui montrer et ne le cherchait pas dans les balayures de ce monde où il s’est égaré. Quand la femme trouve sa drachme, elle «assemble les amies et les voisines, disant: Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé la drachme que j’avais perdue» (v. 9) Il s’agit toujours de la joie de celui qui cherche, celle de Dieu et celle de ceux qui sont en communion de pensées avec lui quant au salut d’une âme. Jésus dit: «Ainsi, je vous dis, il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent» (v. 10). Les anges ne comprennent pas la grâce dont Dieu use envers le pécheur. Ils désirent «regarder de près» dans le plan de la rédemption (1 Pierre 1:12). Ils ont vu l’homme tomber, s’éloigner de Dieu, le déshonorer, et maintenant ils sont témoins de la joie de Dieu lorsqu’un de ces êtres égarés se repent, tandis que pour eux-mêmes, s’ils tombent, il n’y a pas de salut.

On peut remarquer qu’il n’est pas dit qu’il y a de la joie au ciel pour tous les pécheurs qui seront sauvés, ce qui est vrai, mais pour un seul qui se repent. Cela montre la grandeur de l’amour de Dieu, l’importance d’une âme à ses yeux.

Qu’il est merveilleux cet amour infatigable, qui cherche dans ce monde, avec diligence et persévérance, un pauvre être misérable et même dégradé, tombé parmi ceux que l’on considère comme le rebut de la société, inconscient de son état, sans besoin de revenir à Dieu, jusqu’à ce qu’il l’ait trouvé, peut-être sur un lit de mort! Pour le monde, la conversion d’un homme pareil est chose insignifiante; sa mort serait une délivrance pour la société; mais au ciel, dans la lumière inaccessible, dans le domaine de l’amour, il y a de la joie à son sujet. Il a reconnu son état; il s’est repenti; le Saint Esprit a fait briller devant lui la lumière et l’amour; il est sauvé. Ce misérable, dont la terre va être débarrassée, est propre pour le ciel; il est devenu le sujet de la joie de Dieu, car son amour a obtenu ce qu’il désirait. Que le ciel sera beau, alors que tous les rachetés y seront glorifiés! Le Seigneur jouira «du travail de son âme, et sera satisfait» (Ésaïe 53:11). Dieu, est-il dit, «se réjouira avec joie à ton sujet: il se reposera dans son amour, il s’égayera en toi avec chant de triomphe» (Sophonie 3:17).

Si nous parlons de la recherche d’un homme dégradé, c’est afin de faire ressortir la grâce de Dieu mais il ne faudrait pas penser que la drachme ou la brebis perdue ne représentent que ceux qui sont tombés au plus bas de l’échelle de l’immoralité. Dans ces deux paraboles, de même que dans la suivante, il s’agit de tout homme dans son état naturel. Sans l’énergie divine de l’amour par la puissance du Saint Esprit, nul ne sortirait de cet état.

 

L’enfant prodigue

(v. 11-24). — Dans la parabole de l’enfant prodigue nous voyons l’activité de l’amour du Père envers le pécheur qui a suivi son propre chemin, la manière dont Dieu, révélé comme Père, le reçoit, et sa joie à accueillir le pécheur perdu.

 

Loin de la maison

«Un homme avait deux fils; et le plus jeune d’entre eux dit à son père: Père, donne-moi la part du bien qui me revient. Et il leur partagea son bien. Et peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout ramassé, s’en alla dehors en un pays éloigné; et là il dissipa son bien en vivant dans la débauche» (v. 11-13). Le jeune fils représente les Gentils, l’aîné les Juifs; mais en même temps il est l’image de tout homme dans son état naturel, car ce qui le caractérise dans cet état, c’est qu’il a tourné le dos à Dieu pour jouir loin de lui, dans le pays éloigné qu’est le monde, de tous les biens que Dieu a mis à sa disposition dans la création. Tant qu’il peut en profiter, il se passe de Dieu; il ne pense pas à lui. Cependant, après un temps où le chemin de la propre volonté a paru bien préférable au régime de la maison paternelle, les ressources diminuent et finalement font entièrement défaut: «Après qu’il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays-là; et il commença d’être dans le besoin» (v. 14). Les ressources du monde pour satisfaire le cœur naturel ne sont pas inépuisables. Tout lasse, tout rassasie et peut disparaître en peu de temps. L’homme avait été créé pour rester en relation avec Dieu. Quoiqu’il se soit détourné de Dieu par le péché, il y a dans son âme des besoins que ne satisfont pas les choses présentes. Il peut jouir sans Dieu pendant le temps que s’épuisent ses avantages: jeunesse, santé, facultés, richesses, etc., mais une fois à bout de ces ressources, la famine se fait sentir. Cependant elle ne suffit pas pour ramener l’homme à Dieu. Il commence par chercher ailleurs le secours dont il a besoin: «Et il s’en alla et se joignit à l’un des citoyens de ce pays-là, et celui-ci l’envoya dans ses champs pour paître des pourceaux. Et il désirait de remplir son ventre des gousses que les pourceaux mangeaient; et personne ne lui donnait rien» (v. 15-16). Tant que l’on ne revient pas à Dieu, on ne fait que rendre sa condition plus misérable encore et l’on constate que le monde ne donne rien. Le diable, le citoyen du pays éloigné de Dieu, peut encore nourrir des pourceaux, mais il ne donne rien à l’homme pour soulager sa misère morale; il le laisse dans son triste état. Combien c’est affreux d’être employé dans les champs du diable, alors qu’il n’y a plus que des gousses! Les fruits ont servi à d’autres, et les gousses au troupeau impur. Satan pousse à dépenser ce que Dieu a donné à l’homme; il l’emploie à mal faire, et les conséquences en sont amères, en attendant le jugement; mais il ne donne rien. Que de multitudes ont fait cette expérience! Que de jeunes gens la font encore maintenant! Mais, grâces à Dieu, il est encore possible de revenir à Dieu comme à un Père, à la source d’un bonheur éternel.

 

Le retour

«Et étant revenu à lui-même, il dit: Combien de mercenaires de mon père ont du pain en abondance, et moi je péris ici de faim! Je me lèverai et je m’en irai vers mon père, et je lui dirai: Père, j’ai péché contre le ciel et devant toi; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils; traite-moi comme l’un de tes mercenaires. Et se levant, il vint vers son père» (v. 18-19). Le pauvre homme aurait pu «revenir à lui-même» plus tôt, c’est-à-dire arriver à la conscience de son égarement et comprendre que tout son mal provenait de ce qu’il avait tourné le dos à son père pour faire sa propre volonté. Il aurait ainsi repris beaucoup plus tôt le chemin de la maison et se serait épargné beaucoup de maux. Il n’est pas du tout nécessaire d’aller si avant dans la voie du péché et de la souffrance pour revenir à Dieu. Dieu n’invite-t-il pas, par sa Parole, à la repentance: «Reviens à l’Éternel, ton Dieu, car tu es tombé par ton iniquité»? (Osée 14:1). Au chapitre 4 du livre d’Amos l’Éternel est obligé de dire cinq fois à son peuple: «Et vous n’êtes pas revenus à moi», malgré tous les moyens employés pour le ramener. Revenu à lui-même, il surgit dans le cœur de l’enfant prodigue un faible sentiment de la bonté paternelle et cela suffit pour le mettre en chemin. Il pense que son père sera assez bon, quoiqu’il l’ait offensé par sa conduite, pour l’accepter comme mercenaire; il comprend bien qu’il a perdu tout droit au titre de fils. Mais il ignore absolument ce qu’est l’amour d’un tel Père, amour qui ne compte qu’avec lui-même, qui ne cherche que sa propre satisfaction en rendant heureux celui qui n’aurait dû connaître, pour l’éternité, que l’éloignement qu’il avait choisi. Il ne se rendait également pas compte qu’il ne méritait pas plus le titre de serviteur que celui de fils. Car, par sa conduite envers Dieu, l’homme a perdu droit à tout, sauf à la condamnation éternelle; sans la grâce parfaite de Dieu, il n’aurait rien. Des trois choses que le prodigue se propose de dire à son père, les deux premières sont bonnes et absolument nécessaires chez tout pécheur qui s’approche de Dieu: la confession: «J’ai péché contre le ciel et devant toi», et le sentiment de son indignité: «Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils», sentiment qui doit remplacer la propre justice chez le pécheur. Mais il avait encore à progresser dans la conviction de son indignité, car il pensait avoir au moins la valeur d’un mercenaire. Toutes ses pensées à l’égard de sa nouvelle condition chez son père vont tomber sous l’étreinte de l’amour parfait qu’il rencontrera.

 

La réception

«Et comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et, courant à lui, se jeta à son cou et le couvrit de baisers. Et le fils lui dit: Père, j’ai péché contre le ciel et devant toi; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils» (v. 20-21). Malgré son repentir, et la bonté sur laquelle il comptait, le prodigue pouvait se demander, tout le long du chemin, de quelle manière il serait reçu; il ne connaissait pas encore «l’amour parfait qui chasse la crainte»; il ne se doutait pas que son retour répondait aux pensées paternelles. L’amour avait fait sortir le père de la maison pour regarder au loin dans la direction du chemin pris par le fils égaré. Celui-ci n’a donc pas à disposer son père en sa faveur; il le voit venir à lui, ému de compassion, et c’est couvert de baisers, dans les bras paternels, sous l’étreinte d’un amour inconnu jusqu’alors, qu’il fait sa confession: «Père, j’ai péché contre le ciel et devant toi; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils». Il s’arrête là, sentant très bien qu’il ferait injure à l’amour du père en lui proposant de le considérer comme un mercenaire. Il comprend qu’il n’a qu’à le laisser agir selon son amour qui ne peut être satisfait qu’en traitant, comme il l’entend, le fils repentant. «Mais le père dit à ses esclaves: Apportez dehors la plus belle robe, et l’en revêtez; et mettez un anneau à sa main et des sandales à ses pieds; et amenez le veau gras et tuez-le; et mangeons et faisons bonne chère; car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé» (v. 22-24). La misérable histoire du fils prodigue est passée, ensevelie dans les profondeurs de l’amour du Père. On va lui enlever ses haillons, dernières traces qu’il portait encore de son triste passé. On ne le verra plus que dans la glorieuse position que lui a faite la grâce.

En effet, il ne peut entrer dans la maison avec ses haillons! aucune souillure ne doit pénétrer dans cette demeure que caractérise la sainteté, la lumière, aussi bien que l’amour. C’est au dehors qu’on le revêt.

Dieu comme Père est venu du ciel sur la terre dans la personne de Jésus, afin de rencontrer le pécheur souillé et de le revêtir là de la robe de justice divine, acquise par l’œuvre de la croix, où le péché a été expié et la justice de Dieu satisfaite. Il faut porter cette robe de justice pour entrer au ciel, car là elle ne sera offerte à personne. Les malheureux qui se présenteront au jugement devant Dieu sont vus nus, c’est-à-dire non vêtus de Christ, de la justice divine qu’ils auront refusée sur la terre.

 

Le festin

Revêtu de la plus belle robe, celle de fils, l’anneau au doigt, signe de l’alliance, les sandales aux pieds, ce qu’il faut pour la marche, le fils est introduit dans la maison. Dans une joie sans pareille, on mange le veau gras; tous se réjouissent: «Ils se mirent à faire bonne chère». Ici encore, quoique le fils prenne part à la fête, ce n’est pas de sa joie qu’il est question, mais de celle du père parce qu’il a retrouvé le fils qui «était mort», état représenté par la drachme; «il était perdu», comme la brebis, et il est retrouvé. Le père, qui seul appréciait la perte de son fils, se réjouit dans son amour lorsqu’il revient à lui, tout en communiquant quelque chose de cette joie à toute sa maison: «Ils se mirent à faire bonne chère».

Une scène pareille encourage le pécheur repentant à revenir à Dieu malgré le poids de culpabilité qui peut peser sur lui. Il n’a pas à redouter un accueil sévère, ni des reproches, qui seraient pourtant justifiés. Non. Dieu le renseigne par cette parabole, écrite entre autres déclarations des Écritures, pour lui faire connaître les dispositions du cœur divin envers lui, lui montrer que Dieu ne considère que l’amour pour recevoir le pécheur, si celui-ci revient à lui en reconnaissant sa culpabilité et son indignité.

Il n’est pas superflu de rappeler que, si Dieu peut recevoir le pécheur de cette manière, sans le condamner, c’est en vertu de l’œuvre de Christ à la croix; c’est parce que le Sauveur a porté le jugement que méritait le pécheur repentant; c’est parce que la justice et la sainteté de Dieu ont été maintenues et satisfaites et la question du péché réglée selon toutes les exigences du Dieu que nous avions offensé. L’œuvre de Christ à la croix a seule rendu possible la révélation de Dieu comme Père, car si, dans sa vie ici-bas, Jésus a révélé le Père, par sa mort seulement il a pu introduire le croyant dans cette relation avec Dieu comme tel. Aussi quelle reconnaissance et quelles louanges éternelles nous devons à l’Agneau de Dieu, immolé pour permettre à l’amour du Père de parvenir jusqu’à nous! En attendant la gloire où nous lui adresserons une louange parfaite, nous lui devons notre vie tout entière ici-bas.

Les trois paraboles de ce chapitre nous montrent donc l’activité de la Trinité tout entière: celle du Fils, comme le berger qui cherche sa brebis; celle du Saint Esprit qui fait briller la lumière de la Parole dans ce monde pour trouver le pécheur mort dans ses fautes et ses péchés; et l’amour du Père, la réception que fait cet amour au plus coupable des pécheurs repentants. Dans les trois cas, la joie appartient à celui qui trouve l’objet de la grâce.

 

Le fils aîné

(v. 25-32). — Quelqu’un restait en dehors de la scène merveilleuse dont l’amour du Père seul faisait les frais: le fils aîné, l’honnête homme qui s’indignait, avec raison, de la conduite de son frère, mais sans aucune communion avec les pensées de grâce et d’amour du père. «Or son fils aîné était aux champs; et comme il revenait et qu’il approchait de la maison, il entendit la mélodie et les danses; et, ayant appelé l’un des serviteurs, il demanda ce que c’était. Et il lui dit: Ton frère est venu, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré sain et sauf. Et il se mit en colère et ne voulait pas entrer» (v. 25-28). .

Ce fils aîné nous présente les Juifs, tout particulièrement la classe que nous trouvons au verset 2, ceux qui murmurent en voyant Jésus recevoir les pécheurs venus à lui pour l’entendre. Satisfaits d’eux-mêmes, de leur bonne conduite, de leurs pratiques religieuses, gens à propre justice, ils ne comprennent pas la grâce qui pardonne à ceux qu’ils appellent «les pécheurs», et encore moins la joie que Dieu éprouve à les recevoir. Toujours ils s’opposèrent à Jésus et le haïrent, parce qu’il était l’expression de la grâce de Dieu.

Aujourd’hui, dans la chrétienté, le nombre est grand de leurs pareils. Depuis les «honnêtes gens» jusqu’aux plus dépravés, on en trouve qui prétendent n’être pas assez coupables, ni assez mauvais pour avoir besoin d’un Sauveur. Une honnête femme, après avoir lu le récit de la conversion d’un criminel, dit: «Si c’est pour être avec de telles gens qu’il faut aller au ciel, il n’en vaut pas la peine». Que ferait au ciel celui qui y entrerait sans être un objet de la grâce de Dieu? Il ne pourrait que se féliciter lui-même, pendant que ceux qui sont les objets de l’amour de Dieu le loueraient et lui rendraient grâce.

Cependant la grâce appartient aussi aux gens de la classe du fils aîné. Tous sont invités à entrer: «Et son père étant sorti, le pria». C’est ce que Dieu fit pour les Juifs par la prédication des apôtres après la mort de Jésus, comme nous le voyons dans le livre des Actes. Ils s’adressaient toujours aux Juifs premièrement; mais ceux-ci refusèrent leur message, n’acceptant pas d’être placés sur le même pied que les Gentils pour recevoir la même grâce qu’eux. En présence de leur refus, Paul et Barnabas leur dirent: «C’était à vous premièrement qu’il fallait annoncer la parole de Dieu; mais puisque vous la rejetez, et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les nations» (Actes 13:46).

Hélas! en vain aussi le père pria le fils de participer au festin de son amour. Celui-ci lui répondit: «Voici tant d’années que je te sers, et jamais je n’ai transgressé ton commandement; et tu ne m’as jamais donné un chevreau pour faire bonne chère avec mes amis; mais quand celui-ci, ton fils, qui a mangé ton bien avec des prostituées, est venu, tu as tué pour lui le veau gras» (v. 29-30).

Une mentalité pareille n’accorde aucune place à la grâce; au contraire, le fils aîné trouve en défaut son père: il ne l’a jamais récompensé, tandis qu’il tue le veau gras pour le prodigue. Sur le terrain de la propre justice, impossible de se comprendre. Il manquait au frère aîné, comme à tous ceux qui appartiennent à cette classe, d’accepter la grâce et la vérité venues par Jésus Christ, la vérité pour apprendre à connaître son état dans la présence de la lumière et de la sainteté de Dieu, et la grâce qui pardonne à celui qui reconnaît son état devant Dieu.

Si le père n’avait pas donné de chevreau à son fils pour faire bonne chère avec ses amis, c’était parce que, comme Juif, il jouissait de tous les biens que Dieu avait donnés à son peuple terrestre. Il n’avait qu’à se servir; mais, sous le régime de la loi, on ne reçoit que ce qu’elle accorde à celui qui l’observe, et rien de plus. Le père lui répond: «Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi; mais il fallait faire bonne chère et se réjouir; car celui-ci, ton frère, était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé» (v. 31-32). Le père ne met pas ici en question la fidélité du fils aîné; mais son cœur débordait de la joie d’avoir retrouvé son fils perdu. Il agissait envers lui selon son amour; il aurait voulu que son aîné partage cette joie, mais l’égoïsme et la propre justice de ce dernier l’en empêchait. Il se prive volontairement des joies du ciel, comme le disaient Paul et Barnabas dans le passage cité plus haut: il se jugeait lui-même indigne de la vie éternelle.

Au ciel il n’y aura que des pécheurs pardonnés pour célébrer éternellement la grâce à laquelle ils doivent tout, grâce venue ici-bas, dans la personne de Jésus, chercher les pécheurs, et dont les trois paraboles de notre chapitre présentent si merveilleusement l’activité et la joie. Ceux qui auront été trop bons ou trop justes pour accepter cette grâce qui les aurait fait entrer par la même porte que les malfaiteurs, seront, pour l’éternité, là où il y a des pleurs et des grincements de dents. À qui en sera la faute?