Luc

Chapitre 10

Mission des soixante-dix

(v. 1-16). — Jésus envoya encore au peuple soixante-dix messagers qui allèrent devant lui annoncer que le royaume de Dieu s’était approché. Quoiqu’il leur eût déjà envoyé les douze apôtres, Jésus utilisait le peu de temps qu’il devait rester au milieu de cette génération incrédule et perverse, décidée à ne rien vouloir de lui, parce qu’il voyait au milieu d’elle une grande moisson et peu d’ouvriers pour y travailler. Son amour était actif, et, jusqu’au dernier moment, il accomplissait son œuvre de grâce.

Nous nous trouvons aujourd’hui dans un temps semblable. Si nous regardons l’état de ce monde, il nous paraît tout aussi mauvais. L’Évangile ne semble produire aucun effet; on méprise la parole de Dieu; on la rejette; tout va de mal en pis. À ne considérer que cela, nous n’aurions pas le courage de parler de l’Évangile autour de nous et dans les pays païens. Dieu voit ce triste état mieux que nous-mêmes; mais ce qu’il voit aussi mieux que nous, c’est une grande moisson au milieu de tant d’incrédulité et de mal de tout genre. Il nous le montre par l’exercice de sa patience. Il fait encore annoncer l’Évangile partout; il a réveillé les hommes au moyen de terribles guerres et de leurs conséquences, et par d’autres procédés encore. Aussi longtemps que durera le temps de la grâce, il travaillera et nous invite à collaborer avec lui. Nous aimerions que le Seigneur vienne mettre fin à tant de souffrances pour ses bien-aimés; lui-même aimerait délivrer son Épouse d’une telle scène et l’avoir avec lui dans la gloire, mais il attend, pour cela, la volonté de son Père. «Il est patient envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance» (2 Pierre 3:9). Pendant ce temps il supplie les hommes de recevoir le pardon et la paix, car évidemment le temps est court et les jugements sont à la porte.

Jésus voit que la moisson est grande et qu’il y a peu d’ouvriers. Il veut que les disciples soient dans une même pensée avec lui et qu’ils supplient le Seigneur de pousser des ouvriers dans son champ. Puis, comme il est lui-même le Seigneur de la moisson, il les envoie. Connaissant l’état du peuple, il leur dit: «Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups». Ils ne devaient cependant pas prendre de provisions; Jésus étant encore avec eux, ils se trouvaient sous sa protection. Ils ne devaient saluer personne en chemin, car le temps pressait. La salutation en Orient exigeait du temps, à cause des cérémonies qui l’accompagnaient. Ils devaient apporter la paix dans les maisons où ils entreraient; s’il y avait là des fils de paix parmi ceux qui les recevraient, elle reposerait sur eux. Ils devaient guérir les infirmes et dire: «Le royaume de Dieu s’est approché de vous». Comme les douze, ils devaient secouer la poussière de leurs pieds contre ceux qui ne les recevraient pas, en affirmant que le royaume de Dieu s’était approché. Ceux qui le refusaient auraient comme part le jugement, ils n’avaient plus rien à attendre. C’est là ce qui distingue le message des soixante-dix de celui des douze. Sodome, malgré son immoralité, aura un sort plus supportable au jour du jugement que celui des villes de Galilée qui ont eu de si grands privilèges; et, si le Seigneur avait fait dans Tyr et Sidon ce qu’il a fait dans ces villes-là, elles se seraient repenties, assises dans le sac et la cendre; aussi leur sort sera plus supportable que celui de Chorazin, de Bethsaïda ou de Capernaüm. Dieu avait envoyé Jésus et Jésus avait envoyé les disciples. Ainsi, en les écoutant et en les recevant, on écoutait et on recevait Dieu lui-même. Vérité solennelle pour quiconque entend le message divin! Tout est définitif: bénédiction et jugement.

Combien ces jours-là ressemblent à ceux où nous vivons! C’était la fin d’une dispensation de Dieu dans laquelle ceux qui voulaient profiter du message de grâce étaient sauvés du jugement qui allait tomber sur la nation, jugement proportionné, pour l’éternité, aux privilèges accordés, mais dédaignés. Il importe que personne ne méprise le jour de la grâce qui dure encore; chaque heure qui s’écoule le raccourcit et nous rapproche soit du bonheur, soit du malheur éternel.

 

Les noms écrits dans les cieux

(v. 17-24). — Les disciples revinrent avec joie, disant à Jésus: «Les démons mêmes nous sont assujettis en ton nom». Toute la puissance nécessaire pour délivrer les hommes de la puissance de Satan se trouvait devant eux, présente et active, la même puissance qui les délivrera plus tard; c’est pourquoi les miracles que les apôtres accomplissaient sont appelés en Hébreux 6:5: «Les miracles du siècle à venir». Jésus leur dit alors: «Je voyais Satan tombant du ciel comme un éclair» (v. 18), scène que nous retrouvons en Apocalypse 12:9. Satan sera précipité du ciel, où il a si longtemps rempli le rôle d’accusateur des enfants de Dieu (v. 10); (voir Job 1:6-12; 2:3; Zacharie 3:1-2), lorsque les saints célestes y seront introduits. Il agira en grande fureur sur la terre contre le résidu d’Israël, jusqu’au moment de la délivrance de ce résidu. Alors la puissance divine, dont les disciples disposaient au nom de Jésus, l’enchaînera pour mille ans.

Jésus dit aux disciples: «Voici, je vous donne l’autorité de marcher sur les serpents et sur les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi; et rien ne vous nuira; toutefois ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont assujettis, mais réjouissez-vous parce que vos noms sont écrits dans les cieux» (v. 19-20). Si l’exercice de la puissance de Dieu en vue d’établir la bénédiction sur cette terre était un sujet de joie cher aux disciples, il y en avait un autre bien supérieur, se rattachant à un ordre de choses célestes: leurs noms étaient écrits dans les cieux. Incapables alors de l’apprécier à sa valeur, ils le firent plus tard, lorsqu’ils comprirent tous les avantages d’une position céleste en association avec Christ. Cela leur permit de traverser victorieusement, par la foi, les difficultés qu’ils rencontrèrent dans ce monde où leur Maître avait trouvé la mort et où ils vivaient étrangers comme lui, parce qu’ils appartenaient au ciel.

«En cette même heure, Jésus se réjouit en esprit et dit: Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux petits enfants. Oui, Père, car c’est ce que tu as trouvé bon devant toi» (v. 21). Jésus éprouvait de la joie à voir s’accomplir les pensées d’amour de son Père, qui voulait introduire dans une position céleste les petits qui recevaient Jésus, alors que les sages et les intelligents du peuple rejetaient contre eux-mêmes le conseil de Dieu (chap. 7:30), qui était de les bénir aussi par Christ. C’était ce que son Père avait trouvé bon; Jésus s’en réjouissait, bien que ce fût pénible pour son cœur de ne pouvoir introduire dans la bénédiction promise le peuple tout entier. Pour que ces bénédictions célestes puissent appartenir aux enfants — à tous ceux qui ont ce caractère aux yeux de Dieu — et pour qu’ils puissent entrer dans cette relation avec Dieu comme Père, il fallait l’envoi du Fils qui seul révélait le Père. Cependant nul ne connaît le Fils, sinon le Père, parce que Dieu seul pénètre ce mystère de l’union de la divinité et de l’humanité dans sa personne. Cette union était nécessaire pour que le Père soit révélé et que les croyants de cette économie puissent entrer avec lui dans une relation vitale comme ses enfants bien-aimés. Seule elle permettait à Dieu de s’approcher en grâce des hommes pécheurs sans les anéantir; c’est aussi parce que Jésus est devenu un homme qu’il a pu mourir sur la croix pour sauver les pécheurs.

Nous voyons donc, dans ces passages, le changement du caractère des bénédictions accordées aux croyants, ce qu’on appelle changement d’économie ou de dispensation. C’était l’introduction des bénédictions célestes, la part de l’Église en attendant la dispensation future dans laquelle Dieu pourra accorder à son peuple terrestre les bénédictions promises en vertu de l’œuvre de Christ. Les disciples jouissaient aussi d’un privilège immense: ils voyaient et entendaient le Messie; c’est ce que des prophètes et des rois avaient désiré voir et entendre. C’est pourquoi, au milieu du peuple qui le rejetait et qui les rejetterait aussi, Jésus les appelle bienheureux. «Bienheureux sont les yeux qui voient ce que vous voyez! Car je vous dis que plusieurs prophètes et plusieurs rois ont désiré de voir les choses que vous voyez, et ils ne les ont pas vues, et d’entendre les choses que vous entendez, et ils ne les ont pas entendues» (v. 23-24). Dans tous les temps les bienheureux ont été et sont ceux qui croient Dieu, qui reçoivent sa Parole et qui la gardent, quelles que soient les circonstances au milieu desquelles ils se trouvent. Tout peut être contre eux; mais Dieu est pour eux.

 

Un Samaritain allant son chemin

(v. 25-37). — Si les versets qui précèdent nous montrent que les bénédictions célestes remplacent les terrestres que l’homme ne pouvait obtenir sur le pied de sa responsabilité, la parabole du Samaritain indique comment la grâce parvient à l’homme incapable de répondre aux exigences de la loi de Dieu.

Un docteur de la loi, aveuglé par ses prétentions, veut éprouver Jésus en lui demandant comment hériter de la vie éternelle, qu’Adam avait perdue par sa désobéissance, mais promise à l’homme s’il accomplissait la loi. Jésus lui dit: «Qu’est-il écrit dans la loi? Comment lis-tu? Et répondant, il dit: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et de toute ton âme, et de toute ta force, et de toute ta pensée; et ton prochain comme toi-même. Et il lui dit: Tu as bien répondu; fais cela, et tu vivras» (v. 27-28). Dans sa réponse, ce docteur présente la loi dans son essence, car c’est de l’amour pour Dieu et pour le prochain que découlent tous les commandements. Jésus le place en présence de cette loi et le met ainsi à l’épreuve, alors qu’il voulait éprouver le Seigneur. Comme docteur de la loi, il en connaissait les exigences et savait qu’il n’y avait pas satisfait; une chose surtout l’embarrassait: la question du prochain, car sa conscience l’accusait, sans doute, de ne pas l’avoir traité selon les ordonnances. Il discute sur le sens du mot prochain en demandant à Jésus: «Qui est mon prochain?». Il cherche à se justifier lui-même; il prétend sûrement avoir aimé certaines personnes qu’il estimait être son prochain; mais devait-il qualifier comme tel n’importe qui et l’aimer comme lui-même? Au moyen de la parabole qu’il lui présente, Jésus lui apprend que la grâce, dont lui-même était l’expression ici-bas, appelle «son prochain» tous les pauvres misérables qui ont besoin de secours — ce sont tous les hommes. Il lui apprend que, contrairement à la loi qui exigeait d’eux l’amour qu’ils ne pouvaient pas produire, il était venu les aimer, afin que, dans la jouissance de cet amour, ils puissent aimer à leur tour et Dieu et leur prochain, en possédant la vie éternelle que Dieu donne gratuitement.

Jésus présente l’état du docteur de la loi — celui de tous les hommes — sous la figure d’un voyageur qui, en descendant de Jérusalem à Jéricho, tomba entre les mains des voleurs. Jérusalem symbolise l’état de bénédiction dans lequel Dieu avait placé l’homme à la création, mais qu’il a abandonné par le péché; en écoutant la voix de Satan, il s’est trouvé sur le chemin qui aboutit en figure à Jéricho, la malédiction; en effet, après la destruction de cette ville par la puissance de Dieu, Josué prononça la malédiction sur celui qui la rebâtirait, ce qui eut lieu sous le règne d’Achab (1 Rois 16:34; Josué 6:26). Le chemin qui descend de Jérusalem à Jéricho est extrêmement rapide, vu la différence de niveau de ces deux localités, Jérusalem étant située sur une montagne à 780 mètres d’altitude, et Jéricho au bord du Jourdain, dont la vallée, très profonde, se trouve au-dessous du niveau de la mer. Ce chemin représente bien celui où le péché a placé l’homme pour l’entraîner rapidement vers la perdition. Sur le chemin de la malédiction prononcée contre celui qui n’accomplirait pas toutes les paroles de la loi (Deutéronome 27:26), l’homme a affaire avec Satan qui l’a dépouillé de tout ce qui l’aurait rendu capable de répondre aux justes exigences de Dieu. Dieu a voulu porter remède à cet état en plaçant l’homme sous le système de la loi, représenté par le sacrificateur et le lévite de cette parabole; mais ce moyen ne s’appliquait qu’à un homme capable d’en profiter et nul n’a pu le faire. Le sacrificateur voit le malheureux tombé entre les mains des voleurs et passe outre; car, pour profiter de la sacrificature, il fallait avoir quelque chose à offrir, si peu que ce soit. L’homme naturel n’a que ses souillures et ses blessures; il ne saurait rien obtenir avec cela. Le lévite ne peut rien faire non plus; il passe outre. Il lui aurait expliqué la loi, lui aurait rappelé ses exigences, mais, qu’offrir, que dire à un homme à moitié mort? Les représentants du système légal ne font que passer; ils laissent l’homme dans son état misérable, sur le chemin de la malédiction. Il y demeurerait à toujours si celui qui, dans cette parabole, est appelé un Samaritain ne venait vers lui. Il «allait son chemin», le chemin que Dieu lui avait tracé, qui partait de la gloire, passait par la crèche de Bethlehem, pour l’amener à rencontrer dans ce monde le pécheur dans sa misère, à lui faire grâce, à aller ensuite à la croix porter ses péchés. Venu parce qu’il savait l’homme dans cet état, au lieu de se demander si un être aussi misérable était son prochain ou non, c’est justement cette misère qui l’attire. Tel est l’amour manifesté en Jésus! «Il vint à lui, et, le voyant, fut ému de compassion, et s’approcha et banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin; et l’ayant mis sur sa propre bête, il le mena dans l’hôtellerie et eut soin de lui» (v. 33-34). Le docteur de la loi ignorait qu’il avait besoin du même traitement de l’amour, lui qui prétendait accomplir les commandements et voulait se justifier parce qu’il ne l’avait pas fait. Il fallait qu’il ait affaire à celui que ses collègues religieux, et peut-être lui-même, appelaient «un Samaritain» (Jean 8:48), mais qui était le Fils de Dieu, venu dans ce monde pour sauver les pécheurs, expression de l’amour de Dieu envers tous. Le pécheur perdu ne saurait obtenir quoi que ce soit par lui-même, puisqu’il est tombé entre les mains de Satan qui l’a dépouillé de tout ce que Dieu lui avait donné; mais s’il se reconnaît tel, il se laissera approcher par Jésus, comme un objet de grâce, et deviendra un de ces bienheureux dont les noms sont écrits dans les cieux.

Après avoir versé sur les blessures de ce malheureux de l’huile et du vin, emblème de ce qui le rendrait capable de se réjouir sous l’action de la grâce, le Samaritain le conduisit à l’hôtellerie. Il y a un lieu figuré par l’hôtellerie où les objets de la grâce sont placés en sécurité, car le Seigneur ne les laisse pas errer sur le chemin dangereux de ce monde dont Satan est le maître; ce n’est pas encore le ciel, mais un lieu, sur cette terre, où ils sont remis aux soins d’une personne qui s’occupe d’eux avec intérêt. «Le lendemain, s’en allant, il tira deux deniers et les donna à l’hôtelier, et lui dit: Prends soin de lui; et ce que tu dépenseras de plus, moi, à mon retour, je te le rendrai» (v. 35). Jésus a dû quitter ce monde, après avoir accompli toute son œuvre sur la terre; mais il a envoyé à ses rachetés, pour veiller sur eux, le Saint Esprit, venu ici-bas après l’ascension du Seigneur, ce Consolateur qui sera avec les croyants éternellement, et qui fait valoir pour eux tout ce que le Seigneur a opéré et ce qu’il est jusqu’à son retour.

Les deux deniers que le Samaritain donne à l’hôtelier font penser que cet événement ne se fera pas attendre longtemps, le denier étant le salaire quotidien d’un ouvrier. Un jour est devant Dieu comme mille ans, et mille ans comme un jour. Pour Dieu, deux jours ne se seraient pas encore écoulés depuis que le Seigneur est monté au ciel. La Parole laisse toujours supposer que le temps qui nous sépare de la venue du Seigneur est très court, afin que nous l’attendions constamment.

Après avoir exposé, par cette parabole, l’état de l’homme devant Dieu et la grâce venue à son secours, dans sa personne: l’homme divin méprisé, Jésus demande au docteur de la loi lequel de ces trois personnages était «le prochain» de celui qui tomba entre les mains des voleurs. Il répondit: «C’est celui qui a usé de miséricorde envers lui. Et Jésus lui dit: Va, et toi fais de même» (v. 37). Faire de même, c’est donc user de miséricorde envers le misérable quel qu’il soit; mais ce n’était possible au docteur de la loi — et à n’importe qui, — que si, premièrement, il reconnaissait son état pitoyable et recevait Jésus en se laissant approcher et aimer par lui, au lieu de le mépriser à la manière des chefs du peuple, et comme le monde le fait encore.

Accomplir quelque chose de méritoire, c’est le principe légal, tandis que se laisser aimer par le Sauveur méprisé, afin de pouvoir aimer à son tour, c’est le principe de la grâce. Le pécheur a grand-peine à accepter que, devant Dieu, il ressemble à cet homme dépouillé de tout et laissé à demi mort par le diable sur le chemin de la malédiction. Son orgueil repousse la grâce parce que, ne tenant aucun compte de ses prétentions, elle lui est présentée par Jésus, l’homme humble et débonnaire, sans apparence, quoique Seigneur de tout. Mais les simples, les enfants, acceptent ce que Dieu dit comme étant la vérité, et ils possèdent tout ce que la grâce leur a apporté. «Bienheureux sont les pauvres en esprit!» Ils ont choisi la bonne part qui ne leur sera point ôtée.

 

La bonne part

(v. 38-42). — Nous suivons Jésus dans la maison de Marthe, à Béthanie, comme nous le savons. Remplie de dévouement pour recevoir le Seigneur accompagné de ses disciples, Marthe déployait une grande activité, afin de le bien recevoir. Certes ce n’était pas peu de chose que ce service; personne ne savait l’apprécier mieux que Jésus. Marie, la sœur de Marthe, avait à cœur autant qu’elle le bien-être de son hôte aimé, mais elle manifestait son attachement à Jésus d’une autre manière encore; il est dit d’elle: «Qui aussi, s’étant assise aux pieds de Jésus, écoutait sa parole». Non seulement elle le recevait, mais aussi elle l’écoutait. «Voici, écouter est meilleur que sacrifice, prêter l’oreille, meilleur que la graisse des béliers», avait dit le prophète (1 Samuel 15:22). À première vue, l’activité de Marthe peut paraître plus utile et plus à propos que l’attitude de Marie. C’est même, en pareil cas, l’appréciation d’un grand nombre de personnes aujourd’hui. Mais telle n’est pas celle de Jésus; pour que notre jugement soit vrai, il faut qu’il se rapporte à celui du Seigneur. En toutes choses nous devons rechercher sa pensée et nous y conformer. Mécontente de sa sœur qui lui laissait tout le soin de recevoir ses hôtes, Marthe vient à Jésus et se plaint: «Ne te soucies-tu pas de ce que ma sœur me laisse toute seule à servir? Dis-lui donc qu’elle m’aide. Et Jésus, lui répondant, dit: Marthe, Marthe, tu es en souci et tu te tourmentes de beaucoup de choses, mais il n’est besoin que d’une seule; et Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera pas ôtée» (v. 40-42).

Le mal, chez Marthe, n’était pas de servir, bien au contraire; mais son service prenait tout son cœur (v. 40): «Marthe était distraite par beaucoup de service». Tout ce qui nous détourne de la personne de Jésus nuit, même le service, comme dans le cas de Marthe. C’est lui qui doit avoir la première place dans nos cœurs; sans cela nous ne pouvons faire de progrès dans sa ressemblance. Au lieu d’être distraite, Marie écoutait la parole de Jésus, assise à ses pieds; elle avait choisi une part qui ne lui serait point ôtée, ni ici-bas, ni dans l’éternité; tandis que le service sera supprimé. Si, au lieu de jouir de Christ en le servant, on est distrait de lui par le service, il ne restera rien; car, dans le ciel, le service ne pourra pas occuper le cœur qui n’aura que Jésus pour objet.

La chose importante, en attendant le retour du Seigneur, est de rester à ses pieds pour écouter sa Parole. Le service occupe une grande place dans la vie du chrétien; c’est sa vie tout entière: «Ayant été créés dans le Christ Jésus pour les bonnes œuvres que Dieu a préparées à l’avance, afin que nous marchions en elles» (Éphésiens 2:10). Mais avant de servir, il faut s’arrêter aux pieds du Seigneur pour écouter sa Parole. Il nous faut sa pensée pour comprendre ce qu’il demande de nous et pour savoir l’accomplir. Il faut que la personne de Jésus ait du prix pour le cœur, afin que nous appréciions sa Parole. Il faut le connaître, jouir de lui, de son amour, pour ne pas courir le risque de nourrir nos âmes de ce que nous faisons pour lui. En faisant ainsi, nous aurons l’intelligence nécessaire pour connaître sa volonté. Marie nous en donne un exemple remarquable; elle servit Jésus dans une circonstance où personne ne pouvait le faire, lorsque, six jours avant la crucifixion, elle l’oignit d’un parfum de nard pur (Jean 12:3-8). Elle avait l’intelligence de ce qui convenait à ce moment, grâce à la communion qu’elle avait réalisée aux pieds du Seigneur; elle comprenait qu’il allait mourir et voulut, en présence de la haine des hommes, témoigner de ce qu’il était pour son cœur et l’honorer dignement. Aussi fut-elle la seule à faire quelque chose pour sa sépulture (v. 7). Tout service fructueux découle de la connaissance de Christ et de l’attachement à sa personne, qui a un plus grand prix pour le cœur que ce que l’on fait pour lui.

Que Dieu nous donne de ressembler à Marie en jouissant ici-bas déjà de la part que nous aurons dans l’éternité, le Seigneur lui-même, tout en le servant avec le zèle de Marthe, mais sans nous laisser distraire par ce que nous faisons pour lui!

Dans ce récit, nous voyons en Marie l’attitude de ceux qui attendent, dans l’hôtellerie, le retour du Seigneur; ils ont le cœur occupé de lui en écoutant sa Parole.