Luc

Chapitre 9

Envoi des douze apôtres

(v. 1-9). — Nous avons vu, au chapitre 6, que Jésus s’était choisi douze disciples qu’il nomma apôtres, c’est-à-dire envoyés. Restés jusqu’ici avec leur maître, Jésus les rassemble pour les envoyer prêcher le royaume de Dieu. Il leur donne autorité sur les démons et le pouvoir de guérir malades et infirmes. Lors même que Jésus voit son rejet s’accentuer de jour en jour, il veut employer tous les moyens possibles pour faire connaître à son peuple ce qu’il venait lui apporter. Il multiplie ces moyens en conférant aux apôtres la puissance en délivrance dont il disposait lui-même et qui aurait dû amener les Juifs à croire en lui. L’amour ne se lasse pas, tant que l’heure du jugement n’a pas sonné.

Jésus dit aux disciples de ne rien prendre pour le chemin, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent, ni vêtement de rechange. Pendant que le Seigneur se trouvait là, ils jouissaient de sa protection, car il les envoyait à un peuple sensé le recevoir. Une fois son rejet accompli, tout changerait pour eux, comme nous le lisons au chap. 22:35-38. Où ils étaient reçus, ils devaient demeurer, et sur ceux qui ne les recevraient pas, ils prononçaient un jugement en secouant contre la ville la poussière de leurs pieds. «Et partant, ils parcouraient tous les villages, évangélisant et guérissant partout» (v. 6).

Quand il entendit parler de Jésus, Hérode fut en perplexité, car quelques-uns disaient que Jean le Baptiseur ou bien l’un des anciens prophètes étaient ressuscités des morts, d’autres qu’Élie était apparu. Le malheureux Hérode ne pensait ni à Élie, ni aux prophètes; sa conscience, chargée du crime qu’il avait commis en faisant décapiter Jean, évoquait ce dernier, dont il aurait redouté l’apparition. Ah! la conscience, quoiqu’on cherche à l’endormir, elle parle toujours. Aux aguets pour percevoir le moindre bruit qui se fait entendre, tout ce qu’elle entend l’accuse, lors même qu’elle refuse d’en convenir. Laissons-la parler, lecteur; écoutons ce qu’elle peut avoir à nous dire, et, si elle nous dit quelque chose, confessons-le à Dieu, au lieu de chercher à étouffer sa voix ou à nous excuser; ce sera le seul moyen de la décharger et de retrouver le repos et le bonheur perdus par notre faute. Qu’il s’agisse de l’inconverti ou des fautes qu’hélas! un croyant peut commettre, le moyen d’obtenir délivrance et pardon est identique: la confession. Mais pour que la conscience accomplisse sûrement son service, elle doit être éclairée par la parole de Dieu, qui seule lui donne une appréciation saine du bien et du mal.

Chez Hérode on voit simplement une conscience mal à l’aise; il se repent si peu de son crime que, peu après, il devient l’ami de son ennemi Pilate, lorsqu’il veut mettre à mort Jésus.

 

Le retour des apôtres

(v. 10-17). — À leur retour, les apôtres vinrent vers Jésus et lui racontèrent tout ce qu’ils avaient fait; et il les conduisit dans un lieu désert, à l’écart, près de Bethsaïda. Après le service, il est bon de se retirer, non seulement pour se reposer physiquement, mais pour avoir à faire avec Dieu sans distraction, car, comme Marthe, on peut se laisser absorber par son service. Cependant il n’est guère possible de jouir longtemps de la tranquillité dans un monde où les besoins de toute nature se font sentir, surtout durant le temps où l’amour de Dieu est en activité.

De grandes foules avaient suivi Jésus et ses disciples et, lisons-nous, «les ayant reçus, il leur parla du royaume de Dieu, et guérit ceux qui avaient besoin de guérison» (v. 11 ) Si Jésus s’était borné à guérir au milieu des Juifs, ils l’auraient reçu; mais ses actes de puissance en bonté, il les accompagnait de la prédication du royaume de Dieu, c’est-à-dire d’un ordre de choses où tout doit être en harmonie avec les caractères de Dieu. Or ce que l’homme est et ce qu’il fait est tellement opposé à ces caractères que cette prédication ne lui convint pas malgré le déploiement de bonté qui la caractérisait; c’est pourquoi Jésus fut rejeté. Nous aussi, nous avons à faire le bien, à soulager les misères au milieu d’un monde exposé à tant de souffrances; mais n’oublions pas qu’en cherchant à secourir ceux qui sont dans la peine, il faut imiter le modèle parfait en présentant aussi la parole de Dieu.

Le jour baissait; le lieu était désert; la foule nombreuse et sans ressources. Voyant cela, les disciples conseillèrent à Jésus de renvoyer ces gens qui, déjà, étaient venus déranger leur repos et leur intimité avec lui, afin qu’ils aillent dans les villages d’alentour, pour s’y loger et trouver des vivres. Selon l’homme, le conseil des disciples paraissait sage et même bienveillant; mais au fond il était dicté par la recherche de leurs aises; ils pensaient surtout à eux; ce qui ne nous arrive que trop souvent, même quand nous semblons désintéressés. Il en allait tout autrement avec Jésus, dont le cœur débordant d’amour ne pensait jamais à lui et poursuivait avec patience son œuvre de bonté envers tous. Pour Jésus, les ressources n’existaient pas dans la contrée environnante, mais en lui-même. Les disciples ne connaissaient pas davantage la gloire de sa personne en rapport avec les besoins de la foule qu’ils ne l’avaient connue dans leur danger au milieu de l’orage. Jésus veut non seulement pourvoir aux besoins des foules; mais il veut que les disciples y pourvoient en disposant de sa puissance: «Vous, donnez-leur à manger», leur dit-il. Ils répondirent: «Nous n’avons pas plus de cinq pains et de deux poissons, à moins que nous n’allions et que nous n’achetions de quoi manger pour tout ce peuple; car ils étaient environ cinq mille hommes» (v. 13-14). Ils regardaient toujours ailleurs qu’à Jésus, tandis que la foi ne regarde qu’à lui. Cinq pains, c’est quelque chose de visible, mais insuffisant. Si les choses visibles nous suffisaient, nous n’aurions pas besoin de foi. Nous ressemblons beaucoup aux disciples dans nos difficultés, petites ou grandes; nous commençons le plus souvent par compter sur les ressources visibles au lieu d’aller à Jésus et de nous attendre à lui, qui peut se servir de ce qui est visible et le multiplier. Jésus dit aux douze: «Faites-les asseoir par rangs de cinquante chacun. Et ils firent ainsi, et les firent tous asseoir. Et ayant pris les cinq pains et les deux poissons, et regardant vers le ciel, il les bénit, et les rompit; et il les donna à ses disciples pour les mettre devant la foule. Et ils mangèrent tous et furent rassasiés; et de ce qui leur était resté de morceaux, on ramassa douze paniers» (v. 15-17). Jésus nous apprend qu’en lui remettant le peu que nous avons, il le bénit pour qu’il suffise et même qu’il y en ait de reste. C’est lui qui pourvoit aux besoins, mais en se servant de nous et de ce que nous avons. Ainsi nous pouvons accomplir ce que Dieu place devant nous, lors même que nos ressources paraissent insuffisantes, qu’il s’agisse de ressources spirituelles ou matérielles, et nous ferons l’expérience que non seulement il y a suffisamment, mais de reste.

 

Jésus annonce sa mort

(v. 18-27). — Si Jésus se servait de sa puissance pour accomplir les œuvres que son Père lui avait données à faire, il demeurait toujours l’homme dépendant de son Dieu. Dans cet Évangile, où son caractère de Fils de l’homme est pleinement manifesté, nous le voyons en prières sept fois, dont deux dans ce chapitre (v. 18 et 28). L’Esprit de Dieu signale ces faits merveilleux pour nous apprendre que non seulement la prière caractérisait la vie habituelle de Jésus (chap. 5:6 et 11:1), mais que la prière précédait tout spécialement les circonstances importantes de sa vie: avant son entrée dans son ministère public (chap. 3:21); avant l’appel de ses apôtres (chap. 6:12); au v. 18 de notre chapitre, avant de parler aux siens du changement de dispensation résultant de son rejet; au v. 28 avant la transfiguration; au chap. 22:42 et 44, en Gethsémané. Nous apprenons ainsi que la prière doit être habituelle dans toute notre vie. Dans les circonstances importantes, difficiles et douloureuses tout particulièrement, il faut la présenter avec ferveur.

«Et il arriva, comme il priait à l’écart, que ses disciples étaient avec lui. Et il les interrogea, disant: Qui disent les foules que je suis? Et répondant, ils dirent: Jean le Baptiseur; et d’autres: Élie; et d’autres, que l’un des anciens prophètes est ressuscité. Et il leur dit: Et vous qui dites-vous que je suis?» (v. 18-20). Jésus allait parler de sa mort qui amènerait la rupture de ses relations avec Israël, comme peuple selon la chair, puisque ce peuple le rejetait. Chacun avait une opinion particulière de sa personne, mais aucun ne le reconnaissait comme le Christ promis. Jésus demande donc à ses disciples: «Et vous, qui dites-vous que je suis?» Pierre répond spontanément: «Le Christ de Dieu!» Ils avaient donc la foi réelle en lui comme le Christ que Dieu avait promis, celui qui devait régner sur son peuple selon que les prophètes l’avaient annoncé. Quant au peuple, inutile de lui en parler davantage. Jésus défend aux disciples de le faire: le temps était passé; il devait mourir. Il leur dit donc: «Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, et qu’il soit rejeté des anciens et des principaux sacrificateurs et des scribes, et qu’il soit mis à mort, et qu’il soit ressuscité le troisième jour» (v. 22). Quel changement pour Jésus et les siens! Au lieu de la gloire, ce sont les souffrances et la mort, mais aussi la résurrection. Jésus veut amener les disciples à comprendre ce changement, très pénible pour eux, et dans lequel ils entrèrent, difficilement, même pas du tout avant la résurrection de Jésus. C’est pourquoi il leur dit: «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même, et qu’il prenne sa croix chaque jour, et me suive: car quiconque voudra sauver sa vie la perdra; et quiconque perdra sa vie pour l’amour de moi, celui-là la sauvera. Car que profitera-t-il à un homme de gagner le monde entier, s’il se détruit lui-même ou se perd lui-même?» (v. 23-25). Au lieu de suivre un Christ glorieux, acclamé par tous, comme il aurait dû l’être, il faut suivre un Christ rejeté, méprisé, mis à mort. Cette mort a placé ce monde et tout ce qui en fait partie sous le jugement de Dieu; on doit donc abandonner la vie que l’on mène en rapport avec ce monde, pour obtenir la vie éternelle. En effet, si la mort de Jésus mettait fin au monde et rendait impossible l’établissement du royaume, elle ouvrait le chemin du ciel et donnait la vie éternelle. Pour l’obtenir, il fallait renoncer à tout, à soi-même, à ce moi auquel se rapporte tout ici-bas, et suivre Christ en portant sa croix, c’est-à-dire en réalisant la mort au monde. L’apôtre Paul dit: «Mais qu’il ne m’arrive pas à moi de me glorifier, sinon en la croix de notre Seigneur Jésus Christ, par laquelle le monde m’est crucifié, et moi au monde» (Galates 6:14). Celui qui veut ménager sa vie d’homme dans ce monde où Jésus a souffert et a trouvé la mort, monde qui est sous le jugement de Dieu, perdra sa vie pour l’éternité, car il s’agit de l’éternité déjà maintenant; il aura en partage la mort éternelle. Il y a donc à choisir entre la mort dans ce monde et la vie dans l’éternité, ou la vie du monde et la mort éternelle. Question très solennelle! Car que profiterait-il à un homme s’il pouvait gagner le monde entier — les milliardaires que l’on estime si riches n’en possèdent qu’une bien minime partie — et qu’il se perde lui-même? Lorsque ce monde passera avec ce qu’il contient, tous les hommes, depuis Adam jusqu’au dernier qui naîtra, existeront toujours et subiront les conséquences de leur court passage sur la terre: ceux qui auront suivi Christ en croyant en lui et en souffrant avec lui, vivront avec lui dans la gloire. Ceux qui auront voulu jouir sans lui des plaisirs du monde, souffriront sans lui dans les ténèbres de dehors, éternellement: vérités très solennelles, propres à faire réfléchir ceux qui jettent encore un regard d’envie sur le monde et négligent ainsi leurs intérêts éternels.

Le Christ rejeté prend le caractère de Fils de l’homme, titre plus grand que celui de Messie; ses droits et son pouvoir s’étendent à l’univers entier; c’est comme tel qu’il apparaîtra au monde et aux Juifs. Dans ce jour-là, il reconnaîtra publiquement ceux qui l’auront suivi lors de son rejet et il aura honte de ceux qui auront eu honte de Lui et de ses paroles, alors qu’il était méprisé. «Car quiconque aura honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme aura honte de lui quand il viendra dans sa gloire et dans celle du Père et des saints anges» (v. 26).

Il importe de juger des circonstances présentes à la lumière que donne la Parole sur l’avenir, afin de ne pas nous laisser séduire par l’apparence trompeuse des choses visibles qui ne sont que pour un temps.

Afin de fortifier la foi de ceux qui croyaient en lui, Jésus leur dit: «De ceux qui sont ici présents, il y en a quelques-uns qui ne goûteront point la mort jusqu’à ce qu’ils aient vu le royaume de Dieu» (v. 27). Jésus voulait qu’au travers de leur chemin de souffrance et de mort, les disciples eussent leur foi fortifiée par une manifestation glorieuse du royaume de Dieu, dont l’établissement sur la terre ne pouvait s’accomplir alors; c’est ce qui arriva lors de la scène de la transfiguration dont Pierre parla plus tard en disant: «Ce n’est pas en suivant des fables ingénieusement imaginées, que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais comme ayant été témoins oculaires de sa majesté. Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, lorsqu’une telle voix lui fut adressée par la gloire magnifique: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir» (2 Pierre 1:16-17).

 

La transfiguration

(v. 28-36). — Huit jours environ après avoir prononcé les paroles rapportées au v. 27, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et monta sur une montagne pour prier: «Comme il priait, l’apparence de son visage devint tout autre, et son vêtement devint blanc et resplendissant comme un éclair; et voici, deux hommes, qui étaient Moïse et Élie, parlaient avec lui, lesquels, apparaissant en gloire, parlaient de sa mort qu’il allait accomplir à Jérusalem» (v. 29-31). Après avoir parlé à ses disciples de sa mort, il s’en entretient avec Moïse et Élie, glorifiés comme lui. C’était la chose importante et nécessaire à ce moment-là de l’histoire du monde et du peuple juif. Moïse avait donné la loi, bientôt violée et mise de côté par le peuple. Les prophètes, représentés par Élie, avaient constamment cherché à ramener le peuple à l’Éternel, tout en proclamant les jugements, conséquences de son impiété. Tout demeura inutile. Les prophètes annoncèrent aussi le Messie. Il vint, mais ne fut pas reçu. Que faire? Dieu restera-t-il impuissant en présence de la méchanceté de l’homme? Oui, impuissant s’il veut employer l’homme rebelle et perdu; il ne le pourra pas; l’épreuve en a été faite. Mais pour Dieu tout reposait sur la mort de son Fils bien-aimé, qui subit à la croix le jugement mérité par l’homme. Dès lors, la justice divine étant satisfaite, Dieu fut libre d’agir envers tous selon ses pensées de grâce; il n’a plus à compter avec l’homme naturel qui prend fin à la croix, mais avec Jésus qui l’a glorifié par sa mort et auquel il doit en récompense le salut du croyant et toute gloire dans le ciel et sur la terre, gloire dans laquelle il introduira ceux qui ont cru.

En présence de cette scène, les trois disciples étaient accablés de sommeil; en se réveillant, ils virent la gloire de Jésus et les deux hommes qui étaient avec lui. Pierre dit à Jésus: «Maître, il est bon que nous soyons ici; et faisons trois tentes: une pour toi, et une pour Moïse, et une pour Élie, ne sachant ce qu’il disait» (v. 33). Il eût été bon, sans doute, de demeurer dans la proximité de ces personnages glorieux; mais dans l’état où se trouvaient le peuple juif et le monde, ce n’était pas possible; il fallait pour cela un état de choses qui y corresponde; il fallait l’œuvre de la croix, afin que puissent venir «les temps du rétablissement de toutes choses» (Actes 3:21), c’est-à-dire le règne glorieux du Fils de l’homme.

Cette apparition glorieuse était un échantillon du royaume de Dieu en gloire, auquel participeront tous les saints célestes et terrestres, savoir tous ceux qui seront au ciel à ce moment-là et tous ceux qui seront sur la terre. Moïse et Élie représentent les premiers, et les trois disciples les derniers. Moïse figure les ressuscités et Élie les transmués, car Moïse passa par la mort, tandis qu’Élie fut enlevé au ciel sans voir la mort. Le spectacle de cette gloire devait fortifier la foi des disciples et de tous les croyants et les encourager à suivre Christ en portant leur croix, jusqu’au moment où ils auraient leur part avec lui dans cette même gloire. Ils apprirent plus encore dans cette scène merveilleuse: «Comme il disait ces choses, une nuée vint et les couvrit; et ils eurent peur comme ils entraient dans la nuée. Et il y eut une voix venant de la nuée, disant: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le» (v. 34-35). Cette nuée, signe de la présence de Jéhovah au milieu de son peuple, couvrit aussi le tabernacle dans le désert lorsqu’il fut achevé, et le remplit de la gloire de l’Éternel (Exode 40:34-35), de même que le temple de Salomon après sa dédicace (2 Chroniques 7:1-3). À ce moment-là, personne n’osait pénétrer dans ce sanctuaire, l’homme, dans son état naturel, ne pouvant supporter la gloire de Dieu. En même temps, la voix de Dieu revendiquait la gloire de son Fils bien-aimé que les disciples voulaient mettre au même rang que Moïse et Élie. Tout glorieux que fussent ces éminents serviteurs, Dieu ne voulait pas que l’on confonde son Fils avec eux, pas plus qu’au baptême de Jean, lorsque Jésus prenait place au milieu des repentants (chap. 3:21-22). «La voix s’étant fait entendre, Jésus se trouva seul» (v. 36). Les ministères de Moïse et d’Élie, ayant été sans résultat parce qu’ils s’adressaient à l’homme en Adam, devaient être remplacés par celui de Christ. C’est pourquoi ces deux hommes, sur la montagne s’entretenaient avec Jésus de sa mort qu’il allait accomplir à Jérusalem, afin que Dieu puisse donner libre cours à ses pensées de grâce envers l’homme. Aussi Moïse et Élie disparaissent et Jésus demeure seul. Dès lors c’est lui qu’il faut écouter. Non que nous n’ayons pas à méditer les enseignements donnés par la loi et les prophètes; au contraire, conduits par l’Esprit de Dieu, nous voyons que, dans tout l’Ancien Testament, le Fils de Dieu forme le sujet principal. C’est ce que Jésus fit comprendre aux disciples sur le chemin d’Emmaüs: «Commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliquait, dans toutes les écritures, les choses qui le regardent» (chap. 24:27, 44-45). Mais il ne faut pas mettre les enseignements de la loi et des prophètes à la place de Jésus et de ses enseignements. L’épître aux Hébreux a été écrite précisément pour montrer aux chrétiens sortis du judaïsme combien la personne de Christ et son œuvre remplaçaient tout l’ordre de choses qui avait précédé, auquel ils ne devaient plus s’arrêter. Ainsi que la voix le proclame dans la nuée, c’est Jésus seul qu’il faut écouter. Ses enseignements suffisent jusqu’au moment glorieux où nous le verrons face à face, glorifiés, semblables à lui. En attendant, nous jouissons de la position qu’il nous a faite; nous nous trouvons dans la même relation que lui-même et dans la même proximité de son Dieu et Père.

 

Un démon que les disciples ne peuvent chasser

(v. 37-43). — Pendant que Jésus se trouvait sur la montagne avec Pierre, Jacques et Jean, les autres disciples demeuraient en bas, aux prises avec la puissance d’un démon qu’ils ne pouvaient chasser. Quand Jésus descendit, une grande foule vint à sa rencontre: «Et voici, un homme de la foule s’écria, disant: Maître, je te supplie, jette les yeux sur mon fils, car il est mon unique; et voici, un esprit le saisit; et soudain il crie; et il le déchire, en le faisant écumer; et c’est à peine s’il se retire de lui après l’avoir broyé; et j’ai supplié tes disciples de le chasser, et ils n’ont pas pu. Et Jésus, répondant, dit: Ô génération incrédule et perverse, jusques à quand serai-je avec vous et vous supporterai-je? Amène ici ton fils» (v. 38-41). Incapables de profiter de la puissance dont Jésus les avait doués, les disciples participaient à l’incrédulité du peuple, ce qui produit chez le Seigneur une profonde indignation. Il ne suffit pas d’être avec Jésus, ni même de posséder des dons; il faut la foi pour les utiliser. Le cas de ce démoniaque nous offre un tableau impressionnant de la puissance de Satan sur l’homme et nous montre que Dieu seul peut en délivrer sa créature. Cette puissance se trouvait là, en Jésus, dans une grâce parfaite, à la disposition de la foi. Aussi le pauvre père entend ces paroles bénies: «Amène ici ton fils». Tandis qu’il approchait, le démon le renversa et le tourmenta violemment; mais il dut abandonner sa victime, sur la parole de Jésus, qui guérit l’enfant et le rendit à son père. «Et tous furent étonnés de la grandeur de Dieu».

Aujourd’hui encore nous pouvons amener à Jésus toutes nos difficultés; en le faisant avec foi, nous recevrons les réponses que son amour veut nous accorder. Il n’y a pas de difficultés pour la foi, parce que la foi compte sur Dieu, pour lequel les difficultés n’existent pas.

 

Qui est le plus grand

(v. 43-48). — «Et comme tous s’étonnaient de tout ce que Jésus faisait, il dit à ses disciples: Vous, gardez bien ces paroles que vous avez entendues, car le Fils de l’homme va être livré entre les mains des hommes» (v. 43-44). Les disciples ne comprirent pas cette parole et craignirent de l’interroger. Jésus venait de manifester une puissance remarquable en faveur d’un démoniaque. Aussi les disciples se confirmaient-ils dans la pensée que Jésus allait continuer son œuvre de délivrance qui aboutirait finalement à l’établissement de son royaume en gloire. Mais Jésus choisit précisément ce moment-là pour leur dire encore une fois, que lui, le Messie, malgré toute sa puissance, allait mourir. Aussi ils n’y comprirent rien. Ils n’avaient pas fait attention au sujet de l’entretien de Jésus avec Moïse et Élie sur la montagne; ils n’avaient retenu de cette scène que la gloire, et non le moyen pour y arriver. La mort était nécessaire pour mettre fin à l’état de péché dans lequel l’homme se trouve sous la puissance du diable, et pour le placer dans un état nouveau où Dieu puisse le bénir, en déployant tous les effets de son amour et de sa puissance. Mais ici, Jésus place tout particulièrement sa mort devant ses disciples. Il sera livré aux hommes, objet de leur haine; il leur indique par cela qu’ils n’avaient rien à attendre de la part des hommes, puisqu’ils marchaient à sa suite dans le même chemin que lui.

Au lieu d’interroger Jésus pour comprendre ses paroles, les disciples, toujours préoccupés d’eux-mêmes et de leur gloire, alors que Jésus leur parlait de sa mort, discutaient pour savoir «lequel d’entre eux serait le plus grand». «Jésus, voyant la pensée de leur cœur, prit un petit enfant, et le plaça auprès de lui; et il leur dit: Quiconque recevra ce petit enfant en mon nom, me reçoit; et quiconque me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. Car celui qui est le plus petit parmi vous tous, c’est celui-là qui est grand» (v. 47-48). Le monde, et par conséquent ce qui est grand dans le monde, est jugé par la mort de Christ à la croix, en sorte qu’à chercher la grandeur selon les pensées de la chair, on s’éloigne fortement de la pensée de Dieu. Ce qui est grand selon Dieu, ce qui l’était au moment où les disciples discutaient entre eux, c’est un Christ méprisé et rejeté. Son nom a de la valeur, car le nom est l’expression de la personne qui le porte. Les simples recevaient Jésus; il fallait devenir comme un petit enfant pour cela; le petit enfant n’a pas de prétentions dans ce monde; il n’y tient pas de place. En recevant un de ces petits au nom de Jésus, on le recevait, et, en recevant Jésus, on recevait Dieu qui l’avait envoyé. Cette petitesse, qui permettait de recevoir Jésus, constituait la véritable grandeur.

 

Quelqu’un qui chassait les démons

(v. 49-50). — En entendant parler de la valeur qui se rattachait au nom de Jésus, Jean pense à quelqu’un qui chassait les démons en ce nom; voyant cela, les disciples lui avaient défendu de le faire, parce qu’il ne suivait pas Jésus avec eux.

Pour que les actes de cet homme aient du crédit pour les disciples, il aurait dû être avec eux. En apparence, ils tenaient à l’honneur de leur Maître; mais, en réalité, leur amour-propre gouvernait leurs pensées. Jésus leur dit: «Ne le lui défendez pas, car celui qui n’est pas contre vous est pour vous» (v. 50). La haine des hommes envers Jésus avait atteint un degré tel qu’il n’y avait pas de milieu; si quelqu’un osait se déclarer pour Christ, il tenait pour les disciples qui le suivaient; il était donc un des leurs. Ce que Christ est pour le cœur donne de la valeur à un croyant. Mais si le Seigneur a du prix pour un racheté, il le suivra avec ceux qui sont dans le même cas, non pour ceux qui le suivaient déjà, mais par amour pour Christ. Puissions-nous, dans ces jours mauvais, suivre le Seigneur par attachement à sa personne et à sa parole et ne pas craindre de montrer que nous sommes pour lui, alors que le monde le renie de plus en plus, et cela sans négliger de le suivre avec ceux qui lui sont fidèles.

 

En chemin pour Jérusalem

(v. 51-56). — Dès maintenant, Jésus accomplit son dernier voyage vers Jérusalem où il devait être mis à mort. Conscient de ce qui l’attendait dans «la ville qui tue les prophètes et lapide ceux qui lui sont envoyés» (chap. 13:34), il dresse résolument sa face. En Ésaïe 50:7, il est dit de lui: «Mais le Seigneur l’Éternel m’aidera: c’est pourquoi je ne serai pas confondu; c’est pourquoi j’ai dressé ma face comme un caillou, et je sais que je ne serai pas confus». Il fallait toute la puissance de l’amour dans l’obéissance à son Dieu et Père pour le faire avancer vers la mort ignominieuse de la croix avec une pleine connaissance de ce qui l’attendait. Si Jésus marchait comme victime vers Jérusalem, il avait néanmoins conscience qu’il était le roi qui aurait dû être reçu; en cette qualité il envoie devant lui des messagers pour lui préparer un logis. Ils arrivèrent à un village de Samaritains; mais «ils ne le reçurent point, parce que sa face était tournée vers Jérusalem» (v. 53). Comme les Juifs, et par haine pour eux, les Samaritains le repoussent et lui témoignent leur mépris que son cœur éprouvait dans toute la sensibilité de son amour parfait. Rien n’a été épargné à Jésus ici-bas. Il a ressenti, dans ses affections les plus pures, la haine sous les formes les plus diverses. Mais ces manifestations de l’homme, ennemi de Dieu, ont fait ressortir d’autant mieux les perfections du cœur de l’homme parfait, expression de l’amour de Dieu.

Jacques et Jean, indignés du refus des Samaritains, proposent à Jésus de faire descendre sur eux le feu du ciel, comme jadis Élie dans la même contrée; alors qu’Achazia envoyait cinquantaine après cinquantaine pour s’emparer du prophète (2 Rois 1). Élie exerçait les jugements de Dieu, en contraste avec son successeur Élisée dont le ministère était caractérisé par la grâce. Les disciples entraient plus facilement dans les pensées de jugements que dans celles de la grâce, personnifiée dans leur Maître, vrai Élisée au milieu de son peuple. Jésus leur dit: «Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés!». La grâce conduisait Jésus à Jérusalem pour qu’il portât le jugement à la place des coupables. Aussi comprend-on qu’il n’ait pas exercé de jugements sur son chemin, ce qu’il n’a du reste jamais fait durant son ministère; il était venu sauver et non juger. Ils allèrent donc dans un autre village, selon les instructions données par Jésus à ses disciples.

Aujourd’hui aussi l’esprit de grâce doit animer les disciples du Seigneur, car le temps de sa patience dure encore. Nous sommes témoins de beaucoup de mal qui appelle les jugements de Dieu sur les hommes; mais Dieu prend patience et prolonge le jour de grâce; c’est ce que nous devons faire aussi; non pas pour montrer de l’indifférence à l’égard de ce qui est mal, mais pour manifester envers tous la grâce dont nous sommes nous-mêmes les objets, et pour inviter les hommes à la repentance afin qu’ils soient sauvés, d’autant plus que nous savons que le temps de la grâce touche à son terme.

 

À la suite de Jésus

(v. 57-62). — Comme Jésus cheminait avec ses disciples, un homme désireux de le suivre s’approcha et lui dit: «Seigneur, je te suivrai où que tu ailles. Et Jésus lui dit: Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des demeures: mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête» (v. 57-58). On ne peut suivre Jésus que selon le principe de renoncement qui l’a caractérisé: il a tout quitté pour venir dans ce monde, si misérable et souillé qu’il n’y trouva pas un lieu de repos et où, par conséquent, il était étranger. La chair, la volonté propre ne rencontrent aucune satisfaction dans ce chemin, qui conduit hors de ce que désire le cœur de l’homme. S’il aboutit à la gloire où Christ est entré en le suivant, pour le moment ce chemin sort du monde au milieu duquel il faut vivre en étranger et y être traité comme Jésus l’a été.

Jésus dit à un autre homme: «Suis-moi». Aussitôt celui-là présente des objections, en disant à Jésus: «Permets-moi d’aller premièrement ensevelir mon père. Et Jésus lui dit: Laisse les morts ensevelir leurs morts; mais toi, va et annonce le royaume de Dieu» (v. 59-60). Pour suivre Jésus, il ne faut pas avoir le cœur absorbé par les intérêts de la terre. Cet homme voulait bien aller; mais quelque chose se présentait à lui en premier lieu, devoir très légitime qui appartient à l’honneur que Dieu recommande aux enfants vis-à-vis de leurs parents. Cependant les droits de Jésus passent avant ceux de la nature. Puis le monde gît dans un tel état de mort pour Dieu que la séparation doit être absolue, si l’on veut travailler à l’œuvre du Seigneur, œuvre qui, d’une manière ou d’une autre, incombe à tout croyant.

Un autre homme offre à Jésus de le suivre; celui-là a aussi quelque chose à faire premièrement, il veut «prendre congé de ceux qui sont dans sa maison», désir bien légitime aussi, mais qui avait le tort de prendre la première place dans le cœur et exposait cet homme à être retenu par les siens. Il pouvait considérer les attraits de la famille, ce qui le détournerait de l’accomplissement de son désir. Aussi Jésus lui répondit: «Nul qui a mis la main à la charrue et qui regarde en arrière, n’est propre pour le royaume de Dieu» (v. 62). Ceux qui labourent la terre connaissent la justesse de l’exemple donné par le Seigneur, car il est impossible de conduire une charrue droit au bout du champ qu’on laboure, si l’on regarde en arrière. Aussi tout ce qui retient le cœur nous empêche, soit d’accomplir le service que le Seigneur place devant chacun de nous, soit d’arriver au but. Nous trouvons cet enseignement dans plusieurs passages de la Parole: «Oubliant les choses qui sont derrière et tendant avec effort vers celles qui sont devant» (Philippiens 3:14). «Nul homme qui va à la guerre ne s’embarrasse dans les affaires de la vie, afin qu’il plaise à celui qui l’a enrôlé» (2 Timothée 2:4). «Courons avec patience la course qui est devant nous, fixant les yeux sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi» (Hébreux 12:1-2).

En toutes choses, Jésus est le modèle parfait de ce qu’il enseigne. Il a poursuivi son chemin sans jamais regarder en arrière. Il dressait résolument sa face pour aller à Jérusalem. «À cause de la joie qui était devant lui, il a enduré la croix, ayant méprisé la honte, et est assis à la droite du trône de Dieu» (Hébreux 12:2). Puissions-nous avoir toujours Jésus comme modèle dans le chemin. Abandonnons tout ce qui appartient à un monde ruiné par le péché, car les jugements vont tomber sur tout ce dont nous avons à nous séparer maintenant. Et ne laissons pas non plus les choses les plus légitimes nous priver du prix qu’il y a à servir le Seigneur et à chercher premièrement à lui obéir, lorsqu’il nous dit: «Suis-moi»; car il a tous les droits sur chacun de ses rachetés.