Jonas

E - Le Résidu

Le but principal du livre de Jonas ressort, nous semble-t-il, du chap. 2, que nous avons omis à dessein jusqu’ici. Nous avons vu que la personne de Jonas nous présente les caractères qu’auraient dû porter les témoins de l’Éternel, puis le prophète juif comme témoin; enfin, que cette même personne illustre aussi pour nous l’histoire du peuple qui, malgré tout, a été et sera encore le témoin de Dieu vis-à-vis des nations. Nous disons «sera», car si le peuple, comme ensemble, fut rejeté définitivement quand la patience de Dieu eut atteint son terme, il en sortira dans l’avenir un Résidu, noyau d’un peuple futur, chargé, comme toute sa race, de «la coulpe du sang», c’est-à-dire de la responsabilité de la mort du Messie, et en subissant les conséquences lors de la tribulation de la fin. La détresse produira dans le cœur de ces fidèles une repentance à salut. Ils ne chercheront pas à séparer leur responsabilité de celle du peuple dont ils font partie; ils reconnaîtront que leur châtiment est mérité, que la tempête qui va «grandissant toujours» est la juste rétribution de leur forfait et qu’ils doivent être retranchés de la terre des vivants, pour avoir crucifié le Fils de Dieu! Mais, engloutis par le grand poisson, ils trouveront, dans la détresse, que leur Messie a traversé les mêmes angoisses, et que l’Éternel lui a répondu. Cette conviction donnera une grande assurance à ces fidèles, aussi crieront-ils à Dieu avec la certitude qu’il les entend. Leurs expériences nous sont décrites au chap. 2 de notre prophète. La prière de Jonas contient deux sujets: le premier, les expériences du Résidu croyant, du vrai Israël, au jour de la détresse1 (2:3) dont il est sauvé; le second, la mort et les souffrances de Christ, qui seront le sujet d’un autre chapitre.

1 Appelée aussi «la détresse de Jacob» (Jér. 30:7), et «la grande tribulation», terme plus général. Voyez pour le mot «détresse» une quantité de passages des Psaumes et des Prophètes.

Quant au premier sujet, nous supposons que nos lecteurs sont assez familiers avec l’Ancien Testament, pour savoir que les prophètes et les Psaumes nous entretiennent constamment du Résidu juif croyant de la fin, et des tribulations qu’il endure. La prière de Jonas est une preuve à l’appui de cette vérité. Les huit versets reproduisent de si innombrables passages des Psaumes et du prophète Ésaïe que, les citer tous, serait surcharger inutilement notre texte. Chaque lecteur, muni d’une bonne Concordance, peut lui-même en dresser la liste; nous nous bornerons donc à la citation de quelques passages essentiels.

«Jonas pria l’Éternel, son Dieu, des entrailles du poisson, et il dit: J’ai crié à l’Éternel du fond de ma détresse, et il m’a répondu» (2:2, 3).

Il est remarquable que le cri de Jonas ne vienne ici qu’après celui des nations. Tel sera le cas, en effet. Aujourd’hui le vaisseau des nations, contenant ceux qui, par la foi, sont devenus des adorateurs du vrai Dieu, continue sa course, et ceux qui le montent ont obtenu la délivrance après avoir crié «à l’Éternel» (1:14). Israël, en revanche, est englouti dans la mer des peuples, mais un Résidu se réveillera du sein du shéol; du fond de sa détresse, du sein de cette grande tribulation qui pèsera en tout premier lieu sur les fidèles de l’ancien peuple de Dieu, il criera lui-même aussi vers le Dieu qu’il a offensé.

Ce verset revêt la forme coutumière des Psaumes. Il est un résumé de tout le contenu de la prière et en indique d’avance le résultat, tandis que les versets suivants décrivent par quel chemin ce résultat sera obtenu. Jeté au fond de l’abîme, englouti par le monstre préparé de Dieu comme instrument de sa préservation, le fidèle prie et crie. Avec quelle joie il constate que la réponse est venue! Le Psaume 120, qui sert de préface au petit recueil des Cantiques des degrés, parle exactement dans les mêmes termes. Il s’agit, dans ce Psaume, du Résidu chassé de nouveau de son pays par la persécution, après y être rentré en compagnie de la nation incrédule: C’est le jour de la détresse de Jacob (voyez Apoc. 12:13-16). Alors il dit: «À l’Éternel, en ma détresse, j’ai crié; et il m’a répondu» (Ps. 120:1). L’Éternel le tire de toutes ses angoisses, comme il est dit si souvent au Ps. 107, qui, à son tour, sert de préface au livre cinquième des Psaumes, où se trouvent les Cantiques des degrés. «Il m’a répondu»; c’est le résumé de toutes les expériences des fidèles: une pleine délivrance. Il en est de même au Ps. 130: «Je t’ai invoqué des lieux profonds, ô Éternel!» Ce Psaume nous décrit les solennels exercices de conscience du Résidu, et les résultats, éternellement bénis, de sa délivrance (voyez aussi Ps. 18:7; 86:7).

«Du sein du shéol, j’ai crié; tu as entendu ma voix» (2:3).

Après le résumé dont nous venons de parler, la prière de Jonas reprend la suite des expériences qui ont amené cette réponse de l’Éternel. D’abord le fidèle crie du sein du shéol et Dieu entend. La réponse n’est pas encore venue, mais il a la consolante assurance que la prière de la foi est arrivée aux oreilles de l’Éternel. La prière d’Ézéchias (És. 38:10) a beaucoup de traits communs avec celle de Jonas, seulement la détresse y est moins grande: Ézéchias descend dans le shéol, Jonas y est, David, au Ps. 30:4, en remonte (voyez encore Ps. 18:5,6).

«Tu m’as jeté dans l’abîme, dans le cœur des mers, et le courant m’a entouré; toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi» (2:4).

On trouve exactement la même expression au Ps. 42:8. Tout lecteur, quelque peu familier avec la prophétie, sait que le deuxième livre des Psaumes (Ps. 42-72) décrit les sentiments et les expériences du Résidu de Juda, chassé parmi les nations lors de la grande tribulation. Or ce sont précisément ces expériences que nous présente la prière de Jonas1.

1 Voyez: L’Histoire prophétique des derniers jours et les Cantiques des degrés, par H. R., p. 11.

«Et moi je disais: Je suis rejeté de devant tes yeux: toutefois, je regarderai encore vers le temple de ta sainteté» (2:5).

Nous retrouvons ici la prière d’Ézéchias (És. 38:10, 11); les nombreux passages du second livre des Psaumes (43:2; 44:9; 60:1, 10), et d’autres passages encore (Ps. 74:1; 77:8; 31:23; Lam. 5:22). La conscience d’être rejeté ne détruit pas l’assurance de la foi chez le pauvre Résidu dans la détresse. Chassé de Jérusalem, il ne cesse de regarder vers le temple, comme Daniel du côté de Jérusalem (Dan. 6:10. Voyez aussi Ps. 42:5; 43:3, 4; 18:6; Hab. 2:20). Les saints d’aujourd’hui, qui peuvent s’appliquer ce passage quand ils sont dans l’affliction, savent que ce temple est pour eux la maison du Père, dans les cieux.

«Les eaux m’ont environné jusqu’à l’âme, l’abîme m’a entouré, les algues ont enveloppé ma tête» (2:6).

L’âme fait, dans la détresse, l’expérience de ce qu’est le jugement de Dieu à cause du péché. Dans le second livre des Psaumes, dont nous avons parlé, cette position terrible est peinte en traits ineffaçables: «Un abîme appelle un autre abîme à la voix de tes cataractes; toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi» (Ps. 42:8). Le Ps. 69 décrit la grandeur de cette angoisse. Entrer dans la boue profonde du péché a pour conséquence le jugement: la profondeur des eaux qui engloutit et le courant qui submerge, en même temps que s’ouvre un abîme sans fond (Ps. 69:3, 16). Nous verrons plus tard que le fidèle rencontre Christ dans l’abîme, ce Jésus qui y est descendu pour lui. Nous aussi, chrétiens, nous avons fait la même expérience, mais sans être obligés, comme le Résidu, de connaître l’abîme, autrement que dans notre conscience.

«Je suis descendu jusqu’aux fondements des montagnes; les barres de la terre s’étaient fermées sur moi pour toujours; mais, ô Éternel, mon Dieu, tu as fait remonter ma vie de la fosse» (2:7).

La détresse arrive à ses dernières limites; l’affligé ne peut descendre plus bas. C’est la mort dans toute son horreur. Les portes qui ferment l’accès à la terre des vivants sont fermées pour toujours. Ces mêmes expériences se retrouvent dans le cantique d’Ézéchias (És. 38:10, 11), et aussi la même réponse de Dieu: «Mais toi, tu as aimé mon âme, la retirant de la fosse de destruction, car tu as jeté tous mes péchés derrière ton dos». «L’Éternel a voulu me sauver» (v. 17, 20).

C’est par la résurrection de Christ que tous nos péchés sont laissés dans l’abîme où ils ne seront jamais retrouvés.

«Quand mon âme défaillait en moi, je me suis souvenu de l’Éternel, et ma prière est venue jusqu’à toi, dans le temple de ta sainteté» (2:8).

Au moment de la suprême angoisse et de l’agonie, le fidèle se souvient de l’Éternel, et sa prière n’est plus seulement entendue, mais reçue dans le lieu où Dieu habite.

«Ceux qui regardent aux vanités mensongères abandonnent la grâce qui est à eux» (2:9).

Ici vient la réprobation prononcée contre le peuple apostat envahi de nouveau par le démon de l’idolâtrie (Matt. 12:43-45) et qui abandonne pour des vanités mensongères la grâce placée devant lui. Mieux vaut être plongé dans la détresse avec une espérance, que de partager le sort de ceux qui ont l’Antichrist pour maître. Au Ps. 31, nous voyons la différence entre ceux qui «prennent garde aux vaines idoles» (v. 7), et celui qui se confie en l’Éternel et dont la grâce est la seule ressource.

«Mais moi, je te sacrifierai avec une voix de louange; je m’acquitterai de ce que j’ai voué. La délivrance est de l’Éternel» (2:10).

Ici, le fidèle du Résidu arrive au culte que les nations avaient trouvé au temps de son infidélité. Ce culte, les chrétiens le rendent maintenant; seulement, dans l’avenir prophétique, les nations sacrifieront sous le règne du Messie, à l’Éternel, le Dieu d’Israël, et monteront à Jérusalem pour l’adorer, en compagnie de son peuple (Ps. 116:14, 15; 22:26). Il y aura alors, pour Israël comme pour les nations (1:16), des «vœux», le service de l’Éternel, libre et sans restriction, d’un «peuple de franche volonté» (Ps. 56:13; 61:9; 66:13; 76:12; Lév. 8:16; Deut. 23:21).

Le dernier mot de cette prière prophétique est: «La délivrance est de l’Éternel». Elle est là; Lui seul l’a opérée; elle est uniquement le fruit de sa grâce (És. 38:20; 52:10). Israël trouvera aux derniers jours cette grande vérité qui fait aujourd’hui la joie, la sécurité de tous les croyants, et sur laquelle leur assurance est fondée à jamais. Comment cette délivrance se produira-t-elle? C’est ce que nous allons voir dans le prochain chapitre.