Jonas

C - Les nations

Leur état est représenté par Ninive qui est comme l’image de la condition morale des gentils aux yeux de Dieu. «Lève-toi», dit l’Éternel à Jonas, «va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle, car leur méchanceté est montée devant moi» (1:2). La méchanceté, l’absence complète du bien, voilà ce qui les caractérisait aux yeux du Dieu saint. Sa patience avait longtemps supporté cette méchanceté et celle-ci en avait pris occasion pour se développer jusqu’à ses extrêmes limites, aussi ne restait-il plus, pour Ninive, que le jugement, à moins qu’il n’y eût du côté de Dieu quelque ressource ou quelque moyen de salut. Mais qui pouvait l’annoncer? Le prophète Jonas, type ici du peuple d’Israël, était sous le même jugement. Il s’était montré désobéissant, rebelle à Dieu, et ne pouvait attendre de sa part que la condamnation. Un autre prophète, Ésaïe, type d’un Résidu fidèle en Israël, se trouva plus tard devant Dieu et ne chercha pas à fuir sa présence (És. 6). Avant d’être envoyé, il reconnut sa souillure et en fut purifié par le charbon ardent qui avait consumé l’holocauste. L’Éternel dit alors: «Qui enverrai-je, et qui ira pour nous?» Et le prophète répond: «Me voici, envoie-moi». Dieu l’envoie vers Israël pour lui annoncer le jugement qui va l’atteindre et la grâce qui épargnera un faible Résidu. Jonas, loin de se trouver devant Dieu, fuit sa présence, afin de ne pas être envoyé vers les nations. Or ce sont elles, précisément, que Dieu voulait épargner, et Jonas s’en rendait bien compte.

Les matelots sont des échantillons de toutes les nations, embarquées sur un navire qui, de plus en plus, les éloigne de Dieu. Chacun crie à «son dieu» (1:5), mais, devant la tempête qui menace de les engloutir, ils apprennent ce que valent ces idoles muettes qui ne leur répondent pas. «Peut-être» le Dieu de Jonas pensera-t-il à eux, et ils ne périront pas? (1:6). Mais quelle est la cause de leur détresse? L’ignorance de leur propre état leur fait attribuer ce malheur à quelque autre, peut-être à l’un d’entre eux: «Venez, jetons le sort, afin que nous sachions à cause de qui ce malheur nous arrive» (1:7). Ne connaissant pas Dieu, ils font appel à une puissance inconnue d’eux, le sort, pour être renseignés. On voit ici l’ignorance du cœur naturel de l’homme, sans connaissance de lui-même, sans connaissance de Dieu; les deux grands sujets dans lesquels se résume toute la révélation leur sont inconnus. Ils sont aveugles, mais Dieu, dans sa grâce, leur répond en se mettant au niveau de leur intelligence; le sort parle et désigne Jonas. Jonas, malgré le jugement qui l’atteint, malgré sa fuite loin de Dieu qu’il leur avait déclarée auparavant (1:10), rend témoignage au caractère de Dieu, selon ce que leur intelligence obscurcie pouvait en saisir: «Je suis Hébreu, et je crains l’Éternel, le Dieu des cieux, qui a fait la mer et la terre» (1:9). Le témoignage de la foi d’Israël en un seul Dieu Créateur, rappelle aux nations ce que Dieu leur avait révélé par ses œuvres, de manière à les rendre inexcusables (Rom. 1:20). La prédication de Paul aux Athéniens (Actes 27) n’a pas un autre caractère.

Ces pauvres gentils ignorants prononcent trois paroles: À la première: «Déclare-nous à cause de qui» ce mal nous arrive (1:8), Dieu a répondu par le sort, mais en employant Israël, objet de son jugement, à apporter la lumière aux nations, car, comme il est dit: «Le salut vient des Juifs» (Jean 4:22). À la seconde parole: «Qu’est-ce que tu as fait?» Jonas avait déjà répondu d’avance, en sorte que ces gentils ne pouvaient s’y méprendre: Jonas s’enfuyait «de devant la face de l’Éternel, car il le leur avait déclaré» (1:10). Aussi ce sont eux qui reprennent le prophète: Tu dis que tu crains Dieu et tu ne crains pas de lui désobéir! Que de fois les Juifs, à leur honte, se sont trouvés sous la férule des nations, comme les chrétiens aujourd’hui, sous celle du monde! Leur troisième parole est: «Que te ferons-nous?» (1:11). La confiance en la parole de l’Éternel naît dans leur cœur et, au lieu de se détourner d’Israël, serviteur infidèle, ils comprennent que son représentant seul peut les renseigner sur la volonté de l’Éternel. Jonas reconnaît que son infidélité est cause des dispensations de Dieu envers les nations; il dit: «Je sais» (vraie expression d’un cœur qui connaît Dieu) «que c’est à cause de moi que cette grosse tempête est venue sur vous» (1:12). «Prenez-moi et jetez-moi à la mer.» Ainsi la réjection d’Israël est la réconciliation du monde (Rom. 11:15).

Ces hommes hésitent à exécuter l’ordre du prophète et épuisent tous les moyens avant d’y obéir, mais ils ne peuvent réussir, car «la mer allait toujours grossissant» (1:13). Pour qu’ils soient sauvés, il faut une victime, sinon le jugement les engloutira. Nous verrons plus tard ce qu’est cette victime, mais ce qui nous occupe ici, c’est Jonas, comme type d’Israël rejeté. Le jugement étant exécuté, le vaisseau des gentils peut désormais continuer sa course. Israël rejeté a ouvert la porte à la bénédiction des nations. Cette scène est une image pour le temps actuel, un exemple anticipé du salut d’individus, faisant partie de tous les peuples idolâtres qui criaient «chacun à son dieu», selon qu’il est dit: «Tu as acheté pour Dieu par ton sang, de toute tribu, et langue, et peuple, et nation» (Apoc. 5:9).

L’imminence du danger les fait «crier à l’Éternel», car c’est toujours par là que commencent nos relations avec Dieu; mais la révélation d’un sacrifice dont ils sont responsables et qui peut éloigner à toujours le jugement, répugne à leur cœur naturel. Ils préféreraient de beaucoup «ramer pour regagner la terre»; en outre, ils ne peuvent méconnaître qu’en précipitant le serviteur de l’Éternel dans les flots, ils sont chargés «du sang innocent» (1:14). Ils sont donc coupables, mais Dieu leur enseigne que, malgré leur part dans le sacrifice, ce dernier est pour eux le seul moyen de salut. Remarquez maintenant le changement moral qui se produit chez les gens de l’équipage: «Et les hommes craignirent beaucoup l’Éternel, et offrirent un sacrifice à l’Éternel, et firent des vœux» (1:16).

Leur premier pas dans le chemin de la sagesse est de craindre beaucoup l’Éternel. Ils prennent ensuite devant Lui l’attitude d’adorateurs en lui offrant un sacrifice. Puis «ils font des vœux». Un vœu est le libre dévouement à Dieu, pour le servir sans restriction (Deut. 23:21; Lév. 7:16). Nous trouvons donc ici tout un ensemble d’hommes sauvés, amenés à Dieu, devenus témoins de sa grâce, des adorateurs et des serviteurs qui Lui sont consacrés. Dans ce vaisseau des nations se trouvent désormais des sauvés, tandis que Jonas, représentant Israël, est englouti dans les profondeurs de la mer des peuples.

Le premier chapitre de ce livre nous fait connaître comment l’obéissance de la foi est devenue aujourd’hui la part des nations; le troisième chapitre porte nos regards vers un temps futur. Le jugement est annoncé à Ninive, la «grande ville», représentant, comme capitale, l’ensemble des peuples. Il nous est dit que «les hommes de Ninive crurent Dieu, et proclamèrent un jeûne, et se vêtirent de sacs, depuis les plus grands d’entre eux jusqu’aux plus petits» (3:5). Remarquez qu’il s’agit ici d’un jeûne national. On ne pourrait dire qu’il ne soit pas réel, car il est basé sur la foi à la parole de Dieu, mais, chez les habitants de Ninive, cette foi «n’est que pour un temps» (Matt. 13:21). Malgré cela, une repentance extérieure, basée sur la crainte du jugement, éloigne celui-ci pour un temps. Deux siècles plus tard, le sort de Ninive devient définitif et la ville est entièrement détruite. Il en sera de même lors de l’établissement du règne de Christ. Placées en présence de ses jugements, les nations se soumettront à Lui et reconnaîtront le Dieu d’Israël (Ps. 18:45), mais quand, après mille ans de ce règne glorieux, Satan sera délié et pourra de nouveau les séduire, elles subiront le jugement final.

Cette repentance de Ninive porte nos pensées vers les jours sérieux que nous traversons. La main de Dieu pèse lourdement sur les peuples. Il semble que sa voix se fasse entendre, disant: «Encore quarante jours, et Ninive sera renversée». Les nations, comme telles, ne devraient-elles pas se repentir et «proclamer un jeûne»? Empereurs et rois, grands et petits, ne devraient-ils pas crier à Dieu avec force et revenir chacun de leur mauvaise voie et de la violence qui est dans leurs mains? «Qui sait? Dieu reviendra» de l’ardeur de sa colère, et elles ne périront pas. Dieu peut se repentir, changer la direction de ses voies envers les hommes, quand ils changent leurs propres voies et en reviennent. Puissent ces paroles, comme jadis celles de Jonas, trouver un écho dans le cœur des peuples!