Joël

Chapitre 3

L’effusion de l’Esprit

Nous trouvons ici une nouvelle division du sujet. Le prophète passe, en effet, des bénédictions temporelles assurées à la terre d’Israël, des pluies de la première et de la dernière saison, aux bénédictions spirituelles que la présence et l’exaltation du Christ apporteront à son peuple terrestre, ainsi qu’à toutes les nations.

«Et il arrivera, après cela, que je répandrai mon Esprit sur toute chair» (v. 1). «Après cela»: c’est-à-dire à la suite de la destruction de l’Assyrien, mais cette destruction vient elle-même à la suite de la repentance du peuple. En effet, c’est après le jeûne et l’assemblée solennelle, quand une vraie repentance pénètre enfin dans le cœur des élus, que l’ennemi est anéanti. Alors Israël sera non seulement comblé de bénédictions temporelles, mais aura part à tous les bienfaits de la nouvelle alliance que l’Éternel établira «avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda». Sous l’action du Saint Esprit, ils recevront un cœur nouveau, capable de connaître l’Éternel, leur Dieu, qui ne se souviendra Plus jamais de leurs péchés, ni de leurs iniquités (Jér. 31:31-34). Cette effusion du Saint Esprit, en rapport avec la nouvelle alliance donnée à Israël, est souvent annoncée par les prophètes: «Je vous prendrai d’entre les nations, et je vous rassemblerai de tous les pays, et je vous amènerai sur votre terre; ... et je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai au dedans de vous un esprit nouveau; et j’ôterai de votre chair le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair; et je mettrai mon Esprit au dedans de vous» (Ézéchiel 36:24-27). «Et je ne leur cacherai plus ma face, parce que j’aurai répandu mon Esprit sur la maison d’Israël, dit le Seigneur, l’Éternel» (Ézéchiel 39:29). «Et je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de supplications» (Zach. 12:10).

Mais une bénédiction, dépassant de beaucoup les limites d’Israël et de Juda, nous est annoncée ici: «Je répandrai mon Esprit sur toute chair.» Ce don sera répandu non seulement sur le peuple élu, mais sur la grande multitude des nations millénaires qui auront reçu l’Évangile du royaume (Apoc. 7:9).

Et vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards songeront des songes, vos jeunes hommes verront des visions; et aussi sur les serviteurs et sur les servantes, en ces jours-là, je répandrai mon Esprit» (v. 1, 2). Il est du plus haut intérêt de considérer la citation qui est faite de ce passage dans les Actes (Actes 2:17-21). La croix de Christ avait été à la fois le lieu du jugement définitif de l’homme et d’Israël et celui de la victoire remportée sur l’Ennemi. À la suite de cette victoire, Christ, ressuscité d’entre les morts, ayant «emmené captive la captivité», alla s’asseoir à la droite de Dieu. Alors il put baptiser du Saint Esprit ceux qui croyaient en Lui. Ce grand fait eut lieu à la Pentecôte. Tous ceux qui crurent d’entre le peuple juif reçurent le baptême du Saint Esprit et, par lui, furent formés en un seul corps. Mais cette communication du Saint Esprit n’eut pas lieu sans la foi et la repentance. C’est pourquoi Pierre dit à ceux dont le cœur était saisi de componction à la pensée qu’ils avaient crucifié leur Messie: «Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ, en rémission des péchés; et vous recevrez le don du Saint Esprit» (Actes 2:37, 38). Pour les premiers disciples de Jésus, la repentance avait déjà eu lieu au baptême de Jean en vue de recevoir le Messie entrant dans son royaume terrestre, mais ce Messie ayant été rejeté par le peuple et crucifié, les disciples attendaient encore le moment où, selon la parole du précurseur, Jésus les baptiserait de l’Esprit Saint (Matt. 3:11). Cette parole fut confirmée par le Seigneur à ses disciples après sa résurrection (Luc 24:49), car ils ne pouvaient être rendus participants de l’Esprit Saint sans que cet événement eût lieu. C’est ainsi qu’un Premier Résidu de Juda fut sauvé et introduit dans l’Assemblée. Si le don du Saint Esprit avait été accepté dans ce moment-là par la nation et reçu par l’ensemble du peuple, les terribles jugements qui suivirent lui eussent été épargnés; mais Israël ne se borna pas à rejeter son Messie, le Fils de Dieu; il rejeta aussi le Saint Esprit et lapida Etienne qui en était le porteur aux yeux de tous. En suite de ce crime, selon la prophétie de Matt. 22:7, le roi irrité, «ayant envoyé ses troupes.... fit périr ces meurtriers-là et brûla leur ville», événement qui eut lieu en l’an 70 de notre ère, lors de la destruction de Jérusalem par Titus. Le jugement étant près de s’accomplir, tous ceux qui avaient été baptisés du Saint Esprit y échappèrent en se sauvant «de cette génération perverse» (Actes 2:40). L’endurcissement d’Israël eut une seconde conséquence. Non seulement un Résidu juif fut sauvé et prit place dans l’Assemblée, mais la porte fut ouverte aux nations, selon la parole de Joël: «Je répandrai mon Esprit sur toute chair», et «quiconque invoquera le nom de l’Éternel sera sauvé» (v. 28, 32). Dès lors, Juifs et gentils, réconciliés en un seul corps à Dieu par la croix, eurent les uns et les autres accès auprès du Père par un seul Esprit (Éph. 2:16, 18). La période de l’Église était ainsi inaugurée: à la suite de la réjection d’Israël, le Seigneur se préparait une Épouse, une perle de grand prix, mille fois plus précieuse et plus glorieuse que l’Épouse juive, une Épouse qui sera sa compagne éternelle, sa Bien-aimée dans la gloire céleste. La formation de l’Église a lieu sur la terre et c’est là que se déploient, dans le temps actuel, toutes les voies de Dieu à son égard. Dès qu’elle aura été enlevée de la terre au ciel, à la venue du Seigneur, les voies de Dieu envers son ancien peuple, aujourd’hui rejeté, reprendront leur cours. C’est ce dont tous les prophètes nous entretiennent. L’ancien peuple de Dieu persistera dans son incrédulité; lui qui n’a pas voulu du Fils de David pour roi, tombera sous le joug de l’Antichrist. Jérusalem deviendra une coupe d’étourdissement pour toutes les nations. Tandis que l’Église, nouvelle Jérusalem, brillera dans la gloire céleste, la Jérusalem terrestre devra subir une seconde fois toutes les horreurs du siège pour s’être donnée au faux Messie. Nous avons vu la mention de cet événement au commencement de notre chapitre.

Mais alors, un deuxième Résidu juif, ou plutôt le Résidu futur, se reliant, par-dessus la parenthèse de l’Église, à celui qui entourait le Seigneur sur la terre, ce Résidu, disons-nous, se tournera vers le Seigneur. Le voile qui couvrait ses yeux sera ôté (2 Cor. 3:16). À travers les douleurs de la grande tribulation il se reconnaîtra coupable, et la dernière attaque de l’ennemi, celle de l’Assyrien, l’amènera au jugement complet de lui-même et à la repentance telle qu’elle est décrite dans notre chapitre. En suite de cette repentance et de la victoire définitive de l’Éternel sur l’Assyrien, la seconde effusion du Saint Esprit sur les témoins de la fin aura lieu, comme la première avait eu lieu à la suite de la victoire de la croix et de la résurrection qui en était la preuve. Le don du Saint Esprit fera du Résidu, non pas, comme aujourd’hui, un peuple céleste, mais le peuple terrestre du Messie, qui aura pour centre la Jérusalem terrestre, la ville du grand roi. Alors s’accomplira cette parole: «Et je ne leur cacherai plus ma face, parce que j’aurai répandu mon Esprit sur la maison d’Israël, dit le Seigneur, l’Éternel» (Ézéchiel 39:29). Dans Ézéchiel, la destruction de Gog, l’Assyrien, et après elle le don du Saint Esprit, est le dernier événement qui soit mentionné, avant que le prophète passe, dans les chapitres 40 à 48, à la description du temple de Jérusalem, et du pays d’Israël pendant le Millénium. Il n’en est pas tout à fait de même en Joël, comme nous le verrons au chap. 3. Cependant la bénédiction de Jérusalem y est liée, comme en Ézéchiel, à l’effusion du Saint Esprit: «Car sur la montagne de Sion il y aura délivrance, et à Jérusalem, comme l’Éternel l’a dit, et pour les réchappés que l’Éternel appellera.» (Joël 2:32.) La délivrance dont Joël nous parle n’est obtenue que par la destruction de l’Assyrien, seul personnage auquel sa prophétie fasse allusion dans le second chapitre, car la Bête romaine et l’Antichrist, si en vue dans le livre de Daniel et surtout dans l’Apocalypse, ne sont pas même notés dans notre prophète.

D’après tout ce que nous venons de dire, on a pu remarquer que le passage des Actes (2:16-21) n’est pas l’accomplissement de la prophétie de Joël, et c’est que l’apôtre Pierre a soin de faire ressortir, quand il dit: «Ceux-ci ne sont pas ivres, comme vous pensez,... mais c’est ici ce qui a été dit par le prophète Joël.» (Comp. Matt. 1:22; 2:15, 17, 23.) Ce qui avait lieu à la Pentecôte sous les regards de tous n’avait pas le caractère d’une excitation factice, mais était produit par l’Esprit Saint. La citation elle-même de ce passage par l’apôtre Pierre, contient des choses qui se réalisaient dans le moment où il parlait, d’autres qui étaient réservées pour un temps à venir. Il suffit, pour s’en convaincre de noter ces dernières au moyen de parenthèses. Voici donc le passage, lu de cette manière: «Et il arrivera aux derniers jours, dit Dieu, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens verront des visions, et vos vieillards songeront en songes; et sur mes serviteurs et sur mes servantes, en ces jours-là, je répandrai de mon Esprit, et ils prophétiseront; et je montrerai des prodiges dans le ciel en haut, et des signes sur la terre en bas, du sang et du feu, et une vapeur de fumée; le soleil sera changé en ténèbres et la lune en sang, avant que vienne la grande et éclatante journée du Seigneur. Et il arrivera que quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.»

Notez ce mot: «Mes serviteurs et mes servantes», ceux qui appartiennent au Seigneur. Ils remplacent ici et dans la Version des 70 «les serviteurs et les servantes» du texte hébraïque, ceux qui appartiennent à la famille juive. En même temps ce mot est assez vague dans Joël pour laisser d’avance la place à des serviteurs propres au temps de l’Église et qui seront inconnus aux temps futurs de la restauration d’Israël. Remarquez encore que Pierre dit: «Aux derniers jours», et non: «Après cela», comme dans notre prophète. Cette dernière parole montre clairement que la prophétie de Joël ne pouvait être accomplie définitivement à la Pentecôte, mais seulement après la défaite de l’Assyrien, tandis que les «derniers jours», appelés autre part: «les fins des siècles» nous ont atteints depuis que le Christ a été rejeté des Juifs et du monde1. Ce qui caractérise le jour de la Pentecôte aussi bien que celui du passage de Joël, c’est qu’on y trouve ces trois choses: la repentance, la délivrance de l’Ennemi, et l’Esprit répandu sur toute chair. Mais, en outre, un grand fait domine à la Pentecôte. Le Saint Esprit y est donné, preuve de la résurrection et de l’exaltation de Christ, et il réunit en un tout ceux qui croient en Lui. Joël annonce un temps futur où la porte sera ouverte aux Gentils; dans les Actes, elle est déclarée ouverte par l’apôtre (2:39). Nous trouvons, au chapitre 1 d’Osée, la même prophétie confirmée par Rom. 9:26, au sujet de l’admission des nations dans la bénédiction2. Seulement en Joël, ce mot «toute chair» n’a pas trait à l’admission actuelle des Gentils dans l’Église par le baptême du Saint Esprit, mais à l’entrée des Gentils, de la «grande foule que personne» ne pourra dénombrer (Apoc. 7:9), et à leur introduction dans la bénédiction millénaire dont jouira le peuple de Dieu.

1 Cette modification du texte est d’autant plus frappante qu’elle ne se trouve pas dans la version des 70, version généralement citée dans le N. T. mais qui n’est pas suivie dans ce passage.

2 Voyez le livre du prophète Osée, par H. R.

Aux v. 3, 4, le prophète interrompt son sujet et ouvre une parenthèse pour montrer que des signes auront lieu avant le jour de l’Éternel: «Et je montrerai des signes dans les cieux et sur la terre, du sang, et du feu, et des colonnes de fumée; le soleil sera changé en ténèbres, et la lune en sang, avant que vienne le grand et terrible jour de l’Éternel.» Ce passage a trait, nous semble-t-il, au contenu du chap. 2, c’est-à-dire à l’invasion de l’Assyrien. En effet, cette invasion est appelée «le jour de l’Éternel..., grand et fort terrible» (2:11), et est précédée de signes: les cieux ébranlés, le soleil et la lune obscurcis, au v. 10. Ledit passage nous paraît correspondre au chap. 6 de l’Apocalypse où «le soleil devint noir comme un sac de poil, et la lune devint tout entière comme du sang» avant le jour de la colère de l’Agneau, car, malgré l’appréhension des hommes, cet événement n’aura pas lieu à ce moment-là (Apoc. 6:12,17). Les signes dont il vient d’être question précéderont donc le jour de l’Éternel, mais il en est d’autres qui le suivront et auront lieu au moment même de la venue du Fils de l’homme. C’est ce que nous lisons en Matt. 24:29, 30: «Et aussitôt après la tribulation de ces jours-là» (tribulation dont l’invasion de l’Assyrien est le dernier acte) «le soleil sera obscurci, et la lune ne donnera pas sa lumière, et les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des Cieux seront ébranlées. Et alors paraîtra le signe du Fils de l’homme dans le ciel.» Le signe, c’est-à-dire l’apparition du Fils de l’homme, sera donc immédiatement précédé de signes. Nous trouvons ces derniers au chap. 4:15, de notre prophète: «Le soleil et la lune seront obscurcis, et les étoiles retireront leur splendeur; et l’Éternel rugira de Sion, et de Jérusalem il fera entendre sa voix.» La petite parenthèse des v. 3 et 4 me semble être introduite ici pour établir le contraste entre le don céleste du Saint Esprit qui accompagnera la repentance et la délivrance chez le Résidu juif, et les bouleversements terrestres précurseurs des jugements de l’Éternel sur le peuple apostat. Aussi le prophète termine-t-il en disant: «Et il arrivera que, quiconque invoquera le nom de l’Éternel sera sauvé. Car sur la montagne de Sion il y aura délivrance, et à Jérusalem, comme l’Éternel l’a dit, et pour les réchappés que l’Éternel appellera» (v. 5). Comme nous l’avons déjà vu, le salut dépassera de beaucoup les limites étroites de Juda, de Jérusalem, et même d’Israël; il s’adressera à «quiconque», de même qu’il est dit ailleurs: «Quiconque croit en Lui, ne périra pas.» Comme, en vertu de l’œuvre de Christ il n’y a pas aujourd’hui «de différence de Juif et de Grec, car le même Seigneur de tous est riche envers tous ceux qui l’invoquent», et que «quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé» (voir Rom. 10:12, 13 qui cite notre passage), il en sera de même en un jour futur. Seulement, dans cet avenir dont parle Joël, la montagne de Sion et Jérusalem seront les objets de la délivrance terrestre, tandis que la bénédiction céleste a aujourd’hui l’Église pour objet. Il n’en reste pas moins vrai que tous les «réchappés que l’Éternel appellera» auront part au règne glorieux de Christ sur la terre; or ces réchappés, notre passage nous l’apprend, comprennent non seulement le Résidu de Juda et d’Israël, mais aussi le Résidu des nations, tel que le chapitre 7 de l’Apocalypse nous le présente.