Juges

Chapitre 18

Dan et le Lévite de Juda

Ce chapitre nous présente les rapports de l’une des tribus avec le système religieux dont nous avons vu l’établissement au chap. 17. Dan s’était montré la plus faible des tribus d’Israël. Repoussé dans la montagne par les Amoréens (1:34), et manquant de foi pour s’emparer de son héritage, il envoie cinq hommes en reconnaissance pour lui chercher la part qui lui manquait encore. Laïs, ville tranquille et prospère, était située à l’extrémité nord de Canaan, éloignée des Sidoniens auxquels elle se rattachait, et sans commerce avec personne. Cette ville offre à Dan une conquête sans gloire, mais lui présente en outre tout ce que le cœur naturel peut désirer. «C’est un lieu», disent les envoyés, «où rien ne manque de tout ce qui est sur la terre» (v. 10). À part la perversité, Laïs, comme Sodome avant sa destruction, ressemblait à un jardin de l’Éternel; conquête digne d’un Lot et non d’un Abraham, qui tente la tribu de Dan affaiblie et relâchée. Dan avait un combat à livrer, une victoire à gagner dans ses propres limites, sur l’Amoréen de la vallée; ce combat lui coûte trop cher; il lui préfère une conquête sans péril, remportée au bout de la terre, loin des yeux des témoins de l’Éternel, et de l’endroit où se trouve l’ennemi réel, laissé, sans mot dire, en possession du vrai héritage de Dan.

En route, ces cinq hommes rencontrent le lévite dans la maison de Michée et lui demandent: «Qui t’a amené ici, et que fais-tu par ici, et qu’as-tu ici?» (v. 3). Ces questions auraient dû ouvrir les yeux du lévite, si des questions en étaient capables. Que pouvait-il répondre, en effet? Sa volonté l’avait amené, car il cherchait à s’établir; il faisait ce que Michée lui avait dit de faire; il avait de l’argent, une paye. Autant de caractères du clergé, qui peut subsister entièrement sans Dieu, dépendre des hommes et travailler en vue d’un salaire.

«Et ils lui dirent: Nous te prions, interroge Dieu, afin que nous sachions si notre chemin par lequel nous allons prospérera» (v. 5). C’est auprès d’un tel homme que les hommes cherchent une direction pour leur marche, aussi reçoivent-ils la réponse qu’ils désirent: «Allez en paix, le chemin où vous marchez est devant l’Éternel». (v. 6). À cette fausse prétention d’être l’oracle du peuple, il faut mêler le nom de l’Éternel, sous peine de n’être pas le clergé.

Plus tard, la tribu de Dan revenant en armes, son premier soin est de s’emparer en passant des dieux de Michée et d’accaparer son sacrificateur. Ils font miroiter devant ses yeux l’avancement qu’il aura: «Vaut-il mieux pour toi d’être sacrificateur de la maison d’un homme seul, ou d’être sacrificateur d’une tribu et d’une famille en Israël?» (v. 19). Il est appelé à une position plus influente et plus lucrative. La volonté de Dieu n’entre pour rien dans les pensées du sacrificateur. Son cœur se réjouit d’être appelé à un nouveau poste (v. 20); prenant «l’éphod, et les théraphim, et l’image taillée, il s’en alla au milieu du peuple» (v. 20). Il emporte avec lui ses idoles, et c’est avec celui que les hommes appellent «leur sacrificateur», que l’idolâtrie prend au milieu de Dan un caractère officiel.

Michée court après les ravisseurs: «Vous avez pris», leur dit-il, «mes dieux que j’ai faits, et le sacrificateur, et vous vous en êtes allés; et que me reste-t-il?» (v. 24). Quelle parole! On lui avait pris sa religion et son clergé, et il ne lui restait rien! Un homme de foi n’aurait pu ressentir la perte de ces choses; il lui serait resté Dieu lui-même, sa Parole, la sacrificature de Dieu, et la maison de Dieu à Silo.

Les fils de Dan vont leur chemin, frappent Laïs, s’emparent de la ville, et «l’appellent du nom de Dan, d’après le nom de Dan, leur père». (v. 29). Le nom de Dan a plus d’importance pour eux que le nom de l’Éternel. Tel est, en quelques mots, le sombre tableau de l’histoire religieuse d’Israël.