Juges

Chapitre 17

Chapitres 17 à 21 — Manifestation de la ruine et restauration finale

Le Lévite de Juda

Les chap. 17 à 21 sont comme un appendice du livre des Juges, appendice de toute importance pour compléter le tableau moral du déclin d’Israël, mais qui, par sa date, prend place avant le début proprement dit de notre livre et remonte aux derniers temps de Josué et des anciens qui le suivirent. Il importait de montrer que, si d’un côté le déclin était graduel, de l’autre la ruine était immédiate et irrémédiable, dès le moment où Dieu avait confié aux mains de son peuple le devoir de garder les bénédictions premières. Il importait ensuite, comme nous le verrons plus tard, d’établir que la fin de Dieu n’est pas la ruine, mais la restauration d’un peuple qui pût demeurer en unité devant lui, après que les châtiments auraient eu leur cours. Il importait encore de montrer les rapports de la sacrificature avec la ruine, et comment elle s’y associe et y contribue. Tous ces grands sujets, et bien d’autres encore, se trouvent condensés dans les chapitres dont nous allons nous occuper. Leur date nous est donnée par trois passages. Je les cite pour ceux que la structure du livre intéresse et pour ne pas être obligé d’y revenir. Le premier de ces passages est au chap. 18:1. Nous voyons au chap. 19 v. 47, de Josué, que la tribu de Dan s’empara de Laïs1, à l’époque où les douze tribus étaient appelées à conquérir leur héritage. Dans le second passage, au v. 12 du chap. 18, «Mahané-Dan» reçoit son nom de l’expédition de Dan, tandis qu’au commencement de l’histoire de Samson (chap. 13:25), c’est un lieu déjà connu. Enfin, au chap. 20:28, «Phinées, fils d’Éléazar, fils d’Aaron, se tenait devant l’arche en ces jours»; d’où l’on doit conclure que ces jours suivirent immédiatement ce qui nous est rapporté en Josué 24:33.

1 Le Léshem de Josué n’est autre que le Laïs du chap. 18 des Juges.

Ces détails établis, nous trouvons aux chapitres 17 et 18 le tableau de la corruption religieuse d’Israël, encore en possession des bénédictions premières. Ce tableau n’offre pas un endroit où le cœur puisse se reposer au sein de la ruine et quand, à la lumière de la Parole, nous l’aurons passée en revue, nous comprendrons que notre unique refuge dans cet affreux débordement du mal, c’est Dieu seul.

Ces chapitres se lient ensemble par une phrase caractéristique, répétée à quatre reprises. «En ces jours-là, il n’y avait pas de roi en Israël; chacun faisait ce qui était bon à ses yeux» (17:6; 21:25). «En ces jours-là, il n’y avait pas de roi en Israël» (18:1; 19:1).

Ainsi, l’état du peuple en ces mauvais jours est dépeint par deux faits. D’abord: «Il n’y avait pas de roi en Israël». Le temps n’était pas encore où Israël demanderait: «Établis sur nous un roi pour nous juger, comme toutes les nations» (1 Sam. 8:5). Jusqu’ici, le peuple avait eu l’Éternel pour roi; maintenant, Dieu était oublié ou laissé de côté, quoique la royauté selon le mode des nations ne fût pas encore établie. Le peuple avait abandonné le système du gouvernement divin, sans avoir encore proclamé sans réserve celui du gouvernement du monde. Ce fait caractérise aussi la chrétienté de nos jours.

En second lieu: «Chacun faisait ce qui était bon à ses yeux». On avait, comme aujourd’hui, le règne de la liberté de conscience. Chacun prétendait avoir pour règle les «lumières de sa conscience», tandis que la vraie lumière de la parole de Dieu était laissée de côté et qu’on n’en parlait plus. Combien ces temps différaient d’avec ceux de Josué, où la Parole était l’unique guide et l’unique autorité d’Israël, en tout ce qu’il entreprenait (Josué 1:7-9. Voyez entre autres chap. 3; 4:6; 8:30-35, etc.). Or, en réalité, la conscience, malgré sa valeur immense pour l’homme, n’est pas un guide, mais un juge, ce qui est tout autre chose. Ce juge qu’il n’écoute pas, l’homme prétend l’honorer en le choisissant pour guide. Mais comment le conduira-t-elle, cette conscience qui peut être endormie, endurcie, cautérisée? Ces chapitres nous montrent où elle conduisit les Israélites, lorsque chacun faisait ce qui était bon à ses yeux. L’idolâtrie avait poussé racine à côté de quelques formes religieuses qui restaient encore. On se laissait aller aux mouvements de son cœur pourvu que l’on crût bien faire, et l’on se précipitait dans d’affreuses iniquités. «Ils croient bien faire», c’est aujourd’hui, comme jadis, le mot d’ordre qui sanctionne même l’apostasie du christianisme.

L’oubli complet des ordonnances de la parole de Dieu caractérise Michée, cet homme de la montagne d’Éphraïm, et sa mère. L’un dérobe, quand la loi avait dit: «Tu ne déroberas point» (Ex. 20:15), et sa conscience ne parle pas quand il avoue ce fait. La mère consacre de sa main l’argent à l’Éternel pour son fils, «afin d’en faire une image taillée, et une image de fonte» (v. 3), alors qu’il était dit: «Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face. Tu ne te feras point d’image taillée» (Ex. 20:3, 4). Chose pire que la simple idolâtrie, elle joignait l’Éternel à ses idoles, et sa conscience ne lui disait rien. Elle s’était fait un culte à sa façon, auquel son fils coupable s’associe pleinement. Le culte du monde religieux d’aujourd’hui n’en diffère pas autant qu’il pourrait paraître, car le nom de l’Éternel s’y mélange aux objets des convoitises du cœur de l’homme, à toutes ces choses dont il est dit: «Enfants, gardez-vous des idoles» (1 Jean 5:21). L’art, la musique, l’or et l’argent et les choses précieuses, ornent ce qu’on appelle le culte de Dieu; tandis que les hommes y donnent place à ce que le monde estime et convoite, aux richesses, à l’influence, à la sagesse humaine.

«Michée eut une maison de dieux, et il fit un éphod et des théraphim», associant les faux dieux à l’éphod, forme sans valeur du culte judaïque, séparée du sacrificateur qui la portait. Puis il «consacra l’un de ses fils, et celui-ci fut son sacrificateur» (v. 5). Plus que jamais la parole de Dieu était oubliée. Son fils était sans droit à la sacrificature, Michée sans droit pour le consacrer.

Un fait nouveau surgit. Un lévite de Juda, ayant comme tel des rapports avec la maison de l’Éternel, mais aucun droit à la sacrificature, passe par aventure, cherchant un lieu de séjour. Michée s’empare de cet homme qui lui apporte une apparence de succession religieuse. «Demeure avec moi, et tu seras pour moi un père et un sacrificateur, et je te donnerai dix pièces d’argent par an, et un habillement complet, et ton entretien» (v. 10). Michée est en progrès; il établit chez lui un lévite authentique, valant pour lui mieux que son fils, il l’entretient et le paie. C’est un clergé constitué sur les mêmes principes que tous les clergés de nos jours. Remarquons en passant comment Dieu nous raconte ces choses. Il ne blâme pas, ne s’indigne pas; il énumère les faits et les place devant nous. Ceux qui sont spirituels distinguent ce que Dieu blâme ou ce qu’il approuve, et apprennent à être aussi étrangers que Dieu lui-même à tous les principes dont ce chapitre nous fait le triste tableau. L’homme charnel reste dans son aveuglement. Michée, en faisant ce qui était bon à ses yeux, pensait se concilier la faveur de l’Éternel! «Et Michée dit: Maintenant je connais que l’Éternel me fera du bien, puisque j’ai un lévite pour sacrificateur» (v. 13).