Juges

Chapitre 13

Chapitres 13 à 16 - Le Nazaréat

Ces chapitres constituent une nouvelle division du livre des Juges. Nous avons vu, du chap. 3 au 12°, une série de délivrances opérées par des instruments suscités de Dieu. C’est la période des réveils. La division qui va nous occuper a un caractère spécial.

Israël retombe encore: «Et les fils d’Israël firent de nouveau ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel, et l’Éternel les livra en la main des Philistins pendant 40 ans» (13:1). Dieu ne nous donne aucun détail sur cette nouvelle décadence, mais nous reconnaissons ce qu’il en pense à la pesanteur de sa verge sur son peuple. Ce châtiment, ce sont les Philistins; rien ne dépeint mieux l’état d’Israël que ce fait. Jusqu’ici l’asservissement était venu soit des ennemis du dehors, soit de Jabin, chef des anciens possesseurs du pays, soit enfin des nations sorties d’Israël selon la chair et qui l’attaquaient sur ses confins. Ici, nous trouvons l’ennemi lui-même établi dans les limites d’Israël et le ravageant. Le Philistin domine sur le peuple et l’asservit. Nos jours ne diffèrent guère moralement de ce temps-là. L’infidélité de l’Église a produit depuis longtemps cette dernière manifestation du mal. Ce qui était autrefois hors de la maison de Dieu y domine; les hommes décrits au chap. 1° des Romains en sont devenus les habitants et impriment leur caractère au peuple de Dieu (cf. Rom. 1; 2 Tim. 3:1-5). Ce mélange est ce que l’on appelle la chrétienté.

Or, en un temps pareil, quelle est la ressource du peuple de l’Éternel? Un mot répond à cette question: le Nazaréat. Ce qui doit nous caractériser aujourd’hui, c’est une séparation entière et complète, une consécration réelle et générale pour Dieu.

Avant d’aborder l’histoire de Samson, touchons ce point important. Sous la loi, tout étant extérieurement en ordre, le nazaréat était temporaire (Nomb. 6); en un temps de ruine, il devient perpétuel, à commencer par l’exemple que nous avons sous les yeux. Samson est un Nazaréen dès le ventre de sa mère. Ce caractère de perpétuité du nazaréat se retrouve en Samuel juge et prophète (1 Sam. 1:11), puis cesse avec David, type de la grâce royale, et Salomon, type de la gloire royale de Christ. Alors vient la ruine du peuple sous la royauté responsable de l’homme, comme on l’avait eue dans les Juges sous le gouvernement plus direct de Dieu. Cette ruine du peuple et de la royauté consommée, Israël est livré entre les mains des gentils; un résidu de Juda est restauré pour attendre le Messie.

La maison est nettoyée, sans doute, mais le peuple est sans vie. Jean Baptiste est suscité avec un nazaréat permanent (Luc 1:15), quand la ruine est pleinement manifestée, non encore consommée par le rejet de Christ, et que le jugement, mais aussi le Sauveur, est à la porte. Annoncé par Jean Baptiste, Jésus paraît, lui, vrai Joseph, Nazaréen entre ses frères, mais sans les signes du nazaréat terrestre, parce qu’il est lui-même la réalité de ce type. Cette qualité seule proclame hautement la ruine du peuple. À la fin de sa carrière, le Seigneur entre dans une seconde phase céleste de son nazaréat. Il se sanctifie lui-même pour ses disciples, dans le ciel, vrai Nazaréen, séparé des pécheurs et assis à la droite de Dieu, laissant les siens ici-bas pour y représenter son nazaréat. Le monde étant, par la croix, convaincu de péché, ruiné et jugé, les disciples, puis l’Église, deviennent des Nazaréens célestes à perpétuité au milieu du monde. Nous verrons, en parcourant l’histoire de Samson, comment l’Église elle-même a répondu à cette vocation.

Il est une autre remarque importante. Ce qui, sous la loi, était l’apanage du petit nombre, est la portion de tous sous la grâce. La sacrificature qui ne comprenait qu’une seule famille en opposition avec la tribu des Lévites, est devenue le privilège universel de tous les enfants de Dieu. (1 Pierre 2:5, 9). Une classe moins nombreuse encore au milieu d’Israël, celle des Nazaréens, composée de quelques hommes ou femmes isolés (sans parler des Récabites (Jér. 35) aux jours des prophètes), caractérise maintenant tous les fidèles. Nous en avons donné la raison, c’est que la séparation pour Dieu est nécessairement la marque des témoins en contact avec l’homme ruiné, avec le monde à la veille du jugement. Cette vérité du nazaréat universel et permanent remplit le Nouveau Testament, et resplendit à chaque page du saint livre pour qui a des yeux pour voir. Elle est d’une immense importance pratique.

Sous la loi, un Nazaréen, homme ou femme, se séparait pendant un temps déterminé pour le service de Dieu. Cette séparation consistait en trois choses (Nomb. 6:1-9) qui touchaient, en figure, aux éléments les plus nécessaires et les plus importants de la vie humaine. La sociabilité tient à la nature et à l’existence même de l’homme. Or le Nazaréen devait s’abstenir de vin et de boisson forte. Il est dit du vin (Juges 9:13), qu’il «réjouit Dieu et les hommes». Cette joie des hommes sociables, ils auraient pu la partager en commun avec Dieu, mais le péché était entré par l’homme, et Dieu ne pouvait plus se réjouir avec lui. Celui qui se consacrait au service de Dieu ne pouvait plus trouver sa joie dans la société de ses semblables, car Dieu n’a rien de commun avec la joie des pécheurs. Le serviteur du Seigneur ne peut chercher ses amis dans le monde, s’asseoir à leurs banquets, partager leurs plaisirs, parce que Dieu n’y est pas. Plus la ruine éclate et plus ce fait s’accentue. Les chrétiens manquent beaucoup en cela. Ils ont des «amis mondains», cultivent leur société, non pour leur apporter l’évangile, mais pour jouir de l’agrément qu’elle leur procure. Hélas! nous ne ressemblons guère à Paul, quand il disait: «Je ne connais personne selon la chair». Sous ce rapport, comme sous tous les autres, le Seigneur était un Nazaréen parfait, étranger à toutes les joies de l’homme sociable. Il dit même à ses disciples, en cette rencontre qu’il avait ardemment désirée, lorsque, en face de la mort, il aurait pu goûter un instant de joie terrestre avec eux: «En vérité, je vous dis que je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je le boirai nouveau dans le royaume de Dieu» (Marc 14:25). Le jour viendra où le vin qui réjouit Dieu et les hommes sera bu nouveau dans une scène purifiée du péché, à laquelle le vrai serviteur pourra s’associer sans restriction. La parole de Dieu insiste sur l’importance de cette séparation: «Il ne boira ni vinaigre de vin, ni vinaigre de boisson forte, et il ne boira d’aucune liqueur de raisins, et ne mangera point de raisins frais ou secs; ... il ne mangera rien de ce qui est fait de la vigne, depuis les pépins jusqu’à la peau» (Nomb. 6:3, 4). Observons-nous cela, mes frères? Tout ce qui touche, de près ou de loin, à la joie du cœur de l’homme naturel nous est-il étranger? Comment réalisons-nous notre nazaréat? Mais, direz-vous, où est la possibilité de le réaliser d’une manière aussi absolue? Cette possibilité, nous la trouvons dans notre caractère céleste. Nous avons un nazaréat céleste. La séparation sous le judaïsme était une séparation matérielle; sous le christianisme, elle devient spirituelle et céleste. Le Seigneur auquel nous appartenons est séparé des pécheurs et élevé plus haut que les cieux. Il a deux moyens pour nous séparer avec lui et comme lui; le premier, la parole de Dieu, nous mettant en rapport avec le Père dans le ciel, le second, sa propre personne à lui, un Christ sanctifié pour nous dans le ciel, afin de marquer et d’établir que nos relations, nos liens, nos affections sont désormais célestes, au milieu d’un monde jugé qui a rejeté Christ.

Une seconde chose caractérisait le Nazaréen: «Pendant tous les jours du vœu de son nazaréat, le rasoir ne passera pas sur sa tête; jusqu’à l’accomplissement des jours pour lesquels il s’est séparé pour être à l’Éternel, il sera saint; il laissera croître les boucles des cheveux de sa tête». (Nomb. 6:5). À côté de la sociabilité, il est un second trait qui touche à l’essence même de l’être humain. L’homme est un être personnel, à volonté indépendante, et pour lequel rien ne saurait être plus important que le moi, sa dignité et tout ce qui s’y rattache. Or les cheveux longs séparent en figure le Nazaréen de tout cela. Ils sont à la fois le symbole de la dépendance et du déshonneur. (1 Cor. 11). La longue chevelure du Nazaréen annonçait ouvertement qu’il abandonnait sa dignité et ses droits personnels comme homme pour se vouer au service de Dieu. Ce qui, pour la femme, était une gloire, était une honte pour lui. Il abdiquait sa personnalité sous ce voile. Lui, né pour cette dignité, la négligeait; lui, établi pour dominer, se soumettait à l’Éternel, comme la femme à son mari. Sans cette dépendance, ni service pour Dieu, ni puissance dans le service. Ce qui était pour le Nazaréen signe de faiblesse, devenait la source de sa force. En outre, son dévouement pour le Seigneur se traduisait par l’oubli de soi-même qui le portait à se négliger pour accomplir pleinement son service.

Une troisième chose le caractérisait encore: «Pendant tous les jours de sa consécration à l’Éternel, il ne s’approchera d’aucune personne morte. Il ne se rendra pas impur pour son père, ni pour sa mère, ni pour son frère, ni pour sa sœur, quand ils mourront; car le nazaréat de son Dieu est sur sa tête» (Nomb. 6:6, 7). Le troisième caractère attaché à l’homme depuis la chute, et inhérent à son être, c’est le péché, prouvé par sa conséquence, la mort. Voilà ce que le Nazaréen devait éviter à tout prix. Les liens les plus forts, ceux de la famille, ne devaient pas entrer en ligne de compte, quand il s’agissait de se sanctifier pour le service de Dieu. Combien nous comprenons peu cela! Ils sont nombreux, les chrétiens qui disent: «Permets-moi de m’en aller premièrement et d’ensevelir mon père». D’autres disent: Je ne puis, mes parents me le défendraient. Ceux-là ne sont pas des Nazaréens. Mais ce n’étaient pas seulement les liens de famille, dont le Nazaréen ne devait tenir aucun compte quand il s’agissait du service, et qu’il devait répudier selon l’exemple du Nazaréen parfait: «Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme? Mon heure n’est pas encore venue». «Qui est ma mère, et qui sont mes frères?» (Jean 2:4; Matt. 12:48). Le Nazaréen devait s’abstenir de tout péché, de toute souillure. Nous avons remarqué ailleurs1 que la loi n’avait aucune ressource pour le péché volontaire, tandis que c’est à lui tout particulièrement que la grâce s’adresse. Un seul péché volontaire, l’abandon du christianisme, est hors des ressources de la grâce. (Héb. 10:26). Hormis le péché volontaire, la loi avait des ressources. 1° Dans la vie journalière de l’Israélite, pour le péché par erreur et le délit. (Lév. 4:5). 2° Dans sa marche, pour le péché par manque de vigilance ou inadvertance (Nomb. 19). 3° Dans son service, pour le péché par négligence et pour le péché imprévu qu’il semblait impossible à l’homme d’éviter. «Et si quelqu’un vient à mourir subitement auprès de lui, d’une manière imprévue et qu’il ait rendu impure la tête de son nazaréat...» (Nomb. 6:9). C’était un cas involontaire et impossible à prévoir, et cependant c’était péché, d’autant plus qu’il s’agissait d’un service particulièrement important et honoré. Ce fait parle à nos consciences. Notre nazaréat implique la séparation la plus absolue des souillures de ce monde. Nulle part, dans ce chapitre, Dieu ne suppose que le Nazaréen puisse, de propos délibéré, boire du vin, tailler ses cheveux, ou toucher un mort. Il en est de même pour nous. Dieu ne suppose pas que nous devions pécher, et il agit envers nous sur ce principe.

1 La Génisse rousse [de H.R.]

Les trois marques du nazaréat, dont nous venons de parler, n’étaient, malgré leur importance (on pourrait facilement l’oublier), que les caractères extérieurs de cette vocation. Ces marques étaient la conséquence d’un vœu, d’une consécration au service de l’Éternel, d’une séparation intérieure de l’âme pour lui. «Si un homme ou une femme se consacre en faisant vœu de nazaréat, pour se séparer afin d’être à l’Éternel...» (Nomb. 6:2). J’insiste sur ce point important. Un vœu était une décision de servir Dieu d’une certaine manière; elle était sans restriction. On se dévouait ainsi au service de l’Éternel. Ce même dévouement à Dieu et à Christ est à la base du nazaréat chrétien. S’il n’y est pas, nous nous exposons à quelque chute grave. On peut être Nazaréen d’une manière presque extérieure, posséder même, comme Samson, la grande puissance qui accompagne le nazaréat, et n’être pas séparé dans son cœur. Sans doute, ce côté, purement extérieur sous la loi, ne l’est plus sous le christianisme. On peut être aujourd’hui membre d’une société de tempérance sans être un Nazaréen. Ce qui correspond à ces signes extérieurs, c’est, pour le chrétien, un témoignage rendu devant le monde, nous séparant de ses souillures aussi bien que de ses joies, et nous faisant marcher ouvertement dans un chemin de dépendance qui prend la parole de Dieu pour règle. Or nous pourrions professer ces choses, marcher extérieurement dans le chemin du nazaréat, et cependant avoir des cœurs partagés et non sanctifiés. Ce chemin aboutit à une défaite comme celle de Samson, et, s’il n’y aboutit pas, nous y perdons en tout cas beaucoup des bénédictions qui découlent de l’entière consécration au service du Seigneur. Au chap. 7 du Lévitique, la fête du sacrifice de prospérités durait deux jours pour celui qui avait fait un vœu, un jour seulement quand il s’agissait d’une action de grâces pour des bénédictions reçues. L’influence du renoncement à tout ce que le monde pouvait offrir, se montre aussi dans le culte d’Abraham, aux chap. 12 et 13 de la Genèse. Abraham y dresse trois autels; celui de Sichem, l’autel de l’obéissance à l’Éternel qui lui était apparu; celui de Béthel, l’autel du voyageur, au nom de l’Éternel; celui d’Hébron, l’autel du renoncement, à l’Éternel lui-même, et c’est là que le patriarche réalise les bénédictions divines dans toute leur étendue.

Revenons au Nazaréen. Il est intéressant de voir ce qu’il devait faire, lorsqu’il avait «rendu impure la tête de son nazaréat» (Nomb. 6:9-11). Un de ces actes correspondait à la perte de son nazaréat extérieur, l’autre à la perte de son vœu, de sa consécration intérieure. Il devait se raser la tête. C’était la reconnaissance publique qu’il avait manqué, mais aussi l’aveu que la puissance de son nazaréat l’avait quitté. Le Nazaréen repentant n’était pas comme Samson qui «ne savait pas que l’Éternel s’était retiré de lui». Il le reconnaissait, proclamant, pour ainsi dire, qu’il n’était plus qualifié pour le service. Ensuite, il devait offrir «deux tourterelles ou deux pigeonneaux», sacrifice de celui «qui ne pouvait atteindre à un agneau». C’était reconnaître son incapacité, son néant comme serviteur, en même temps que la valeur du sang offert pour sa purification. Nous devons prendre note de ces choses; ne pas prendre extérieurement une attitude de force spirituelle, quand nous avons perdu la communion avec le Seigneur, et confesser avec humiliation devant Dieu notre péché, quand nous avons manqué au devoir de notre service.

Continuons ce service sans lassitude et ne le laissons interrompre par rien. Il venait un jour où le nazaréat cessait. Alors le Nazaréen offrait tous les sacrifices. Ce jour luira pour nous aussi, quand le Seigneur viendra et que son sacrifice aura porté ses suprêmes conséquences, le péché aboli, la mort anéantie, et Satan brisé pour toujours sous nos pieds. Alors nous raserons la tête de notre nazaréat (Nomb. 6:18); alors la puissance du Saint Esprit ne sera plus employée pour nous communiquer la force qui nous sépare de tout mal dans notre service; alors nous mettrons «les cheveux de la tête de notre nazaréat sur le feu qui est sous le sacrifice de prospérités», car notre force tout entière sera employée à la joie d’une communion sans mélange, et la scène du monde nouveau sera, comme nous-mêmes, parfaitement conforme aux pensées et au cœur de Dieu!

 

Un résidu

Le peuple retombé dans l’infidélité est asservi à l’ennemi du dedans, aux Philistins établis dans le territoire d’Israël. C’est la dernière période de l’histoire du déclin. Les fils d’Israël ne crient plus à l’Éternel; souffrant cette domination, ils ne désirent pas même en être délivrés (chap. 15:11), et, pour vivre tranquilles sous cet esclavage, ils cherchent à se défaire de leur libérateur. Nous touchons au temps de leur complète apostasie.

Au milieu de cet état de choses irrémédiable, Dieu sépare un résidu pieux et lui adresse ses communications. Manoah et sa femme craignent l’Éternel, écoutent sa voix et se parlent l’un à l’autre (conf. Malach. 3:16), type frappant du résidu des Marie et des Élisabeth, des Anne, des Zacharie et des Siméon, attendant le vrai Messie, le Sauveur d’Israël; type aussi de ce résidu futur qui, traversant la tribulation, suivra les sentiers de justice, attendant la venue de son roi.

Samson, le libérateur d’Israël, trouve à sa naissance non pas un peuple qui l’acclame, mais ce couple pieux qui croit en sa mission. Le Seigneur, rejeté du peuple dès son arrivée sur la scène, ne trouve que quelques âmes fidèles auxquelles il se puisse associer, ces excellents de la terre, mentionnés au Ps. 16, dans lesquels il trouve ses délices. Le temps de la ruine irrémédiable est donc le temps des résidus. Il en est de même pour la période actuelle de l’Église. Le souverain prophète annonce cette période à ses disciples, quand il leur parle d’une assemblée réduite à deux ou trois, réunis autour du vrai centre, autour du nom de Christ, pendant son absence. Cette période est mentionnée par l’Apocalypse lorsque, en présence de l’idolâtrie de Thyatire, de la mort de Sardes et de la tiédeur écœurante de Laodicée, l’approbation du Saint et du Véritable est prononcée sur le faible résidu sanctifié de Philadelphie.

Ce qui caractérise le résidu en tout temps, c’est le Nazaréat, l’entière «séparation afin d’être à l’Éternel». L’Ange de l’Éternel, apparaissant à la femme de Manoah, lui dit: «Voici, tu es stérile et tu n’enfantes pas; mais tu concevras, et tu enfanteras un fils. Et maintenant, prends garde, je te prie, et ne bois ni vin ni boisson forte, et ne mange rien d’impur» (v. 3-4). Cette femme avait à se revêtir du nazaréat, parce qu’elle était le vase choisi de Dieu pour présenter au peuple le sauveur promis. «Car voici, tu concevras, et tu enfanteras un fils; et le rasoir ne passera pas sur sa tête, car le jeune garçon sera nazaréen de Dieu dès le ventre de sa mère; et ce sera lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins» (v. 5). Le nazaréat de Samson impliquait celui de sa mère. Pour faire honneur au sauveur d’Israël ses témoins devaient porter aux yeux de tous les marques de son propre caractère. Cette vérité est de tous les temps. Si nous ne portons pas ici-bas le caractère de Christ, caractère d’entière séparation pour Dieu, nous ne sommes pas les témoins de notre Sauveur. Depuis l’apparition de Christ, le nazaréat permanent doit caractériser les fidèles, comme il caractérise le Seigneur. Plus la ruine augmente, plus il est mis en évidence. La 2° épître à Timothée qui nous présente les temps de la fin, est remplie des caractères du nazaréat. Au chap. 2:19, c’est le Nazaréen se retirant de tout contact avec le péché; au chap. 2:21, sa purification pour Dieu; aux chap. 3:10, 11, et 4:5-7, le serviteur de Dieu marchant dans l’oubli de lui-même, dans la dépendance complète du Seigneur. N’est-ce pas le Nazaréen qui parle en 2 Cor. 4:7-12? Aux chap. 6-7:1, de cette même épître, nous retrouvons encore le nazaréat sous ses traits principaux; aux v. 4-10, l’opprobre et l’oubli de soi-même; aux v. 14-15, la séparation de toute association avec le monde; au chap. 7:1, la purification de toute souillure de chair et d’esprit. On pourrait multiplier les citations. Ce qu’il importe d’établir, c’est qu’il n’y a pour nous ni marche, ni témoignage, ni service, sans le nazaréat, c’est-à-dire sans la consécration et la séparation pour Dieu.

Au v. 6, la femme de Manoah raconte à son mari la visite de l’Ange: «Un homme de Dieu est venu vers moi, et son aspect était comme l’aspect d’un ange de Dieu, très terrible; et je ne lui ai pas demandé d’où il était, et il ne m’a pas fait connaître son nom». Cette pauvre femme a peu d’intelligence: elle ne sait ni d’où l’ange vient, ni qui il est, et ne le lui demande pas, preuve de son peu d’intimité avec Dieu. Loin de la rassurer, la présence du Dieu des promesses l’effraye, car elle ne voit l’ange que sous son aspect «très terrible». Manoah lui-même, homme d’une piété sincère, a peu de connaissance, mais désire en avoir davantage. Il veut savoir ce qu’il «doit faire au jeune garçon» (v. 8), puis ce que «le jeune garçon devra faire» (v. 12). Au lieu de répondre à ses questions, l’Ange de l’Éternel lui dit: «La femme se gardera de tout ce que je lui ai dit. Elle ne mangera rien de ce qui sort de la vigne, et elle ne boira ni vin ni boisson forte, et ne mangera rien d’impur. Elle prendra garde à tout ce que je lui ai commandé» (v. 13, 14). Pourquoi? C’est que Dieu ne demande pas la connaissance en premier lieu. Ni celle-ci, ni même une vraie piété, comme celle de Manoah et de sa femme, ne suffisent pour nous garder au milieu de la ruine. Ce qu’il leur fallait avant la connaissance, c’était la vraie séparation personnelle pour Dieu, séparation qui avait pour modèle et pour mesure le nazaréat de celui qui était près de paraître.

D’autres vérités, partage des témoins de Christ en un temps de déclin, nous sont encore révélées ici. «Manoah dit à l’Ange de l’Éternel: Quel est ton nom... Et l’Ange de l’Éternel lui dit: Pourquoi demandes-tu mon nom? Il est merveilleux. Et Manoah prit le chevreau et le gâteau, et il les offrit à l’Éternel sur le rocher. Et il fit une chose merveilleuse, tandis que Manoah et sa femme regardaient» (v. 17-19). En repassant l’histoire des différentes périodes de ce livre, nous trouvons qu’à chaque réveil correspondent certains principes qui le caractérisent. Les temps d’Othniel, d’Éhud, de Barak, de Gédéon, de Jephthé, présentent chacun quelque principe nouveau; mais Dieu réserve aux derniers temps de la ruine des vérités précieuses entre toutes, cachées jusqu’alors et merveilleuses. Cette manière d’agir est digne du Dieu d’amour! Connaissant les difficultés des siens au milieu de l’infidélité grandissante, et voulant arracher leur cœur à ce milieu ténébreux, il met en lumière et confie à ses témoins des vérités de plus en plus glorieuses.

Ces vérités ont le sacrifice pour point de départ. Manoah, plus intelligent que Gédéon (conf. 6:19), prend le chevreau et le gâteau et les offre à l’Éternel sur le rocher. La croix est le fondement de toute notre connaissance comme enfants de Dieu. Manoah désirait connaître beaucoup de choses que l’Éternel ne peut lui révéler avant le sacrifice. Mais ce fondement posé, l’Ange fait une chose merveilleuse, révélée, sans doute, d’une manière encore obscure et symbolique aux yeux de ce pauvre résidu qui attendait un Sauveur. «Il arriva que, comme la flamme montait de dessus l’autel vers les cieux, l’Ange de l’Éternel monta dans la flamme de l’autel, Manoah et sa femme regardant» (v. 20). Ils trouvent dans le feu du sacrifice un chemin nouveau, non frayé jusque-là, chemin du représentant de l’Éternel pour remonter vers lui, et leurs regards, attachés sur l’Ange, voient une personne glorieuse dont ils connaissent la demeure, maintenant qu’elle a disparu de devant leurs yeux. Alors seulement, «Manoah connut que c’était l’Ange de l’Éternel» (v. 21). Le cœur, les intérêts de ce pauvre résidu, sont en ce moment sortis de ce monde et prennent le chemin de l’Ange pour monter avec lui dans les cieux. Ces simples croyants pourront parler désormais d’un chemin qui conduit dans le ciel, et d’une personne qui s’y trouve, devenue leur objet, tandis qu’ils sont encore ici-bas.

Dans cet acte merveilleux, une chose encore était révélée, non pour Manoah, mais pour nous: le caractère futur de ce nazaréat dont l’Ange leur avait parlé. Il est maintenant céleste, comme nous l’avons dit plus haut. L’Ange en se séparant d’eux, se sépare dans le ciel. Le Seigneur Jésus, rejeté du monde, a dit: «Je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité» (Jean 17:19). Séparé dans les cieux, il nous attire à sa suite, et fixe nos yeux sur lui-même, afin que nous reproduisions ici-bas le caractère céleste de Celui que le monde a rejeté. Devant cette révélation, à peine entrevue par eux, mais qui nous sert d’instruction, les époux «tombèrent sur leurs faces contre terre» (v. 20). Et nous, n’adorerons-nous pas bien plus, au milieu des ténèbres grandissantes, le Dieu qui nous a révélé, avec un Christ céleste et glorieux, notre place en lui, et nous l’a donné comme objet, afin que nous puissions le reproduire dans ce monde? De telles bénédictions sont faites pour remplir nos cœurs de joie et de reconnaissance. Que des chrétiens, cherchant leur place avec le monde, marchent ici-bas la tête penchée, en voyant l’état de choses qui les entoure, qu’ils affligent chaque jour leurs âmes, comme faisait jadis le juste Lot — telle n’est point notre part; nous ne sommes pas appelés à jouer le rôle de Lot ici-bas. Notre part est avec Abraham, l’ami de Dieu. La ruine n’abattait pas son âme. Comme un Nazaréen, il se tenait sur sa haute montagne, les yeux fixés non sur Sodome, mais sur la cité qui a des fondements. Jésus a dit de lui: «Abraham... a tressailli de joie de ce qu’il verrait mon jour; et il l’a vu, et s’est réjoui» (Jean 8:56). Ah! plutôt que de nous décourager, bénissons Dieu; rendons-lui grâce du trésor céleste qu’il nous a donné en Christ.

Comme tant de cœurs chrétiens aujourd’hui, celui de Manoah est rempli de crainte quand il se trouve devant Dieu. «Il dit à sa femme: Nous mourrons certainement, car nous avons vu Dieu» (v. 22). Sa compagne lui est vraiment une aide. Y a-t-il lieu de craindre, dit-elle, quand Dieu a accepté notre offrande? L’amour de Dieu, montré pour nous à la croix, nous est le sûr garant de tout le reste. «Celui même qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don aussi, librement, de toutes choses avec lui?» (Rom. 8:32)