Juges

Chapitre 10

Thola et Jaïr (v. 1-5)

Le commencement de ce chapitre nous présente brièvement l’histoire de deux juges d’Israël, Thola et Jaïr. Tous deux étaient des hommes éminents. Le premier par sa race, car la Genèse fait mention de ses ancêtres parmi les fils d’Israël qui descendirent en Égypte, et nomme Thola et Pua entre les fils d’Issacar (cf. 1 Chron. 7:1). Le second brillait par ses richesses, le nombre de ses fils, sa prospérité (cf. 5:10), ses villes. Mais, chose remarquable, rien d’autre n’est ajouté. Leur règne a une durée peu commune; Dieu les emploie, qualifiant même Thola de sauveur d’Israël, mais il ne se glorifie pas par eux d’une manière spéciale. Cela nous rappelle un passage en 1 Cor. 1: «Pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de nobles... Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour couvrir de honte les hommes sages; et Dieu a choisi les choses faibles du monde pour couvrir de honte les choses fortes; et Dieu a choisi les choses viles du monde, et celles qui sont méprisées, et celles qui ne sont pas, pour annuler celles qui sont; en sorte que nulle chair ne se glorifie devant Dieu». Dieu emploie de préférence des vases faibles, et c’est pourquoi tant de juges portent, d’une manière ou de l’autre, un cachet de faiblesse. D’autre part, toute la valeur des instruments de Dieu consiste à présenter le caractère de Christ. Un homme puissant, noble ou riche, reproduit difficilement les traits de Celui qui fut ici-bas faible, humilié et pauvre, pour nous apporter la grâce de Dieu. Ils n’étaient ni des Thola, ni des Jaïr, ces juges qui les précédèrent, exemples d’humilité et d’oubli de soi, estimant les autres supérieurs à eux-mêmes, eux qui, n’ayant rien à perdre, firent preuve d’une énergie spirituelle que rien ne put arrêter, et dont la faiblesse remporta la victoire.

 

Nouveau réveil d’Israël (v. 6-18)

Les temps paisibles de Thola et de Jaïr n’empêchent pas le peuple de tomber de plus en plus bas. Le déclin grandit, le mal s’accentue. «Les fils d’Israël firent de nouveau ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel, et ils servirent les Baals, et les Ashtoreths, et les dieux de Syrie, et les dieux de Sidon, et les dieux de Moab, et les dieux des fils d’Ammon, et les dieux des Philistins; et ils abandonnèrent l’Éternel et ne le servirent pas» (v. 6). Jamais on ne vit autant de faux dieux réunis en Israël. L’idolâtrie la plus complète caractérise le peuple. Ammon est suscité comme verge de l’Éternel et écrase Galaad pendant dix-huit ans. L’ennemi passe le Jourdain pour en faire autant à Juda et à Benjamin. Alors, sous la pression des circonstances, la grâce opère une œuvre dans la conscience du peuple. Fait remarquable, à mesure que l’apostasie s’élève à son développement final, les réveils vont s’approfondissant, dans les consciences. Je ne dis pas s’élargissant. Rappelons-nous seulement le cantique de Debora, qui remet en pleine lumière tous les privilèges du peuple de Dieu. Mais alors Israël sentait peu sa responsabilité, la conscience du peuple était moins atteinte, le jugement de soi-même moins marqué. Nous trouvons ici, pour la première fois, la lumière divine pénétrant dans la conscience du peuple, pour l’amener à se juger profondément (cf. 6:7-10). «Nous avons péché contre toi», disent-ils, «car nous avons abandonné notre Dieu, et nous avons servi les Baals». (v. 10). Alors Dieu leur rappelle ses grâces et ses délivrances d’autrefois, et de la main de combien de nations il les avait sauvés, puis il ajoute: «Mais vous, vous m’avez abandonné, et vous avez servi d’autres dieux». Enfonçant comme une flèche dans leur conscience la parole que leur détresse leur avait fait prononcer, il termine par ces mots: «C’est pourquoi, je ne vous sauverai plus». (v. 13). Israël ne peut être restauré comme ensemble. C’est aussi l’histoire de l’Église.

À l’ouïe de ces paroles, les fils d’Israël font un nouveau pas dans le chemin salutaire où l’Esprit de Dieu les conduit. «Nous avons péché; fais-nous selon tout ce qui sera bon à tes yeux». Confessant leur péché, passant condamnation sur eux-mêmes, et reconnaissant la justice du jugement de Dieu, ils ajoutent: «Seulement, nous te prions, délivre-nous ce jour-ci» (v. 16). Ils font appel à la grâce. Restera-t-elle sourde à leur cri? Impossible! La repentance les conduit à connaître l’Éternel mieux qu’ils ne l’avaient jamais connu.

Cette restauration ne serait pas réelle, si elle ne portait des fruits. «Et ils ôtèrent du milieu d’eux les dieux étrangers et servirent l’Éternel» (v. 16); se tournant des idoles vers Dieu, ils servent le Dieu vivant et vrai. Alors l’Éternel leur ouvre les trésors de pitié de son cœur.

Dieu veuille que, dans nos tristes jours, ce soit le caractère du réveil. Il est bon que les âmes connaissent leurs privilèges et leur position céleste, mais il est nécessaire qu’un travail profond de conscience accompagne le réveil, pour que les chrétiens portent des fruits de sainteté réelle, d’humble dévouement, de consécration complète et sans bruit, qui ne se mette pas en avant pour parler d’elle-même, mais abandonne ses idoles pour servir le Seigneur.

Quelque béni que soit ce jour de réveil, une chose lui manque cruellement, la connaissance des vérités fondamentales que Dieu avait confiées à son peuple. «Et le peuple, les princes de Galaad, se dirent l’un à l’autre: Quel est l’homme qui commencera à faire la guerre contre les fils d’Ammon? Il sera chef de tous les habitants de Galaad» (v. 18). La conscience de l’unité du peuple est absente; Galaad fait bande à part. L’autorité et la direction de l’Esprit de Dieu sont peu connus, car ils disent: «Quel est l’homme?» Ils n’ont qu’un pas à faire pour le choisir eux-mêmes; ce pas, ils le font aux v. 4-11 du chapitre suivant. Ce n’est pas que Jephthé n’ait été suscité de Dieu, mais Galaad joue un rôle dans ce choix. Qu’il y a loin de là à l’appel de Gédéon, et combien cette immixtion de l’homme est tristement caractéristique des derniers temps du déclin!