Juges

Chapitre 8

Difficultés et pièges dans le service (v. 1-23)

Du moment que nous marchons avec Dieu et portons son témoignage, nous pouvons être assurés de trouver toute sorte de difficultés sur notre chemin. Au chapitre précédent, Gédéon et ses 300 compagnons en avaient rencontré quelques-unes. Leur combat n’allait pas sans souffrances. Il leur fallait renoncer aux joies, aux aises, ne goûter des rafraîchissements de la route que tout juste ce qu’il fallait pour atteindre le but. Le chap. 8 nous présente d’autres échantillons de leurs souffrances. Les hommes d’Éphraïm contestent contre Gédéon. Au temps de Debora, ils avaient été au poste d’honneur (v. 14), mais ils avaient décliné dès lors et Gédéon, dirigé de Dieu, ne les avait pas appelés; ils étaient tombés au second rang. Cette distinction les rend jaloux de ce que l’Éternel avait confié à leurs compagnons, jaloux de l’énergie de la foi et de ses résultats chez les autres. «Que nous as-tu fait?» (v. 1). Éphraïm, préoccupé de son importance, pense à lui-même au lieu de penser à Dieu. Telle est la source de bien des contestations entre frères, luttes mille fois plus pénibles et délicates que nos combats avec le monde. Il est précieux de voir l’homme de Dieu traverser cette difficulté dans la puissance de l’Esprit. Le livre des Juges nous offre trois exemples de contestations pareilles, le cas de Gédéon, celui de Jephthé et celui des onze tribus contre Benjamin. Ici, le mal fut conjuré et la brèche évitée. Plus tard, il n’en fut pas ainsi. Lorsque des altercations surgissent entre chrétiens, quelle est la ressource? Rester dans une parfaite humilité. Gédéon l’avait appris à l’école de Dieu, dans les chapitres précédents, aussi ne lui est-il pas difficile de le réaliser ici. Dieu lui avait fait comprendre que sa vaillance et sa force ne lui appartenaient pas en propre, et qu’en elle-même l’épée de Gédéon n’avait pas plus de valeur qu’un pain d’orge. Aussi, en présence d’Éphraïm, le serviteur de l’Éternel employé pour cette grande délivrance, se garde-t-il bien de parler de lui. Il s’occupe de ce que Dieu a fait par la main de ses frères. «Qu’ai-je fait», dit-il, «en comparaison de vous? Les grappillages d’Éphraïm ne sont-ils pas meilleurs que la vendange d’Abiézer?» Il s’attribue la dernière place et reconnaît l’activité pour Dieu dont ils avaient été honorés malgré tout. Une grande difficulté est apaisée par l’humilité du serviteur de Dieu. Agissons de même. Quand nous parlons de nos frères, énumérons, non point leurs défauts, mais les choses que Dieu a produites en eux. Ne puis-je admirer Christ dans mon frère, quand je vois Dieu aux prises avec lui pour le briser et faire ressortir coûte que coûte le caractère du Seigneur? Rien n’apaise les contestations comme de voir Christ chez les autres; c’est le produit d’un état normal des enfants de Dieu.

Gédéon et ses compagnons rencontrent une seconde difficulté, plus cuisante encore que ces contestations. Ils allaient «fatigués, mais poursuivant toujours», éprouvant dans leurs corps cette destruction journalière qui est la part des croyants dans leur témoignage, mais poursuivant à tout prix pour atteindre le but (2 Cor. 4:16; Phil. 3:12). Ils arrivent devant Succoth, ville d’Israël qui appartenait à la tribu de Gad. Succoth les rejette, refuse même de leur donner du pain. Il y avait donc, au milieu du peuple de Dieu, une ville entière qui, portant le nom d’Israël, avait rompu toute solidarité avec les témoins de l’Éternel! «La paume de Zébakh et celle de Tsalmunna», répondent-ils, «sont-elles déjà en ta main, que nous donnions du pain à ton armée?» Ils avaient confiance en l’ennemi et ne voulaient pas se compromettre en prenant parti pour Israël. Le nombre est grand aujourd’hui, de ceux qui portent le nom de Christ tout en cherchant l’alliance et l’amitié du monde, qui, par crainte de se compromettre, font cause commune avec nos ennemis, et mettraient plutôt des obstacles sur le chemin des croyants pour les empêcher de vaincre. Ne nous en étonnons pas; qu’une juste indignation ne nous arrête pas en chemin pour châtier cet esprit. Il faut que nos cœurs, comme celui de Gédéon, soient tout entiers au combat. L’homme de Dieu poursuit sa marche; l’infamie de Penuel ne l’arrête pas plus que l’infamie de Succoth. Chaque chose a son temps pour le témoin de Dieu. Satan cherche à les mêler pour nous créer des obstacles. Il ne faut pas que Zébakh et Tsalmunna nous échappent; le jugement des villes rebelles s’exécutera plus tard. Au retour, l’homme de Dieu exerce la discipline dans l’assemblée d’Israël et «retranche le méchant», car il serait déshonorant pour Dieu de tolérer le mal dans l’Assemblée.

Ai-je assez fait remarquer, dans toute cette histoire, l’alliance en Gédéon de ces deux caractères, l’humilité et l’énergie de la foi? l’énergie pour rassembler et purifier le peuple, pour combattre et poursuivre l’ennemi, l’humilité qui nous ôte toute confiance en nous-mêmes et nous fait chercher toute notre force en l’Éternel. Et cependant, c’est du côté où il semblait avoir le moins besoin de vigilance, que l’ennemi va lui dresser un piège et amener finalement la ruine morale de l’homme éminent qui conduisait Israël!

Les rois vaincus n’épargnent pas à Gédéon les paroles de louange (v. 18-21), d’autant plus dangereuses qu’elles semblent n’avoir aucun motif intéressé. Il leur demande: «Comment étaient les hommes que vous avez tués à Thabor?» Et ils disent: «Comme toi, tels ils étaient; chacun d’eux comme la figure d’un fils de roi».

Défions-nous des flatteries du monde. Le simple bon sens chrétien devrait nous dire que le monde nous flatte pour nous affaiblir et nous ôter les armes avec lesquelles nous le combattons. On ne voit pas que cette parole ait détourné Gédéon du chemin de Dieu, mais il me semble perdre la notion réelle de la puissance de l’adversaire, et la mépriser au lieu de la craindre. Il n’en fut pas ainsi de Josué, lorsqu’il fit prisonnier les cinq rois (Jos. 10:22-27). Loin de diminuer aux yeux des hommes d’Israël la force de l’ennemi, il leur dit: «Approchez-vous, mettez vos pieds sur les cous de ces rois», puis il ajoute: «Ne craignez point et ne soyez pas effrayés; fortifiez-vous et soyez fermes», tant il a conscience à la fois de la puissance du monde et de la force de l’Éternel. Deux choses nous conviennent, quand nous sommes aux prises avec l’ennemi: la crainte et le tremblement quant à nous-mêmes; une parfaite assurance quant à Dieu, excluant toute frayeur, car nous savons que Satan et le monde sont des ennemis vaincus. Gédéon réalise imparfaitement ces choses. Il confie à son fils Jéther le soin de tuer ces deux rois. «Mais le jeune garçon ne tirait pas son épée, parce qu’il avait peur». Au chap. 7, l’Éternel avait éliminé ceux qui avaient peur et les avait retirés du combat; ici, Gédéon, confiant à un enfant la destruction d’un ennemi qu’il méprise, n’est pas en communion avec les voies divines. Dieu n’appelle pas des enfants dans la foi à faire publiquement des actions d’éclat; un enfant va à l’école et non pas à la guerre.

Alors ces rois lui disent: «Lève-toi, et jette-toi sur nous; car tel qu’est l’homme, telle est sa force». Nouvelle flatterie contre laquelle Gédéon aurait dû protester, car il avait appris une toute autre leçon à l’école de Dieu. Sa force, en effet, était exactement l’opposé de ce qu’était l’homme. Ne le savait-il pas, quand l’ange de l’Éternel lui disait: «Va avec cette force que tu as», à lui, le plus petit dans la maison de son père? Ne l’avait-il pas réalisé dans la nuit solennelle où Dieu lui avait révélé qu’un pain d’orge allait renverser toutes les tentes de Madian? Gédéon, en de meilleurs jours, n’aurait pas accepté cette flatterie, ni laissé l’adversaire planter dans son cœur un germe de confiance en lui-même.

Mais le voici aux prises avec une nouvelle embûche (v. 22-23). Ce n’est plus la flatterie du monde, mais la flatterie du peuple de Dieu. «Les hommes d’Israël dirent à Gédéon: Domine sur nous, et toi et ton fils, et le fils de ton fils; car tu nous as sauvés de la main de Madian». Ils mettent leur conducteur à la place de l’Éternel et lui offrent le sceptre: «Domine sur nous». Nul n’est plus prompt à établir des clergés que le peuple de Dieu. Ce n’est pas seulement la plaie de la chrétienté, c’est aussi la tendance innée au cœur naturel des croyants. L’heureux effet d’un ministère nous induit à faire du «serviteur» un «ministre» au sens humain, perdant ainsi Dieu de vue. Grâce à Dieu, la foi de Gédéon échappe à ce danger. Il dit résolument: «Je ne dominerai point sur vous, et mon fils ne dominera point sur vous; l’Éternel dominera sur vous». Le but de son ministère, c’est que Dieu ait la prééminence et ne perde rien de son autorité sur son peuple.

 

L’éphod de Gédéon (v. 24-35)

Jusqu’ici Gédéon avait été merveilleusement gardé au milieu des dangers et des pièges. Son cœur est encore plein de bonnes intentions, mais un venin très subtil y a fait de secrets dégâts, et nous assistons à la ruine de la carrière du juge, comme jadis à la ruine du peuple.

«Et Gédéon leur dit: Je vous ferai une demande: Donnez-moi chacun de vous les anneaux de son butin», requête que le peuple accorde volontiers. Gédéon ne convoite pas ces choses comme Acan, lorsqu’il attira le jugement sur Israël. Son cœur est noble et désintéressé. Il désire faire de cet or un bon usage. Autrefois, Aaron avait réclamé leurs parures pour en faire le veau d’or. Jerubbaal, qui avait renversé les idoles, ne cherche nullement à les rétablir mais, gagné par le sentiment de son importance, il désire ériger à Ophra, dans sa ville natale, un mémorial de sa victoire. Ce mémorial sera un éphod, un objet d’ordonnance divine. L’éphod faisait partie des vêtements portés par le sacrificateur, quand il représentait le peuple devant Dieu. Objet magnifique en vérité, mais n’ayant aucune valeur aux yeux de l’Éternel sans le souverain sacrificateur qui le portait. Hélas! tout Israël considère l’éphod comme un moyen de s’approcher de Dieu et vient se prosterner devant lui. Gédéon lui-même et sa maison tombent dans le piège.

La chrétienté n’est pas étrangère aux éphods. Nombreuses sont les choses d’ordonnance divine qu’elle sépare de Christ, et par lesquelles elle estime s’approcher de Dieu. L’Église, le ministère, le baptême, la cène, et même la prière, séparés de leur source, deviennent des éphods devant lesquels le peuple se prosterne. La forme prend la place de Dieu et les âmes retombent par elle dans l’idolâtrie. Eh! ne fait-on pas une idole même d’un Christ en croix! Le serpent d’airain avait été conservé et le peuple en avait fait un faux dieu. Comme le fidèle Ézéchias, le vrai témoin d’aujourd’hui ne peut supporter cela. Le roi brisa cette idole et l’appela Nehushtan, c’est-à-dire morceau d’airain (2 Rois 18:4).

Quel fait humiliant, que des conducteurs du peuple soient les instruments pour le ramener à l’idolâtrie! Souvent, après un heureux début, le cœur, se laissant gagner par les flatteries du monde, éprouve le désir d’y jouer un rôle et d’en être reconnu. On s’érige un monument qui ne fait qu’ajouter des matériaux à la ruine. On fait d’Ophra le centre du peuple, parce qu’on s’y trouve, et de l’éphod le centre d’Ophra, et l’on déplace ainsi le sanctuaire divin de Silo, le vrai centre de rassemblement d’Israël. Gédéon n’était point un homme orgueilleux, mais son cœur abusé n’était plus intègre devant Dieu. Il habite sa maison (v. 29), et se repose de ses glorieux travaux. Une famille nombreuse l’entoure, mais il élève un serpent qui consommera la ruine finale de sa race. À peine a-t-il fermé les yeux, qu’Israël retourne à la vraie idolâtrie et s’établit Baal-Berith pour dieu (v. 33), faisant du démon lui-même, le chef et «Seigneur de l’alliance».

Mais il est une chose consolante au milieu de la ruine, et le chap. 9, va nous le prouver: Dieu ne reste jamais sans témoignage ici-bas. Soyons donc ses témoins, en retenant cette parole de Gédéon au peuple: «L’Éternel dominera sur vous».