Juges

Chapitre 7

Caractères des témoins de Dieu en un temps de ruine (v. 1-14)

Nous avons vu, au chap. 6, le serviteur préparé pour l’œuvre à laquelle Dieu le destine; les versets que nous venons de lire nous montrent les caractères des témoins de Dieu en ces temps de ruine.

Aux jours de sa prospérité morale sous Josué, quand il s’agissait de combattre, tout Israël montait à la bataille et l’unité du peuple se manifestait ainsi d’une manière frappante. Le premier combat d’Aï (Jos. 7:1-5), seule exception à cette règle, eut pour résultat la défaite de ceux qui y prirent part. Au temps du déclin, il en est autrement. Quand tout le peuple monte avec Gédéon, l’Éternel dit à ce dernier: «Le peuple qui est avec toi est trop nombreux, pour que je livre Madian en leur main», car le danger était qu’Israël se glorifiât contre l’Éternel, disant: «Ma main m’a sauvé». Dans la période du déclin, Dieu réprime tout particulièrement l’orgueil qui voudrait faire jouer à l’homme un rôle dans l’œuvre qui n’appartient qu’à Lui. La chrétienté actuelle se vante du nombre de ses adhérents, et croit y voir un facteur dans l’œuvre de Dieu. Si Dieu produit quelque bien, elle se l’attribue et, comme Laodicée, se glorifie de ses moyens: «Je suis riche, et je me suis enrichie, et je n’ai besoin de rien».

Voici donc le premier caractère du témoignage de Dieu au milieu de la ruine: il est peu nombreux et sans apparence.

Second caractère: «Quiconque est peureux et tremble, qu’il s’en retourne et s’éloigne de la montagne de Galaad». Moïse avait déjà fait ce commandement aux fils d’Israël: «Qui est l’homme qui a peur et dont le cœur faiblit? qu’il s’en aille et retourne en sa maison, de peur que le cœur de ses frères ne se fonde comme le sien». (Deut. 20:8). Les peureux et les craintifs, ce même passage nous l’enseigne (v. 5-7), sont ceux qui ont quelque chose à perdre. Un serviteur de Dieu n’ayant rien à perdre dans ce monde, parce que l’excellence de Christ lui en fait mépriser les biens, est plein de courage pour son œuvre. Hélas! le nombre des peureux est fort grand de nos jours, comme jadis où «22 000 hommes du peuple s’en retournèrent, et il en resta 10 000». Pour accomplir son œuvre, Dieu veut des cœurs non partagés, n’ayant rien à perdre, ne s’effrayant de rien, et qui ne puissent exercer une influence délétère sur ceux qui se sont mis en marche sans s’embarrasser des affaires de cette vie. Les 22 000 se trouvent au butin, mais sont incapables de l’effort. Les peureux profiteront du témoignage, mais n’ont pas qualité pour le porter.

Les témoins ont un troisième caractère. Dieu les met à l’épreuve pour manifester s’ils comprennent que tout est perte pour ceux qui ont à gagner la bataille. «Il fit descendre le peuple vers l’eau». Se mettront-ils à genoux pour boire, ou laperont-ils avec la langue, comme lape le chien? Les uns cherchent leur aise pour jouir abondamment des bénédictions que la Providence a placées sur leur chemin, les autres, n’ayant d’autre but que de remporter la victoire, ne s’en laissent pas détourner, mais, goûtant l’eau en passant, n’y trouvent qu’un encouragement pour leur service. Il est dit du Seigneur: «Il boira du torrent dans le chemin» (Ps. 110). Quand il buvait ainsi, sa face était résolument tournée vers Jérusalem, lieu de son agonie et de sa mort (Luc 9:51). Rien n’entrave l’action du chrétien dans le témoignage comme de jouir de ses aises, en s’arrêtant sur les bénédictions terrestres que la providence de Dieu lui accorde, au lieu d’y goûter en passant. Notre christianisme actuel se courbe sur ses genoux pour boire; il rend peut-être grâces à Dieu, mais voit dans les bénédictions terrestres l’objet et le but de sa piété, alors que les témoins de Dieu en prennent la quantité suffisante pour continuer leur chemin. Ces trois cents qui lapaient l’eau comme le chien et buvaient dans leur main en la portant à leur bouche, étaient non seulement les dévoués, mais les humbles. Ils avaient quelque similitude avec cette pauvre Syrophénicienne, comparée à un chien, et répondant: «Oui, Seigneur», heureuse de ne dépendre que de la grâce (Marc 7:28). Dieu veut des témoins dévoués, mais humbles.

Ces hommes prennent en mains les trompettes du peuple, symboles du témoignage, mais ils prennent aussi les vivres (v. 8). Nous ne pouvons vaincre sans être nourris. Le peuple en était la preuve, sous le joug terrible de Madian qui ne laissait point de vivres en Israël.

Avant le combat, Gédéon lui-même est appelé à faire deux expériences personnelles qui le fortifient pour la victoire (v. 9-14). La première, c’est qu’en lui-même il ne vaut pas mieux que les 22000 craintifs. «Si tu crains d’y descendre», lui dit l’Éternel. Va-t-il répondre: Je suis courageux, j’ai déjà sonné la trompette aux quatre vents, pour rassembler Israël à la bataille? Non, il accepte cette humiliante vérité. Alors Dieu le place en présence des ennemis, nombreux comme des sauterelles dans la vallée, et lui trace son portrait par la bouche de l’un deux. Ce fort et vaillant homme est comparé à un pain d’orge, nourriture pauvre et grossière, et c’est «l’épée de Gédéon!» Belle épée, pour frapper cette multitude! En effet, mais l’épée de Gédéon est «l’épée de l’Éternel» (v. 20), et c’est en cela que réside sa puissance.

Gédéon apprend à se connaître, mais Dieu lui révèle aussi l’état moral de l’ennemi qu’il est appelé à combattre. C’est un ennemi vaincu. «Dieu», dit le Madianite à son compagnon, «a livré Madian et tout le camp en sa main» (v. 14). Puissions-nous la comprendre davantage, cette vérité, en rapport avec nos trois ennemis, la chair, le monde et Satan. La chair est crucifiée, le monde est vaincu, Satan est jugé. Cela nous remplit de courage en leur présence. Gédéon réalise toutes ces choses et se prosterne.

 

En quoi consiste le témoignage (v. 15-25)

Le passage que nous venons de lire répond à cette question: En quoi consiste le témoignage de Dieu et que fait-il en un temps de ruine? Plein de joie et de confiance, Gédéon retourne au camp d’Israël. «Levez-vous», dit-il, «car l’Éternel a livré le camp de Madian en votre main». Alors, divisant les 300 hommes en trois corps, il leur met à la main «des trompettes, des cruches vides et des torches dans les cruches». Ces trois objets sont les éléments du témoignage de Dieu dans la lutte avec Satan et le monde.

Nous trouvons en détail le rôle des trompettes, au chap. 10 des Nombres (v. 1-10). Elles étaient la voix de Dieu pour communiquer au peuple sa pensée en quatre occasions importantes: elles donnaient le signal du rassemblement, le signal du départ pendant les marches, le signal du combat, celui des fêtes solennelles ou du culte. Ce que représentait autrefois pour Israël le son des trompettes, nous le trouvons aujourd’hui d’une manière bien autrement précieuse dans la parole de Dieu. C’est par elle que Dieu nous parle; c’est elle qui règle et dirige le rassemblement, la marche, le combat, le culte des enfants de Dieu. Combien ces choses sont oubliées aujourd’hui! Il semble à la majorité des enfants de Dieu, que tout le christianisme consiste à porter l’évangile aux inconvertis. Gédéon entendait autrement le témoignage de la foi. Il commence où Dieu commence. (Nomb. 10). Il sonne de la trompette, et les Abiézérites sont assemblés à sa suite (6:34). Il est le porteur de la voix divine pour rassembler Israël dispersé par sa faute. Mes frères, avons-nous à cœur aujourd’hui le rassemblement des enfants de Dieu? Prenons alors la parole de Dieu, faisons entendre sa voix aux oreilles des saints déshabitués de l’ouïr. Montrons aux chrétiens que leur rassemblement est le but de Dieu, le but de la croix de Christ, celui de l’activité de l’Esprit dans ce monde. Montrons-leur que c’est l’ennemi qui nous a dispersés et que le grand obstacle à sa puissance, c’est le rassemblement des enfants de Dieu hors du monde, et nous aurons la joie d’avoir travaillé à ce que la Parole appelle «une chose bonne et une chose agréable!» (Ps. 133:1).

La trompette sonnait aussi pour la marche. Celle-ci ne peut avoir d’autre règle que la parole de Dieu. Les divergences dans la marche des enfants de Dieu ont pour cause unique l’abandon de cette règle. Comment ne marcherions-nous pas «dans le même sentier», si nos cœurs à tous étaient également dépendants de cette Parole, règle infaillible de chacun de nos pas?

La trompette appelait au combat. Ici, nous arrivons à la scène de notre chapitre. Le témoignage de Dieu est inséparable du combat, car il ne consiste pas seulement dans le rassemblement et la marche, mais dans une position ouvertement prise vis-à-vis du monde ennemi de Dieu. Nous avons à proclamer hautement que nous sommes, sans compromis possible, en lutte avec le monde. Le combat a deux buts: nous mettre en possession de nos privilèges — c’est le sujet du livre de Josué — et délivrer le peuple de Dieu asservi à l’ennemi par son infidélité; c’est ainsi qu’il est envisagé dans le livre des Juges. En Josué, tout Israël doit monter à la conquête de Canaan; ici, la lutte est réservée à un certain nombre de témoins, champions de l’Éternel pour la délivrance du peuple captif.

La trompette sonnait pour les fêtes solennelles. La parole de Dieu seule définit et règle le culte. Nous ne faisons que mentionner ce sujet, qu’il n’est pas opportun de traiter ici.

Les cruches vides sont un second élément du témoignage. Elles faisaient, sans doute, partie des vases qui avaient contenu les vivres du peuple. (v. 8). Vides maintenant, elles n’avaient aucune valeur, mais Gédéon, enseigné de Dieu, sut en faire usage à Sa gloire. Un passage de la Parole (2 Cor. 4:1-10) fait directement allusion à cette scène. L’apôtre Paul y parle de la position qu’il prend comme témoin vis-à-vis du monde. Il a à «manifester la vérité», à porter «la lumière de l’évangile de la gloire du Christ» devant les hommes, puis il ajoute (v. 7): «Mais nous avons ce trésor dans des vases de terre, afin que l’excellence de la puissance soit de Dieu et non pas de nous». Un vase de terre, telle est la «chair mortelle» du grand apôtre des gentils. Des cruches vides représentaient ce que Gédéon et ses guerriers étaient eux-mêmes. La leçon que leur chef venait d’apprendre au camp de Madian, les 300 devaient aussi la réaliser individuellement. Comme le vase de terre de Paul, ces cruches vides n’étaient propres qu’à être brisées. Quand Dieu suscite un témoignage, il ne se glorifie que par des instruments qu’il brise. Il porte son évangile aux nations par un Saul préalablement renversé dans la poussière sur le chemin de Damas, et glorifie l’excellence de sa puissance en un Paul qu’il continue à discipliner jusqu’au bout: «Étant dans la tribulation de toute manière», dit l’apôtre, «mais non pas réduits à l’étroit; dans la perplexité, mais non pas sans ressource; persécutés, mais non pas abandonnés; abattus, mais ne périssant pas; portant toujours partout dans le corps la mort de Jésus...»

À quoi servaient donc ces cruches vides? À contenir les torches, troisième et suprême élément du témoignage de Dieu; à porter dans leur sein ce trésor, la lumière divine, afin que, comme dit l’apôtre, «la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre corps» (2 Cor. 4:10). Si les trompettes représentent la parole de Dieu en témoignage, et les cruches nous-mêmes, qu’est-ce que les torches sinon la vie de Jésus, la lumière de Christ? Les deux premiers éléments ne servent qu’à produire le troisième au milieu des ténèbres. Les hommes de Gédéon sonnèrent des trompettes et brisèrent les cruches (7:19), et la lumière resplendit tout autour d’eux. Il en est ainsi des témoins actuels: «Car nous qui vivons, nous sommes toujours livrés à la mort pour l’amour de Jésus»; c’est Dieu lui-même qui prend soin de briser les vases, «afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans notre chair mortelle» (2 Cor. 4:11). Il n’est pas dit: la vie de Christ, mais celle de Jésus, la vie de cet homme qui a traversé le monde en sainteté. Nous sommes appelés à représenter ici-bas l’homme Jésus, tel qu’il y a vécu, et c’est en cela que consiste notre témoignage.

Il n’y a pas un seul chrétien dans ce monde qui ne puisse être porteur de ces trois éléments du témoignage de Dieu. Pourquoi donc s’en trouve-t-il si peu? C’est qu’ils ne font pas de ces éléments ce que Dieu veut qu’ils en fassent. Il faut sonner de la trompette, il faut que les cruches soient brisées, la lampe ne doit pas être mise sous le boisseau. Sommes-nous à l’aise ici-bas, avons-nous dans ce monde ce qu’il nous faut, sommes-nous aimés, respectés des hommes, n’avons-nous jamais fait quelqu’une des expériences de l’apôtre, tribulations, perplexités, persécution, abattement? Ah! dans ce cas, nous sommes malheureux, car nous n’avons rien. Dieu ne nous a pas jugés dignes de porter quelques rayons de la lumière de Christ devant le monde. Bienheureux ceux qui sont brisés! «Bienheureux... bienheureux», disait le Seigneur; et il ajoutait: «Réjouissez-vous et tressaillez de joie, car votre récompense est grande dans les cieux».

Les trois cents, se tenant chacun à la place assignée autour du camp, criaient: «L’épée de l’Éternel et de Gédéon!» Le monde est mis en déroute par ce simple cri! Rendez témoignage à Christ, représentez-le d’une manière vivante, ne tenant aucun compte de vous-mêmes; que l’épée à deux tranchants de l’Éternel soit votre arme: toute la puissance de Satan et du monde ne pourra vous résister. Occupés de leur tâche glorieuse, Gédéon, ni ses compagnons, n’étaient en danger d’aller s’asseoir sous les tentes de Madian que le jugement de Dieu allait renverser, car ils trouvaient leur sécurité et leur force, malgré leurs cruches brisées, dans les trompettes éclatantes d’Israël et les torches éclatantes de Dieu.

Un fait encourageant, c’est que le témoignage engendre le témoignage. Les 300 sont employés pour réunir le peuple. Les hommes d’Israël se rassemblèrent et poursuivirent Madian (v. 23), et tous les hommes d’Éphraïm se réunirent (v. 24) et eurent part à la poursuite et au butin de l’ennemi. Nous verrons ce résultat, si nous sommes fidèles. Soyons des témoins de Christ, et nous réveillerons le zèle de ceux qui lui appartiennent. Puisse-t-elle se lever bientôt l’heure où Jésus, quand il viendra, trouvera non pas quelques centaines, mais un peuple entier de témoins qui ont combattu, tenu ferme et vaincu pour lui!