Juges

Chapitres 2 et 3:1-4

L’origine du déclin et sa conséquence (v. 1-5)

Un fait caractérisait le déclin: Israël n’était pas resté séparé du monde. Or ce fait même dénotait qu’il n’avait plus de force pour se débarrasser de l’ennemi. Pourquoi donc une telle absence de force? Les versets que nous venons de lire, répondent à cette question. «Et l’Ange de l’Éternel monta de Guilgal à Bokim» (v. 1). Le livre de Josué, ce registre des victoires d’Israël, est caractérisé par Guilgal, endroit merveilleusement béni, où le peuple trouvait le secret de sa force. C’était le lieu de la circoncision, c’est-à-dire, en type, du dépouillement de la chair. Il nous est dit: «En qui aussi vous avez été circoncis d’une circoncision qui n’a pas été faite de main, dans le dépouillement du corps de la chair, par la circoncision du Christ». À la croix de Christ, dans sa mort, le croyant a trouvé la condamnation absolue et la fin de la chair. À Guilgal, l’Éternel avait roulé l’opprobre d’Égypte de dessus son peuple. Délivré (en figure) de la domination de la chair qui le rattachait au monde, à l’Égypte, il pouvait enfin appartenir à Dieu seul. Ce grand fait de la circoncision est un privilège du chrétien. Mais il fallait constamment revenir à Guilgal; la mortification de la chair, opérée en Christ, doit être réalisée par le croyant. Il nous faut appliquer cette mort de Christ à nos membres dans notre marche journalière, et n’épargner aucun des fruits qui croissent sur l’arbre de la chair. (Col. 3:5). Le secret de notre force spirituelle se trouve dans le jugement ininterrompu de ce que nous sommes et de ce que nous produisons par nature. C’est ce qui explique les victoires du livre de Josué; les Israélites retournent toujours à Guilgal, sauf en un seul cas (Jos. 7:2), où ils subissent une défaite.

Or Guilgal avait été négligé, oublié même depuis les jours de Josué. C’est ainsi que, par le manque de jugement journalier d’eux-mêmes, les cœurs se mondanisent. L’ange de l’Éternel, représentant la puissance divine au milieu du peuple, y était resté seul et, pour ainsi dire, sans emploi, attendant qu’Israël revînt à lui; il avait attendu longtemps; Israël n’était point revenu. Il ne restait à l’ange qu’à quitter ce lieu béni pour monter à Bokim, le lieu des pleurs. Qu’étaient-ils devenus ces jours de force et de joie, où Jéricho tombait au son des trompettes de Dieu? Et les jours de Gabaon et ceux de Hatsor? Évanouis à jamais! Les bénédictions fondées sur Guilgal, ne pouvaient renaître pour Israël; la puissance de l’Éternel n’était plus à la disposition du peuple, envisagé comme un tout. Ils étaient loin, ces temps heureux où Israël montait volontairement à Guilgal, en type jugeant la chair, afin de ne pas pécher et de vaincre; loin même, le jour humiliant, mais béni, d’Hacor, où le peuple jugea son péché pour y mettre fin, et fut restauré. À Bokim, Israël pleure, obligé de porter le châtiment et son irrémédiable conséquence; la restauration actuelle n’est plus possible; Dieu ne rétablit pas ce que l’homme a ruiné. L’Église a suivi le même chemin. Sa ruine durera jusqu’au bout de son histoire, comme corps responsable, comme Église visible ici-bas. Elle aussi, devenue infidèle, a fini par s’établir au milieu du monde et n’est plus qu’un mélange corrompu de toute sorte d’iniquités qui durera jusqu’à la fin. Dieu la compare à une grande maison contenant des vases à honneur et d’autres à déshonneur. Et toutefois le moment viendra où, l’histoire de la responsabilité de l’homme étant close, le Seigneur se présentera son Église, glorieuse, n’ayant ni tache, ni ride, parée d’une éternelle jeunesse. En ce temps, il sera dit d’elle comme de Jacob, non pas: Qu’est-ce que l’homme a fait, mais: «Qu’est-ce que Dieu a fait?» (Nomb. 23:23).

Ce n’est pas un sentiment d’humiliation qui remplit, à Bokim, le cœur de ce pauvre peuple; il est là, versant des larmes à l’annonce du jugement et ne trouvant pas d’issue, car il n’y en a pas. Nous rencontrons dans le courant du livre des temps de délivrances partielles et même un commencement d’humiliation véritable (10:15-16). Mais la restauration d’Israël est réservée à un jour futur. On en a comme un avant-goût sous Samuel juge et prophète, type du Christ, vrai prophète et vrai juge. C’est comme l’aurore d’un temps nouveau, image d’une aurore future où Israël retrouvera par l’humiliation sa place de bénédiction comme peuple de Dieu. Samuel convoque le peuple à Mitspa (1 Sam. 7). Mitspa est le lieu de l’humiliation et non pas seulement le lieu des pleurs. Là, «ils puisèrent de l’eau et la répandirent devant l’Éternel, et jeûnèrent ce jour-là, et dirent: Nous avons péché contre l’Éternel». Là, ils abandonnèrent leurs faux dieux, et ce fut le premier début d’une ère de bénédictions qui brilla de tout son éclat sous les règnes de David et de Salomon.

Bokim caractérise le livre des Juges, comme Guilgal le livre de Josué. Le lieu des pleurs caractérise aussi la période actuelle de l’histoire de l’Église. Il n’est plus question pour elle de retourner en arrière; l’édifice est ruiné; le recrépir ne fait qu’orner sa ruine, chose plus fatale que la ruine elle-même.

Il n’est plus question de retrouver la force perdue; l’ange de l’Éternel est monté de Guilgal à Bokim. Le Seigneur hait les prétentions à la force en un jour tel que le nôtre; l’activité de l’homme et de la chair que l’on voit s’étaler de tous côtés, n’a rien à faire avec la puissance de l’Esprit. Ceux qui crient bien haut: La puissance de Dieu avec nous, me font penser aux foules qui entouraient Simon, le magicien, disant: «Celui-ci est la puissance de Dieu, appelée la grande» (Actes 8:10), et à Laodicée qui dit: «Je suis riche», et qui ne connaît pas qu’elle est malheureuse, et misérable, et pauvre, et aveugle, et nue. Cependant, ne l’oublions pas, si l’Église, comme témoin collectif, a manqué, le Seigneur conserve un témoignage à Christ au milieu de la ruine. Ce témoignage reconnaît la déchéance et pleure sur elle en la présence de Dieu. Nous trouvons quelque chose de semblable en Ézéch. 9:4. Les hommes de Jérusalem qui gémissent et soupirent, sont marqués au front par l’ange de l’Éternel; ils sont un peuple humilié, comme en Malachie 3 (v. 13-18). On trouve deux partis dans ce chapitre de Malachie: ceux qui disent (v. 14): «Quel profit y a-t-il à ce... que nous marchions dans le deuil devant l’Éternel des armées?» et les fidèles, un résidu faible et abaissé, qui vont se parlant l’un à l’autre, reconnaissant la ruine, mais attendant le Messie qui seul peut leur apporter la délivrance. Ceux-là ne disent pas: «Quel profit y a-t-il?» Leur abaissement est profitable, car il les fait regarder vers Celui qui «de la poussière fait lever le misérable, de dessus le fumier élève le pauvre, pour les faire asseoir avec les nobles». (1 Sam. 2:8). Croyants, prenons cette place, nous aussi; ne soyons point indifférents à l’état de l’Église de Dieu dans ce monde; pleurons, car nous y avons tous contribué. Contentons-nous, comme Philadelphie, d’avoir peu de force, et nous entendrons le Seigneur nous dire de sa voix consolante: Moi, j’ai la clef de David, la puissance est à moi, ne crains pas; je la mets tout entière à ton service!

Aux v. 1-3, l’ange de l’Éternel parle au peuple. Dieu avait-il manqué à son alliance? N’avait-il pas accompli tout ce dont sa bouche avait parlé? C’était Israël qui avait rompu l’alliance. «Pourquoi avez-vous fait cela?» Comme cette question cherche la conscience et la sonde! Pourquoi? Parce que j’ai préféré le monde et ses convoitises à la puissance de l’Esprit de Dieu, les idoles, au regard ineffable de la face de l’Éternel! Qu’était-ce donc que le cœur naturel de ce peuple, qu’est-ce que le nôtre? Israël pleure, et il sacrifie (v. 5). Combien touchante est la grâce qui pourvoit au culte au milieu de la ruine! Le lieu des pleurs est un endroit de sacrifice, et Dieu accepte les oblations faites à Bokim.

 

La ruine dans les rapports d’Israël avec Dieu (ch. 2:6 à 3:4)

Les v. 6 à 9 du chap. 2 sont la répétition de Josué 24:26-31, et rattachent immédiatement l’histoire du déclin à celle du peuple avant sa chute. Il y eut encore des anciens après Josué pour aider et encourager le peuple, comme il y eut des apôtres pour l’Église. Mais, du temps des apôtres comme aux jours des anciens, les principes destructeurs de l’assemblée étaient déjà à l’œuvre. Le judaïsme, la mondanité, la corruption, autant de choses auxquelles Paul s’opposait par la puissance de l’Esprit de Dieu, mais avec la certitude qu’après son départ entreraient des loups dévorants qui n’épargneraient pas le troupeau. La fin du chap. 1° nous a montré le déclin d’Israël dans ses rapports avec le monde, les versets que nous venons de lire nous présentent sa ruine dans ses rapports avec Dieu. Ce passage nous donne un résumé de tout le livre des Juges. La mondanité et l’idolâtrie se suivent. Dans la mesure où nos cœurs se portent vers le monde, ils se détournent de Dieu; de là, à abandonner l’Éternel et à le remplacer par des idoles, il n’y a qu’un pas. Cela se rencontre aussi dans la vie individuelle des chrétiens. Ce n’est pas sans dessein que l’Esprit nous adresse l’exhortation solennelle: «Enfants, gardez-vous des idoles» (1 Jean 5:21). Quand nous nous associons au monde, les objets qu’il adore viennent s’établir en maîtres dans nos cœurs et y prendre la place de Christ.

Deux choses dénotent l’abaissement de la génération qui suivit Josué. Elle «ne connaissait pas l’Éternel, ni l’œuvre qu’il avait faite pour Israël» (v. 10). La connaissance personnelle de Christ, et celle de la valeur de son œuvre faisant défaut, l’écluse est ouverte au débordement du mal. C’est ce qui arriva à Israël: «Ils abandonnèrent l’Éternel, et servirent Baal et Ashtaroth» (v. 13). Alors la colère de l’Éternel s’embrasa contre le peuple; il les livra aux ennemis du dehors qui les pillèrent (2:14), et laissa l’ennemi du dedans à leurs côtés (3:3). L’ennemi dans la maison de Dieu, c’est le symptôme caractéristique des derniers temps. Les nations, dont le chap. 1er de l’épître aux Romains décrit le terrible état moral, sont de nos jours établies avec tous leurs principes de corruption (2 Tim. 3:1-5), au milieu de cet édifice, si beau jadis, quand il sortait des mains du divin architecte, mais confié par lui aux mains humaines, et qui contint dès lors au milieu de matériaux propres à être brûlés, le triste mélange des vases à honneur et à déshonneur.

En cela consiste le jugement de Dieu sur sa maison, qu’il y laisse subsister ces choses. Combien les chrétiens s’en rendent peu compte! Mais le Dieu qui juge est aussi le Dieu qui a pitié (v. 18). Israël gémit sous l’oppresseur; alors l’Éternel arrête ses yeux sur ce peuple, en faveur duquel il avait fait de si grandes choses, et lui suscite des libérateurs. Telle est l’histoire que nous allons voir se dérouler dans le livre des Juges. Le résumé nous en est ici donné d’avance. Il y a des réveils, puis un moment de repos et de bénédiction. Les chaînes rompues pour un temps, l’ennemi réduit au silence, Dieu laisse le peuple à lui-même; alors il retombe dans l’idolâtrie comme auparavant. «Ils n’abandonnaient rien de leurs actions et de leur voie obstinée» (v. 19).

Que restait-il à faire encore? Une chose digne de Dieu! Dans sa grâce, il se sert de l’infidélité et de ses conséquences pour bénir son peuple. En laissant subsister les nations, Dieu n’a pas seulement en vue le châtiment; il veut aussi «éprouver par elles Israël, s’ils garderont la voie de l’Éternel pour y marcher, comme leurs pères l’ont gardée» (2:22); en un mot, s’ils se sépareront du mal. De même, dans la 2° épître à Timothée, Dieu se sert du mélange des vases à honneur et à déshonneur pour éprouver les cœurs des fidèles et les bénir. «Si donc quelqu’un se purifie de ceux-ci, il sera un vase à honneur, sanctifié, utile au maître, préparé pour toute bonne œuvre». (2 Tim. 2:21). Quelle heureuse description des caractères d’un fidèle en des temps fâcheux! C’est que, même au plus fort de la ruine, Dieu nous montre un chemin qui le glorifie autant qu’aux plus beaux jours de l’Église.

En laissant subsister ces nations pour éprouver Israël, l’Éternel avait encore un autre but (3:4): «Pour savoir», dit-il, «s’ils écouteraient les commandements de l’Éternel, qu’il avait commandés à leurs pères par Moïse». La bénédiction que Dieu avait en vue était de ramener le cœur d’Israël à cette Parole qu’il avait donnée au commencement et qui était leur seule sauvegarde. Il en est de même aujourd’hui. «Mais toi», dit l’apôtre à Timothée, dans l’épître du déclin, «demeure dans les choses que tu as apprises et dont tu as été pleinement convaincu, sachant de qui tu les as apprises, et que, dès l’enfance, tu connais les saintes lettres, qui peuvent te rendre sage à salut par la foi qui est dans le Christ Jésus» (2 Tim. 3:14-15). L’état de la chrétienté nous a-t-il poussés à prendre ici-bas une position de séparation pour Dieu et à nous tenir collés à sa Parole? À moins que nous ne possédions ces caractères, nous ne pouvons être le témoignage de Dieu pour un temps de ruine. Les fidèles de Philadelphie étaient marqués de ce sceau, car Celui qui leur parle est lui-même le saint et le véritable, et eux, marchant dans sa communion, avaient gardé sa Parole et n’avaient pas renié son nom. Ce sont aussi les caractères des futurs enfants du royaume. Au Ps. 1er, ils se séparent des voies des méchants et ont leur plaisir en la loi de l’Éternel, méditant dans sa loi jour et nuit.

Il était un troisième but, que la grâce avait en vue en laissant subsister les ennemis au milieu d’Israël: «Afin que les générations des fils d’Israël connussent, en l’apprenant, ce que c’est que la guerre» (v. 2). Quand on se laisse abattre par l’état de l’Église et le mal qui y domine, il semble parfois que le combat n’ait plus de raison d’être, et que notre rôle soit exclusivement celui des 7000 hommes cachés, qui n’avaient pas fléchi le genou devant Baal. C’est une grave erreur. En un temps de ruine, il y a des Élie; la lutte est plus que jamais nécessaire. Le combat chrétien n’est pas, il est vrai, contre le sang et la chair, comme celui d’Israël, mais contre la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes. Ce pouvoir satanique est toujours à l’œuvre pour nous empêcher de prendre possession des choses célestes, et pour réduire le peuple de Dieu en esclavage. Notre lutte sera donc soit une guerre de conquête, soit une guerre de délivrance. Le livre de Josué, comme l’épître aux Éphésiens, nous présente le combat qui doit nous mettre en possession de nos privilèges; le livre des Juges, comme la 2° épître à Timothée, a plus spécialement en vue le combat pour la délivrance du peuple de Dieu. «Prends ta part des souffrances comme un bon soldat de Jésus Christ», dit l’apôtre à son fidèle disciple (2 Tim. 2:3). «Endure les souffrances, fais l’œuvre d’un évangéliste», dit-il plus loin, et il ajoute: «J’ai combattu le bon combat» (2 Tim. 4:5, 7).

Quelle bonté de Dieu, dans ce temps d’affaissement général, d’avoir laissé subsister l’ennemi, afin que nous apprenions ce que c’est que la guerre. Le combat chrétien ne cessera jamais ici-bas, mais le Seigneur dit: Aie confiance en moi, j’ai mis devant toi une porte ouverte et j’ai des récompenses pour celui qui vaincra. Que Dieu nous donne d’avoir à cœur la délivrance de son peuple, soit pour atteindre des âmes par l’Évangile, soit pour les affranchir en les délivrant de leurs liens au moyen de l’épée à deux tranchants de l’Éternel.