Jean

Chapitre 18

Jésus se livre

(v. 1-11) — Jésus avait achevé son service, soit au milieu des Juifs, soit au milieu de ses disciples. Il arrivait à l’heure redoutable pour son âme pure et sainte, mais pour laquelle il était venu.

Le récit de la mort de Jésus est en parfait accord avec le caractère sous lequel cet évangile nous le présente. En Matthieu, comme en Marc, la mort du Seigneur présente surtout le caractère du sacrifice pour le péché. En Luc nous voyons beaucoup les angoisses du Fils de l’homme en présence de la mort. En Jean cette mort revêt le caractère de l’holocauste: Jésus s’offrant lui-même à Dieu. On le voit toujours dans la dépendance de l’homme obéissant, unie à toute la dignité de sa divinité. Jésus domine les hommes et les circonstances dans une scène où chaque acteur se manifeste sous son vrai caractère, montrant ce qu’il est dans sa bassesse, dans sa haine contre Dieu, qui lui fait commettre l’injustice, le mépris, la cruauté au plus haut degré, mais où brillent les perfections de l’Homme divin, victime volontaire.

Après la prière dont nous avons essayé de dire quelque chose, «Jésus s’en alla au-delà du torrent du Cédron, où était un jardin, dans lequel il entra, lui et ses disciples. Et Judas aussi, qui le livrait, connaissait le lieu; car Jésus s’y était souvent assemblé avec ses disciples» (v. 1, 2). C’est là que Judas trahira son Maître. Connaissant ses habitudes, il s’était sans doute rendu compte de l’emploi que ferait le Seigneur de son temps depuis qu’il sortit, après avoir mangé le morceau trempé. Temps que Jésus mit à profit pour encourager et instruire ses disciples, tandis que Judas l’utilisait à préparer l’arrestation de son Maître qu’il s’était engagé à livrer «commodément» (Marc 14:11) en pleine nuit, plutôt que de jour à cause de la foule (Luc 22:1-6). Aucun des souvenirs évoqués par ces lieux, où Judas dut entendre tant de précieuses communications, pas plus que le morceau trempé au dernier repas, ne l’arrêtaient dans l’exécution de son engagement vis-à-vis des chefs, dans le but d’obtenir trente misérables pièces d’argent. Il avait la conscience complètement endurcie. N’ayant pas résisté, en temps utile, aux sollicitations de l’ennemi, il tombait entièrement sous son pouvoir. Sa conscience ne se réveillerait que pour l’envoyer à la mort: exemple solennel, propre à nous rendre attentifs quant aux moyens que l’ennemi emploie afin de nous subjuguer entièrement et de nous rendre incapables de résister aux pires convoitises. Pour éviter d’en arriver là, il faut nous juger constamment, juger nos penchants naturels, afin de ne donner aucune prise à Satan. Ce n’est pas au début qu’il entre en Judas; c’est après avoir longuement préparé en lui sa demeure. Dès lors, il ne lui fut plus possible de rebrousser chemin.

«Judas donc, ayant pris la compagnie de soldats, et des huissiers, de la part des principaux sacrificateurs et des pharisiens, vient là, avec des lanternes et des flambeaux et des armes» (v. 3). Quel contraste saisissant entre cet attirail de guerre, instrument de violence brutale, et le Fils de Dieu qui se livre lui-même, qui donne sa vie parce qu’il en a reçu le commandement de son Père, car il a quitté la gloire pour cela. Mais il fallait que la responsabilité des hommes, dans la mort de Jésus, eût sa part. C’est pourquoi ils jouent leur rôle dans cette scène unique. «Jésus donc, sachant toutes les choses qui devaient lui arriver, s’avança et leur dit: Qui cherchez-vous? Ils lui répondirent: Jésus le Nazaréen. Jésus leur dit: C’est moi. Et Judas aussi qui le livrait était là avec eux. Quand donc il leur dit: C’est moi, ils reculèrent, et tombèrent par terre» (v. 4-6). C’est Jésus lui-même qui s’avance. Ce Jésus le Nazaréen n’était autre que le Créateur des cieux et de la terre, celui qui soutient toutes choses par la parole de sa puissance, mais qui est ici le Rédempteur. En entendant prononcer: «C’est moi», expression de l’éternelle divinité de Jésus, le «je suis» du chapitre 8:19, ces hommes reculent et tombent à terre. Ils se trouvent en présence de celui dont il était écrit au Psaume 27:2: «Quand les méchants, mes adversaires et mes ennemis, se sont approchés de moi pour dévorer ma chair, ils ont bronché et sont tombés». Mais venu pour sauver des pécheurs, il les laisse se relever. Une seconde fois, il leur demande: «Qui cherchez-vous? Et ils dirent: Jésus le Nazaréen. Jésus répondit: Je vous ai dit que c’est moi; si donc vous me cherchez, laissez aller ceux-ci — afin que fût accomplie la parole qu’il avait dite: De ceux que tu m’as donnés, je n’en ai perdu aucun» (v. 7-9). Le premier c’est moi (v. 5) est en rapport avec la gloire de sa personne devant laquelle nul homme ne peut subsister; à cette voix, tous tombent leurs armes à la main. Le second c’est moi (v. 8), en rapport avec le but de sa venue, démontre son amour pour ceux que le Père lui a donnés. Il est le bon berger qui laisse sa vie pour ses brebis; aucune ne sera perdue. On voit également, dans ce second c’est moi, l’autorité divine; il donne l’ordre de «laisser aller ceux-ci». Peut-être voulait-on mettre les mains sur eux. Il est toujours l’homme divin tout en étant l’homme obéissant, victime volontaire. Jésus aurait pu s’en aller, rentrer dans la gloire qu’il avait quittée, mais il y serait demeuré seul. Un avec son Père dans ses conseils éternels, il était venu dans ce monde pour les accomplir. Son Père voulait avoir des fils dans la gloire, non en les créant, mais en les rachetant. Il était dit de lui: «S’il livre son âme en sacrifice pour le péché, il verra une semence» (Ésaïe 53:10). Dans ce moment solennel, tout l’accomplissement des conseils de Dieu était, pour ainsi dire, entre ses mains. Il laisse se relever ces hommes terrassés par Sa voix divine et s’offre à eux, pour que les siens échappent non seulement de leurs mains, mais au jugement qu’il allait subir à leur place, à notre place. Quel amour!

Dans ce moment, on retrouve Simon Pierre sincère, zélé, aimant le Seigneur, mais agissant charnellement, contraste frappant avec son divin Maître qui se livrait volontairement. Il veut intervenir pour le défendre: «Ayant une épée, il la tira et frappa l’esclave du souverain sacrificateur et lui coupa l’oreille droite» (v. 10). Il veut être conséquent avec ce qu’il a dit au chapitre 13:37: «Je laisserai ma vie pour toi». N’avait-il pas dit, en entendant Jésus parler de sa mort: «Seigneur, Dieu t’en préserve» (Matt. 16:22)? Mais la victoire que le Seigneur allait remporter ne se gagnerait pas avec des armes charnelles et matérielles, mais bien en laissant s’épuiser toute la puissance de Satan et des hommes; car: «Si quelqu’un tue avec l’épée, il faut qu’il soit tué par l’épée»; Jésus n’était pas là pour tuer, mais pour sauver.

L’acte de Pierre donne au Seigneur l’occasion de manifester jusqu’où va son obéissance et son dévouement à son Père. Il lui dit: «Remets l’épée dans le fourreau: la coupe que le Père m’a donnée, ne la boirai-je pas? (v. 11). Le temps de la grâce est celui pendant lequel l’épée reste dans le fourreau. Ce sera terrible lorsqu’elle en sortira. Pour qu’elle pût y rester tout le temps de la patience de Dieu, Jésus dut boire la coupe de sa colère. En Luc, nous trouvons le récit de l’intensité de la souffrance du Sauveur en Gethsémané, où il dit: «Père, si tu voulais faire passer cette coupe loin de moi! Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui soit faite» (chapitre 22:42). Il l’accepte de la main du Père, et non de l’ennemi qui voulait la lui présenter. Elle sera horrible pour son âme! Ce que Jésus endure de la part des hommes, tout affreux et douloureux que ce fût, pâlit en présence de la coupe de la colère de Dieu contre nos péchés; mais le Seigneur la prend de la main du Père, par amour pour lui, pour sa gloire, pour qu’il puisse accomplir ses desseins éternels d’amour envers les hommes. Ce précieux Sauveur n’était-il pas à ce moment-là l’antitype du serviteur hébreu, lorsqu’il disait: «J’aime mon Maître, ma femme et mes enfants, je ne veux pas sortir libre» (Exode 21:5). Personnellement, le Seigneur pouvait sortir libre après avoir pleinement satisfait son Maître dans son service au milieu des hommes; mais son amour pour son Père et pour nous ne le lui permit pas.

Il ne convient pas de parler de nos épreuves, même des plus douloureuses, en présence de la coupe que le Seigneur a prise de la main de son Père. Cependant il est notre modèle dans la souffrance, comme en toute circonstance. Comme lui, acceptons les dispensations les plus douloureuses de la main du Père; elles en seront adoucies et perdront de l’amertume qu’elles auraient si nous leur attribuions une autre origine. Que l’ennemi les présente, en soit la cause secondaire, nous pouvons toujours dire: «C’est mon Père qui le permet».

 

Jésus devant Caïphe

(v. 12-14, 19-24) — «La compagnie de soldats donc, et le chiliarque, et les huissiers des Juifs, se saisirent de Jésus et le lièrent, et l’amenèrent premièrement à Anne; car il était beau-père de Caïphe, qui était souverain sacrificateur cette année-là» (v. 12, 13). Ces hommes, relevés de terre par la volonté de Jésus, croient le tenir par leur propre puissance. Ils le lient. Quelle force avaient ces liens pour lui, s’il ne se livrait pas lui-même? Là, nous voyons l’agneau de Dieu; «la brebis muette devant ceux qui la tondent». Jésus est conduit premièrement à Anne, personnage très influent parmi les Juifs, puisqu’il avait été lui-même souverain sacrificateur. L’évangéliste rappelle que Caïphe avait dit qu’il était avantageux pour le peuple qu’un seul homme pérît (chap. 11:40-52). En faisant mourir Jésus il croyait mettre la nation à l’abri de la vengeance des Romains; mais, souverain sacrificateur cette année-là, il prophétisait le vrai salut de la nation et l’œuvre de la grâce en vertu de la mort de Jésus. Toutefois il n’a pu éviter que les Romains vinssent détruire Jérusalem et la nation, comme jugement de Dieu, précisément parce que les Juifs avaient mis à mort le Seigneur leur Roi.

Jésus, envoyé lié par Anne à Caïphe (v. 24), comparaît dans toute sa dignité. Il ne reconnaît pas l’autorité sacerdotale de Caïphe. À cause du rejet du Messie, Dieu mettait de côté le système judaïque, que représentait le souverain sacrificateur. Interrogé sur ses disciples et sa doctrine, Jésus s’en réfère à son ministère public. «Moi j’ai ouvertement parlé au monde», dit-il; «j’ai toujours enseigné dans la synagogue, et dans le temple où tous les Juifs s’assemblent, et je n’ai rien dit en secret. Pourquoi m’interroges-tu? Interroge sur ce que je leur ai dit, ceux qui m’ont entendu; voilà, ils savent, eux, ce que moi j’ai dit» (v. 20, 21). Jésus avait prêché en public; il avait rendu un témoignage complet; ce service-là terminé, c’était inutile de recommencer à parler. Il accomplissait maintenant un autre service: il donnait sa vie. En Luc 22:68, lorsqu’on lui demande s’il est le Christ, il répond: «Si je vous le disais, vous ne le croiriez point; et si je vous interroge, vous ne me répondrez point, ou ne me laisserez point aller». Le Seigneur réalisait dans sa perfection qu’il y a «un temps de se taire, et un temps de parler» (Eccl. 3:7). C’est solennel de penser qu’il y a un temps où Dieu se tait. Comme pour les Juifs alors, le jour approche pour la chrétienté aujourd’hui, où la voix de Dieu en grâce ne se fera plus entendre.

Un huissier donne essor à sa haine pour Jésus, en le souffletant sous prétexte qu’il manque de respect envers le souverain sacrificateur. Dans une calme observation, Jésus fait appel à sa conscience en lui disant: «Si j’ai mal parlé, rends témoignage du mal; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu? (v. 23). L’attitude de Jésus fait voir que, malgré son humiliation, il est supérieur à ceux qui l’interrogent.

 

Simon Pierre

(v. 15-18, 25-27) — Pendant l’interrogatoire de Jésus, Pierre, au lieu de dominer les circonstances comme son Maître, se laisse dominer par elles; il n’a pas de force pour les traverser. Trop confiant en lui-même, il suit Jésus. Jésus lui avait pourtant dit qu’il ne pouvait le faire maintenant, mais qu’il le suivrait plus tard (chap. 13:36, 37). Jean aussi suivit Jésus: «Ce disciple-là était connu du souverain sacrificateur..., mais Pierre se tenait dehors à la porte» (v. 15). Jean entre dans le palais et intervient auprès de la portière pour introduire Pierre. Jean suivait simplement le Seigneur par amour et sans prétention. Il n’y avait en lui rien de charnel à juger à cet endroit-là; aussi, il n’est pas éprouvé comme Pierre. L’intervention de Jean pour introduire Pierre dans le lieu où Satan allait le cribler est bien frappante. Resté dehors, il n’aurait pas eu de rapports avec les personnages dont Satan se servit pour lui faire renier son Maître. On voit comment Dieu dispose tous les détails des circonstances pour accomplir ses voies. Il fallait que Pierre fût là pour que fût mis à l’épreuve son amour pour le Seigneur qu’il croyait bien supérieur à celui des autres disciples lorsqu’il dit: «Si tous étaient scandalisés en toi, moi, je ne serai jamais scandalisé en toi» (Matt. 26:33; Marc 14:29). La servante qui l’introduisit, premier instrument de Satan, lui dit: «Et toi, n’es-tu pas des disciples de cet homme? Lui dit: Je n’en suis point». Au lieu de fuir ce terrain dangereux, Pierre s’y aventure de lui-même en allant se chauffer auprès du feu allumé par les esclaves et les huissiers (v. 18). Il voyait de là son Maître sans défense, livré à la moquerie, à la haine, à la méchanceté de ses ennemis. Que devenait, dans ces circonstances la force sur laquelle il comptait pour suivre le Seigneur dans le chemin où le pouvoir des ténèbres se faisait sentir? Un seul demeurait ferme, celui qui pouvait dire: «Le chef de ce monde vient, et il n’a rien en moi». Chez Pierre la chair offrait au contraire une prise facile à l’ennemi. Une femme avait suffi pour le faire trembler et nier toute relation avec le divin accusé. Ne pouvant ni reculer ni avancer, Pierre se tenait avec les huissiers des Juifs, dont l’un venait de donner un soufflet à Jésus. «Ils lui dirent donc: Et toi, n’es-tu pas de ses disciples? Il le nia, et dit: Je n’en suis point. L’un d’entre les esclaves du souverain sacrificateur, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, dit: Ne t’ai-je pas vu, moi, dans le jardin avec lui? Pierre donc nia encore; et aussitôt le coq chanta» (v. 25-27). Si Jésus n’avait pas prié pour lui afin que sa foi ne défaillît pas, Pierre aurait pu être livré au désespoir, comme Judas, d’autant plus que, revenu à la conscience de son amour pour Jésus, il pouvait mesurer l’horreur de son péché. Quoique Satan eût demandé à cribler tous les disciples comme le blé, Jésus avait pensé à Pierre tout particulièrement; il lui dit: «J’ai prié pour toi». Il savait qu’il en avait besoin plus que les autres disciples, parce qu’avec sa nature ardente et sa confiance en lui-même, il était plus exposé qu’eux tous.

Ce que le Seigneur a été pour Pierre, il l’est pour nous tous, qui avons besoin de son office de sacrificateur et d’avocat. Il sait à quoi nous exposent les divers penchants de notre mauvaise nature. S’il est obligé de nous laisser constater ce dont nous sommes capables, il y a en lui les ressources pour nous relever et prévenir de nouvelles chutes. Mais la Parole de Dieu devrait nous suffire, car elle montre ce que nous sommes, sans qu’il soit nécessaire de faire les douloureuses et humiliantes expériences qui déshonorent le Seigneur, nous font perdre du temps. Nous apprenons aussi, par le reniement de Pierre, qu’il ne faut jamais se placer dans des circonstances où le Seigneur n’a pas promis de nous garder. Jésus avait dit à Pierre qu’il ne pouvait pas le suivre maintenant; cela devait lui suffire. Dieu ne nous soutient pas dans le chemin de la désobéissance. Que de déshonneur pour le Seigneur, que de douleurs nous éviterions si, avant d’entrer dans une voie quelconque, nous nous assurions de la volonté de Dieu!

Dans cet évangile, Pierre est laissé là; Jésus le retrouvera après sa résurrection pour le relever et le restaurer entièrement.

 

Jésus devant Pilate

(v. 28-40) — «Ils mènent donc Jésus de chez Caïphe au prétoire (or c’était le matin); et eux-mêmes, ils n’entrèrent pas au prétoire, afin qu’ils ne fussent pas souillés; mais qu’ils pussent manger la pâque» (v. 28). Comment Jésus a-t-il passé cette nuit mémorable? Nous ne pouvons la reconstituer exactement. Dans les trois premiers évangiles, nous voyons une séance du sanhédrin au matin, après celle de la nuit dans laquelle Pierre renia Jésus. En Jean il n’est question que d’une séance qui précède celle du prétoire, palais du gouverneur romain, qui servait de tribunal. Les Juifs ne veulent pas entrer chez un incirconcis, afin de pouvoir manger la pâque. Une souillure cérémonielle était pour eux plus grave que le fait de mettre à mort le Fils de Dieu, leur Messie. Ils gardent les formes d’une religion donnée par celui qu’ils rejettent et à laquelle ce crime enlève sa raison d’être. Ils veulent manger la pâque, sans se douter que cette fête allait avoir son antitype le jour même par la mort de l’Agneau de Dieu. Garder les formes d’une religion avec une conscience qui résiste à la vérité, ne fait que séduire, endurcir, aveugler, fortifier la résistance à la vérité et permet d’accomplir les péchés les plus graves aux yeux de Dieu. C’est ce qui se passe autour de nous, car nous sommes dans les temps où l’on a «la forme de la piété, mais en ayant renié la puissance» (2 Tim. 3:5).

Pilate se voit obligé de sortir vers les Juifs pour leur demander quelle accusation ils portent contre Jésus. Les Juifs lui répondent: «Si cet homme n’était pas un malfaiteur, nous ne te l’eussions pas livré. Pilate donc leur dit: Prenez-le, vous, et jugez-le selon votre loi. Les Juifs donc lui dirent: Il ne nous est pas permis de faire mourir personne; afin que fût accomplie la parole que Jésus avait dite, indiquant de quelle mort il devait mourir» (v. 30-32). Les Juifs estimaient que Pilate devait condamner Jésus sur leur témoignage sans autres preuves. Mais les choses ne se passaient pas ainsi chez les Romains. Pilate comprend que ce cas ne rentre pas dans sa compétence; il offre aux Juifs de le juger eux-mêmes selon leur loi. Malgré son autorisation, ils refusent, s’en référant au code romain qui leur ôtait le droit de mort. Indépendamment de leur volonté, ce refus a lieu pour accomplir la parole que Jésus avait dite quant à sa mort (chap. 12:32, 33). Il devait être crucifié. Dieu dirige les circonstances dans toute cette scène. Soit Pilate soit les Juifs, ne disent et font que ce qui accomplira la volonté de Dieu. Jésus ne devait pas mourir comme un blasphémateur israélite, mais placé au rang des malfaiteurs, condamné par les Romains, représentants des gentils. Un jour il apparaîtra à tous avec les mains percées. D’autre part nous voyons dans le refus des Juifs, leur volonté bien arrêtée de faire mourir Jésus, car en leur disant de le juger selon leur loi, Pilate ne disait pas formellement qu’ils devaient le mettre à mort.

Pilate rentre au prétoire et appelle Jésus. Il lui dit «Toi, tu es le roi des Juifs? Jésus lui répondit: Dis-tu ceci de toi-même, ou d’autres te l’ont-ils dit de moi? » (v. 33, 34). Si Pilate affirmait de lui-même que Jésus était roi, il aurait trouvé là une raison d’ordre politique à faire valoir dans son jugement, du moment que Jésus se serait élevé contre le pouvoir de Rome. Si d’autres le lui avaient dit, c’était la haine des Juifs qui le livrait entre ses mains, en faisant valoir un prétexte qui n’avait pas grande valeur aux yeux du gouverneur. Que Jésus se dît ou non roi des Juifs, le trône de César ne courait aucun danger. Pilate répond à Jésus: «Suis-je Juif, moi? Ta nation et les principaux sacrificateurs t’ont livré à moi; qu’as-tu fait? » (v. 35). Pilate pose à Jésus la même question que Dieu adressa à Caïn. En Luc, un des brigands donne la réponse: «Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire». Cette question donne lieu à la «belle confession» dont Paul parle en 1 Timothée 6:13. Jésus répond à Pilate: «Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu, afin que je ne fusse pas livré aux Juifs; mais maintenant mon royaume n’est pas d’ici. Pilate donc lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le dis que moi je suis roi. Moi, je suis né pour ceci, et c’est pour ceci que je suis venu dans le monde, afin de rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité, écoute ma voix» (v. 36, 37). En effet Jésus était roi, mais d’un royaume qui n’était pas de ce monde. Un jour il l’établira et ceux qui l’auront reconnu comme roi combattront selon Michée 4:13, Zacharie 12:6 et d’autres passages des prophètes. «Mais, maintenant», dit Jésus, «mon royaume n’est pas de ce monde». Ce n’est pas un royaume terrestre; cependant, plus tard, il l’établira sur la terre. Le royaume de Jésus est céleste et universel. Cette réponse fait pressentir à Pilate que Jésus est roi, non des Juifs seulement, mais d’un autre royaume. En effet, il était né non seulement pour être roi, mais pour rendre témoignage à la vérité dont la royauté faisait partie. Pilate demande: «Qu’est-ce que la vérité? » Le monde est sous la puissance de Satan le père du mensonge; le péché a tout dénaturé. L’homme séparé de Dieu se meut dans l’erreur et les ténèbres. Dieu ayant été exclu, le jugement de l’homme est perverti. C’est dans cet état de choses que vint Jésus; Dieu manifesté en chair, expression de la vérité, mettant tout en évidence. Il est la vérité (Jean 14:6); la Parole est la vérité (Jean 17:17); l’Esprit est la vérité (1 Jean 5:6). Pilate n’attendit pas la réponse du Seigneur. Aujourd’hui encore la même question se pose au sein de la chrétienté: «Qu’est-ce que la vérité? » Mais peu attendent la réponse divine; on s’en détourne plutôt, on met en doute que la vérité existe; on suit l’opinion de celui-ci ou de celui-là, quitte à l’abandonner pour une autre qui plaît mieux, mais rarement pour la vérité, car elle juge l’homme et ses pensées.

On peut remarquer que Jésus s’entretient avec Pilate, tandis qu’il ne répond pas au souverain sacrificateur; Pilate était en dehors du cercle juif dans lequel le Seigneur a accompli son ministère. Les chefs des Juifs étaient censés connaître son enseignement. Ils portaient une responsabilité que le gouverneur romain n’avait pas. Pilate sort encore vers les Juifs et leur dit: «Moi, je ne trouve aucun crime en lui; mais vous avez une coutume, que je vous relâche quelqu’un à la Pâque; voulez-vous donc que je vous relâche le roi des Juifs? Ils s’écrièrent donc tous encore, disant: Non pas celui-ci, mais Barabbas. Or, Barabbas était un brigand» (v. 39, 40). On voit Pilate fort embarrassé en présence d’un tel accusé; on comprend l’effet produit sur sa conscience naturelle quand il entendit pour la première fois les paroles de l’homme divin, dont il éprouvait la supériorité, incompréhensible pour lui. La vérité s’imposait à sa conscience et le mettait mal à l’aise. Il cherche à la soulager, mais non à l’éclairer, en remettant aux Juifs la responsabilité de la condamnation de Jésus ou de sa libération. Il croit profiter d’une coutume qui le sortirait d’embarras, mais se heurte à la haine des conducteurs du peuple et à leur volonté bien arrêtée de faire mourir Jésus. Ils demandent l’élargissement du brigand Barabbas (nom qui signifie: fils de son père), afin de pouvoir mettre à mort le Fils de Dieu. Quoi d’étonnant si les Juifs et le monde subissent dès lors les conséquences d’avoir préféré un brigand au Fils de Dieu?

Derrière la scène, comme nous l’avons déjà remarqué, la main de Dieu dirigeait chaque détail en vue de l’accomplissement de ses conseils éternels. Il laissa se développer jusqu’à son point culminant la haine de l’homme contre lui-même, contre son Fils, car les hommes, Juifs et gentils, sont les auteurs responsables de la mort du Seigneur. Mais si Dieu permet que la méchanceté de l’homme arrive à son apogée, c’est afin de faire ressortir à ce moment-là son amour infini. À la croix, l’amour de Dieu triompha pour le salut du pécheur, quand le péché atteignit sa mesure parfaite. C’est là que «la justice et la paix se sont entre-baisées» (Ps. 85:11). Mais jusqu’au jour où le Fils de l’homme prendra en main sa grande puissance pour faire régner la justice et la paix, les Juifs et le monde porteront les conséquences de leur crime.